Regroupement national des Conseils régionaux de l'environnement du Québec Proposition de plate-forme sur l'agroenvironnement Introduction Le Regroupement national des Conseils régionaux de l environnement du Québec (RNCREQ), à l instar des CRE des régions dont le territoire est fortement marqué par l activité agricole, possède un intérêt manifeste pour le domaine de l'agriculture québécoise. Se fondant sur les principes du développement durable, le RNCREQ estime que l agriculture doit relever le défi exigeant de pouvoir concilier le respect de l environnement, la vitalité économique, l épanouissement social ainsi que de l équité entre peuples et entre générations. À l égard de l environnement et de l aménagement du territoire, deux phénomènes importants ont graduellement marqué la pratique de l agriculture au cours des dernières décennies. D une part, certaines pratiques agricoles entraînent des impacts considérables, non seulement sur l'environnement, mais aussi sur la santé et la qualité de vie des populations. D autre part, le développement anarchique du tissu urbain poursuit sa progression au détriment de la zone agricole. Ces problématiques globales dépassent le cadre des actions locales et régionales et commandent des interventions au niveau gouvernemental visant à assurer un développement durable de l'agriculture, ainsi qu'une cohabitation harmonieuse en milieu rural. Mise en contexte Traditionnellement, la ferme québécoise était exclusivement de type familial. Elle se caractérisait par un élevage mixte associé à une culture fournissant presque tous les aliments requis pour les animaux de la ferme. Le fumier constituait alors le seul engrais disponible pour la fertilisation des cultures. Avec les années 1970 et 1980, nous avons assisté à l émergence et à la concentration des productions dites "sans sol", lesquelles ont eu pour effet de dissocier les productions animales des productions végétales. La ferme traditionnelle a fait place à l'entreprise spécialisée, où la concentration, la spécialisation et l intensification des élevages, combinées à l augmentation de
la monoculture et à l utilisation massive d intrants chimiques, ont accru la pression sur les terres agricoles et sur l environnement. Bien que bénéfiques dans l'immédiat parce que rehaussant la fertilité des sols, l'absence de structures d'entreposage étanches ou de terres en culture disponibles à proximité pour faire un épandage rationnel a aussi grandement contribué à la dégradation de l'eau. Une problématique qui n'est pas nouvelle puisque le gouvernement du Québec adoptait déjà en 1981 le règlement sur la prévention de la pollution agricole. Toutefois, malgré tous les efforts, le temps et l argent investis jusqu ici, force est de constater que les moyens que les Québécois se sont donnés pour lutter contre la pollution d origine agricole n ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, malgré de multiples interventions de la part du MENV, du MAPAQ et de l'upa, la problématique des surplus s'amplifie. En plus d'accentuer les émissions polluantes sur des territoires restreints, les conditions de surplus incitent les éleveurs à sacrifier de nombreuses parcelles boisées au profit d un accroissement des superficies d épandage. Paradoxalement, le souci de se conformer aux normes environnementales devient alors un facteur encourageant la destruction des écosystèmes forestiers en zone agricole. Ainsi, il apparaît évident que la dimension de ces problèmes est telle aujourd'hui qu'elle exige que l on investisse avec le plus grand sérieux dans la recherche concrète de solutions et de résultats. Le comité sur l'agriculture du RNCREQ a amorcé une réflexion sur cette situation et dégagé un certain nombres d'éléments, pistes d'action et propositions de mesures susceptibles d'améliorer la situation. Le RNCREQ tient d'abord à émettre le constat suivant qui sous-tend son argumentaire en matière d agroenvironnement et justifie ses opinions et ses prises de position : Ce sont surtout par leurs effets sur l'eau, notamment au chapitre de la pollution diffuse que les pratiques actuelles ont des incidences importantes sur notre environnement. Les principales causes de la pollution d origine agricole sont les suivantes : la mauvaise gestion des fertilisants organiques et minéraux; dans plusieurs régions, les pratiques actuelles favorisent ou obligent l'utilisation d'un surplus de fumiers et d engrais minéraux; les pratiques agricoles favorisent l érosion des sols; les pesticides sont utilisés sans discernement et en trop grande quantité. D'autres éléments peuvent être identifiés comme causes de la problématique globale des effets de l'agriculture sur l'environnement et la santé, comme le type de développement agricole, la structuration économique du secteur, les problèmes de cohabitation amenés par les nuisances intrinsèques de l'industrie agricole telles les odeurs, les poussières et le bruit. Cependant, ces
éléments, qui relèvent plus de considérations économiques et sociales, voire philosophiques, ne seront pas considérés ici. Positions du RNCREQ en matière d agroenvironnement Appui à l agriculture biologique. De plus en plus de consommateurs se soucient de la qualité de leur alimentation. L introduction d'organismes génétiquement modifiés dans les aliments que nous consommons ainsi que les événements récents en Europe (vache folle, fièvre aphteuse) ont fait augmenter considérablement la demande de produits agricoles biologiques. L industrie agroalimentaire se voit donc dans une position de pouvoir exploiter un créneau de marché dont l importance ne cessera d augmenter au cours des années. Le RNCREQ appuie le développement de ce type d agriculture puisqu elle utilise des pratiques culturales ayant un impact minimal sur l environnement (travail minimal du sol, pas d engrais minéraux, utilisation de fumiers et engrais verts, pas de pesticides). Appui au principe d éco-conditionnalité. Nous approuvons l introduction du principe d éco-conditionnalité dans le Projet de loi 184. Nous estimons qu il est normal que les programmes d aide financière et les diverses compensations provenant des fonds publics soient accordés en fonction du respect par les producteurs agricoles des normes environnementales. Cependant, les bailleurs de fonds devront déterminer les conditions d application de l éco-conditionnalité en fonction des lois et règlements existants concernant l environnement en milieu agricole (Loi sur la Qualité de l environnement, Règlement sur la prévention de la pollution d origine agricole (RPPOA), Règlement sur les pesticides en milieu agricole et Décret concernant la politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables). De plus, les articles 20 et 21 du Projet de loi 184 concernant l éco-conditionnalité devraient être mis en application dans un délai d au plus deux ans. Lors de la révision du Règlement sur la réduction de le pollution d'origine agricole (RRPOA), remplacer le concept de «municipalité en surplus» par celui de «bassin versant en surplus». Le concept de municipalité en surplus dans le RPPOA est fort mal adapté à la gestion des fumiers dans le monde agricole et ne correspond pas de surcroît à la réalité géographique impliquée dans le phénomène de la pollution diffuse agricole. L approche par bassin versant permettrait de lier directement la gestion des fumiers et leurs impacts sur la qualité des eaux d un cours d eau en établissant, pour un bassin versant donné, la capacité de support en fumier des sols et des cultures de ce bassin.
Prôner la diversification des cultures. Pour être en mesure d augmenter la consommation des produits agricoles locaux et régionaux, il convient d assurer une diversification maximale des cultures. Il faudrait aussi limiter les monocultures comme le maïs et encourager la rotation des cultures qui assurent une meilleure lutte aux ravageurs et qui favorisent une plus grande productivité des sols tout en garantissant leur conservation pour les générations futures. Le maïs est une culture populaire dans les zones en surplus de fumier parce qu elle permet d épandre une plus grande quantité de fumiers que d autres cultures. La gestion des fumiers ne devrait pas se faire au détriment de la diversité des cultures. Appui à l élevage sur litière. Le lisier, qu'il provienne d'élevage de porc, de vache ou d'un autre animal, demeure un engrais liquide qui ne permet pas l'accumulation de matière organique dans le sol et n'est pas souhaitable en regard des nuisances générées par son utilisation. La pratique de l'élevage sur litière permet d éliminer la production de lisiers pour la remplacer par la production d une litière dont le degré de compostage est très avancé. L épandage de cette litière, en plus d améliorer la texture des sols, est de nature à diminuer l'érosion due au ruissellement. Quoique la charge totale de phosphore produite par les élevages ne soit pas dépendante du mode de gestion des déjections, la diminution du ruissellement est de nature à diminuer de beaucoup les rejets de phosphore dans les cours d eau. Des mesures d aide financière pourraient compenser les coûts plus élevés de cette pratique. Il s agirait d un moyen de cibler l aide gouvernementale dans des secteurs de moindre impact environnemental. L élevage sur litière constitue donc en elle-même une méthode de gestion alternative des fumiers. Prôner une gestion alternative des fumiers. Dans les bassins en surplus, l épandage des fumiers sur les terres en cultures est par définition insuffisant pour éliminer les quantités produites. Dans certaines régions, même si la gestion des fumiers répondait parfaitement aux besoins des cultures qu on y pratique, il y aurait toujours des surplus. Pour cesser de polluer par les fumiers, il faut donc, soit réduire le nombre d animaux dans un bassin donné, soit trouver des méthodes alternatives de traitement et de compostage des fumiers. Prôner une réduction de l usage des pesticides. Les pesticides sont toxiques et on ne connaît pas leurs effets combinés à long terme sur la physiologie et sur la santé humaine en général. Il convient donc de réduire leur usage au strict minimum. En ce domaine plus qu en tout autre, les agriculteurs reçoivent des conseils en provenance du «vendeur d intrant» qui n a évidemment aucun intérêt à réduire ses ventes. Le gouvernement devrait supporter un effort de recherche pour déterminer et accentuer des pratiques qui
minimiseraient l usage des pesticides en fournissant des alternatives économiquement viables. Demander l établissement de redevances à l utilisation d engrais minéraux. Afin de maximiser l utilisation des fumiers comme matière fertilisante, une redevance à l utilisation d engrais minéraux inciterait les agriculteurs à n utiliser que les quantités strictement requises. Renforcer la coordination administrative entre les ministères. L action du gouvernement par ses divers ministères et agences et par ses lois, politiques, règlements, programmes, normes, directives n a pas toujours la cohérence recherchée et est une source de frustrations pour le monde agricole et parfois d inefficacité face aux actions entreprises et des résultats visés. À titre d exemple les actions du MAPAQ, du MENV et de la Financière Agricole, de la CPTAQ devraient être mieux cordonnées et plus cohérentes. Renforcer la formation des producteurs et productrices agricoles en fertilisation. Afin de permettre aux producteurs et productrices d appliquer une fertilisation adéquate de leurs cultures, le gouvernement devrait les obliger à suivre une formation appropriée dans le domaine de la fertilisation organique des cultures et de la fertilisation minérale. Cela afin de s assurer que tous et toutes soient en mesure d appliquer des doses correctes et avec les bonnes techniques. Cette formation serait une exigence dans la mise en place du principe d écoconditionnalité. Mettre en place un réseau de ferme-vitrines de bonnes pratiques. Pour assister les agriculteurs et agricultrices dans l adoption de bonnes pratiques agroenvironnementales, le gouvernement devrait établir dans toutes les régions(en priorité dans les bassinsversants ou le niveau de pollution est le plus élevé), un réseau de fermes-vitrines pour démontrer les bonnes pratiques de cultures et d élevages qui sont plus respectueuses de l environnement. Il devrait faire un effort financier important pour soutenir ces fermes vitrines afin qu elles contribuent à la formation pratique des agriculteurs et agricultrices. L utilisation de ces bonnes pratiques deviendrait d ici quelques années une exigence pour l octroi d aide financière aux entreprises agricoles.