CONSEIL SUPERIEUR DES INDEPENDANTS ET DES PME F Ostéopathes A 04 Bruxelles, le 20.03.2008 MH/BL/JP A V I S sur LA REQUETE EN PROTECTION DU TITRE D OSTEOPATHE ***
2 Par sa lettre du 14 novembre 2007 reçue le 19, le Directeur général de la Politique des PME du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie a transmis au Conseil Supérieur des Indépendants et des PME une demande d avis sur une requête en vue de protéger le titre professionnel d ostéopathe. Le dossier de cette demande d avis a été complété par l envoi d éléments manquants le 29 novembre 2007 ouvrant à cette date la procédure de consultation du Conseil Supérieur telle que prévue à l article 4 3 de la loi-cadre du 24 septembre 2006 sur le port du titre professionnel d une profession intellectuelle prestataire de services, ( ). (Ci après : L.C.). Après avoir consulté la commission sectorielle n 13 (professions médicales et paramédicales), conjointement à la commission "Professions libérales", le Conseil Supérieur émet, à l'unanimité, lors de sa séance plénière du 20 mars 2008 l avis suivant. REMARQUE DE PROCEDURE Ainsi qu il l a déjà déclaré lors de son avis du 28 septembre 2007 sur les requêtes en protection du titre d architecte d intérieur, le Conseil Supérieur estime que, si par suite de circonstances particulières, des demandes d avis sont émises directement par les services d une administration, il importe au moins, pour qu elles soient valablement introduites, qu elles soient accompagnées d une délégation de pouvoir formelle du Ministre en charge. Ce n est à nouveau pas le cas dans le cadre de la présente procédure et le Conseil Supérieur rappelle son statut d organe d avis du gouvernement fédéral dont la saisine est organisée légalement. REMARQUES GENERALES Le Conseil Supérieur constate qu il n est nullement tenu compte de la loi (dite "Colla") du 29 avril 1999 relatives aux pratiques médicales non conventionnelles dans les domaines de l'art médical, de l'art pharmaceutique, de la kinésithérapie, de l'art infirmier et des professions paramédicales sur les pratiques médicales non conventionnelles. Certes, cette loi, qui reconnaît au moins tacitement la profession d ostéopathe e.a., devrait encore être complétée par une série d arrêtés royaux d exécution -dont certains ont déjà été pris- mais on ne peut la considérer comme simplement inexistante. Cette situation fait que des ostéopathes, quoique reconnus dans leur appellation, n ont toujours pas de réglementation professionnelle établie. La procédure de la L.C. ne prévoit quant à elle que la seule protection d un titre. Il y a donc en cette occurrence précise, un conflit possible entre ces deux législations. C est donc la mise en œuvre concrète de la législation sur les pratiques médicales non conventionnelles qui pourrait amorcer des solutions pour les professions concernées, dont les ostéopathes. Mais ceci ouvre un débat plus large qui n est pas limité à l utilisation de la loi-cadre de protection des titres.
3 Dans le même ordre d idée, le Conseil Supérieur rejoint le Conseil de la Consommation en estimant qu outre les avis légalement prévus, il est opportun de demander l avis du ou des Ministres ayant la santé publique et les affaires sociales dans leurs attributions. Dans le présent dossier, l absence actuelle de réaction de ces deux Départements doit inviter à la prudence. L objection du conflit de compétences pourrait encore être soulevée. La question de l utilisation exclusive de la loi-cadre "Classes moyennes" de protection des seuls titres peut poser des problèmes d adéquation dans la poursuite de l objectif de la protection de certaines professions, notamment celles du secteur de la santé. Le Conseil Supérieur ajoute que la pétition organisée par les requérants auprès de patients se disant satisfaits ne peut objectivement être prise en compte par lui. Enfin, force est de constater que tous les avis officiels rendus sont radicalement négatifs (ordre des médecins, Conseil de la Consommation). Les remarques émises par les fédérations professionnelles reconnues notamment médicales et paramédicales, sont également négatives. Même si le Conseil Supérieur fait abstraction de certaines tendances protectionnistes qu il combat également, il faut constater que la majorité des critiques émises sont fondées ainsi que précisé dans les remarques spécifiques cidessous. REMARQUES SPECIFIQUES Représentativité La L.C. du 24 septembre 2006 indique en son article 2, 5 ème tiret que pour pouvoir introduire valablement une requête en protection d un titre, une fédération professionnelle se doit d être agréée en application de l article 6 des lois relatives à l organisation des Classes Moyennes, coordonnées le 28 mai 1979. Ceci indépendamment de toute autre forme de reconnaissance. La requête est introduite par un groupement (GNRPO) récemment créé, qui ne bénéficie pas lui-même de cette agréation. Ce groupement rassemble six associations professionnelles différentes d ostéopathes dont seulement deux sont reconnues dans les formes de la L.C. et font partie du Conseil Supérieur des Indépendants et des PME, répondant ainsi aux critères de représentativité imposés par la L.C. Même si les deux organisations professionnelles reconnues, considérées comme représentatives suffisent chacune pour introduire une requête, le Conseil Supérieur s interroge sur cette manière de procéder qui fait peu de cas de l importance des critères de représentativité que doivent respecter les organisations professionnelles qui se prétendent telles. Il y voit également un risque de voir introduire de multiples requêtes intempestives.
4 Le Conseil Supérieur estime que c'est à l'administration de veiller à ce que les critères de représentativité soient respectés. Les fédérations interprofessionnelles représentatives ne sont pas en charge de cette vérification. Par ailleurs, il apparaît que d autres groupements (non reconnus également) existent qui n auraient pas été consultés ce qui ajoute un risque supplémentaire que des contestations surgissent. Parrainage Une seule organisation interprofessionnelle représentant les professions libérales et intellectuelles a donné son aval à la requête en vertu de l article 3 de la L.C. Bien que ce soit un aspect plus lié au fonctionnement de la L.C. que le Conseil Supérieur a dénoncé dès l origine, il réaffirme qu il est difficile de contraindre dans les faits, les fédérations interprofessionnelles à jouer le rôle de garant de l opportunité qu il y a à protéger un titre ou à introduire une requête puisque la procédure les place en situation d être juges et parties. Titre (article 1) L intitulé de la requête vise la protection du titre d ostéopathe. Mais dans leurs motivations, les requérants visent en outre la protection du titre d " ostéopathe D.O. " et " d ostéopathe DO ". Par ailleurs, ni dans sa motivation, ni dans son dispositif, la requête ne donne aucune définition, ou explication de ces abréviations. Elle ne précise pas non plus la distinction entre ces trois titres. Le titre envisagé est orienté sur certaines écoles ou formations (D.O. = doctor in osteopathy - appellation anglo-saxonne), ce qui crée un risque de confusion avec d autres appellations déjà protégées (docteur). L explication qui indique que les lettres D et O voudraient dire " diplômé ou degree en ostéopathie " est superfétatoire. Ce serait une raison supplémentaire pour ne pas les mentionner. Plus généralement, quand il s agira de protéger un titre, il est recommandé de se cantonner à des appellations claires, nettes et précises, sans ajoute d appendices divers. Description de l activité (article 2) Comme de nombreux autres intervenants dans ce dossier, le Conseil Supérieur rappelle que les ostéopathes ne constituent pas actuellement une profession de la santé relevant du champ d application de l arrêté royal n 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé. Or, la description de l activité d ostéopathie exprimée dans la requête manque de précision et est sur de nombreux points en opposition directe avec certaines pratiques et certains actes qui sont du domaine exclusif de l art de guérir. Pour le surplus, le contenu de certains aspects de la description n est nulle part explicité.
5 Par ailleurs compte tenu des contraintes actuelles imposées par la L.C., il sera plus facile de décrire avec plus de précision les activités des ostéopathes quand une formation officielle complète sera mise sur pied. Formation (article 4 1) Le Conseil Supérieur rappelle que l article 4 1 er al. 2 in fine de la L.C. prescrit, sans aucune marge d interprétation juridique, que la formation doit pouvoir être acquise dans des établissements reconnus ou subventionnés par l Etat, les Communautés ou les Régions. Le Conseil de la Consommation ainsi que les administrations concernées partagent également ce point de vue. Le Conseil Supérieur constate qu il n y a pas encore d enseignement spécifique organisé partout (F/N), ni de diplômes correspondants. Seules des formations "privées" très diverses et souvent acquises à l étranger existent. Outre qu il n est pas possible de considérer ces formations comme officielles, à moins d être reconnues comme telles par les autorités compétentes, aucun contrôle officiel des cursus et des matières n y est exercé, à l inverse d autres formations médicales ou paramédicales strictement contrôlées. L exigence de pré-requis, que la requête ne précise pas, et qui seraient déterminés et contrôlés par les seuls requérants est illégitime. De plus ce n est pas à eux de déterminer seuls quel enseignement est reconnu valable et de fixer les critères de cette validité. De la même façon, l assimilation de "tout enseignement nouvellement constitué qui respecte les critères d admission au sein du GNPRO" est précisément inacceptable. Conditions d appartenance à une fédération (article 4 2) Cette condition est purement et simplement anticonstitutionnelle et va à l encontre de la liberté d association. Elle viole non seulement l article 27 de la Constitution belge mais également l article 11 de la Convention européenne des Droits de l Homme. Déontologie (chapitre IV) Bien que la requête énumère de nombreuses règles de déontologie, le Conseil Supérieur constate que beaucoup d entre elles sont totalement vagues et que certaines n ont pas de rapport avec une déontologie au sens large. Plusieurs points sont mêmes en contradiction avec les règles régissant l art de guérir (actes réservés). De plus, la requête ne répond pas à l article 4 1 er al. 3 et 4 de la L.C. qui prescrit qu une requête doit prévoir les éléments de base des règles de déontologie et que ces règles doivent se rapporter au moins : 1 à l information et à la protection du consommateur et 2 aux incompatibilités en vue de garantir l indépendance nécessaire. Mesures transitoires (chapitre VI) Inscrite dans l article 11 de la requête, la priorité des droits acquis réservée d office aux seuls membres d une des organisations professionnelles requérantes et de par ce seul fait, est illégale.
6 L alinéa 1 er de l article 12 de la requête qui indique que ceux qui ne sont pas titulaires d un diplôme requis ne peuvent pas porter le titre est une évidence qu il est inutile de répéter. L alinéa 2 du même article 12 qui prévoit que seuls les enseignements reconnus par les seuls requérants sont valables, ne peut être d ordre public. Sur l alinéa 4 de cet article qui prévoit que "la situation doit être évaluée au cas par cas en fonction des données fournies par le demandeur", le Conseil Supérieur renvoie à l analyse du Conseil de la Consommation au point 2.6 de son avis CC 392 du 25 octobre 2007 qui constate que cela est absolument impossible et tout à fait contraire à l objectif intrinsèque d un régime transitoire. Pour le surplus, ces mesures transitoires manquent totalement de précision : "une durée" "certains cas" "un nombre" etc Enfin, le bénéfice de l assimilation au titre sous condition de devenir membre du groupement professionnel requérant, appelle les mêmes remarques que celles faites plus haut à propos de la liberté constitutionnelle d association. CONCLUSION La nécessité de protéger le titre d ostéopathe et de déterminer le contenu de l exercice professionnel de cette pratique n est pas remise en cause. Mais il apparaît plus opportun en l espèce, d élaborer cette réglementation d une profession qui touche à la santé dans un cadre plus large et plus adéquat que celui des seules législations des Classes moyennes. Enfin, le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME émet un avis négatif sur la requête en protection du titre d ostéopathe introduite par le groupement national représentatif des professionnels de l ostéopathie (GNRPO) et publiée au Moniteur belge du 31.08.2007, car il estime qu il y a suffisamment d objections tant de forme que de fond pour la rejeter.