RAPPORT DE SYNTHESE QUEL BILAN D EXPÉRIENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS LABELLISÉS?

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Transcription:

RAPPORT DE SYNTHESE LA DÉMARCHE DD&RS («DÉVELOPPEMENT DURABLE ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE») DANS LES ÉTABLISSEMENTS D ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN FRANCE. QUEL BILAN D EXPÉRIENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS LABELLISÉS? Cette étude a été réalisée par les étudiants de la promotion 2016-2017 du Master 2 Management des Territoires et Urbanisme (MTU) de l université François-Rabelais de Tours : Claire Blanchard, Mathilde Dumur, Damien Dutendas, Nathan Graignon, Alexandra Lavergne, Camille Lelièvre, Timothée Mariau, Marie-Sophie Mérel, Thomas Miquel, Anna Norais, Arnaud Penguilly, Éléonore Pilloix, Théo Roy Le travail a été encadré par Isabelle Lajeunesse et Hovig Ter Minassian de l université François-Rabelais de Tours, et François Bertrand (association ERACLES, chercheur au laboratoire CITERES). Juin 2017 1

SOMMAIRE INTRODUCTION. Présentation du projet... 3 Partie I. La démarche DD&RS et sa mise en œuvre... 4 1. Quelle place pour le développement durable dans les établissements d enseignement supérieur en France?... 4 1.1 À l échelle internationale... 4 1.2 À l échelle nationale... 5 2. Le label DD&RS dans les établissements d enseignement supérieur en France... 7 3. Un label qui vient combler un manque à destination des établissements d enseignement supérieur en France... 7 Partie II. Retour d expérience dans les établissements labellisés... 12 1. Présentation succincte des établissements enquêtés... 12 2. Les enseignements de l enquête... 17 2.1 La nécessité d un portage politique clair... 17 2.2 Une grande variété d actions, très dépendantes du contexte de la formation... 17 2.3 L ancrage local et national : des ressources pour le développement durable?... 18 2.4 Les limites actuelles de la démarche... 19 Conclusion de l étude... 21 Table des illustrations... 22 Annexe 1. Article 55 de la loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement (dite loi Grenelle 1 de l environnement)... 23 Annexe 2. Déclaration de Talloires (France), 4-7 octobre 1990... 24 Annexe 3. Structuration du référentiel DD&RS... 25 Annexe 4. Fiche informative par établissement labellisé «DD&RS»... 26 2

INTRODUCTION Présentation du projet Depuis la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement (dite loi Grenelle 1 de l environnement), les établissements d enseignement supérieur et de recherche en France sont engagés à mettre en œuvre des actions en faveur du développement durable et de la responsabilité. En effet, l article 55 de la loi Grenelle 1 indique que «les établissements d enseignement supérieur élaboreront, pour la rentrée 2009, un «plan vert» pour les campus. Les universités et grandes écoles pourront solliciter une labellisation sur le fondement de critères de développement durable». Les délais de mise en œuvre de ces «plans verts» étaient très courts. Par ailleurs aucune des deux lois Grenelle de 2009 et 2010 ne prévoyait de sanction ou de pénalité, malgré le caractère obligatoire de cette démarche. Ces deux éléments expliquent le faible développement des plans verts dans les établissements de l enseignement supérieur jusqu à aujourd hui. L engagement, à partir de 2010, de la Conférence des présidents d université (CPU) et de la Conférence des grandes écoles (CGE) a permis de diffuser plus largement l idée d un plan vert. L élaboration conjointe d un référentiel «développement durable» à l attention de leurs établissements membres a été réalisée, afin qu universités et grandes écoles l utilisent pour mettre en place des actions en faveur du développement durable et puissent solliciter une labellisation, dite «développement durable et responsabilité sociétale» («label DD&RS»). En 2016, l université François-Rabelais de Tours a confié au Master professionnel Management des Territoires et Urbanisme (MTU) une étude sur le bilan des démarches de labellisation «Développement Durable et Responsabilité sociétale» (DD&RS) dans les universités et grandes écoles en France, afin d en tirer d éventuels enseignements pour la mise en œuvre d une telle démarche au sein de l université François-Rabelais. Dans le cadre de cette étude, la promotion 2016-2017 du Master MTU a réalisé un état des lieux de la prise en compte du développement durable et de la responsabilité sociétale par les établissements d enseignement supérieur en France, et un retour d expérience des apports et limites de la démarche DD&RS à partir d un travail d enquête auprès d un échantillon représentatif d établissements labellisés au démarrage de cette étude. Ces deux aspects seront respectivement traités dans les parties 1 et 2 du présent rapport. 3

Partie I La démarche DD&RS et sa mise en œuvre Malgré des prises de position anciennes du monde de l enseignement supérieur et de la recherche, notamment dans les pays anglo-saxons, en faveur de la mise en œuvre du développement durable, celle-ci reste récente et peu généralisée, au regard du faible nombre d établissements labellisés à ce jour au titre du référentiel DD&RS. 1. Quelle place pour le développement durable dans les établissements d enseignement supérieur en France? La question de l engagement des établissements d enseignement supérieur et de recherche se pose rapidement, quelques années à peine après la parution du rapport Brundtland de 1987, rédigé par la Commission mondiale sur l environnement et le développement de l Organisation des Nations unies, et qui définit les grandes orientations stratégiques internationales en faveur de la promotion du développement durable. 1.1 À l échelle internationale Dès 1990, plusieurs universités dans le monde signent la déclaration de Talloires (cf. annexe 2), par laquelle ils s engagent à un plan d actions en dix points touchant à la sensibilisation au développement durable, la mise en pratique de principes de durabilité pour l ensemble des activités de l établissement, la collaboration dans les approches interdisciplinaires ou encore l implication des parties prenantes. En 2016, près de 500 établissements avaient signé la convention, dont 170 aux États-Unis. Le texte final du Sommet de la Terre de Rio, nommé «Agenda 21» ou «Action 21» incitait les collectivités à élaborer des «Agenda 21 locaux». Son chapitre 28 sur les «Initiatives des collectivités locales à l appui d Action 21» demandait à ce que «toutes les collectivités locales instaurent un dialogue avec les habitants, les organisations locales et les entreprises privées afin d adopter un programme Action 21 à l échelon de la collectivité». Plus spécifiquement au domaine de l enseignement supérieur et de la recherche, la déclaration de l UNESCO du 9 octobre 1998 indiquait qu «il incombe à l enseignement supérieur la tâche essentielle de contribuer à définir la manière dont les générations futures apprennent à faire face aux complexités du développement durable». Quelques années plus tard, la décennie 2005-2015 est déclarée «décennie des Nations Unies pour l éducation au service du développement durable» (DEDD) lancée par l UNESCO au niveau international, et appropriée par la communauté internationale de l enseignement supérieur lors de la conférence sur le thème «mobiliser les universités en faveur du développement durable» (Graz, 20-23 avril 2005). Son plan d actions prévoit d «intégrer les questions et priorités liées au développement durable dans les politiques et les programmes de formation professionnelle dans toutes les écoles, les établissements d éducation et de formation techniques et professionnelles, l enseignement supérieur et les structures d apprentissage tout au long de la vie». 4

1.2 À l échelle nationale À l échelle nationale, l engagement du monde de l enseignement supérieur et de la recherche dans une stratégie de développement durable est plus tardif, malgré la présence de l Académie de Paris parmi les membres originaires signataires de la déclaration de Talloires de 1990. Elle suit cependant une logique de montée en puissance et d intensification de l engagement des universités et grandes écoles en faveur de la promotion du développement durable. Principalement, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) prévoit qu à compter du vote de la loi et d ici à 2013, toutes les universités accèdent à l autonomie dans le domaine budgétaire, de gestion de leurs ressources humaines et qu elles deviennent propriétaires de leurs biens immobiliers. Cette disposition est censée les encourager à mieux gérer leur patrimoine et leurs locaux. En février 2008 est lancée l opération Campus «ou Plan Campus», appel à projet lancé par l État et doté d une enveloppe de 5 milliards d euros pour faire émerger des campus d excellence dits «attractifs» et «compétitifs». Pour les dix campus retenus, les objectifs sont de mettre en cohérence leur projet avec leur territoire, de répondre à une ambition pédagogique et scientifique de niveau international et d améliorer leur situation immobilière. Au même titre que l État, les collectivités, les associations, les entreprises, la plupart de 300 établissements d enseignement supérieur (220 grandes écoles et 80 universités environ) s engagent depuis quelques années dans des démarches de développement durable, cela au moment où les universités se réforment en profondeur et deviennent des gestionnaires à part entière d un patrimoine immobilier important mais dégradé (18,7 millions de m² dont 35 % serait vétuste ou en mauvais état). Le 3 juillet 2008 est élaborée la charte «Alliance des universités françaises en faveur du développement durable», signée par la CPU, et qui engage les universités françaises à jouer pleinement leur rôle dans la mise en œuvre du développement durable. La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement (loi «Grenelle 1») introduit dans son article 55 l obligation légale du Plan vert pour les campus (cf. annexe 1). Le 27 janvier 2010, une «Nouvelle stratégie nationale du développement durable 2010-2013» (SNDD) est élaborée. Parmi les neuf défis, celui de la société de la connaissance prévoit «l intégration du développement durable dans les stratégies des universités et grandes écoles par l élaboration d un plan vert pour les campus et la labellisation des universités et des grandes écoles sur la base de critères de développement durable». Enfin, parmi les dernières actions remarquables, on peut citer les modifications du code de l éducation du 23 juillet 2013, avec : - le «verdissement» des 6 missions de l enseignement supérieur (Art. L 123-3 du code de l éducation) ; - le rôle confié au service public de l enseignement supérieur de promouvoir «des valeurs d éthique, de responsabilité et d exemplarité» (Art. L. 123-6 du code de l éducation, 4 ème alinéa) ; - la création d un 5 ème service commun au sein des universités, qui conforte le rôle social et sociétal de l université : «l organisation des actions impliquées par la responsabilité sociale de l établissement» (Art. L. 714-1 du code de l éducation). 5

Graphique 1. Récapitulatif de l engagement du monde universitaire dans le développement durable et la responsabilité sociétale Réalisation : MTU 2017 6

2. Le label DD&RS dans les établissements d enseignement supérieur en France Dans le contexte du Grenelle de l environnement, le label «Développement durable et responsabilité sociétale» (dit label DD&RS) a été mis en place en France pour favoriser et accompagner la création de «plans verts» dans les universités et grandes écoles. Créé en 2012, il s appuie sur un «référentiel DD&RS», c est-à-dire un document qui vise à présenter les démarches en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale, selon une grille de notation de 1 à 5, de la «prise de conscience» (niveau 1) à «l exemplarité» (niveau 5) (voir annexe 3). Le référentiel lui-même est organisé en 9 «défis» répartis dans 5 «axes de pilotages» : - stratégie et gouvernance ; - enseignement et formation ; - politique sociale et ancrage territorial ; - gestion environnementale ; - travaux de recherche. Le référentiel est rempli en auto-évaluation. Il est ensuite expertisé par le CIRSES (Collectif pour l Intégration de la Responsabilité Sociétale et du développement durable dans l Enseignement Supérieur), créé en 2013 en tant qu opérateur du label DD&RS. C est le CIRSES qui est en charge de l attribution du label pour une durée de quatre ans maximum (renouvelable), sur la base du document d auto-évaluation. Sept établissements 1 ont testés le référentiel en 2014, à l'issue de quoi ces établissements ont été labellisés. Le processus de labellisation a donc été considéré comme opérationnel et ouvert à toute candidature à partir de 2015. Au commencement de notre étude, seuls dix établissements supérieurs ont été labellisés par le CIRSES au titre du référentiel DD&RS, dont deux universités publiques (Poitiers et Nanterre), une école de commerce (Audiencia) et des écoles d ingénieurs dans différentes filières (aménagement, télécom, agronomie etc.). Ils sont succinctement présentés en annexe 4 du présent rapport. Depuis le début de notre étude, 6 établissements supplémentaires ont été labellisés, ce qui porte leur nombre à 11 mais, selon les indications de la CPU, ce sont aujourd hui au moins 103 établissements (universités, grandes, écoles, COMUE) qui se sont engagés dans une démarche de développement durable ou directement dans le processus d auto-évaluation selon les critères du référentiel DD&RS et devant à terme permettre l obtention du label. 3. Un label qui vient combler un manque à destination des établissements d enseignement supérieur en France Un travail d identification des différents labels d accompagnement et de valorisation des démarches entreprises par les établissements d enseignement supérieur en matière de développement durable et de responsabilité sociétale a été entrepris. Il s agissait de situer le label DD&RS dans «l offre» existante en matière de labellisation comme d accompagnement et de mise en réseau. En complément, les différentes structures de mise en réseau et d accompagnements des universités et grandes écoles sur ce sujet ont également été repérés. Ce travail a permis d évaluer l offre de labellisation existante mais aussi les dispositifs d accompagnement et de mise en réseau pouvant aider les établissements d enseignement supérieur dans l élaboration de leur stratégie de développement durable (tableau 1). 1 Audencia Nantes, École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP), École des Mines de Nantes, La Salle- Beauvais, École des Mines de Douai, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Université de Poitiers. 7

Tableau 1. Principaux labels et réseaux qui font la promotion du développement durable et de la responsabilité sociétale dans l enseignement supérieur et la recherche Nom Statut Date Type de démarche Contenu Membres (au 2 ème semestre 2016) Public visé Rayonnement DD&RS Associatif (association CIRSES 2 avec l appui de la CPU 3, de la CGE 4 et du MESR 5 ) 2013 Label Valorisation nationale et internationale des démarches de développement durable et de responsabilité sociétale des établissements d enseignement supérieur et de recherche 10 Établissements d enseignement supérieur National LUCIE Entreprise privée: l Agence LUCIE Depuis 2007 Label Un label aligné sur la norme de responsabilité sociétale ISO 26 000 pour évaluer, développer, valoriser les actions et engagements RSE des organisations 160 Entreprises privées National Eco campus Auto-qualification Depuis 2007 Auto-qualification, support à montage de projets et demande de financement Valorisation des projets de développement durable. Permet de demander des financements, auprès des collectivités notamment, par exemple dans le cadre du CPER 6 Non renseigné Établissements d enseignement supérieur National 2 Collectif pour l Intégration de la Responsabilité Sociétale et du développement durable dans l Enseignement Supérieur. 3 Conférence des Présidents d universités. 4 Conférence des Grandes Ecoles. 5 Ministère de l enseignement supérieur et de la recherche. 6 Contrat de Plan État-Région. 8

Campus Responsables Entreprise privée (SARL). Créée à l initiative de l agence Graines de changement 2005 Accompagnement, mise en réseau sous réserve d adhérer Inciter les grandes écoles et les universités françaises à intégrer le développement durable à leurs enseignements et à leur fonctionnement. Remise de trophées pour promouvoir et valoriser les établissements ayant un engagement volontaire et innovant en terme de développement durable et de responsabilité sociétale 34 Établissements d enseignement supérieur France et pays francophones Global Compact ONU 2000 Accompagnement et mise en réseau engagement volontaire, dix principes qui fournissent une feuille de route pour les organisations qui souhaitent faire progresser leur démarche de responsabilité sociétale 13 000 Entreprises privées, collectivités, associations, ONG etc. International PRME (Principles for Responsible Management Education) ONU 2007 Mise en réseau Partage d expérience autour de la question du développement durable et de la responsabilité sociétale, avec la mise en place de groupes de travail et d événements par zone géographique 650 (30 en France) Établissements essentiellement dans le domaine du management, mais peut aussi s appliquer aux IAE International ORSU (Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Universités) AFEV 7, UNICEF, ARF 8, AVUF 9, CPU 2012 Mise en réseau Promotion de l engagement des universités et de tous leurs acteurs dans des initiatives de solidarité et de développement local ou international Non précisé Les universités Nationale 7 Association de la Fondation Étudiante pour la Ville. 8 Association des régions de France. 9 Association des villes universitaires de France. 9

Comité 21 Association 1994 Mise en réseau promotion des synergies entre acteurs non étatiques et étatiques pour la mise en œuvre des ODD par les Français au plan international, pour la France au plan national, et au niveau de chacun de ses territoires 27 universités (dont la CPU) Entreprises, collectivités, associations, médias, enseignements supérieurs National CDDEP (Club développement durable des établissements publics et entreprises publics) Groupement 2006 Mise en réseau, mutualisation des réflexions, des outils, des moyens Promotion de l exemplarité des pouvoirs publics dans la stratégie nationale de transition écologique et de développement durable) 70 établissements publics et entreprises publics dont la CPU et la CGE (ainsi que la Réunion des Musées Nationaux, la Banque de France, l Agence Française de Développement, l ADEME, etc.) National Réalisation : MTU 2017 10

Comme le montre le tableau 1, en complément du label DD&RS, de nombreux réseaux nationaux et internationaux existent et présentent une grande diversité. Ainsi, certains s adressent à des types d établissements en particulier (par exemple aux écoles de commerce et de management pour le réseau PRME). Ils peuvent également se centrer spécifiquement sur certains axes du développement durable : certains vont porter plutôt sur son application dans le domaine du management (et développer ainsi plutôt l aspect de la responsabilité sociétale), tandis que d autres se centrent plutôt sur l environnement. Cette profusion de réseaux très inégaux dans leurs contenus peut créer une confusion pour les établissements, et il est difficile de savoir lesquels mobiliser en priorité. A cela s ajoute le fait que certains réseaux et labels s adressent aussi bien aux entreprises privées qu aux établissements d enseignement supérieur, comme dans le cas du label LUCIE. Ainsi, malgré la profusion apparente de dispositifs, l analyse de l offre de labellisation existante montre le très faible nombre de labels : l offre actuelle est réduite au DD&RS et au LUCIE (ce dernier restant par ailleurs principalement axé sur la promotion de la responsabilité sociétale en entreprise, et pas sur le développement durable au sens large). En définitive, le label DD&RS vient donc plutôt combler un manque de labels spécifiquement adressés aux établissements d enseignement supérieur et de recherche en France et aisément repérables à l échelle nationale et internationale. Il explique l intérêt porté par un certain nombre d établissements qui se sont engagés précocement dans l obtention du label DD&RS tout en participant à sa définition, au nom de l exemplarité. Quel retour d expérience peut-on en faire? Quels enseignements en tirer pour la mise en œuvre d une telle démarche à l université de Tours? 11

Partie II Retour d expérience dans les établissements labellisés Afin de mieux saisir les effets mais aussi les limites de l engagement dans la démarche du référentiel DD&RS, l étude a été complétée par la réalisation d un retour d expérience dans les établissements labellisés, à partir de plusieurs entretiens auprès d universités et grandes écoles impliquées dans la démarche. L objectif était de saisir à la fois le contexte de mise en place du référentiel (sous quelle initiative, avec quels moyens etc.), les modalités de gestion et d usage du label (quelle gouvernance, quelles ressources humaines et financières), les principaux projets moteurs et les axes de réflexion particulièrement valorisés, mais aussi les limites rencontrées et les perspectives envisagées. 1. Présentation succincte des établissements enquêtés Pour la réalisation de cette enquête de terrain, cinq établissements ont été sélectionnés pour leur diversité, tenant compte de leur statut (université ou grande école), leur taille (avec des effectifs étudiants variant de 500 à plus de 30 000), et leur filière principale d offre de formation (généraliste, aménagement et urbanisme, commerce et management, ingénierie et agronomie). L enquête a donné lieu à une visite de terrain par site afin de rencontrer les personnes impliquées localement dans la mise en œuvre du référentiel DD&RS. Les entretiens ont été réalisés entre décembre 2016 et mars 2017, auprès des personnes suivantes 10 : Audiencia Business School Barbara Haddou, responsable Engagement des Parties Prenantes Institut pour la RSE. École des ingénieurs de la ville de Paris (EIVP) Leïla Kébir, coordinatrice développement durable EIVP et co-présidente du Comité de labellisation DD/RSE. UniLasalle (site Beauvais) Maxime Agnès, chargé de mission «développement durable». Université de Poitiers Lionel Vinour, directeur du service de la logistique et du patrimoine immobilier (DLPI). Université de Nanterre Stéphane Brette, vice-président «patrimoine et transition écologique». Si le nombre d études de cas paraît faible au regard de celui d universités et de grandes écoles, publiques et privées, existantes en France, il correspond en réalité à la moitié du nombre d établissements labellisés en septembre 2016, c est-à-dire au démarrage de l enquête, et inclut les deux seules universités labellisées. 10 Le présent rapport d études est aussi l occasion de remercier nos interlocuteurs d avoir accordé du temps d échange avec nos étudiants. 12

Tableau 2. Présentation des établissements enquêtés Université de Poitiers UniLasalle (ex Lasalle-Beauvais) 11 Audencia Business School Université de Nanterre École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) DONNÉES DE CADRAGE Effectifs étudiants 24 000 2 500 dont 1 850 à Beauvais 4 300 dont environ 2 600 sur place 33 600 dont 28 0000 sur le campus principal 530 étudiants Effectifs salariés 3 848 dont 1 608 contractuels 300 dont 200 à Beauvais Environ 200 2 221 personnels permanents 50 Configuration et taille du campus 7 sites 60 hectares + 35 hectares pour le jardin botanique 2 sites (Beauvais et Rouen) Pour le site de Beauvais : 10 hectares bâtis et 30 hectares de bois + ferme expérimentale de 350 ha 4 sites 23 000 m² à Nantes 4 sites 32 hectares 1 site 4 300 m² propriétaire du patrimoine Oui Oui Non (CCI) Non Non (Ville de Paris) Statut de l établissement Public Privé Privé Public Public Type de formation Généraliste + Recherche École d ingénieurs École de commerce Généraliste + Recherche Génie urbain durable Coût d inscription Frais d inscriptions universitaires Entre 5 000 et 12 500 par an environ Entre 12 000 et 17 000 par an environ Frais d inscriptions universitaires 1 860 par an environ 11 Au 1 er janvier 2016, l ESITPA à Rouen et LaSalle-Beauvais ont fusionné pour donner naissance à l école UniLasalle. Au cours de cette étude, seul le campus de Beauvais a fait l objet d une investigation. 13

PORTAGE DE LA DEMARCHE DD&RS Organigramme / gouvernance Moyens humains dédiés (en équivalent-temps plein) Pilotage politique Budget dédié DD intégré dans les fiches de poste Pilotage au sein de la Direction de la Logistique et du Patrimoine Immobilier (DLPI) Direction «Développement Durable» Un institut «autonome» et des référents RSE dans les différentes directions Chargé de mission développement durable auprès de la Direction Générale des Services Direction de 70 personnes 4 ETP 3 ETP 3 ETP Vice-président «patrimoine et développement durable» Oui 1 Directeur Général Pas de budget propre (mais fléchage des économies financières grâces aux actions de DD, qui doivent servir à d autres actions du même ordre) 1 Directeur de l Institut RSE Pas de budget propre Vice-président «patrimoine et transition écologique» Ligne budgétaire de fonctionnement et aides financières extérieures par projet Ensemble du personnel administratif et pédagogique Ensemble du personnel administratif et pédagogique DG, SG, DRI Directeur des études et de la recherche etc. Pas de budget propre. Actions financées sur le budget global Oui Non Non renseigné Non renseigné Oui IMPLICATION DANS LA DEMARCHE DD&RS Événements déclencheurs Implication dans la gouvernance nationale du label Opportunités techniques + Portage politique local Très forte Implication dans la construction du référentiel et du label Actions préexistantes (politique handicap, ncement d un Agenda 21 en 2012) Très forte Implication dans la construction du référentiel et du label Actions préexistantes (label LUCIE engagé depuis 2013) et une offre de formation spécifiquement dédiées (RSE) Moyenne, depuis 2015 Actions préexistantes (politique handicap) Très forte Une offre de formation spécifiquement dédiée (génie urbain durable) Très forte Implication dans la construction du référentiel et du label 14

ACTIONS REMARQUABLES MISES EN OEUVRE Exemples d actions dans la gestion universitaire Exemples d actions de sensibilisation «Ecocups» Tri sélectif Présentation de la stratégie de DD&S de l université pour les primo-arrivants Conférences, journées de débat Réunions d information Politique handicap Politique d achats responsables Congés solidaires Réunions d information Clause sociale dans les marchés publics Partenariats locaux pour le don de matériel informatique Bilan Carbone Une offre de formation spécifiquement dédiée (génie urbain durable) Exemples d actions de mobilisation Épicerie solidaire (Episs campus) Réhabilitation du bâti Semaine d intégration «Nettoyons la nature» Pandathlon Bénévolat de compétence Collaboration avec le Secours Populaire Jardin partagé Semaine de l accessibilité et du handicap Jardin partagé Non renseigné Projets portés par des étudiants Projets-défis portés par les étudiants Non renseigné Non renseigné Semaine étudiante du développement durable Implication d associations étudiantes (Bureau B3D) SPECIFICITES DES ETABLISSEMENTS Grandes Thématiques privilégiées Intégration dans les enseignements Mise en œuvre du Sulitest Actions sur le bâti, mobilité, environnement, gestion des flux Oui Déchets, biodiversité, action touchant la quotidienneté des étudiants Gestion des ressources Oui (cœur de la formation) Responsabilité sociale des entreprises Oui (10 % des enseignements fléchés RSE) Actions sur le bâti, mobilité, environnement, gestion des flux Oui Formation, recherche, responsabilité sociale des entreprises Oui (cœur de la formation) Oui Oui Non Phase d expérimentation Oui 15

LIMITES ACTUELLES DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA DEMARCHE DD&RS Freins psychologiques Principales limites identifiées Perspectives d évolution Freins psychologiques Comment générer des fonds sur les économies d énergie Le volet «responsabilité sociétale» et l inscription dans les enseignements Généralisation de la politique de développement durable par la rédaction d un «schéma directeur de Développement durable» Peu d interventions en matière d économies d énergie Difficultés à mobiliser les étudiants Manque de visibilité de la direction DD vis-à-vis du reste du personnel Nouvelle demande de labellisation suite à la fusion des deux établissements Établissement d une stratégie commune aux deux campus autour du DD (à moyen terme) Manque de vision à long terme sur les retombées économiques de la consommation durable Gestion environnementale et patrimoniale limitée par le statut d occupation actuelle Accession à la propriété du bâti Freins psychologiques Démarche par projets, au coup par coup Réhabilitation des bâtiments Obtention du label Ecojardins Pas de personnel dédié Gestion environnementale du campus Réalisation : MTU 2017 16

2. Les enseignements de l enquête Plutôt qu un compte-rendu monographique de chaque terrain enquêté, nous proposons ici une synthèse des principaux éléments saillants qui ressortent des entretiens, au regard de la mise en œuvre de la démarche DD&RS, des moyens apportés et des projets soutenus, mais aussi des perspectives d évolution et des limites actuelles et potentielles de la démarche. 2.1 La nécessité d un portage politique clair Les acteurs rencontrés sur chacun des cinq sites ont tous souligné que l obtention du label «DD&RS» partait d une démarche volontaire portée par une ou plusieurs personnes de l établissement déjà sensibilisées aux enjeux du développement durable. Cela s est traduit, dans la plupart des cas, par l identification à l échelle locale d un directeur, référent, coordinateur ou chargé de mission (selon les situations) pour assurer la tâche de suivi des actions en matière de DD&RS, mais aussi à l échelle nationale par l implication de ces mêmes personnes au sein du CIRSES, opérateur du label. Les acteurs rencontrés ont également été unanimes quant à la nécessité d un portage politique clair pour véritablement engager l établissement dans la démarche DD&RS. Ce portage peut passer, dans les universités, par la nomination d un vice-président «patrimoine et développement durable» (université de Poitiers), d un vice-président «patrimoine et transition écologique» (université de Nanterre), ou encore, du côté des grandes écoles, par la nomination d un coordinateur (EIVP) ou d un chargé de mission «développement durable» directement rattaché au directeur d établissement (UniLasalle). Le directeur de la Direction Logistique et Patrimoine Immobilier de l université de Poitiers insiste par exemple sur le fait que le portage politique a rendu possible l intégration de la sensibilisation au développement durable dans toute nouvelle fiche de poste du personnel administratif. Il insiste également sur l importance d avoir une direction et un élu engagé dans cette démarche, pour lui donner de la légitimité et éviter que cette dernière soit déconnectée des autres préoccupations de la gestion de l établissement universitaire. 2.2 Une grande variété d actions, très dépendantes du contexte de la formation Les personnes enquêtées durant cette étude ont présenté une grande diversité d actions, qu il serait fastidieux de présenter ici en détail 12, mais que l on peut répartir en cinq catégories : - interventions sur le bâti et les flux (rénovation thermique, modernisation des réseaux) ; - amélioration de la gestion environnementale des campus (tri sélectif, gestes d économie d énergie, distribution d «écocups») ; - lutte contre la précarité sociale et économique et amélioration de la qualité de vie (création d épiceries sociales et solidaires, soutien aux mobilités douces et au covoiturage) ; - amélioration de la connaissance sur le développement durable, l environnement et la biodiversité (jardins partagés, inventaire de la biodiversité, recensement des espèces, conférences-débats etc.) ; - actions de sensibilisation (Sulitest 13, séminaires ou réunions de présentation, actions de nettoyage etc.). Comme on peut le constater, l engagement dans une démarche de développement durable ne passe pas nécessairement par des actions lourdes de type rénovation du bâti ou la mise en 12 Certaines sont mentionnées soit dans le tableau de présentation des cinq études de cas (tableau 2), soit dans les fiches «établissements labellisés» en annexe 4. 13 Le Sulitest, pour «Sustainability Literacy Test» est un outil de sensibilisation au développement durable sous la forme d un test réalisé en auto-administration, sur le modèle des tests de langue type TOEFL. 17

place d opérations plus ou moins ponctuelles (tri des déchets, inventaire de la biodiversité). Elle peut aussi s exprimer par une stratégie progressive de sensibilisation aux enjeux du développement durable par leur intégration directement dans le fonctionnement au quotidien de l établissement («écocups», tri sélectif etc.). Plusieurs exemples sont à souligner, comme la volonté d inscrire directement les enjeux du développement durable dans les fiches de poste au moment du recrutement de nouveau personnel administratif (université de Poitiers), l organisation de réunions de sensibilisation systématiquement au moment de chaque prise de fonction des nouveaux arrivants ou des réunions de rentrée (UniLasalle) ou encore l obligation de passer le Sulitest pour tout nouvel étudiant (EIVP). Certaines actions restent bien entendu très dépendantes à la fois des conditions d occupation du campus et des bâtiments et de l orientation globale de l offre de formation. Il apparaît logiquement plus aisé d intervenir sur le bâti et sur les flux lorsque l université ou la grande école est propriétaire de son immobilier (comme à l université de Poitiers), le contraire constituant justement un frein et fait aujourd hui l objet d une réflexion sur la possibilité de devenir propriétaire du bâti pour agir dessus (comme à Audiencia). Par ailleurs, certains établissements étant plutôt spécialisés dans l agronomie, les sciences de la terre ou la biologie (comme à UniLasalle), avec parfois des équipements ou des terrains spécifiquement dévolus à ces disciplines, il est logique d y trouver un engagement plus fort dans les actions en matière de biodiversité et de gestion environnementale (de même pour l EIVP et le génie urbain). Ainsi, au-delà d une apparente uniformisation des mesures et des actions (généralisation du tri des déchets ou actions de sensibilisation par exemple), des spécificités apparaissent. Elles peuvent tenir : - à un engagement plus ou moins précoce dans certains aspects du référentiel DD&RS plutôt que d autres, qui participe aujourd hui de l identité de ces établissements. Audiencia par exemple, bénéficiant d un Institut «Responsabilité sociale de l entreprise» (RSE), a très rapidement mis en avant ce volet du référentiel, ce qui contribue à conforter une offre de formation distinctive des autres grandes écoles de commerce et de management en France ; - à une présence plus ou moins forte de l activité de recherche (l un des cinq axes de pilotage du référentiel DD&RS) dans les activités des établissements étudiés. Elle est logiquement plus présente dans les universités et dans une moindre mesure dans les écoles d ingénieurs, que dans les écoles de commerce, et peut donc constituer une limite à ces dernières (et un atout pour les premières) au moment de renseigner le référentiel dans cet axe de pilotage ; - à la mise en œuvre d actions préexistantes à la démarche DD&RS (par exemple la responsabilité sociale des entreprises à Audiencia, le handicap à UniLasalle) mais pour lesquelles le label vient apporter une mise en lisibilité et une mise en cohérence. 2.3 L ancrage local et national : des ressources pour le développement durable? En matière de développement durable, l ancrage local semble être une ressource, répondant ainsi au célèbre principe «penser global, agir local». Pour les établissements qui ont particulièrement mis en avant cet ancrage (et notamment l université de Nanterre), il a trois avantages : - il permet de trouver localement des partenariats susceptibles de répondre à des appels d offres sur les marchés publics et ainsi participer aux retombées économiques et sociales de l établissement sur son environnement local ; 18

- il répond à un enjeu de cohérence de la réflexion notamment sur la thématique des déplacements du personnel administratif et des étudiants (développement du covoiturage, création de places de stationnement vélo) ; - enfin il permet d élaborer des partenariats avec les collectivités locales et rend possible la sollicitation de financements locaux, nationaux ou européens pour des actions en matière de développement durable (par exemple le montage d un projet «Ville Durable» de l université de Nanterre avec la collectivité, qui a permis le financement de la construction d un nouveau bâtiment ou bien, plus anecdotique, la prise en charge d accroches vélo par le Conseil départemental des Hauts-de- Seine à l université de Nanterre). En complément, tous les enquêtés rencontrés sont unanimes sur le fait que l engagement au niveau national par la mise en œuvre de la démarche DD&RS constitue un véritable accélérateur de la politique de développement durable dans les établissements d enseignement supérieur et de recherche. Elle n octroie pas de financements ou de moyens supplémentaires, mais elle permet la mise en réseau, le partage d expériences, les échanges d initiatives qui sont autant d éléments de comparaison ou d émulation pour faciliter la mise en œuvre locale de la démarche DD&RS. 2.4 Les limites actuelles de la démarche Trois difficultés semblent émerger de ce retour d expérience, qui pourraient constituer autant d enseignements pour la mise en œuvre d une démarche similaire à l université François- Rabelais. La première difficulté tient bien entendu au coût de l engagement dans le développement durable. Certaines initiatives comme la diffusion de gestes écologiques d économie d énergie ou l organisation de conférences de sensibilisation, paraissent relativement aisées et peu coûteuses à mettre en œuvre, bien qu en retour, leur efficacité en termes de changements de comportement reste parfois difficile à mesurer. D autres au contraire, et notamment les interventions sur le bâti et les flux, nécessite des budgets beaucoup plus conséquents, mais permettent de réaliser des économies. Face à ces besoins financiers, plusieurs stratégies ont été rencontrées sur le terrain. L EIVP ne dispose pas de ligne budgétaire spécifiquement dévolue aux actions de développement durable, mais celles-ci sont financées directement sur le budget global de fonctionnement de l établissement. UniLasalle ne dispose pas non plus d un budget propre mais assure un fléchage des économies financières réalisées par des actions de développement durable et qui doivent servir à financer d autres actions dans le même domaine (l acquisition prochaine d un logiciel devant justement permettre de mesurer plus précisément les économies d énergie réalisées). L université de Nanterre dispose bien d une ligne budgétaire mais essentiellement dévolue au fonctionnement du service et à la recherche d aides financières et de partenariats extérieurs, projet par projet. Seule l université de Poitiers dispose d une enveloppe budgétaire spécifique, ce qui est sans doute aussi un moyen de mise en visibilité de l engagement politique dans la démarche DD&RS. La deuxième limite, déjà rapidement évoquée, tient au statut d occupation des bâtiments. Les établissements propriétaires de leurs locaux, notamment l université de Poitiers, mettent en avant l élargissement du spectre d interventions en matière de développement durable qu offre cette propriété. À l inverse, il peut constituer un frein, notamment pour Audencia qui aujourd hui occupe des locaux de la Chambre de Commerce et d Industrie (CCI). 19

La troisième limite porte sur l appropriation de cette démarche (et du discours) en faveur du développement durable par les usagers des sites concernés. Plusieurs de nos enquêtés ont souligné la difficulté, parfois, à faire accepter des changements d usages de la part des usagers, qu ils soient enseignants, personnel administratif ou étudiants, et à mobiliser ces derniers, surtout lorsqu ils n ont pas vocation à rester plus de deux ou trois ans sur le campus, ou qu ils partent en stage ou en formation en alternance pour six mois ou plus. Les travaux scientifiques en sciences de l environnement mais aussi en sociologie des usages et des techniques ont depuis longtemps émis des réserves à l encontre des conceptions mécanicistes des changements de comportement dans les champs du développement durable et de l environnement, et souligné le fait que le passage du discours à l acte pouvait se heurter à de nombreux écueils : manque de moyens ou dépendance (à certains modes de transports, à certaines pratiques alimentaires), routines ancrées dans les gestes du quotidien, ou tout simplement désintérêt pour les enjeux du développement durable. Renforcer les actions de sensibilisation semble donc nécessaire (comme la semaine d intégration «Nettoyons la nature» organisée à UniLasalle), mais elle doit également interroger les conditions de gouvernance de la mise en œuvre de la démarche. 20

Conclusion de l étude En conclusion, le suivi du référentiel DD&RS semble clairement structurant pour réfléchir, formaliser et intégrer une démarche de développement durable dans les établissements d enseignement supérieur et de recherche en France. Au-delà de l obligation légale de l article 55 de la loi du 3 août 2009, qui reste peu contraignante, il vient répondre à la rareté des labels à destination des universités et grandes écoles en France, qui leur permettraient pourtant d accompagner et valoriser leur engagement en matière environnemental et sociétal. Le label DD&RS nous semble donc aujourd hui apte à la fois à donner une visibilité et une mise en cohérence à des actions préexistantes, et à impulser (ou soutenir) une dynamique politique locale. L une des principales limites de la démarche portant cependant sur les freins dits «psychologiques» et la difficulté d intégrer les étudiants, il importe de souligner la nécessité d un portage politique fort mais également, de manière complémentaire, de réfléchir à une démarche qui se construise dans l horizontalité et la gouvernance (groupes de travail, remontée d initiatives, mobilisation des étudiants etc.) plutôt que selon une simple logique top down. Ces différents éléments peuvent constituer autant d enseignements généraux pour l université François-Rabelais au moment où cette dernière s interroge sur la mise en œuvre de sa propre démarche de développement durable et de responsabilité sociétale. 21

Table des illustrations Graphique 1. Récapitulatif de l engagement du monde universitaire dans le développement durable et la responsabilité sociétale p. 6 Tableau 1. Principaux labels et réseaux qui font la promotion du développement durable et de la responsabilité sociétale dans l enseignement supérieur et la recherche p. 8 Tableau 2. Présentation des établissements enquêtés p. 13 22

Annexe 1. Article 55 de la loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement (dite loi Grenelle 1 de l environnement) Article 55 L éducation au développement durable est portée par toutes les disciplines et intégrée au fonctionnement quotidien des établissements scolaires. Elle contribue, à travers ses dimensions éthiques et sociales, à la formation citoyenne. Dans les lycées agricoles, les enseignements relatifs à l agronomie, à la diversité génétique, à l utilisation rationnelle des moyens de production et leur impact environnemental, aux règles de bonnes pratiques d utilisation des intrants, aux effets environnementaux des intrants, au fonctionnement des sols et aux exploitations à haute valeur environnementale seront renforcés. Les actions de ces lycées viseront particulièrement la généralisation rapide des méthodes d exploitation respectueuses de l environnement mises au point de façon expérimentale. Les établissements d enseignement supérieur élaboreront, pour la rentrée 2009, un «Plan vert» pour les campus. Les universités et grandes écoles pourront solliciter une labellisation sur le fondement de critères de développement durable. Les formations initiales et continues des membres des professions de santé et des professionnels de l aménagement de l espace comprendront des enseignements, adaptés aux métiers qu ils concernent, relatifs aux enjeux de santé liés à l environnement, à compter de la rentrée 2009. Un institut dispensant des formations continues de très haut niveau en matière de développement durable aux décideurs publics et privés sera créé, qui pourra avoir des antennes régionales. Les outils de la formation tout au long de la vie seront mis en œuvre pour accompagner, à tout niveau de qualification, les transitions professionnelles liées à l évolution vers un modèle de développement qui soit durable, en vue de développer les métiers et filières de l environnement, du recyclage, de l écoconception et des analyses du cycle de vie des produits et la connaissance des écosystèmes. 23

Annexe 2. Déclaration de Talloires (France), 4-7 octobre 1990 24

Annexe 3. Structuration du référentiel DD&RS Source : CIRSES 25

Annexe 4. Fiche informative par établissement labellisé «DD&RS» Annexe 4.1. Audiencia Business School Annexe 4.2. École Nationale Supérieure de Chimie de Biologie et de Physique de Bordeaux Annexe 4.3. École nationale supérieure des mines de Douai Annexe 4.4. École des Ingénieurs de la Ville de Paris Annexe 4.5. École Nationale du Génie de l Eau et de l Environnement de Strasbourg Annexe 4.6. Institut Mines-Telecom Atlantique Annexe 4.7. Institut polytechnique UniLasalle Annexe 4.8. Polytech Montpellier Annexe 4.9. Université de Poitiers Annexe.10. Université de Nanterre 26

Audencia Business School I-Présentation de l établissement Type d établissement : École supérieure de commerce Taille de l établissement (bâti + campus) : 7 campus ( 4 à Nantes, 1 à Paris et 2 en Chine) Nombre d étudiants : environ 4300 de bac +3 à bac +8 Nombre de membres du personnel : environ 200 Spécialité de l établissement : Master Management - Master internationaux - MBAs - Masters of Sciences - Mastères spécialisés II- Principaux labels et certifications en matière de DD et de RSE Référentiel DD&RS Planet RSE United Nations Global Compact Label Lucie (ISO 26000) Principles for Responsible Management Education L Autre Cercle III-Quelques actions phares de l établissement * Enseignements RSE dans l ensemble des filières, modules et stages * Actions en faveur de la mobilité : prise en charge supplémentaire de frais de transports pour le personnel, négociation de tarifs privilégiés avec les hôtels à proximité des trams lors des séminaires * Partenariat avec AFB pour le recyclage du matériel informatique * Nombreuses chartes en faveur de l inclusion : LGBT, diversité, homme-femme ; emploi de personnes en situation de handicap * Volet solidaire : Secours Populaire, Planet Urgence, prise de RTT par le personnel pour soutenir associations locales 27

École Nationale Supérieure de Chimie de Biologie et de Physique de Bordeaux I. Présentation de l établissement Type d établissement : École d ingénieurs Taille de l établissement (bâti + campus) : 2 500 m² répartis sur 5 bâtiments Nombre d étudiants : environ 600 élèves ingénieurs + 100 doctorants Nombre de membres du personnel : environ 60 enseignants et enseignants-chercheurs, 150 intervenants industriels, 50 administratifs et techniciens Spécialité de l établissement : Agroalimentaire, Génie Industriel et Biologique, Physique. II- Principaux labels et certifications en matière de DD et de RSE Référentiel DD&RS ISO 9001 (pour ses activités de formation) ISO 14001 OHSAS 18001 III-Quelques actions phares de l établissement * Utilisation de la newsletter pour présenter des projets de recherche liés au développement durable (Elle pourrait l être pour présenter des opérations universitaires DD&RS) * Implication des étudiants dans l Agenda 21 ou dans un bilan énergétique de l École * Mise à disposition d une plateforme de covoiturage * Ancrage des associations étudiantes : cours de soutien scolaire aux élèves du quartier de Saige à Pessac 28

École nationale supérieure des mines de Douai I. Présentation de l établissement Mutation de l établissement : a fusionné au 1er janvier 2017 avec Lille Télécom pour former l Institut Mine Télécom, IMT) Type d établissement : École d ingénieur Taille de l établissement (bâti + campus) : Non renseigné Nombre d étudiants : - avant création de l Institut Mines Télécom (IMT) : environ 900 (dont 230 en alternance et 50 en formation continue) après création de l Institut Mines Télécom (IMT) en 2017 : environ 2 000 étudiants dont 450 apprentis. Nombre de membres du personnel : environ 50 avant fusion. Spécialité de l établissement : ingénieurs généralistes, ingénieurs spécialisés en productique, ingénieurs spécialisés plasturgie et composite. Environnement, génie énergétique et civil, mécanique, qualité, SIC. II- Principaux labels et certifications en matière de DD et de RSE Référentiel DD&RS United Nations Global Compact SecNumEdu III-Quelques actions phares de l établissement * Action en faveur de la collecte, la diminution, et la valorisation des déchets : papiers bureaux, toner d impression, piles ; assiette durable ; chaire et filière de valorisation des déchets, créations durables par les élèves-ingénieurs en faveurs des collectivités : skate-park en béton recyclé. * Sensibilisation à la consommation énergétique dans chaque bâtiment : compteurs individuels ; poste d ingénieur dédié à la réalisation et pérennisation de ces actions * Développement de la visioconférence en lieu et place des déplacements : visites de stages * Aménagement d espaces naturels sur un site * Inclusion sociale : 39 % de boursier, charte d égalité homme/femme. 29