La dynamique urbaine-rurale: vers une gouvernance territoriale intégrée

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Transcription:

1/1 La dynamique urbaine-rurale: vers une gouvernance territoriale intégrée Conférence organisée par le Conseil des Communes et Régions d'europe et le Parlement européen (intergroupe Urban/Logement) Bruxelles, mardi 12 juin 2007 --------------- Eléments de l'intervention de Louis LE PENSEC, Président de l'afccre, co-président du Forum politique du CCRE sur la politique de cohésion, ancien Ministre, Sénateur, Vice-Président du Conseil Général du Finistère L importance d une gouvernance territoriale intégrée entre les zones urbaines et les zones rurales Table ronde de 15h00 à 16h30 Mesdames et Messieurs les députés européens, Mesdames et Messieurs les membres du Comité des Régions, Mesdames et Messieurs les représentants de la Commission européenne, Mesdames et Messieurs les représentants des collectivités territoriales, Chers amis, Il me semble utile, en préalable à notre discussion, de rappeler une évidence : La question d une gouvernance territoriale intégrée entre les zones rurales et les zones urbaines suppose que l on ait opéré une distinction entre celles-ci. Les débats sur les relations urbain/rural, en effet, impliquent l idée de territoires respectivement qualifiés soit «d urbain», soit de «rural». Or, cette classification est aujourd hui beaucoup plus difficile à réaliser qu au début des années 70, période à laquelle, par exemple, les premières réflexions sur la politique régionale européenne ont été lancées. L industrialisation de nos territoires avait déjà brouillé l image classique de la «ville» et de la «campagne». Ce phénomène est désormais renforcé et démultiplié, en tout cas en France, par des tendances de fond, positives ou négatives : la situation du marché de l immobilier, le développement des infrastructures de transport, l amélioration des technologies de l information et de la communication

En tant qu élu local de terrain, investi dans un territoire, le département du Finistère, qui constitue un échelon privilégié d observation de ces évolutions, je constate que la ligne de partage n est plus aussi clairement perceptible qu il y a cinquante ans. Désormais, on parle même, en français, de «rurbanisation», processus qui conduit à gommer les qualités traditionnellement associées aux milieux urbain et rural. Ainsi l influence de la ville s étend de plus en plus loin dans les zones rurales, ainsi «rurbanisées». J attire votre attention, d ailleurs, sur le caractère un peu réducteur de cette expression, qui implique une appréhension des relations urbain/rural à l aune d un concept unique qui est «l urbanisation», envisagée sous ses aspects plutôt négatifs et délétères pour l environnement et la qualité de vie : problèmes de pollution, congestion des transports, densification de l habitat Je pense pour ma part que le brouillage des relations urbains/rural est aussi le signe d évolutions favorables, sur lesquelles nous n insistons pas suffisamment : compétitivité accrue des territoires ruraux, prise en compte de la problématique du développement durable et du rôle central qu y jouent les territoires ruraux, volonté, tout simplement, des populations urbaines de vivre en zones rurales, ce qui suppose au passage qu ils y reconnaissent quelques avantages Je saisis cette occasion pour indiquer aux représentants de la Commission européenne et des Etats qui participent à nos travaux, que les élus locaux et régionaux, n ont pas été les spectateurs, mais les acteurs de ces évolutions, par les politiques dynamiques (notamment en matière d accueil) et innovantes qu ils ont menés. Constamment, nous avons dû anticiper ces mutations et faire preuve d imagination, quelquefois d ailleurs en débordant des strictes compétences dévolues à nos collectivités. Cela me permet de saluer le travail réalisé par Jean- Paul Denanot, Président de la Région Limousin, dont l action à la tête du réseau Européen RURAL INNOVA s inscrit dans cette recherche de solutions innovantes et transférables pour le devenir des politiques territoriales dans les zones rurales de l Europe. Aujourd hui, je considère que les problématiques auxquelles est confrontée l Union placent les élus locaux et régionaux au cœur des débats européens, et trouvent effectivement une réponse dans le développement d une gouvernance territoriale associant sur un pied d égalité le monde urbain et le monde rural. Je souhaite détailler avec vous quelques points qui illustrent les potentiels que recèlent pour l Europe les coopérations entre zones rurales et urbaines et le développement d une politique réellement intégrée, notamment en matière de cohésion. 2/2

1) La gouvernance territoriale intégrée entre l urbain et le rural, clé de la réussite des stratégies de Lisbonne et de Göteborg Dans cette optique, qui est la mienne, les territoires ruraux ne constituent pas le facteur résiduel, la «marge» de l urbain, espace naturel de compétitivité et qui concentrerait seul les clés du développement économique et social de l Union européenne. Il apparaîtra dans nos débats que l espace rural n est pas exclusivement agricole et que la mixité des activités et des usages en fait un espace aussi moderne que la ville, un territoire d avenir. Aussi, je voudrais d ores et déjà vous dire une conviction profonde: le développement de la compétitivité de l Union européenne ne peut se concevoir sans renforcer la compétitivité de l ensemble des territoires qui la composent. Dans le cas contraire, c est bien la cohésion territoriale, objectif majeur de l Union, qui serait mise à mal. D un autre côté, les points névralgiques du développement durable, dans son pilier environnemental en particulier, se situent à égale importance dans les zones urbaines et les zones rurales : luttes contre les pollutions et le réchauffement climatique, protection de la biodervisté Les interactions entre monde urbain et monde rural ont d ailleurs fait naître de nouveaux enjeux, en matière de transport public par exemple. Pour chacun de ces problèmes, les acteurs urbains et ruraux ont à leur niveau engagé des politiques actives. L objet de nos travaux est bien de reconnaître et d affirmer le rôle complémentaire de l ensemble des territoires de l Europe dans la réussite conjointe des stratégies de Lisbonne et de Göteborg. Là est le premier enjeu de la gouvernance territoriale. Nous sommes d ailleurs aujourd hui confrontés à un certain paradoxe. Alors que chacun s accorde à rappeler la nécessaire coordination entres les politiques à destination du monde urbain et rural et l importance d une stratégie intégrée ( - thème de notre colloque - ), jamais les politiques et les instruments financiers européens qui les accompagnent n ont été aussi distincts et étrangers l un à l autre. Ainsi, depuis 2000, nous sommes face à une politique de développement rural qui échappe de plus en plus à la politique de cohésion pour être financée quasiuniquement par la PAC, au travers de son deuxième pilier. La création du FEADER a porté un rude coup, je le dis clairement, à une approche intégrée du développement local impliquant les zones rurales. La programmation 2007-2013 du FEADER, en France, a confirmé en partie les craintes que nous avions exprimées à l époque, et a révélé le faible poids des problématiques territoriales lorsqu il s agit de mettre en œuvre un instrument financier relevant d une politique sectorielle. Dans le même temps est fortement exprimée la nécessité d un volet urbain ambitieuse au sein de la politique européenne de cohésion, ce que personne ne contestera, tant par le passé, les zones urbaines on été ignorées du zonage des fonds structurels européens. 3/3

Le travail mené par le Parlement européen et son intergroupe Urban logement que préside Jean-Marie Beaupuy n y est pas étranger et je tiens à l'en féliciter. L adoption de l agenda territorial européen et de la Charte de Leipzig, lors de la rencontre des ministres européens les 24 et 25 mai dernier, s inscrit également dans cette logique en mettant l accent sur la promotion du développement urbain. Cette démarche, que notre organisation européenne a soutenu, peut, néanmoins, lorsqu elle est poussée à son paroxysme, produire des effets négatifs. Aujourd hui, en France, par exemple, l Etat, appuyé par la Commission européenne, a demandé aux Préfets de région d identifier, dans leur programme opérationnel de l Objectif Compétitivité régionale et Emploi des fonds structurels, un axe spécifique dédié aux questions urbaines. Jean-Marie Beaupuy me contredira peut-être, mais on peut difficilement affirmer que cela va dans le sens d une approche intégrée des politiques de développement local en tout cas, moi, je m'interroge Dès lors, je pose la question : où est la volonté politique en Europe, au-delà des discours, d une réelle politique territoriale intégrée, alors que les principaux instruments financiers européens de développement territorial s acharnent à opérer des distinctions anachroniques, encourageant par la même les égoïsmes sectoriels ou territoriaux? C est pourquoi je souhaite pour ma part que l agenda territorial européen porte une autre ambition que de délivrer de simples recommandations visant aux «renforcement du partenariat entre les villes et les campagnes», autour du concept encore flou selon moi, du développement polycentrique. Je ne voudrais pas que la démarche engagée connaisse un sort comparable à celui du schéma de développement de l espace communautaire, de 1999, que la réunion de Leipzig a, un peu artificiellement, remis à l ordre du jour des débats européens, mais dont j attend toujours la traduction opérationnelle. Aujourd hui, le constat que je dresse de l impact des politiques européennes sur la coopération urbain/rural est très mitigé : faute de réelle compétence de l Union en matière de politique urbaine, et vu les faiblesse du pilier développement rural de la PAC, il n est pas réaliste d espérer grand-chose en la matière Je dois reconnaître aussi que la France présente au regard des autres pays européens plusieurs particularités dans son organisation territoriale, qui doivent tempérer mes propos et m interdire de tirer des conclusions générales de mon expérience d élu local français. Si l on regarde notre maillage urbain, par exemple, nous devons constater que nos métropoles régionales sont plutôt de tailles réduites et sont amputées d un certain nombre d attributs de gouvernance économique soutenus par l Europe et dont bénéficient les grandes métropoles européennes, telle que la capacité d investissement des villes allemandes ou les partenariats économiques noués par les villes anglaises. Ceci n est pas d'ailleurs sans poser problème car la définition des politiques publiques en Europe par la Commission européenne se fait en général sur la base des réseaux d excellence, qui ne touchent qu un nombre très limité de villes en France. Je pense que cela peut conduire à marginaliser nos capitales régionales 4/4

françaises, par ailleurs handicapées par leur situation périphérique au regard du centre de gravité de l Europe qui, naturellement, se déplace à l Est et les villes bretonnes, ne sont pas les seules concernées C est dans cette perspective qu il nous faut peut-être envisager l émergence de systèmes métropolitains français et de maillage en réseaux de villes, encouragés par l Etat depuis quelques années et pouvant être accompagnés par l Europe. D un autre côté, la question de la gouvernance des zones rurales se pose avec une acuité particulière dans notre pays, puisque notre système administratif et politique n organise pas clairement les responsabilités des différents échelons dans le développement de ces territoires. Concrètement, nous manquons donc de lieux d échange et de dialogue susceptibles de conduire à une stratégie réellement coordonnée dans la mise en œuvre des politiques urbaines et rurales. J y reviendrai par la suite mais il me semble que la Région peut constituer, du moins en France, un échelon intéressant de concertation en la matière, dans le cadre de nouvelles missions en préfiguration. C est une réflexion que je livre aux élus français aujourd hui présents, mais je ne suis persuadé que ces débats intéressent nos amis européens, qui pour certains d entre eux, connaissent des situations comparables dans leur pays. Il me tient néanmoins à coeur d évoquer un autre enjeu de la gouvernance territoriale. Les personnes qui connaissent les travaux que nous menons dans le cadre de l Association française du CCRE ne seront pas surpris que je m y attarde brièvement puisqu il s agit d un dossier sur lequel notre Association est particulièrement mobilisée. 2) une gouvernance territoriale au service du citoyen : la promotion de services publics de qualité et accessible à tous «L urbain» et le «rural» ne sont pas des entités qui existeraient indépendamment du vécu humain. Cette réflexion vaut dans les débats, fondamentaux pour l ensemble des territoires, relatifs à l avenir des services d intérêt général et des services d intérêt économique général. N oublions pas que notre responsabilité première d élus, que nous soyons urbains ou ruraux, est de fournir un certain nombre de services publics à la population, dont la liste ne cessent de croître avec les transferts de compétence de l Etat! Cette question trouve un écho particulier auprès des élus ruraux car ils ont souvent face à eux de nouveaux administrés, habitués aux services publics que l on trouve en ville En outre les relations urbains/rural génèrent intrinsèquement de nouveaux besoins de services publics, par exemple en matière de transport, avec des possibilités de financement publics qui ne sont pas aujourd hui juridiquement sécurisé. 5/5

Personne, par ailleurs, ne conteste aujourd hui le rôle fondamental dans le développement et l attractivité des territoires, de services publics de qualité, dont la survie dépend en partie d une gouvernance publique forte et intégrée, à l échelon territorial approprié. C est aujourd hui, et je le regrette, tout le contraire que nous propose l Europe : absence de cadre juridique précis, jurisprudence insaisissable, traitement sectoriel des dossiers (transports, social, concurrence, marché intérieur ), alors que les questions qui se posent aux collectivités dans la mise en œuvre de ces services sont transversales et relèvent d une démarche intégrée. Ainsi, aucun Commissaire européen n a spécifiquement en charge ce dossier, et aucune Direction générale au sein de la Commission européenne n assure une vision et une régulation transversale des services publics. Pire encore, les élus locaux se voient dessaisir par le juge européen d une partie de leur liberté de choix et d administration des services dont ils ont la responsabilité. A cela s ajoute l absence de clarification sur le financement des services publics Ce dossier ne donne pas la meilleure image d une gouvernance publique efficace et intégrée au niveau européen c est le moins que l on puisse dire! En la matière, les élus locaux, comme ils en ont l habitude, doivent faire preuve d anticipation, d adaptation, d innovation, afin de maintenir une qualité de service pour les populations, dans un contexte européen marqué par une mobilisation de plus en plus difficile des financements publics et des évolutions règlementaires et jurisprudentielles qui leur sont peu favorables. C est un défi auquel nous sommes tous confrontés, élus urbains ou élus ruraux, et qui nous impose une collaboration étroite dans notre travail et notre expression en direction des institutions européennes. C est un autre thème de coopération entre nos territoires car les attaques que nous subissons, j assume cette expression, nous touchent tous! Ceci me conduit à aborder le dernier point de mon intervention, celui de l échelon territorial pertinent lorsqu il s agit de traiter plus généralement des relations entre les territoires urbains et les territoires ruraux. 3) le niveau pertinent de gouvernance territoriale intégrée : la région Je serai bref car mon avis sur cette question est forgée depuis longtemps : les Etats ne sont plus le lieu où la problématique des relations entre l urbain et le rural peut être le plus judicieusement analysée. Les Etats ne peuvent, par conséquent, constituer l échelon privilégié de gouvernance territoriale sur les questions qui nous intéressent aujourd hui. Ceux qui me connaissent savent que j ai exercé des responsabilités ministérielles à des postes dont relèvent très directement ces dossiers. On ne peut donc m accuser de vouloir, coûte que coûte, dessaisir l Etat de ses missions, qui restent d ailleurs en la matière tout à fait importantes et légitimes. 6/6

Naturellement, mon expérience d élu local me conduit à privilégier le niveau régional dans l organisation des relations entre les territoires urbains et ruraux. Cette conviction découle de considérations géographiques, économiques, sociales qui sont partagées par un grand nombre d élus en Europe, mais qui ne vont pas sans heurter parfois quelques susceptibilités. L élu d un département français que je suis peut aisément en parler Je ne voudrais pas davantage étendre mon propos sur la question du cadre d intervention car elle figure à l agenda des travaux de cet après-midi. Peut-être ai-je ainsi modestement contribué à lancer le débat de la prochaine table ronde. En conclusion, je voudrais formuler le message suivant : les territoires ruraux, tout comme les territoire urbains car il ne s agit pas d opposer les uns aux autres - portent chacun en eux une valeur ajoutée unique dans le développement de l Union : celle d inscrire toute réflexion sur la définition et la mise en œuvre des politiques publiques européennes dans une nécessaire dimension territoriale, tant est grande la diversité de «la ruralité» et de «l urbanité» en Europe. Les territoires, qu ils soient ruraux ou urbains, sont tous porteurs d une parcelle de la puissance économique, de la richesse humaine, culturelle et naturelle de l Union européenne. Ils recèlent intrinsèquement quelques-unes des clés du développement durable de notre continent. Il nous appartient donc, c est une obligation, de cultiver nos diversités, nos complémentarités et nos solidarités dans le cadre de coopérations renforcées. Car tel est bien l enjeu des futurs débats auxquels nous allons être confrontés dans les mois et les années qui viennent et qui verront s affronter, n en doutons pas, des logiques différentes. L objet de notre journée est précisément de réfléchir à une stratégie adaptée pour y faire face. Diversité, complémentarité, solidarité : ce sont des mots que je regrette de ne plus entendre beaucoup dans les enceintes européennes. Il n en demeure pas moins qu ils sont une source inestimable de richesse pour l Europe car ils préservent les politiques de l Union du risque de verser dans l uniformisation, la simplification excessive. Ils imposent la recherche de solutions différenciées, porteuses chacune d idées originales qui s enrichissent mutuellement. C est pourquoi je considère pour ma part qu ils constituent, à côté de la compétitivité, les éléments fondateurs de la cohésion territoriale européenne. 7/7