Interféron : Adios, Amigo!

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Transcription:

Éditorial Interféron : Adios, Amigo! Interferon, adios amigo! Jean-Michel Pawlotsky H^opital Henri Mondor, service de virologie, bacteriologie-hygiene, mycologie-parasitologie, Centre national de reference des hepatites virales B, C et Delta, INSERM U955, Universite Paris-Est, 51 avenue du Marechal de Lattre de Tassigny, 94010 Creteil, France e-mail : <jean-michel.pawlotsky@hmn. aphp.fr> L interferon alpha est la base du traitement de l hepatite chronique C depuis 1986 [1]. Ses proprietes antivirales non specifiques et modulatrices de l immunite ont ete evoquees pour justifier son utilisation dans cette maladie. Il est apparu recemment que l interferon alpha agissait en fait exclusivement en reduisant la production de virus dans les hepatocytes, gr^ace a l activation intracellulaire de genes codant pour des proteines dotees de proprietes antivirales. L amelioration des traitements fondes sur l interferon alpha a ete progressive. Le developpement d une forme pegylee retard a permis une exposition prolongee apres une injection hebdomadaire, optimisant l efficacite antivirale et le confort d administration. L introduction de la ribavirine a permis de consolider la reponse antivirale et d augmenter de maniere tres significative les taux de guerison de l infection [1]. Aujourd hui, le traitement des hepatites chroniques C par interferon alpha pegyle et ribavirine permet des taux de guerison des infections chroniques par le virus de l hepatite C (VHC) de l ordre de 50 %, tous genotypes confondus [2-4]. De nombreux parametres viraux et de l h^ote jouent un r^ole determinant dans la capacite des traitements fondes sur l interferon alpha a eliminer l infection [5]. L interféron alpha agit exclusivement en réduisant la production de virus dans les hépatocytes Recemment, deux nouvelles molecules, le telaprevir et le boceprevir, ont reçu une autorisation de mise sur le marche. Il s agit de deux inhibiteurs specifiques de la protease du VHC qui, utilises en combinaison avec l interferon alpha pegyle et avec la ribavirine, permettent d augmenter les taux de guerison de l infection par un VHC de genotype 1 de l ordre de 20 a 25 % par rapport a l interferon et ala ribavirine seuls [6-9]. En 2013, le traitement de l hepatite chronique C reste donc exclusivement fonde sur l utilisation de regimes a base d interferon alpha. En 2013, le traitement de l hépatite chronique C reste exclusivement fondé sur l utilisation de régimes à base d interféron alpha Ce traitement souffre cependant de nombreuses faiblesses. D abord, pour tous les malades infectes par un VHC de genotype autre que 1, le traitement reste fonde sur la combinaison d interferon alpha pegyle et de ribavirine. Ces sujets representent aujourd hui pres de 40 % des malades infectes par le VHC en France. Si les taux de reponse sont eleves pour les genotypes 2 et 3, ils restent modestes pour le genotype 4, dont l incidence et la prevalence sont en croissance constante en Europe occidentale, en particulier au sein des populations d usagers de drogues par voie veineuse. Chez les malades infectes par un VHC de genotype 1, Pour citer cet article : Pawlotsky JM. Interferon : Adios, Amigo!. Hepato Gastro 2013 ; 20 : 408-412. doi : 10.1684/hpg.2013.0887 doi: 10.1684/hpg.2013.0887 408 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

Editorial les taux de guerison de l infection sous triple therapie incluant un inhibiteur de protease restent suboptimaux, de l ordre de 65 a 75 % dans les essais therapeutiques, sans doute moins dans la vie reelle, en particulier au sein des groupes de malades les plus graves ou des malades n ayant pas repondu a un traitement anterieur par interferon pegyle et ribavirine. Une des raisons principales est que la reussite de ce traitement, fonde sur l utilisation d interferon alpha, depend tres largement de la capacite individuelle des malades traites, genetiquement programmee, a repondre a ce dernier [5]. Dans ces conditions, les mauvais repondeurs naturels a l interferon alpha ne peuvent esperer de guerison avec un traitement utilisant cette molecule. La réussite des traitements fondés sur l utilisation d interféron alpha dépend très largement de la capacité individuelle des malades traités, génétiquement programmée, à répondre à ce dernier L utilisation du telaprevir et du boceprevir est par ailleurs grevee de nombreux effets secondaires, qui s ajoutent a ceux de l interferon alpha et de la ribavirine et sont amplifies par ces molecules, dont certains peuvent ^etre severes, voire mortels. C est le cas des complications dermatologiques liees a l utilisation du telaprevir et de l anemie liee a l utilisation du telaprevir et du boceprevir, amplifiee par l utilisation concomitante de ribavirine [10]. Finalement, le telaprevir comme le boceprevir presentent de nombreuses interactions medicamenteuses qui compliquent ou limitent leur utilisation chez des malades souffrant souvent de comorbidites et recevant divers traitements associes ou chez les transplantes hepatiques [11]. Pour toutes ces raisons, l enthousiasme qui a accompagne l arrivee sur le marche des tritherapies est retombe et le developpement d alternatives credibles est attendu avec impatience. L enthousiasme qui a accompagné l arrivée sur le marché des trithérapies est retombé etledéveloppement d alternatives crédibles est attendu avec impatience Malheureusement pour l interferon, il est aujourd hui clair que la suite de l histoire se fera sans lui. La raison en est simple : l interferon agissant essentiellement comme un inhibiteur de la replication du VHC, il peut tres facilement ^etre remplace par d autres inhibiteurs, plus puissants, dont l action ne depend pas du terrain genetique du malade traite. De tels inhibiteurs existent aujourd hui et seront bient^ot presents sur le marche. Leur decouverte a ete facilitee par le developpement, au cours des 15 dernieres annees, de modeles du cycle viral ou de ses composantes qui ont permis d identifier des familles de molecules les inhibant de façon puissante, de comprendre leurs mecanismes d action et d optimiser les composes destines au developpement clinique [12]. Il existe aujourd hui deux cibles principales d action des inhibiteurs specifiques du VHC : la synthese des proteines virales et la replication. L interféron agissant essentiellement comme un inhibiteur de la réplication du VHC, il peut très facilement ^etre remplacé par d autres inhibiteurs, plus puissants, dont l action ne dépend pas du terrain génétique du malade traité 409 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

La maturation des proteines virales peut ^etre bloquee, apres synthese de la polyproteine precurseur, par les inhibiteurs de la protease du VHC. De nombreuses molecules appartiennent a cette famille, dont le telaprevir et le boceprevir, inhibiteurs de la premiere vague de la premiere generation. Les molecules de premiere generation de la deuxieme vague sont puissantes, ont une couverture genotypique variable qui n inclue jamais le genotype 3, et leur barriere contre la resistance est faible. Des molecules de deuxieme generation, qui possedent une meilleure couverture genotypique (efficacite complete sur les virus de genotypes 1, 2, 4, 5 et 6 et efficacite partielle sur le genotype 3) et une barriere contre la resistance amelioree, sont en developpement [12]. La replication virale, c est-a-dire la production de nouveaux genomes viraux, est la cible de plusieurs familles de molecules qui l inhibent par des mecanismes varies. Les analogues de nucleosides ou de nucleotides bloquent la synthese de la chaîne d ARN en etant incorpores en son sein par l ARN polymerase virale. Ils sont puissants, ont une activite pan-genotype et une barriere elevee contre la resistance. Les inhibiteurs non nucleosidiques de la polymerase virale bloquent son action en se fixant au niveau de sites allosteriques situes a sa surface. Cette fixation induit un changement conformationnel de la polymerase dont la fonction catalytique est alteree. La puissance antivirale de ces molecules est variable, mais certaines sont capables d inhiber profondement la replication. Elles sont le plus souvent specifiques du genotype 1, avec parfois une efficacite partielle sur d autres genotypes, et leur barriere contre la resistance est habituellement faible. La replication virale peut egalement ^etre bloquee par des inhibiteurs de la proteine NS5A, proteine virale jouant un r^ole de regulation de l activite catalytique de l ARN polymerase. Ces molecules sont tres puissantes et exercent leur activite inhibitrice sur tous les genotypes, avec cependant des efficacites antivirales qui peuvent varier d un genotype a l autre. Leur barriere contre la resistance est elevee, sauf pour le sous-type 1a. Des inhibiteurs de la proteine NS5A de deuxieme generation sont en developpement ; ils beneficient d une activite pan-genotype et d une barriere contre la resistance elevee quels que soient le genotype et le sous-type viral [12]. A c^ote des inhibiteurs de la replication virale qui bloquent l activite d une proteine du virus, des inhibiteurs ciblant une proteine de l h^ote impliquee dans la replication ont egalement ete developpes. C est le cas des inhibiteurs de cyclophilines. La cyclophiline A, proteine cellulaire presente dans les hepatocytes, interagit avec la polymerase virale et avec la proteine NS5A et cette interaction est indispensable a l etape de replication. Les inhibiteurs de cyclophilines, aujourd hui derives de la ciclosporine A mais denues d activite anticalcineurine immunosuppressive, inhibent puissamment la replication du VHC. Du fait de leur mecanisme d action qui cible la cellule h^ote et non le virus, ces molecules ont une activite pan-genotype et une barriere elevee contre la resistance. Un antagoniste du micro-arn 122 a egalement ete developpe. Cette molecule bloque la fixation du micro-arn 122, dont les hepatocytes sont riches, sur le genome viral, bloquant ainsi son action favorisante de la replication. L inconvenient de cette derniere famille de molecules est qu elle existe sous forme injectable uniquement [12]. On dispose donc aujourd hui d un ensemble de molecules puissantes qui, si elles sont combinees de façon intelligente, peuvent bloquer de façon durable la replication virale. Si la combinaison de molecules appartenant a des familles differentes, n ayant donc pas de resistance croisee, permet de maintenir ce blocage de la production virale pendant tout le traitement, la restauration des defenses immunitaires innees de la cellule qui en resulte permet l elimination progressive des genomes viraux residuels et, a terme, la guerison de l infection lorsque toutes les cellules infectees sont mortes ou gueries de l infection [13]. 410 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

Editorial Si la combinaison de molécules appartenant à des familles différentes, n ayant donc pas de résistance croisée, permet de maintenir ce blocage de la production virale pendant tout le traitement, la restauration des défenses immunitaires innées de la cellule permet l élimination progressive des génomes viraux résiduels et, à terme, la guérison de l infection Il existe aujourd hui deux grandes orientations pour le developpement d approches antivirales orales sans interferon. L une est fondee sur l utilisation d un analogue de nucleoside ou de nucleotide, utilise seul ou en combinaison avec un autre inhibiteur ayant une barriere contre la resistance plus faible (inhibiteur de protease, inhibiteur non-nucleosidique de la polymerase, ou inhibiteur de NS5A), avec ou sans ribavirine. L autre est fondee sur la combinaison de trois molecules antivirales puissantes dont la barriere individuelle contre la resistance n est pas forcement elevee (inhibiteur de protease, inhibiteur non-nucleosidique de la polymerase et inhibiteur de NS5A), avec ou sans ribavirine. Les premiers resultats presentes avec ces combinaisons sont spectaculaires. Des taux de guerison superieurs a 90 % ont ete rapportes chez des malades naïfs de tout traitement et chez des non-repondeurs a un premier traitement par interferon alpha pegyle et ribavirine au cours d essais de phase II ou III. Des durees de traitement de 12 a 16 semaines semblaient suffisantes, en tout cas en premiere ligne de traitement, tandis que la ribavirine semblait souvent utile pour ameliorer les resultats du traitement. Ces resultats, encore preliminaires, suffisent pour predire la disparition prochaine des traitements fondes sur l interferon alpha. Tres logiquement en effet, aucun medecin prescripteur, aucun malade n acceptera un traitement injectable greve d effets secondaires parfois severes administre 24a 48 semaines avec une esperance de succes de l ordre de 70 a 75 % au maximum si des traitements oraux administres 12 a 16 semaines permettent d entrevoir une guerison dans plus de 90 % des cas. Les premiers résultats des traitements oraux sans interféron combinaisons sont spectaculaires avec des taux de guérison supérieurs à 90 % pour des durées de traitement de 12 à 16 semaines Les traitements oraux sans interferon seront disponibles plus t^ot que prevu. Le premier analogue nucleotidique, le sofosbuvir, devrait ^etre disponible des 2014. Rien n emp^echera (en principe) de le combiner sans interferon, probablement avec la ribavirine, avec les inhibiteurs de protease deja presents sur le marche (telaprevir ou boceprevir) ou ceux qui les rejoindront bient^ot (simeprevir et faldaprevir), ou avec le daclatasvir, inhibiteur de NS5A en phase III de developpement. Ces approches seront completees par l arrivee progressive sur le marche de nombreuses autres molecules appartenant aux differentes familles et de nombreux resultats d etudes cliniques generes avec differents types de combinaisons. Des combinaisons plus elaborees seront rapidement developpees, en particulier celles fondees sur des comprimes contenant plusieurs molecules fabriquees par le m^eme laboratoire pharmaceutique, permettant ainsi de reduire le nombre de comprimes a avaler, en une seule prise matinale. Une nouvelle generation de molecules appartenant aux m^emes familles est a l etude. Ces medicaments, sans doute definitifs, corrigeront les faiblesses des molecules de premiere generation (puissance antivirale, couverture genotypique, barriere HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive 411

contre la resistance, effets secondaires, interactions medicamenteuses) et permettront de definir, sur la base des essais de l industrie mais aussi d essais de pratique clinique generes par des investigateurs independants, le schema ideal definitif de traitement de premiere, deuxieme et sans doute troisieme intention des hepatites chroniques C. Références 1. Pawlotsky JM. Therapy of hepatitis C: from empiricism to eradication. Hepatology 2006 ; 43 : S207-20. 2. Manns MP, McHutchison JG, Gordon SC, et al. Peginterferon alfa-2b plus ribavirin compared with interferon alfa-2b plus ribavirin for initial treatment of chronic hepatitis C: a randomised trial. Lancet 2001 ; 358 : 958-65. 3. Fried MW, Shiffman ML, Reddy KR, et al. Peginterferon alfa-2a plus ribavirin for chronic hepatitis C virus infection. NEnglJMed2002 ; 347 : 975-82. 4. Hadziyannis SJ, Sette H Jr, Morgan TR, et al. Peginterferon-alpha2a and ribavirin combination therapy in chronic hepatitis C: a randomized study of treatment duration and ribavirin dose. Ann Intern Med 2004 ; 140 : 346-55. 5. Afdhal NH, McHutchison JG, Zeuzem S, et al. Hepatitis C pharmacogenetics: State of the art in 2010. Hepatology 2011 ; 53 : 336-45. 6. Bacon BR, Gordon SC, Lawitz E, et al. Boceprevir for previously treated chronic HCV genotype 1 infection. N Engl J Med 2011 ; 364 : 1207-17. Les traitements oraux sans interféron seront disponibles plus tôt que prévu En attendant, des reponses doivent ^etre rapidement apportees aux questions liees a l arrivee des nouvelles therapeutiques sans interferon : Quelle sont les combinaisons ideales de premiere intention? Quelle doit ^etre, pour chaque type de malade, la duree ideale de traitement? Comment gerer les effets secondaires de ces medicaments (apparemment bien toleres en general, au moins dans les essais therapeutiques)? Comment gerer les interactions medicamenteuses? Ce point risque d ^etre le plus epineux si l on pense a la mise en place de traitements fondes sur l utilisation de deux a quatre nouvelles molecules aux proprietes variees chez des malades deja souvent polymedicamentes. Ce travail d investigation est celui qui accompagne naturellement le developpement de nouvelles approches therapeutiques. Il sera realise par le monde academique en collaboration avec l industrie pharmaceutique et les autorites de regulation. Il permettra d etablir des recommandations de pratique clinique solides qui aboutiront, a terme, au contr^ole par la therapeutique de la maladie virale C. Le temps sera alors venu de dire a notre cher vieux compagnon l interferon : adios, amigo! Liens d inter^ets : L auteur a reçu des financements pour la recherche des laboratoires Gilead. Il a conseille les laboratoires Abbott, Abbvie, Achillion, Boehringer-Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Gilead, Idenix, Janssen, Madaus- Rottapharm, Merck-Sharpe & Dohme et Novartis. & 7. Zeuzem S, Andreone P, Pol S, et al. Telaprevir for retreatment of HCV infection. N Engl J Med 2011 ; 364 : 2417-28. 8. Jacobson IM, McHutchison JG, Dusheiko G, et al. Telaprevir for previously untreated chronic hepatitis C virus infection. New Engl J Med 2011 ; 364 : 2405-16. 9. Poordad F, McCone J Jr, Bacon BR, et al. Boceprevir for untreated chronic HCV genotype 1 infection. N Engl J Med 2011 ; 364 : 1195-206. 10. Picard O, Cacoub P. Dermatological adverse effects during genotype-1 hepatitis C treatment with the protease inhibitors telaprevir and boceprevir. Patient management. Clin Res Hepatol Gastroenterol 2012 ; 36 : 437-40. 11. Kiser JJ, Burton JR, Anderson PL, Everson GT. Review and management of drug interactions with boceprevir and telaprevir. Hepatology 2012 ; 55 : 1620-8. 12. Pawlotsky JM. The science of direct-acting antiviral and host-targeted agent therapy. Antiviral Therapy 2012 ; 17 : 1109-17. 13. Dahari H, Guedj J, Perelson AS, Layden TJ. Hepatitis C viral kinetics in the era of direct acting antiviral agents and IL28B. Current Hepatitis Reports 2011 ; 10 : 214-27. 412 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive