Aide du laboratoire de virologie en maladies infectieuses

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 4-0820 Aide du laboratoire de virologie en maladies infectieuses H Agut L es virus sont des agents infectieux originaux par la simplicité de leur structure et le caractère intracellulaire de leur réplication. Le laboratoire de virologie médicale contribue au diagnostic et au suivi des maladies virales selon deux approches principales : le diagnostic direct et le diagnostic indirect ou sérologique. Le choix des différentes méthodes d analyse dépend du virus suspecté et des objectifs médicaux. 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. 4-0820 Mots-clés : virus, diagnostic direct, diagnostic indirect, Elisa, amplification génique, charge virale, résistance aux antiviraux. Introduction L originalité des virus a pour corollaire la variété des approches diagnostiques les concernant. Le diagnostic virologique a progressé de façon remarquable au cours des dernières années, profitant en particulier de l essor des techniques de biologie moléculaire et du développement de la chimiothérapie antivirale. Cependant, malgré ces progrès, l interprétation des résultats des examens est souvent difficile, du fait de la variabilité de la multiplication et du pouvoir pathogène des virus dans l organisme humain. Rappels de virologie Les virus sont des agents biologiques simples constitués d un acide nucléique d un seul type (acide ribonucléique [ARN] ou acide désoxyribonucléique [ADN]) et d un assemblage de protéines, la capside, entourant cet acide nucléique. Cette structure de base est celle des virus nus. Dans le cas des virus enveloppés, la capside est entourée d une couche de lipides, l enveloppe, dérivée des membranes cellulaires. Ces particules virales, encore appelées virions, se trouvent à l état libre hors des cellules. Les virus sont également présents à l intérieur des cellules qu ils infectent sous des formes variables dépendant de leur stade de maturation. Dans le processus de multiplication virale, l apport essentiel du virus est son matériel génétique et c est la cellule hôte qui fournit la majorité des éléments nécessaires à la réplication (systèmes de synthèse, sources d énergie). En effet, les particules virales disparaissent après pénétration dans la cellule, ce qui libère l acide nucléique viral, et ce dernier seul dirige la fabrication de nouveaux virions par le biais d un détournement des synthèses cellulaires. L infection des cellules s effectue selon un processus séquentiel qui va de la fixation du virion à un récepteur spécifique suivie de son internalisation jusqu à l autoassemblage des composés nouvellement synthétisés et à la libération de nouvelles particules virales en tous points identiques au virion initial. Pour le diagnostic virologique, la détection des virus s oriente donc vers plusieurs cibles : les particules virales libres d une part, les molécules virales intracellulaires d autre part, ce dernier contingent regroupant à la fois des composants structuraux présents dans les virions et des composants non structuraux (protéines, ARN messagers) retrouvés uniquement dans les cellules infectées. Les propriétés biochimiques des composants viraux et les caractéristiques de réplication intracellulaire constituent par ailleurs les fondements actuels de la classification des virus. À l échelle de l organisme humain, les virus pénètrent à travers une effraction cutanée ou une muqueuse et se multiplient à proximité de la porte d entrée. L infection peut rester localisée autour de ce site primaire de multiplication ou se généraliser par voie sanguine, lymphatique ou nerveuse. Dans le cas d une infection généralisée, l organe cible, dont l atteinte est à l origine des signes cliniques de la maladie, est le plus souvent à distance du site primaire de multiplication. L excrétion virale qui conduit à l infection d autres individus se fait à partir du site primaire ou de l organe cible. En général, en l absence d évolution suraiguë, l action du système immunitaire aboutit à l élimination du virus. Cependant, les virus persistent parfois dans le contexte d une infection latente ou d une infection chronique productive. La part de ces infections persistantes, dont les infections à herpèsvirus et l infection à virus de l immunodéficience humaine (VIH) sont des exemples très significatifs, est devenue considérable dans l activité des laboratoires de virologie et a beaucoup modifié les approches diagnostiques définies antérieurement avec des infections aiguës résolutives. D une façon générale, pour chaque virus, la connaissance de la physiologie de l infection est essentielle pour la pratique du diagnostic virologique fondé de plus en plus sur la détection des virions et des composants viraux. Diagnostic virologique Diagnostics direct et indirect Le diagnostic virologique comporte deux approches différentes et complémentaires. Le diagnostic direct est fondé sur la détection de particules virales ou de composants viraux dans un prélèvement biologique obtenu à partir d un fluide acellulaire ou d un tissu. Le diagnostic indirect, encore appelé diagnostic sérologique ou sérodiagnostic, est fondé sur la détection des anticorps spécifiques élaborés par l organisme infecté en réponse à l infection virale. La recherche des anticorps se fait le plus souvent dans le sérum ou le plasma mais elle concerne parfois d autres fluides biologiques tels que le liquide céphalorachidien, la salive, les urines, les liquides oculaires. Le diagnostic direct et le diagnostic indirect diffèrent par leur pratique et par l interprétation de leurs résultats : schématiquement, le diagnostic indirect est plus simple dans sa réalisation mais plus complexe dans son interprétation. De fait, le sérum est facile à obtenir et, conservé congelé à 20 C, il permet la recherche des anticorps pendant de longues périodes. Les procédures de détection, fondées principalement sur des techniques immunoenzymatiques, sont en général bien automatisées et bien étalonnées. Cependant, la présence des anticorps dépend de la capacité du sujet infecté à élaborer une réponse immune adaptée et cette réponse immune est souvent altérée de façon physiologique ou pathologique, notamment dans les situations d immunodépression ; pour le diagnostic direct, les échantillons biologiques sont de nature très variée et exigent, d une façon générale, plus de précautions pour leur prélèvement, leur transport, leur conservation que les prélèvements de sérums. Pour l isolement d un virus en culture cellulaire, l infectiosité des virus libres et la viabilité des cellules infectées présents dans l échantillon doivent être absolument préservées. De 1

4-0820 - Aide du laboratoire de virologie en maladies infectieuses même, pour la recherche de composants viraux in situ dans un échantillon cellulaire, il faut préserver la structure et la morphologie des cellules présentes. La congélation d un échantillon pour le diagnostic direct ne doit donc pas être systématique mais au contraire mûrement réfléchie en fonction de la méthodologie qui lui sera appliquée. En revanche, la détection d un antigène viral circulant dans le sérum exige moins de précautions car cet examen est très proche techniquement du diagnostic sérologique. En cas de doute sur la pratique et le transport d un prélèvement, la meilleure solution est de contacter le laboratoire de virologie qui effectue l examen. Les résultats du diagnostic direct sont relativement faciles à interpréter puisqu un résultat positif indique en général la présence d une infection virale productive. Cependant, ces résultats sont grandement influencés par la sensibilité et la spécificité de la technique de détection utilisée. En revanche, l état physiologique ou pathologique du sujet infecté modifie assez peu cette interprétation. Techniques diagnostiques Techniques de diagnostic direct Elles sont très variées. La détection des particules virales par observation en microscopie électronique est peu utilisée car elle nécessite un appareillage lourd et des échantillons très riches en virions. Elle est encore indiquée dans l examen des selles au cours des gastroentérites virales, du liquide vésiculaire dans les éruptions vésiculeuses et, d une façon générale, d un prélèvement au cours d une infection d allure virale sans élément d orientation et/ou sans positivité des autres tests diagnostiques. La détection des particules virales infectieuses repose sur l isolement du virus en culture cellulaire. Cette méthode de référence comporte de nombreuses exigences : expérience des cultures cellulaires, laboratoire bien équipé et protégé, règles de sécurité strictes, durée de culture souvent longue. Elle comporte aussi des limitations : permissivité d une culture cellulaire donnée en général restreinte à quelques virus, caractère peu ou non cultivable de certains virus, difficulté à détecter la multiplication virale. Il est donc essentiel de disposer d éléments d orientation pour choisir le meilleur support cellulaire et établir la meilleure stratégie de surveillance de la culture : recherche d un effet cytopathique en microscopie optique, recherche d une protéine virale par une réaction immunologique ou par son activité enzymatique, recherche d un acide nucléique viral par hybridation ou amplification génique (PCR : polymerase chain reaction). La réussite de l isolement dépend aussi de la précocité du prélèvement au cours de l infection qui conditionne en grande partie la richesse en particules infectieuses. La détection des protéines virales se fait grâce à leurs propriétés antigéniques, en utilisant des anticorps de référence. La révélation de la réaction antigène-anticorps se fait le plus souvent par une technique immunoenzymatique, le support étant le puits d une microplaque, une membrane ou des cellules fixées. Cette approche a été largement validée dans de nombreux domaines comme, par exemple, la détection de l antigène HBs du virus de l hépatite B (VHB) dans le sérum ou la détection de l antigène pp65 du cytomégalovirus (CMV) dans le noyau des polynucléaires circulants. Elle impose néanmoins une orientation diagnostique préalable très précise et ne permet pas l isolement du virus. La détection des acides nucléiques viraux, effectuée initialement avec les seules techniques d hybridation moléculaire, a bénéficié de l essor de l amplification génique (PCR). Cette technique est très spécifique car les amorces utilisées pour l amplification de l ADN sont strictement complémentaires de l acide nucléique viral cible. Elle est aussi très sensible du fait du mode exponentiel de production des produits amplifiés. Il faut aussi connaître ses limites. On observe des résultats faussement négatifs quand les acides nucléiques extraits de l échantillon sont de mauvaise qualité, leur quantité trop faible ou leur séquence génétique trop différente de celle des virus de référence utilisée pour établir la séquence des amorces. Inversement, on observe des résultats faussement positifs, en particulier quand la PCR est contaminée par les produits amplifiés d une réaction précédente. Techniques de diagnostic indirect Elles ont pour but de détecter et titrer les anticorps dans un fluide biologique et sont beaucoup moins variées. Les réactions de neutralisation, de fixation du complément, d inhibition de l hémagglutination sont peu utilisées actuellement. Si la réaction d immunofluorescence conserve encore quelques indications précises, les réactions immunoenzymatiques, en particulier la technique enzyme linked immunosorbent-assay (Elisa), sont utilisées dans la majorité des cas. Ces techniques sont souvent automatisées en ce qui concerne leur exécution et la lecture des résultats, ce qui leur assure une bonne reproductibilité et une bonne sensibilité. Cependant, on observe des résultats faussement positifs dus à des réactions antigéniques croisées ou à la réactivité de certains sérums humains vis-à-vis de produits contaminant les préparations d antigène. Des techniques de confirmation, telles que le western blot, permettent de rechercher les anticorps dirigés spécifiquement contre certains antigènes viraux. Alors que l Elisa évalue en général la réactivité globale des immunoglobulines (Ig) contre un virus donné, la réactivité sélective contre un antigène précis permet de définir des critères de positivité non ambigus. L exemple le plus caractéristique est le western blot utilisé pour la confirmation du diagnostic de l infection à VIH. La détection des anticorps dans un seul prélèvement de sérum est suffisante pour affirmer, selon le cas, l existence d une infection ancienne guérie ou d une infection persistante. Le titre des anticorps sur ce sérum ne peut en aucun cas traduire le caractère récent ou ancien de l infection car ce titre dépend essentiellement de la qualité de la réponse immune de l individu. La présence d IgM est classiquement synonyme d une infection récente mais on sait maintenant que les IgM réapparaissent au cours de l évolution de nombreuses infections chroniques. La mesure de l avidité des anticorps est une approche actuellement en développement : elle est fondée sur la constatation que l affinité des anticorps augmente au fur et à mesure que l on s éloigne du moment de la primo-infection. En pratique, l argument sérologique le moins contestable en faveur d une infection récente est la mise en évidence d une séroconversion grâce à l analyse de deux sérums consécutifs, le premier étant séronégatif et le second séropositif par la même technique. Une ascension significative du titre des anticorps observée sur deux sérums consécutifs a classiquement la même signification, mais cette élévation correspond parfois à une réponse immune anamnestique chez un sujet anciennement infecté. Stratégies diagnostiques Les différentes composantes du diagnostic virologique sont nombreuses et souvent redondantes. Du fait de leur coût en réactifs et en temps de travail, il faut les associer rationnellement pour définir des stratégies adaptées au virus suspecté, à la question clinique posée, à la situation physiologique de la personne infectée et aux budgets disponibles : pour les donneurs de sang ou d organes,lebut des examens virologiques est de dépister les rares cas d infection virale méconnue et d exclure les dons correspondants afin de prévenir la transmission d une infection virale au receveur. Cette démarche de qualification du don est à distinguer du diagnostic virologique au sens propre car sa priorité est un dépistage très sensible, rapide et facile plutôt qu une caractérisation spécifique de l infection. La qualification des dons s est appuyée jusqu à présent avec succès sur les techniques sérologiques, mais les exigences sécuritaires de plus en plus élevées font maintenant envisager le recours additionnel à des techniques de PCR ; pour le diagnostic d une primo-infection, le diagnostic direct apparaît le plus souvent comme le meilleur choix car la séroconversion est souvent décalée par rapport à la phase aiguë de l infection. L orientation diagnostique permet de définir la méthode directe la plus adaptée. Pour certains virus comme le virus Epstein-Barr, le profil de réactivité sérologique est d emblée très informatif alors que le diagnostic direct est très difficile. D une façon générale, la recherche d une séroconversion garde sa valeur pour pallier un échec du diagnostic direct ou confirmer ses résultats ; pour le diagnostic d une infection ancienne guérie ou celui d une infection chronique, le diagnostic sérologique est bien adapté et l examen d un seul prélèvement est en général suffisant. Dans les situations où il faut trancher entre guérison et persistance, le recours au diagnostic direct (isolement du virus, recherche d antigènes ou d acides nucléiques) s impose. Une autre question est la réactivation d une infection virale latente : là encore, la sérologie a peu de valeur et c est l approche directe, éventuellement renforcée par une technique quantitative, qui doit être privilégiée. Suivi des infections virales diagnostiquées Le diagnostic d une infection virale évolutive n est pas toujours suffisant pour décider d un traitement ou étudier cette infection en termes d évolution et de transmission. Les critères habituellement pris en compte étaient les éléments cliniques et les données des autres explorations biologiques. Actuellement, les laboratoires de virologie sont à même de fournir des données complémentaires permettant le suivi de l infection après l étape diagnostique : la quantification de la charge virale est devenue un élément essentiel dans le suivi de 2

Aide du laboratoire de virologie en maladies infectieuses - 4-0820 l infection à VIH, à la fois pour affiner le pronostic, poser l indication d un traitement antirétroviral et vérifier son efficacité. Ce paramètre est aussi corrélé au risque de transmission du virus à partir d un sujet infecté, en particulier lors d un accident d exposition au sang ou d une grossesse. La quantification virale est aussi utilisée dans les infections par le VHB et celui de l hépatite C (VHC). Il est probable que son utilisation sera élargie à d autres infections virales chroniques pour lesquelles un pronostic doit être défini ou un traitement envisagé. Les techniques de quantification sont directement dérivées des techniques de diagnostic direct et l amplification génique est largement mise à contribution. Cette quantification peut concerner des compartiments différents de l organisme, par exemple l ARN viral plasmatique et l ADN complémentaire de cet ARN intégré au génome cellulaire dans le cas de l infection à VIH. L évolution de la charge virale n est pas forcément équivalente dans les deux compartiments et leur comparaison peut être également utile au suivi ; le développement de la chimiothérapie antivirale s est associé inéluctablement à l émergence de la résistance aux antiviraux, et cette question particulière est maintenant prise en compte tant pour le suivi des personnes traitées que pour le développement de nouvelles molécules. La résistance aux antiviraux est détectée par la mesure de la réplication virale en présence de diverses concentrations de l antiviral, mais cette approche impose que le virus en cause ait été isolé au préalable. Une approche moléculaire plus rapide est actuellement en développement : elle a pour but de détecter, dans les gènes cibles des antiviraux, des mutations qui ont été associées de façon répétée à un phénotype de résistance. Cette stratégie a été appliquée aux infections à VIH, VHB et VHC ; les mécanismes de transmission interhumaine sont étudiés grâce à la caractérisation moléculaire des virus qui permet, en comparant les virus de la personne infectée et du sujet source potentielle, de détecter une filiation ou au contraire une absence de parenté ; l analyse moléculaire est aussi utile pour la classification des virus et l analyse épidémiologique des infections au sein de différentes populations. Cependant, cette caractérisation moléculaire ne doit en aucun cas être considérée comme une analyse de première intention et se substituer aux procédures plus simples du diagnostic direct. Conclusion Les progrès du diagnostic virologique ont permis, au cours des dernières années, de détecter de nombreux virus pathogènes et de préciser l évolution des infections associées. La contrepartie est une complexité accrue des examens virologiques et des résultats obtenus. Cette complexité ne restera un progrès que si la pratique des examens est gérée de façon rationnelle et consensuelle, la stratégie diagnostique adaptée à la question posée et les résultats correctement confrontés aux autres données cliniques et biologiques. Plus que jamais, l étude des infections virales humaines nécessite une collaboration étroite entre cliniciens et virologistes. Remerciements : L auteur remercie Mademoiselle Virginie Rubi pour la mise en forme du manuscrit. Henri Agut : Professeur, laboratoire de virologie du CERVI, UPRES EA 2387, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : H Agut. Aide du laboratoire de virologie en maladies infectieuses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-0820, 2000, 3 p Références [1] Agut H. Classification et mode de transmission des virus humains. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Maladies Infectieuses, 8-000-C-10, 1996 : 1-6 [2] Brun-Vézinet F, Dormont J. Mesure de la charge virale dans le suivi des patients atteints par le VIH. Méthodes et indications. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1996 : 1-47 [3] Fillet AM, Agut H. Diagnostic virologique. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Maladies Infectieuses, 8-040-A-10, 1997 : 1-7 [4] Garbarg-Chenon A. Quantification des génomes viraux. In : Seigneurin JM, Morand P éd. Virologie moléculaire médicale. Paris : Lavoisier Techniques et Documentation, 1997 : 67-74 [5] Maréchal V, Dehée A, Nicolas JC. Marqueurs de réplication et physiopathologie des infections virales. Virologie 1997 ; 1 (suppl) : S11-S19 [6] Wattré P. La biologie moléculaire au service de la virologie médicale quotidienne. 1. Principes méthodologiques. Ann Biol Clin 1997 ; 55 : 25-31 [7] Wattré P. La biologie moléculaire au service de la virologie médicale quotidienne. 2. Application au diagnostic virologique. Ann Biol Clin 1997 ; 55 : 81-91 3

AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 4-0830 Choix d un antibiotique F Bricaire 4-0830 S i chaque prescripteur justifiait, comme il se doit, l indication d une antibiothérapie et son choix de façon constante et rigoureuse, les retombées positives en seraient majeures, tant en termes d efficacité pour le malade et de respect de l écologie microbienne qu en termes d économie de la santé. Elsevier, Paris. Elsevier, Paris Introduction En pratique médicale, les prescriptions antibiotiques sont parmi les plus usuelles. Cette grande fréquence impose d autant plus de prudence que les conséquences de cette prescription sont importantes : toute antibiothérapie se doit d abord d être efficace. Pour ce faire, elle doit être ciblée. Le succès est d autant plus impératif que l infection risque d être sévère. Elle doit aussi respecter au mieux l écologie bactérienne. Cette notion peut paraître accessoire, elle ne l est pas : toute prescription inadaptée participe à une pression de sélection sur des germes, qui réduit potentiellement l efficacité des molécules antibiotiques. Si un antihypertenseur garde ses propriétés, quelles que soient ses modalités de prescription, il n en est pas de même pour l antibiotique. C est la raison pour laquelle toute antibiothérapie doit être raisonnée et justifiée. En toutes circonstances cette démarche intellectuelle est à la fois possible et impérative. Éléments de choix d une antibiothérapie La justification Trois ordres d éléments soutiennent la justification d une antibiothérapie, soit trois réponses à trois questions (tableau I) : quel est le site infecté? quel est ou quels sont les germes responsables de l infection? sur quel terrain survient cette infection? Àlapremière question, il est le plus souvent aisé de répondre : un interrogatoire et un examen Tableau I. Questions Éléments pour la réponse Connaissance antibiotique Site(s) Interrogatoire Cinétique Examen clinique Germe(s) Site germe Spectre Raisonnement probabiliste Terrain(s) Interrogatoire Tolérance Examens biologiques clinique permettront de déterminer le site concerné : respiratoire, urinaire, osseux... Un syndrome septicémique constitue en lui-même un site concernant l ensemble de l organisme. Il est plus difficile de répondre à la deuxième question. Le ou les germes responsables doivent cependant être toujours évoqués et ceci est toujours possible. L isolement d un germe par un prélèvement souvent souhaité est loin d être une nécessité. La connaissance du site infecté suffit à déterminer en corollaire le germe avec une quasi-certitude (streptocoque pour une angine, Escherichia coli pour une première infection urinaire). Un raisonnement probabiliste permet, grâce à des connaissances théoriques, de déterminer les germes que l on peut craindre : pneumocoque, Haemophilus, germes atypiques dans une pneumopathie. Pour la troisième question les données de l interrogatoire, de l examen clinique, voire quelques précisions biologiques suffisent à déterminer les caractéristiques dites de terrain. À ces trois interrogations correspondent trois ordres de connaissances pour le praticien, concernant les caractéristiques des antibiotiques, ou plus précisément les diverses familles d antibiotiques. Cinétique pour le site : l antibiotique doit à l évidence aller au mieux sur le site que l on souhaite atteindre. Bactériologique : par la connaissance des spectres d activité pour le ou les germes. Tolérance : pour l adaptation au terrain, c est-à-dire une connaissance des effets indésirables. Ce n est qu en ayant répondu à ces trois critères que pourront être raisonnablement retenues une ou plusieurs molécules répondant aux exigences souhaitées. Le coût Interviendra alors éventuellement un quatrième critère, non négligeable : le coût. À qualité égale, sera retenue, à l évidence, la molécule la moins onéreuse. Cette exigence devant toute prescription est d autant plus impérative que si une adaptation secondaire de l antibiothérapie devient nécessaire (nouvel élément clinique, précision du laboratoire de microbiologie, fait nouveau témoignant d un effet indésirable), le même raisonnement devra être fait, permettant un nouveau choix également judicieux. Dans l hypothèse où il n est pas possible de répondre aux critères de la deuxième question surtout, parfois de la première, cela veut dire, soit qu il n y a pas justification à une prescription antibiotique, soit que des précisions doivent être attendues pour qu une décision soit prise. Ainsi ne doit-on plus entendre ces termes de prescription à l aveugle, de «couverture», sans autre argumentaire. Par delà ces notions, entrant d abord dans la prescription d une monothérapie, circonstance la plus fréquente, le même raisonnement doit être conduit pour chacun des partenaires lorsqu une association apparaît nécessaire. 1

4-0830 - Choix d un antibiotique Rappelons qu une association est nécessaire dans trois circonstances : pour assurer certainement une bactéricidie lorsque l infection est jugée sévère : par la localisation de celle-ci (endocardite), lorsque le germe est estimé virulent (staphylocoque), lorsque le terrain est déficient (immunodéprimé) ; pour diminuer le risque d émergence de mutants résistants : c est le cas pour certaines infections à germes connus comme hautement résistants ou avec certaines familles d antibiotiques, sélectionnant aisément des mutants (rifampicine, fosfomycine, fluoroquinolone...) ; pour élargir le spectre d activité lorsque, compte tenu des germes suspectés, il n est pas possible de trouver un seul antibiotique actif répondant aux critères souhaités. Dans ces circonstances, chacun des associés doit être analysé selon les mêmes critères de choix. Il importe que l association soit active, si possible synergique sur les germes à combattre, et soit présente en même temps sur le site infecté. La certitude de bien remplir ces conditions amène parfois à devoir choisir trois molécules actives. C est de ce raisonnement, en pratique vite conduit, que naît la nécessaire bonne pratique de la prescription antibiotique. François Bricaire : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : F Bricaire. Choix d un antibiotique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-0830, 1998, 2 p Références [1] Bricaire F. Pourquoi une association antibiotique? Reanim Urg 1997 ; 6 (n 4 spécial) : 3S-8S 2