162. Leucémies aiguës (LA) Les leucémies aiguës (LA) sont des proliférations clonales aiguës (hémopathies malignes) développés à partir d'un précurseur hématopoïétique (Cellule souche totipotente Progéniteur Précurseur) bloqué à un stade précoce de sa maturation : un «blaste». On distingue : Leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) : atteinte d'un précurseur lymphoïde Leucémie aiguë myeloblastique (LAM) : atteint d'un précurseur myéloïde (granuleux, mégacaryocytaire ou érythrocytaire) La maladie se développe dans la moelle. Elle peut s'étendre au sang (blastes circulants), et éventuellement d'autres organes (syndrome tumoral) hématopoïétique (rate, ganglions, foie) ou non (gencives, peau...) I. Épidémiologie Incidence : 3 pour 100 000 habitants /an. LAL prédominent chez l'enfant (80%), 1 er cancer pédiatrique LAM qui prédominent chez l'adulte (80%) avec un pic à 65 ans. II. Facteurs étiologiques Idiopathique ++ (totalité des LAL) Secondaire dans 10 à 20 % des LAM, on retrouve : Cause iatrogène : chimiothérapie antimitotique (alkylants 1 ) et/ou radiothérapie Cause toxique : benzène et dérivés, irradiations accidentelles ou professionnelles Prédisposition génétique : trisomie 21 (risque x20), anémie de Fanconi. Acutisation d'hémopathies : myélodysplasie (AREB, AREB-t), syndromes myéloprolifératifs (LMC, Maladie de Vaquez, Splénomégalie myéloïde chronique, sauf la TE) III. Signes cliniques Ils associent des signes d'insuffisance médullaire à un syndrome tumoral, et parfois à certains signes de gravité, ces derniers constituant une urgence thérapeutique. III.1. Syndrome d'insuffisance médullaire Ils sont le résultat de l'insuffisance de production par la moelle des éléments sanguins normaux du fait de son envahissement par des cellules blastiques (donc dans les LAM et les LAL). Syndrome anémique : asthénie, pâleur, dyspnée (aug. FR à l'effort puis au repos), tachycardie avec souffle systolique, hypoxie cérébrale (du vertige à la PC), aggravation d'une pathologie préexistante (I.C., angor, claudication intermittente) Signes hémorragiques par thrombopénie (en dessous de 50.000 /mm 3 ) : Purpura (pétéchial ou ecchymotique) cutanéo-muqueux Hématomes Hémorragies muqueuses = épistaxis, gingivorragies, ménorragies
Hémorragies viscérales = digestives, hématurie Infections favorisées par la neutropénie ( < 500 / mm 3 +++): fièvre isolée +++, angines ulcéreuse ou ulcéro-nécrotiques 2, stomatites cellulites, pneumopathies, sépticémies... III.2. Syndrome tumoral Il est inconstant, lié aux localisations extra-médullaires de la maladie. Il est surtout présent dans les LAL. Adénopathies superficielles ou profondes (médiastinales parfois associées à un syndrome cave supérieur), splénomégalie et hépatomégalie modérées. Douleurs osseuses (LAL) : 20-40% des LAL de l enfant, surtout de la lignée B. Chez l enfant au niveau des épiphyses fertiles elles peuvent simuler une ostéite ou un rhumatisme articulaire aigu de l enfant. Hypertrophie amygdalienne (LAL) Hyperplasie gingivale (LAM 4 et 5 qui sont monoblastiques : affinité tissulaire) Localisations cutanées (LAM) : nodules ou placards fermes enchâssés dans le derme, indolores, lie de vin Localisations neurologiques par infiltration méningée (surtout LAL ou LAM 4 et 5) : signes méningés, déficit moteur. Localisations testiculaires (essentiellement lors des rechutes de LAL) III.3. Signes cliniques de gravité Ils constituent des urgences thérapeutiques. Syndrome hémorragique diffus et grave par CIVD Résultant de la libération par les blastes de substances entraînant CIVD et/ou fibrinolyse. Se voit principalement dans les LAM 3 (promyélocytaires), ou dans les LAM très hyperleucocytaires. La CIVD aggrave le risque hémorragique déjà présent du fait de la thrombopénie centrale. Leucostase : conséquence d une hyperleucocytose majeure (>100 000/mm 3 ), signes neurologiques (céphalées, torpeur, coma...) et signes pulmonaires (syndrome de détresse respiratoire). Concerne 10 % des patients et nécessite une cytaphérèse ou une chimiothérapies en urgence. IV. Diagnostic biologique Le diagnostic de LA est cytologique, complété par des analyses plus spécialisées. IV.1. Hémogramme Il traduit les conséquences de l'insuffisance médullaire et de la prolifération blastique. Insuffisance médullaire : constant, mais d'importance variable : Anémie normocytaire normochrome arégénérative
Thrombopénie Neutropénie Blastose sanguine d'importance variable, parfois absente. IV.2. Frottis sanguin (MGG) On recherche : Aspect cytologique des blastes d'origine myéloïde : granulations azurophiles (si aspect de bâtonnets = corps d'auer) IV.3. Myélogramme (ponction médullaire) : indispensable au diagnostic et à la classification Moelle de cellularité normale ou augmentée (sauf LAM 7 s'accompagnant de myélofibrose) Blastes par définition supérieur à 20 % (souvent 90 % voire 100 %) Les lignées normales (granuleuses, érythroïdes, mégacaryocytaires ou lymphocytaires) sont diminuées quantitativement. Aspect cytologique (MGG) : granulations azurophiles (si aspect de bâtonnets = corps d'auer) positive : LAM négative : LAL La cytochimie : Myéloperoxydase (MPO) positive : LAM négative : LAL Immunophénotypage : distinction entre LAL et LAM peu différenciées, et d'autre part, de donner un pronostic. Cytogénétique (caryotype) : intérêt pronostic et de classification (FISH et PCR). V. Diagnostics différentiels Il pose généralement peu de problèmes. MNI dans les LAL de l'enfant : mais le myélogramme est alors non-blastique Aplasie : mais pas de syndrome tumoral, myélogramme pauvre et non-blastique Myélodysplasies : il existe des cas frontières suivant les classifications (AREB, AREB-t), mais atypies cellulaires, blastose < 20 %. Acutisation de syndrome myéloprolifératif mais il existe une myélémie VI. Classifications et facteurs pronostiques VI.1. Classification Les LA sont principalement classées en fonction de : leur lignée d'origine et du niveau du blocage Cytologie/Cytochimie : granulations/mpo Immunophénotypage 4 : LAL lignée B : CD79a+, CD19+, CD22+ BI : pro-b BII : pre-pre-b (LAL commune)
BIII : pre-b BIV : B LAL lignée T : CD3+ TI : pro-t TII : pre-t TIII : cortical TIV : T LAM lignées myéloïdes CD13+, CD33+... Classification FAB de moins en moins utilisée Classification OMS (2001) devient la réference VI.2. Facteurs pronostiques Ils sont très importants à considérer car ils vont conditionner l attitude thérapeutique. Sont de plus mauvais pronostic : un âge élevé (> 60 ans) une hyperleucocytose (blastose sanguine) importante certaines anomalies des chromosomes (cytogénétique-caryotype) des cellules leucémiques ou anomalies moléculaires (PCR). VII. Examens supplémentaires à faire Le diagnostic de leucémie aiguë étant posé d autres examens doivent être réalisés. VII.1. Complications Dosage en rapport avec un Syndrome de lyse tumoral (libération massive de produits de lyse cellulaire lors de blastoses importantes et/ou lors de l'instauration du traitement) Potassium : hyperkaliémie Acide urique : hyperuricémie Phosphates : hyperphosphorémie Ca ++ : hypocalcémie (par liaison au phosphates) augmentation des LDH Risques : précipitation de cristaux (urates, phosphates de calcium) goutte insuffisance rénale aiguë oligo-anurique néphrocalcinose lithiase urinaire troubles de la conduction, arrêt cardiaque (par hyperkaliémie) Autres complications de la lyse tumorale aiguë troubles de l'hémostase secondaire à la libération d'activités procoagulantes (CIVD) ou protéolytiques (fibrinolyse primitive) atteintes rénales tubulaires et glomérulaires secondaires au taux élevé de lysozyme pneumopathies alvéolaires aiguës secondaires à la lyse blastique in situ perforation d'organes creux siège d'une infiltration tumorale massive
Bilan d'hémostase, recherche d'une CIVD (LAM3 constante et souvent LAM 4 et 5) : TP Facteurs II, V, VII et X Fibrinogène Recherche de complexes solubles D-Dimères PDF Dosage lysozyme sanguin et urinaire (LAM 4 et 5) Fièvre : Hémocultures, diarrhée : coproculture, autres : ECBU, prélèvements pharyngées. RX thorax systématique : foyer infectieux, cardio-mégalie, poumon de leucostase Bilan hépatique Urée et créatinine Uricémie et uricosurie (hypermétabolisme cellulaire) VII.2. Bilan pré-thérapeutique Groupe sanguin ABO, Rhésus, RAI Sérologies : HIV, VHB, VHC, HTLV (CMV si greffe envisagée, EBV, toxoplasmose?) ECG et Echographie cardiaque : recherche d une souffrance myocardique contre-indiquant l utilisation des anthracyclines 3. Si greffe possible : typage HLA (+fratrie) et sérologie CMV. VIII. Traitement VIII.1. Généralités Pose d'une VVC Neutropénie : Chambre seule stérile avec protection des sujets contacts (sur-chaussures, charlotte, casaque, gants et masque) Transfusions : CMV - si possiblité de greffe ET patient CMV- (ou en attente des résultats de la sérologie). Culots globulaires si Hb < 8 ou symptomatique Plaquettes si < 20.000 /mm 3 ou symptomatique Traitement d'une CIVD : Traitement de l'étiologie Transfusion de plaquettes si < 20.000 /mm 3 Transfusion de plasma viro-inactivé Héparine à faible dose Prévention/traitement d'un syndrome de lyse Hyperhydratation : > 5 litre/24h pour 70kg; 2/3 glucosé isotonique et 1/3 bicarbonate14 Diurèse forcée par furosémide Rasburicase (FASTURTEC) 5 IV, adapté à l'uricémie ou l'uricosurie Arrête du bicarbonate si (Ca x P) > 4 (risque lithiase) Bains de bouche 6 fois par jour (Bicarbonate + désinfectant + antimycotique +/- Xylo)
Fiche technique pour le bain de bouche (patients atteints de mucite chimio-induite) Potion de Saint-Louis : 1 Flacon de 500 cc de Bicarbonate de Sodium à 1,4% 1 Flacon de Mycostatine selon le goût du patient 5 cc d Eludril (Chlorhexidine) Consignes concernant l alimentation : éviter les épices éviter les vinaigrettes privilégier l alimentation froide VIII.2.Traitement spécifique Technique du Soin de Bouche : utiliser 1 verre de 100 cc pour chaque lavage faire durer chaque lavage si possible 20 sec. minimum attendre 30 minutes entre un lavage et la prise alimentaire Règles d hygiène bucco-dentaire : garder la bouche toujours propre boire +++ utiliser une brosse à dents souple Il repose avant tout sur une chimiothérapie intensive parfois complétée par une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Dans quelques cas, des médicaments "ciblés" sur les cellules leucémiques peuvent être proposés. Déroulement général du traitement : 1ère phase : phase de réduction tumorale ou traitement d'induction but : rémission complète (RC), moelle normale + hémogramme normal moyen : polychimiothérapie intensive LAM : anthracycline (daunorubicine...) + aracytine LAL : Vincristine + corticoïdes et autres (ex : VAD = Vincristine, Adriamycine (Doxorubicine), Dexamethasone) durée : 1 mois d'hospitalisation environ 2ème phase : phase de consolidation but : guérison moyens : variables selon protocoles LAM : aracytine hautes doses + allogreffe de CSH LAL : methotréxate hautes doses ou asparaginase et parfois de traitement d'entretien. Jusqu'à 2 ans. purithénol per os + méthotrexate IM Prévention de l'atteinte du système nerveux central par des injections dans l'espace méningé intrathécales de produits chimiothérapeutiques, associées ou non à une irradiation crânienne à dose modérée. Cas particuliers : LAM 3 t(15;17) : induction : association ATRA (acide tout trans-rétinoique) per os + chimio de LAM consolidation : ATRA + chimiothérapie
LAL de type Burkitt (LAL 3) traitement agressif LAL à chromosome de philadelphie Glivec IMATINIB
1. le cyclophosphamide (Endoxan), Ifosfamide (Holoxan*), melphalan (Alkéran*), procarbazine (Natulan*), busulfan (Misulban*), triphosphoramide (Thiotépa*), hexamethylmélamine (Hexastat*), dacarbazine (Déticène*), chlorméthine (Caryolysine*) 2. Angines : Inter-Med Maladies Infectieuses 3. Anthracyclines : daunorubicine 4. Voir tableau Hématologie Ellipses p.269 5. Fasturtec est indiqué dans la prévention et le traitement de l'hyperuricémie (accumulation d'acide urique), aigüe liée au traitement des cancers hématologiques (leucémies, lymphomes et myélomes) et des tumeurs solides malignes. En Europe, Fasturtec est indiqué chez les patients souffrant d une hémopathie maligne avec masse tumorale élevée et ayant un risque de réduction ou de lyse tumorale rapide lors de l initiation de la chimiothérapie. Après perfusion intraveineuse, Fasturtec dégrade l'acide urique, produit de dégradation des cellules cancéreuses détruites par la chimiothérapie. L'accumulation rénale d'acide urique (signe fréquent d'un syndrome de lyse tumorale) est un effet secondaire du traitement de certains cancers très chimio sensibles, pouvant aboutir à une insuffisance rénale aigüe, potentiellement mortelle.
Classification FAB de L.A.Myéloblastiques LAM0 Indifférenciée LAM1 Sans maturation Type Fréquence Cytologie Définition Autre 5 % Inclassable par morphologie et cytochimie 10 % > 90% de blastes sans maturation granuleuse Corps d'auer +/- LAM2 Avec maturation LAM3 Promyélocytaire LAM4 Myélomonocytaire M4 eosino LAM5 Monocytaire LAM6 Erythroleucémie LAM7 Mégacaryoblastique 30-45 % 30 à 90% de blastes avec maturation granuleuse Majorité de promyélocytes anormaux 15-25% Moelle > 20% de blastes, 20 à 80% de cellules monocytaires Sang > 5 G/L cellules monocytaires granulations éosinophiles dans le cytoplasme 8-15 % LAM5a : peu différenciée (monoblastes > 80% des cellules monocytaires) LAM5b : différenciées (monoblastes < 80% des cellules monocytaires) Blastes > 30% des éléments non érythroblastiques Erythroblastes > 50% des éléments nucléés avec dysérythropoïèse Corps d'auer fréquents Corps d'auer fréquents Classification FAB de L.A.Lymphoblastiques L1 : cellules de petite taille à rapport nucléocytoplasmique élevé, noyaux de forme régulière à nucléole peu visible, chromatine homogène. L2 : cellules de taille hétérogène, cytoplasme modérément abondant, noyaux de forme irrégulière avec nucléoles bien visibles, chromatine d'aspect variable. L3, leucémie de type Burkitt : cellules de grande taille homogène, cytoplasme modérément abondant avec basophilie intense tet présence de vacuoles, noyaux réguliers avec nucléoles bien visibles, chromatine fine et homogène.
Classification OMS des LAM (2001) I. LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes LAM avec t(8;21)(q22;q22) LAM promyélocytaire avec t(15 ;17)(q22 ;q12) [PML-RARa et ses variants] : ancienne LAM 3 de la classification FAB LAM avec éosinophiles médullaires anormaux et anomalies sur le chromosome 16 : inv(16)(p13q22) ou t(16;16)(p13;q22) LAM avec anomalie chromosomique 11q23 II. LAM avec dysplasie multilignées Faisant suite à un syndrome myélodysplasique ou un syndrome myéloprolifératif/dysplasique Sans antécédent de myélodysplasie III. LAM post chimiothérapie Liée aux agents alkylants Liée aux inhibiteurs de topoisomérase type II (quelques unes pouvant être lymphoïdes) Liées à d autres composants IV. LAM sans catégorisation particulière LAM avec différenciation minime (LAM0) LAM sans maturation (LAM 1) LAM avec maturation (LAM 2) LA myélomonocytaire (LAM 4) LA monoblastique ou monocytaire (LAM 5) LA érythroïde (LAM 6) LA mégacaryoblastique (LAM 7) LAM à composante basophile (M4e) LA avec myélofibrose Sarcome granulocytaire Classification OMS des LAL (2001) LAL à précurseurs B = lymphome lymphoblastique B: avec t(9;22) (chromosome Ph1) : forme agressive de leucémie aiguë représentant environ 1/3 des LAL de l'adulte. avec t(1;19) avec t(12;21) avec réarrangement 11q23 Autres LAL à précurseurs B LAL à précurseurs T = lymphome lymphoblastique T
Leucémie à cellules de Burkitt NB : Le terme leucémie ou lymphome peut être employé indifféremment, selon le type de présentation initial de la maladie, mais dans les 2 situations le même type de blaste est en cause. La LAL de type Burkitt (appelée LAL3 dans l ancienne classification franco américano britannique FAB) est maintenant (OMS) appelée lymphome de Burkitt et incluse parmi les tumeurs à cellules B matures.