Reforming the Public Sector: What about the Citizens?



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EGPA ANNUAL CONFERENCE, BERN, 31 AUGUST-3 SEPTEMBER 2005, SWITZERLAND Reforming the Public Sector: What about the Citizens? STUDY GROUP 3 & 7 L'IDENTITE DES AGENTS PUBLICS A LA CROISEE DES CHEMINS: DE NOUVEAUX DEFIS POUR LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES. PROF. DR DANIEL J. CARON, ÉCOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION PUBLIQUE, QUÉBEC, CANADA PROF. DR DAVID GIAUQUE, HAUTE ÉCOLE VALAISANNE, UNITÉ "PUBLIC MANAGEMENT", SIERRE, SUISSE Résumé : Le Canada et la Suisse sont deux pays qui ont initié des réformes de type nouvelle gestion publique. Les stratégies employées sont bien évidemment différentes, eu égard aux institutions politiques respectives. Nous pouvons néanmoins identifié un point commun : l émergence de nouvelles problématiques éthiques liées aux changements en cours. Dans cette communication, nous présentons la nature des réformes entreprises au Canada et en Suisse tout en soulignant les nouveaux défis en termes éthique que ces dernières impliquent. Nous exposant ensuite les solutions qui ont été envisagées par les deux pays pour faire face à ces nouveaux défis éthiques. Sur la base de ces développements, nous constatons que la régulation des comportements individuels et collectifs des agents publics canadiens et suisses s effectue sur la base de «contrôles externes» (codes éthiques ; déontologie), mais également de plus en plus sur la base d une socialisation par des valeurs professionnelles nouvelles (qualité du service à la clientèle ; flexibilité ; innovation ; créativité ; efficience ; efficacité ; etc.). Nous soulignons que ces contrôles externes et que ces nouvelles valeurs sont aujourd hui insuffisants pour permettre aux agents publics de développer leurs propres facultés de délibération éthique, condition incontournable pour développer l éthique dans les administrations publiques modernisées. Introduction Les employés du secteur public se trouvent aujourd'hui confrontés à de nouveaux défis professionnels qui sont en relation avec l'introduction de nouveaux principes et outils inspirés de la mouvance de Nouvelle Gestion Publique (NGP). Même s'il existe différents modèles composant cette dynamique de NGP, un grand nombre de principes communs est identifiable dans les différents pays, notamment ceux de l'ocde, qui ont entamé des réformes administratives. La philosophie encadrant ces transformations EGPA Annual Conference, Bern, 31 August-3 September 2005 1

managériales est largement inspirée par des considérations économiques. Ainsi, une logique de marché s instaure peu à peu dans le fonctionnement et la régulation des unités ou services administratifs (Varone et Visscher, 2004 ). Conçus pour répondre aux critiques concernant la prétendue, et parfois avérée, inefficacité et inefficience des organisations publiques, les principes et outils de la NGP tentent d'insuffler un nouvel "esprit d'entreprise" dans le champ de l'administration publique sur la base, entre autres, des théories économiques de l organisation. De nouvelles valeurs apparaissent donc et constituent des critères à l'aune desquels les employés publics sont aujourd'hui évalués: productivité; efficience; goût du risque et de l'initiative; travail par objectifs; autonomie; responsabilité. Ces nouvelles valeurs amènent les agents publics à être confrontés à des conflits de valeurs. Ces derniers peuvent déboucher sur des paradoxes susceptibles de remettre en cause l'identité professionnelle des salariés publics, voire leurs capacités de délibération éthique et critique. À terme, l'accent sur les performances individuelles et collectives et les nouvelles valeurs professionnelles qui y sont liées et qui forment la nouvelle "éthique de résultat" (de Gaulejac, 2005) peuvent amener les agents publics à prendre des décisions et à agir de manière opportuniste et intéressée en totale contradiction avec les valeurs propres à l'éthique publique traditionnelle de type «wébérien». Mais surtout, ces valeurs pourraient mener à des décisions qui peu à peu effriteront, aux yeux des citoyens, la caractéristique fondamentale de l action publique soit la défense de l intérêt public. Pour atténuer ce qui pourrait être considéré comme un possible effet pervers de la NGP, deux conditions minimales à la mise en œuvre nous apparaissent désormais nécessaire. Premièrement, il faut reconnaître l existence et l importance clé des autorités invisibles dont les conventions et la morale font partie - comme une donnée essentielle à l efficacité organisationnelle (Arrow, 1974). Deuxièmement, il faut assurer un équilibre en cherchant l optimum- entre régulation et autorégulation. En cela, nous sommes contraints par les dépendances liant responsabilité et autorité et les possibilités de substitution entre les deux (Arrow, 1974). Sur la base d'une comparaison Suisse-Canada, nous résumons dans un premier temps la manière dont ces deux pays ont mis en œuvre des réformes administratives en vue d'atteindre une plus grande efficience et efficacité organisationnelles. Suite de quoi, nous nous interrogeons sur les nouvelles valeurs professionnelles qui émergent à la suite de l'introduction des nouveaux principes et outils de NGP. Nous identifions un certain nombre de problématiques éthiques nouvelles auxquelles les agents publics suisses et canadiens sont soumis. Nous voyons également la manière dont ces deux pays ont tenté de répondre à ces nouvelles problématiques éthiques et soulignons, à cette occasion, quelques-unes de leurs insuffisances. Finalement, nous proposons un certain nombre de pistes pour tenter de concilier "éthique de résultat" et éthique publique traditionnelle afin de sortir des impasses dans lesquelles se trouvent aujourd'hui les salariés publics. Il s'agira, ni plus ni moins, d'évoquer la nécessité de refonder l'identité EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 2

professionnelle des agents publics pour assurer une régulation de leurs comportements sur la base de valeurs qui leur permettent de réaliser une délibération éthique et critique de leurs actes et décisions en vue d'assurer l'intérêt général, le bien public. Les réformes canadiennes et suisses et leurs principales caractéristiques Les réformes La fonction publique canadienne a suivi le mouvement de modernisation des administrations publiques occidentales et mis en place plusieurs mesures de type NMP. Les principales initiatives ont été liées à la revue des programmes et aux restrictions budgétaires, la mise en place de modes alternatifs de prestations de services et la transformation des valeurs et des systèmes administratifs. Le succès de ces initiatives a été variable (Giauque et Caron, 2004). Premièrement, la montée du leadership moderne dans l administration fédérale représente les premiers aperçus notables où l effort consenti par la gestion devait être davantage issu d une recherche de résultats que d un respect absolu des règles. Ici, les gestionnaires ont commencé à être appelés à mettre plus à profit leurs connaissances du secteur et leur capacité d analyse dans la prise de décisions en fonction des résultats souhaités. Les initiatives comme Fonction publique 2000 et La Relève reflètent bien ce désir. Deuxièmement, les modes alternatifs de prestations ont mené à diverses réformes plus ou moins importantes mais allant dans certains cas jusqu à la création d'agences au statut juridique différent de celui des ministères (Zussman, 2002; Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2005). Ces réformes prennent pour noms : guichet unique, services électroniques, colocalisation, agences de services spéciaux, organismes de services prévus par la Loi, organismes de services ministériels et partenariats (Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2003). Troisièmement, la gestion moderne est quant à elle une initiative de réforme de la gestion visant à renforcer les capacités actuelles des administrateurs pour que ceux-ci prennent de meilleures décisions. La logique de service aux citoyens commence à apparaître clairement. De meilleures pratiques internes devraient permettre de meilleures décisions, de meilleurs services, l atteinte de résultats et, en bout de ligne, une meilleure réponse aux besoins des canadiens. Quatrièmement, La Loi sur la modernisation de la fonction publique (LMFP) arrive avec une panoplie de changements majeurs lesquels embrassent tous les aspects du fonctionnement de l administration avec un accent très présent en ce qui a trait aux ressources humaines (Secrétariat du Conseil du Trésor, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, 2005).. La conséquence immédiate de ces réformes est une prise de décision plus audacieuse de la part des gestionnaires. La cueillette des meilleures pratiques, leur diffusion et leur célébration aident à établir de nouveaux critères dans la prise de décisions. L importance donnée aux aspects plus EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 3

novateurs de la tâche de gestion est accompagnée d un déclin important de l attention donnée aux questions plus traditionnelles comme la rectitude financière et le respect des politiques et règlements. Ces derniers seront euxmêmes l objet de révision importante et seront allégés de leur contenu pour fournir un encadrement de type aiguillage général plutôt que prescriptif. Un des éléments les plus importants de ces réformes est lié à la flexibilité accrue au niveau de la gestion des ressources humaines (Zussman, 2002). Les règles et procédures étant devenues plus flexibles, on verra poindre la nécessité de redéfinir les contours du fonctionnement et de la compréhension qu en ont les agents politiques et administratifs. La LMPF allégera le fonctionnement de l administration mais pour ce faire requerra une autorégulation des comportements jamais vue auparavant et dont le succès repose sur les capacités de former et de socialiser les gestionnaires à cette nouvelle réalité d autonomie dans le respect des valeurs traditionnelles. Dans tous les cas, ces initiatives accroissent le pouvoir décisionnel des administrateurs. De là l importance de revoir les critères et le système de gestion des valeurs et de l éthique. Car le cadre de gestion de l éthique était jusqu ici ancré fermement dans les conventions constitutionnelles du pays (Kernaghan, 2000). La prise de décision se faisait donc dans cet esprit et ses racines en étaient relativement claires. La nature des réformes entreprises au sein de l'administration fédérale suisse se présente principalement sous les traits d'une orientation "management" en vue d'augmenter l'efficience des services administratifs. Ajoutons, à cette volonté d'appliquer des réformes de management, des démarches récentes visant à modifier les règles régissant le statut des fonctionnaires fédéraux. Les raisons des changements administratifs sont très souvent multiples et sont parfois difficiles à identifier. Quoi qu'il en soit, celles-ci sont la plupart du temps: l'évolution des tâches publiques (complexification), la crise des finances étatiques, les nouvelles technologies de l'information, la renaissance des idées et axiomes propres au libéralisme économique, ainsi que les attentes différentes des citoyens-usagers à l'égard des services publics, etc. En 1985, la Commission des finances du Conseil des Etats a proposé l'application de nouvelles mesures regroupées sous le pseudonyme d'effi signifiant "augmentation de l'efficacité dans l'administration fédérale". En 1986, le Conseil fédéral lance un deuxième projet susceptible d'apporter des solutions pour rationaliser les activités interdépartementales. Il s'agit du projet nommé EFFI-QM-BV dont l'objectif principal est d'identifier des mesures de rationalisation qui touchent des activités et travaux réalisés dans plusieurs départements. Néanmoins, ce projet se heurte rapidement à d'importantes difficultés, notamment du fait de son caractère interdépartemental et du manque de volonté politique à le soutenir. L'échec du projet EFFI-QM-BV pousse les parlementaires à réclamer des efforts supplémentaires en matière de réformes administratives au Conseil fédéral. En 1993, le Parlement concocte la Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration qui a pour objectif de créer les bases juridiques nécessaires à la mise en œuvre de la première phase de la réforme - soit la réforme du gouvernement et de l'administration (RGA) - et doit remplacer la Loi sur l'organisation de l'administration (LOA) de 1978. Après un refus populaire, le Conseil fédéral revoit sa copie et soumet au Parlement un message révisé. Le Parlement EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 4

adopte la nouvelle loi le 12 mars 1997. Les quatre grands objectifs contenus dans la LOGA sont: accroître l'efficacité, viser la rentabilité, faire des économies et optimaliser la gestion et les structures. La gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire (GMEB) est rendue possible dès l entrée en vigueur de la LOGA le 1 er octobre 1997. Les réformes qui s en suivent visent les objectifs suivants : flexibilité accrue, responsabilisation, nouvelle culture d entreprise, maîtrise des coûts de fonctionnement des services administratifs et décentralisation renforcée (Giauque et Caron, 2004). Quelques conséquences Au Canada, nous pouvons faire état d un certain nombre de constatations basées sur des comportements observés récemment (Caron et Giauque). Nous en avons retenu cinq. Premièrement, nous avons observé que les frontières qui séparent traditionnellement le monde des décisions politiques de celui des décisions administratives ont été outrepassées. Ceci est vrai tant dans un sens que dans l autre. C est-à-dire que certains administrateurs prennent des décisions politiques et certains politiciens prennent des décisions de nature administrative. Deuxièmement, les règles de respect de l anonymat et de la neutralité dans la provision de conseils entre administrateurs et politiciens ont été brisées à plusieurs reprises. Les uns et les autres se sont mutuellement blâmés sur la place publique. Troisièmement, les mécanismes de contrôle ont été insuffisants ou n ont pas fonctionné. Quatrièmement, il semble y avoir une lacune dans la compréhension des valeurs et de l éthique tant au niveau administratif que politique. Cinquièmement, les conflits de valeurs deviennent de plus en plus réels et les difficultés d interprétation commencent à surgir (Gomery, 2005). En Suisse, des observations plus microsociologiques ont été amassées. Nous avons retenu quatre des principales constatations. Premièrement, il y a politisation accrue des chefs de service et opérationnalisation de certains parlementaires. Deuxièmement, on observe le développement de l égoïsme institutionnel et une moindre capacité de coordination des activités étatiques. Troisièmement, nous assistons à une perte de sens de la mesure. A force de quantifier et de mesurer, les différents acteurs du système politicoadministratif perdent de vue le sens de ces évaluations et de ces mesures. Quatrièmement, le «chacun pour soi» est une attitude qui tend à se développer dans le cadre de l administration fédérale. Il y a émergence d une culture de la peur et du retrait qui prétérite le bon fonctionnement administratif et qui met en danger l éthique du bien commun. Synthèse Nous tirons trois conclusions de ces réformes. D abord, nous pouvons schématiser ces réformes autour de trois catégories d objectifs : EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 5

Amélioration (maximisation) de l efficacité des interventions publiques; Amélioration (maximisation) de l efficience (incluant la satisfaction des usagers ); et, Réduction (optimisation) de la place de l État dans la prestation directe de services. Ces trois objectifs sont différents mais menés de front à travers plusieurs des initiatives canadiennes et suisses. Le discours et les efforts déployés autour des questions d efficacité ne sont pas nouvelles et sont en cela l objectif le moins controversé et qui paraît souvent le moins contesté. Cependant, ce qui change ici en regard des efforts antérieurs sont les manières d accroître cette efficacité. En effet, la clé du succès porte maintenant sur l agent public à travers son initiative, sa flexibilité et son goût du risque pour mettre au jour de nouvelles manières d accroître cette efficacité. L amélioration de l efficience est davantage questionnée car elle touche directement aux effectifs et aux processus de travail. L introduction de la notion de satisfaction des clients (usagers) place les agents publics au cœur d une nouvelle logique où les valeurs peuvent devenir conflictuelles : résultats en terme de satisfaction des citoyens (Erin, 2004) et équité et intérêt public. Enfin, l optimisation de la place de l État dans la prestation directe de services aux citoyens vise à rééquilibrer une place de l État souvent considéré comme trop grande et suivant la logique du bornage du secteur public (Hayek, 1979). Ensuite, en ce qui a trait aux approches utilisées et souvent maladroitement qualifiées globalement de privatisation, nous pouvons résumer les observations faites dans les deux pays autour de cinq grandes caractéristiques : Les initiatives portent généralement sur la déconstruction du modèle bureaucratique traditionnel en vue de reconstruire suivant les critères proches de ceux promus par la NGP; Les initiatives se font beaucoup à partir des possibilités informatiques (régulation automatisée) comme nouveau vecteur d assurance dans l équité de traitement (le passage d une régulation écrite à une régulation robotisée); Les initiatives des logiques de travail qui font appel à de nouvelles valeurs; Il y a des manques/faiblesses au niveau de véritables éléments stratégiques et organisationnels dans la planification et la mise en œuvre des initiatives; et, Il y a peu ou pas d investissements ex ante/en continu dans la préparation des ressources humaines. Enfin, ce qui est moins explicite dans les initiatives mais demeure en filigrane est le fait que ces objectifs et approches doivent permettre de défendre le maintien d une société démocratique en favorisant la cohésion sociale ainsi que le respect et l intérêt des citoyens pour les institutions. Donc, l identité des agents publics est au cœur du débat même si cet aspect est fréquemment occulté. C est principalement cet aspect qui inquiète. C est-à-dire qu il semble EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 6

y avoir une sorte de sous-entendu que les agents publics vont poursuivre un but commun la défense de l intérêt public - et ce, d eux-mêmes, en même temps que la logique des résultats les incite à s intéresser davantage à des objectifs personnels, plus égoïstes. Dans ces conditions, la question essentielle qui doit être posée est comment se forme et se formera à l avenir l identité des agents publics? Nouvelles valeurs, identité et éthique des résultats. Premièrement, il faut rappeler que l efficacité, dans le modèle wébérien, est mesurée à l aune du succès de l application de valeurs communes, de l équité dans le traitement des citoyens, etc. C est la promotion et la défense du bien public qui prime. Deuxièmement, dans cette dynamique, l individu est le vecteur de transmission d une éthique de l intérêt public. Ce sont ses comportements et ses décisions qui sont les processus de production du bien public et mènent aux résultats. Ces processus étant encadrés par une réglementation codification, ils permettent habituellement de prévoir les résultats et de juger de leur justesse. Troisièmement, avec la NGP, tout semble montrer que nous cherchons à transformer les orientations de ce vecteur afin d assurer davantage de résultats. Les nouvelles valeurs requises, qui sont porteuses d'un renouveau en termes d'emploi public, ont tendance à constituer, de façon souvent informelle et implicite, une nouvelle éthique publique que l'on peut nommer "éthique de résultat". Autrement dit, ces valeurs dites «professionnelles» occupent aujourd'hui une place importante pour juger de la "justesse" des comportements des salariés publics. Or, les résultats sont rarement définis en termes d intérêt public comme but commun. Ces derniers sont amenés à juger de la conformité de leurs actions sur la base de nouvelles normes de travail, ce d'autant plus que les principes et outils de la NGP favorisent le développement d'une plus grande allégeance des agents publics à l'organisation à laquelle ils appartiennent. Comme les salariés publics sont évalués de plus en plus sur la base de leurs performances individuelles et qu'ils sont susceptibles d'être récompensés ou sanctionnés par leur organisation leur dépendance vis-à-vis de leur unité ou service administratif devient extrêmement importante. Mais peut-on vraiment parler d éthique de résultats sans qualifier ce que sont ces résultats attendus? Car, à mots couverts, tous savent que l intervention de l État est requise sous certaines conditions et que ces conditions dictent une éthique des comportements qui lui est singulière. S il n est pas nécessairement faux de croire que certaines activités assumées par le secteur public devraient retourner au secteur privé, il est plus risqué de poser que les valeurs du secteur privé puissent se transposer intégralement dans le secteur public, les notions d efficacité dans les deux cas étant différentes. L éthique s appuyant tout entière sur la conscience et le dialogue critique (Durand, 2004), les valeurs éthiques traditionnelles et propres au modèle administratif "wébérien" ont de plus en plus de peine à encadrer et réguler les comportements individuels et collectifs. Ceci parce que la caractéristique majeure de "l'éthique publique" traditionnelle est son aspect procédural et EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 7

réglementaire. Cette éthique a pour objectif de fournir des règles et normes qui soient capables de réguler le travail administratif et assurer une certaine égalité de traitement, une impartialité dans la gestion des dossiers, etc. Cependant, "l'éthique de résultat", précédemment évoquée et caractéristique de la mouvance de NGP fait précéder le résultat sur les normes administratives qui avaient pour but la défense de l intérêt public. Il s agit de voir à préserver le rôle de l employé public comme vecteur de la défense et de la perpétuation de la démocratie et de l intérêt public. Par son travail et son identité, le travailleur du secteur public a un rôle particulier et différent du travailleur de l entreprise privé. Nous ne croyons pas que les employés publics soient plus ou moins ceci ou cela que ceux du secteur privé, tous deux sont d abord des êtres humains. Mais le rôle demandé au travailleur du public requiert une identité particulière pour bien s en affranchir. Et c est là une question cruciale. Comment dans les bouleversements qui mènent de plus en plus à une culture gestionnaire peuvent permettre de maintenir les acquis et assurer la pérennité de l État à travers son principal vecteur que sont les employés de l État? Sans juger de l importance des questions liées aux choix découlant de la NGP comme mode de fonctionnement, nous voulons susciter une série de questions sur la possibilité de rendre aux citoyens le rôle de protecteur de l intérêt collectif à travers l identité des employés de l État. Cet enjeu nous amène à poser la question essentielle du dosage entre autorégulation et régulation. Régulation et autorégulation : les investissements requis et les équilibres recherchés À la lumière de nos recherches, les administrations publiques ne semblent pas s être intéressées suffisamment à plusieurs aspects découlant de ces transformations. Les solutions proposées par la Confédération suisse en matière d éthique correspondent principalement à la mise en place de codes de comportement. Les contrôles sont réalisés de façon externe. Les directives en matière de GRH, de même que le code de comportement, développent une vision «dé responsabilisante», les fonctionnaires étant soulagés de la nécessaire étape de délibération éthique qui doit accompagner leurs actes administratifs respectifs. Le but est de normaliser les comportements mais non pas aider ces derniers à développer leur capacité de délibération éthique. Autrement dit, alors que les réformes sont orientées vers la responsabilisation individuelle, l imputabilité des fonctionnaires, la flexibilité, la performance, l efficacité et l efficience organisationnelles, alors même que de nouveaux problèmes éthiques sont en train d émerger, la démarche en termes d éthique semble rester à l identique, ne pas évoluer avec le mouvement des réformes en cours et des problèmes y relatifs. Bien plus, les employés de la Confédération semblent se trouver face à un dilemme difficile, voire inextricable : répondre aux exigences externes en matière d éthique tout en développant les valeurs managériales que l on attend d eux au sein de leur unité administrative : EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 8

performance, initiative personnelle, flexibilité, efficacité et efficience. Or, les valeurs managériales défendues par les unités administratives ne peuvent être confondues avec des valeurs morales. Du côté canadien, il n est pas clair que les valeurs et l éthique tels que définis dans les outils développés jusqu ici soient clairement ancrées dans un cadre dont la légitimité puisse servir à encadrer et interpréter les comportements des agents publics. En réalité la légitimité semble provenir de sources hybride conventions constitutionnelles, principes de gouvernance partagée et NMP. Cet état de fait pose des difficultés d encadrement des comportements et de leur interprétation. Les valeurs ne peuvent être transmises facilement si les agents ne sont pas en mesure d en identifier la provenance et ainsi de pouvoir s y rattacher. Aussi, il ne semble pas y avoir un effort suffisant pour permettre la transmission des valeurs et plus justement assurer une certaine socialisation à la notion de bien public. Agents publics et politiciens viennent d horizon de plus en plus divers. Dans un cadre de gestion davantage flexible et individualiste, ceci nécessite la mise en place de mécanismes permanents et importants de formation et de socialisation. De plus, comme les racines fondatrices du cadre de gestion de l éthique ne sont pas nécessairement claires et comportent des sources de légitimité qui peuvent porter à confusion, il est d autant plus important d avoir des dialogues permanents sur le sens à donner aux comportements. Enfin, les valeurs énoncées sont extrêmement nombreuses et favorisent la création de tensions et de conflits d interprétation. Il nous semble que cela pourrait, entre autres, détourner l attention première qui devrait porter sur la notion de bien public (Caron et Giauque, 2005). Deux questions doivent être posées ici. Premièrement, jusqu où peut-on décodifier? Deuxièmement, dans cette mouvance, quelle est la condition minimale qui doit être remplie pour assurer une fonction publique éthique? La NGP fait appel à l initiative, l entrepreneurship et des valeurs personnelles de cette nature pour favoriser une plus grande productivité et une amélioration des résultats atteints. Pour y parvenir, il est proposé de repenser la codification administrative en vue de l éliminer ou à tout le moins de «l alléger». Nous savons que le modèle wébérien fait appel à une codification complexe en vue de garantir un niveau donné de comportements éthiques. Cette codification, son maintien, son développement et son application représentent généralement des coûts importants. Ces coûts sont connus comme des coûts comptables ou des rigidités «red tape». Or ce sont ces codifications qui, à travers le vecteur humain, ont permis de préserver des valeurs communes et dans une certaine mesure d assurer la promotion de l intérêt public comme le traitement équitable entre citoyens. D un autre côté, la NGP fait la promotion d une codification minimale pour ne pas dire inexistante lorsque possible. En même temps, la NGP est fondée sur l atteinte des résultats. Ces résultats ne sont d ailleurs pas présentés en termes de bien public mais de performances individuelles. La question que pose la transition d un modèle de codification complexe à un modèle de codification simple est la suivante (voir graphique 1). EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 9

Étant donné que pour une niveau effectif donné d application de valeurs communes et de comportements éthiques : plus la codification est simple, plus les investissements requis en formation pour assurer l autorégulation des agents publics sont massifs et moins les coûts liés à la codification sont importants (voir la courbe (A)); et, plus la codification est élevée, plus les investissements requis pour assurer le développement, le maintien et l application des codes sont élevés alors que les coûts pour la formation son moindre (voir la courbe (B)). Quel est le niveau optimal de codification administrative qui permettrait de minimiser les investissements requis tout en assurant le maintien d une identité des agents publics de manière à conserver l efficacité du système, soit l intérêt du public? Le graphique 1 nous indique que la combinaison optimale pour un niveau effectif donné d application de valeurs communes et de comportements éthiques se trouve au point C. C est à ce point que les coûts sont minimisés et qu il y a équilibre en codification et autorégulation. GRAPHIQUE 1 Modèle d optimisation des modes de régulation des comportements en vue d une fonction publique éthique COÛTS DE LA RÉGULATION DES COMPORTEMENTS POUR UN NIVEAU EFFECTIF DONNÉ D APPLICATION DE VALEURS COMMUNES ET DE COMPORTEMENTS ÉTHIQUES N : niveau optimal de codification administrative C : COÛTS TOTAUX DE LA RÉGULATION DES COMPORTEMENTS A : COÛTS LIÉS À LA FORMATION POUR L AUTORÉGULATION DES COMPORTEMENTS B : COÛTS LIÉS À LA CODIFICATION ADMINISTRATIVE POUR LA RÉGULATION DES COMPORTEMENTS CODIFICATION SIMPLE: MODÈLE DE LA NGP Codification administrative réelle CODIFICATION COMPLEXE: MODÈLE WÉBÉRIEN EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 10

Trois conséquences découlent de cette modélisation. Premièrement, si nous sommes d accord pour dire que l efficacité d un système public se mesure en partie sur la base de la promotion et du respect du bien public, les comportements éthiques et les valeurs communes sont des nécessités et le vecteur de transmission ne peut être que l humain personnifié dans l agent public. Deuxièmement, l importance des valeurs morales et des «autorité invisibles» dans l organisation de l entreprise et de son fonctionnement comme une condition d efficacité requiert des efforts de socialisation et donc des investissements dans la formation des individus. Troisièmement, les promoteurs de la NGP doivent inscrire leurs transformations dans le respect d un équilibre entre un minimum de codification et un minimum de formation. Comme nous l avons vu, ces aspects et particulièrement la formation sont peu ou pas présents dans les réformes étudiées. CONCLUSIONS Contrairement aux croyances usuelles, il apparaît clairement que les administrations publiques ne pourront se satisfaire d une pure déréglementation ou d une déréglementation trop massive. Le modèle présenté montre clairement qu il y a un équilibre à définir pour assurer un niveau effectif de valeurs communes et de comportements éthiques. Aussi, les recherches effectuées depuis deux ans montrent nettement que les investissements en formation ou accompagnement sont insuffisants pour garantir une transition saine et efficace. Il revient aux administrations publiques d assurer les conditions qui favoriseront la mise en place de réformes qui respectent le rôle qui leur est dévolu dans l intérêt du public. Comme le soulignait G. Durand ( ) L avenir de l humanité ( ) repose sur l éthique, c est-à-dire sur la capacité des êtres humains d agir de façon responsable, afin de contribuer à la promotion des personnes et à la construction d une cité( ) (Durand, 2004). Il faut reconnaître davantage le rôle de l agent public comme vecteur de transmission de l intérêt public dans les décisions gouvernementales et la nécessité d investir massivement dans sa formation vu l élimination progressive de la codification administrative. Nous suggérons que ces investissements en formation doivent se faire dans le cadre d une approche tripartite : agents publics, mandat organisationnel et communauté/société. Les administrations doivent travailler autour de la clarification des missions organisationnelles et des valeurs qui les soustendent de façon collective. Dans cette réflexion, elles doivent introduire les valeurs professionnelles au sens identitaire- amenées par les agents publics ainsi que les valeurs fondamentales de la communauté ou de la société - pour se mettre d accord sur une définition de l intérêt général. EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 11

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BIOGRAPHIES DES AUTEURS: Daniel J. Caron, économiste et docteur en sciences humaines, est professeur à l Ecole Nationale d Administration Publique (ENAP) à Gatineau. Il est également cadre supérieur au sein de la fonction publique fédérale canadienne (djc@videotron.ca). Ses responsabilités sont liées au fonctionnement organisationnel dont les ressources humaines, les finances, la gestion de l information, la vérification et l évaluation. David Giauque, politologue et docteur en administration publique, est professeur de ressources humaines et de management public à la Haute Ecole Valaisanne (HEVs), Institut Economie & Tourisme, unité «public management» (david.giauque@hevs.ch) EGPA Annual Conference, Bern, 31 August 3 September 2005 15