Objet : Commentaires de l Association des banquiers canadiens sur le projet de loi 36 Loi sur la Banque de développement économique du Québec

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1800, avenue McGill College Bureau 2480 Montréal (Québec) H3A 3J6 www.cba.ca Éric Prud homme Directeur, Direction du Québec Tél. : 514-840-8725 Téléc. : 514-282-7551 eprudhomme@cba.ca Le 8 mai 2013 Madame Dany Hallé Secrétaire de la Commission de l économie et du travail et de la Commission des relations avec les citoyens Assemblée nationale du Québec Direction des travaux parlementaires 1035, rue des parlementaires, 3 ième étage Québec (Québec) G1A 1A3 Objet : Commentaires de l Association des banquiers canadiens sur le projet de loi 36 Loi sur la Banque de développement économique du Québec Madame Hallé, La Direction du Québec de l Association des banquiers canadiens («ABC») remercie la Commission de l économie et du travail de lui offrir l occasion de participer aux consultations particulières sur le projet de loi 36 Loi sur la Banque de développement économique du Québec («Projet de loi»). L ABC représente 55 banques membres, soit des banques canadiennes ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada, et leurs 275 000 employés. L'ABC préconise l adoption de politiques publiques efficaces, favorisant le maintien d un système bancaire solide et stable au profit des Canadiens et de l économie canadienne. Également, l Association encourage la littératie financière pour permettre aux individus de prendre des décisions éclairées en matière de finance et collabore avec les banques et les services de police en vue d aider à la protection des clients contre le crime financier et de sensibiliser à la fraude. www.cba.ca Avant de commenter le Projet de loi, l ABC juge opportun de dresser un portrait succinct de l industrie bancaire et de fournir des statistiques sur les prêts octroyés récemment par les banques à des entreprises au Québec. 1. Appui à l économie du Québec Un secteur bancaire solide et stable est une importante fondation de l économie québécoise. En effet, grâce à près de 1095 succursales, 45 100 employés et plus de 2800 guichets bancaires automatiques, nos banques répondent aux besoins en emprunt, en épargne, en placement et en assurance des particuliers, des ménages, des petites et moyennes entreprises («PME») ainsi que des grandes sociétés, des gouvernements, des investisseurs institutionnels et des organismes sans but lucratif. En outre, au Québec, le secteur bancaire a versé 585 millions de dollars en impôts provinciaux et 48 millions en taxes municipales des montants supérieurs aux budgets combinés de

l exercice 2011-2012 des ministères provinciaux suivants : Développement durable, Environnement, Faune et Parcs, Immigration et Communautés culturelles et Relations internationales. Par ailleurs, les banques du Canada et leurs employés comptent parmi les principaux donateurs aux organismes de bienfaisance et sans but lucratif. Ces renseignements se trouvent dans les déclarations de responsabilité publique publiées annuellement par les banques, dans lesquelles elles soulignent leurs investissements, leurs engagements et leurs contributions au profit de l économie, de la société et de l environnement. 2. Appui aux entreprises du Québec Les banques fournissent aux entreprises du Québec une variété de produits et de services, liés ou non à l emprunt, ce qui leur a permis d établir une solide relation avec ces entreprises au fil du temps. En ce qui a trait aux produits et services non liés à l emprunt, les banques offrent les comptes de chèques et d épargne commerciaux en dollar canadien et en monnaie étrangère, les services de paiement de l impôt, les transferts électroniques de fonds, les services de rémunération et de déclaration, les baladodiffusions, brochures et séminaires de formation, ainsi que les conseils en matière de retraite, de planification successorale, de placement et d assurance. Les entreprises peuvent accéder à un grand nombre de ces produits et services en succursale, en ligne, par services bancaires téléphoniques ou sur un appareil mobile. En ce qui a trait aux produits et services liés à l emprunt, les entreprises se tournent vers les banques pour leurs besoins à court et à long terme. Les entreprises ont accès à des solutions de financement au quotidien, telles que les découverts, les cartes de crédit et les marges de crédit. Pour les besoins à plus long terme, les entreprises peuvent obtenir des prêts à terme, des prêts hypothécaires, du crédit-bail et de l affacturage. D autre part, les banques offrent conseils et accès aux grandes sociétés québécoises qui nécessitent du financement sur les marchés des capitaux. Les banques ont soutenu les entreprises du Québec grandes et petites tout au long de la crise financière et elles continuent de le faire au cours de la période de relance économique actuelle. Le montant de crédit consenti par les banques aux entreprises du Québec n a cessé d augmenter, servant à financer leurs activités quotidiennes et à investir dans leur expansion. Entre 2007 et 2012, le montant de crédit autorisé et de l encours de crédit mis à la disposition de toutes les entreprises québécoises par les banques a augmenté de 35 %. Et, à la fin de 2012, ces entreprises disposaient de 48,1 milliards de dollars additionnels inutilisés, montant de crédit auquel elles pouvaient accéder sans soumettre une demande additionnelle et qui représente une hausse par rapport aux 34,8 milliards de 2007. Également, les PME 1 québécoises ont eu accès à un afflux continu de crédit pendant toute la durée de la crise financière et de la relance économique. Depuis 2007, les banques ont augmenté chaque année le seuil de crédit autorisé et de l encours de crédit. Par exemple, le crédit autorisé par les banques aux PME du Québec a augmenté de 44 %, se situant actuellement à 37,1 milliards de dollars. Parallèlement, l encours de crédit est passé à 25,2 milliards de dollars, soit une hausse de 24 %. Actuellement, le crédit inutilisé à la disposition des PME québécoises s établit à 11,9 milliards de dollars. 1 L ABC considère comme petite ou moyenne entreprise (PME) toute entreprise ayant une autorisation de crédit inférieure à cinq millions de dollars. Le montant de un million de dollars a été révisé à la hausse afin d aligner la définition de l ABC avec la définition utilisée par Statistique Canada dans son Enquête semestrielle auprès des fournisseurs de services de financement aux entreprises.

De plus, selon l étude d Industrie Canada sur le financement et la croissance des PME 2, rendue publique récemment, 89,1 % des PME québécoises qui ont présenté une demande de financement par emprunt en 2011 ont vu leur demande approuvée en totalité ou en partie, soit un taux d approbation supérieur à celui des provinces de l Atlantique et de l Ontario. Cette même étude a révélé que les PME québécoises considèrent l accès au financement comme étant l obstacle externe à la croissance le moins problématique. Les banques fournissent du crédit aux entreprises du Québec selon des normes de prudence et des pratiques de gestion du risque. Cette approche, qui a valu aux banques une réputation internationale en matière de sécurité et de vigueur, favorise la discipline financière et contribue à la sécurité financière de l économie, notamment celle des entreprises. 3. Commentaires sur le projet de loi 36 Loi sur la Banque de développement économique du Québec L ABC est d avis que lorsque des agences de financement fédérales ou provinciales offrent du financement supplémentaire à des entreprises, les principes suivants devraient être respectés : le financement doit être complémentaire au financement offert par le secteur privé; ces entités gouvernementales devraient avoir un mandat d intérêt public précis et bien défini; et celles-ci devraient être bien supervisées et adéquatement réglementées. C est en tenant compte de ces principes que l ABC émet ses commentaires au sujet de la Banque de développement économique du Québec («BDEQ») et d Investissement Québec. Nous comprenons que le Projet de loi a pour principal objectif de favoriser le développement économique au Québec. De plus, nous comprenons que la BDEQ offrira aux entreprises surtout des capitaux de démarrage et de croissance. Vu que son mandat est axé sur le capital de démarrage, la BDEQ a l occasion de fournir un financement complémentaire à ce qu offre le secteur privé. Étant donné la nature des banques, le secteur bancaire n est pas très actif sur les marchés des capitaux de démarrage et de risque. La principale raison en est le risque prudentiel connexe. Les dépôts des clients représentent la majeure partie du financement des banques. Ces clients déposent leur épargne à la banque et s attendent à pouvoir retirer leurs fonds, y compris le principal en entier. En raison de cette attente, un faible niveau de risque doit être pris. Les banques utilisent ces dépôts et, à l aide des avoirs de leurs actionnaires, assument un niveau de risque raisonnable lorsqu elles accordent des prêts aux clients. Ces prêts doivent être effectués de manière à ne pas créer de risques excessifs, mais assez pour que les banques puissent fonctionner efficacement et offrir du financement à un faible coût. Vu leur risque inhérent, le capital de démarrage et le capital de risque ne peuvent pas être ainsi financés. À première vue, si la BDEQ concentre ses activités sur l octroi de capitaux de démarrage et de risque, on peut penser que ses services seront complémentaires à ceux offerts par les banques. Or, lorsque nous analysons les articles 5, 30 et 93 du Projet de loi, nous nous interrogeons sérieusement sur le mandat public élargi et sur l application de la notion de complémentarité. 2 Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2011, Industrie Canada (publiée le 18 février 2013).

L article 5 du Projet de loi stipule que : «Lorsqu elle établit son offre d interventions financières, la Banque cherche à compléter l offre des autres organismes publics et des institutions financières du secteur privé». (Nos soulignés) Vous noterez que l utilisation du mot «cherche» est assez permissive et peu contraignante. Selon la formulation actuelle de l article 5, la BDEQ n a pas l obligation d offrir des services complémentaires. Le troisième paragraphe de l article 30 se lit ainsi : «( ) Sauf lorsqu elles ont pour objet l attraction d investissements étrangers ou la rétention d entreprises, les solutions financières et les investissements de Développement économique Québec doivent être réalisés en cherchant à compléter les prestations des institutions financières privées.» (Nos soulignés) Vous noterez encore une fois que le verbe «chercher» est utilisé faisant ainsi planer de l incertitude sur la notion de complémentarité des services. Selon nous, le libellé de l article 93 du Projet de loi crée encore plus d incertitude en indiquant que : «La Banque et ses filiales fournissent leurs services financiers dans des conditions normales de rentabilité compte tenu notamment de leur mission, de la nature de la prestation offerte, du coût moyen des emprunts du gouvernement et des retombées économiques attendues.» (Nos soulignés) Sachant que le gouvernement est généralement en mesure d obtenir du financement à des coûts moins élevés que d autres entités, on peut s interroger sur la possibilité que la BDEQ et ses filiales bénéficient d un avantage concurrentiel par rapport aux institutions financières privées et soient tentées de faire des prêts directs aux entreprises. Une telle démarche mènerait à une évaluation inadéquate du niveau des prêts et des taux d intérêt qui devraient s y appliquer compte tenu des risques inhérents, ce qui pourrait amener les entreprises à s endetter au-delà de leurs moyens. Cela pourrait causer une distorsion dans le marché et mettre en péril la santé des finances publiques. À ce titre, l institut CD Howe a publié récemment un rapport intitulé «Reining in the Risks: Rethinking the Role of Crown Financial Corporations in Canada» dans lequel il soutient que les sociétés d État fédérales à vocation financière livrent concurrence au secteur privé et, par conséquent, posent des risques croissants pour l économie en général. Bien que le rapport se concentre sur les sociétés d État fédérales, nombre de ses éléments peuvent s appliquer aux sociétés d État provinciales. Il recommande que les mandats des sociétés d État soient clairement énoncés et, dans certains cas, réduits. Il fait également valoir que les sociétés d État fédérales à vocation financière doivent être assujetties aux mêmes normes de capitalisation et à la même réglementation prudentielle que les institutions financières privées sous réglementation fédérale. Par exemple, le rapport de l institut CD Howe souligne une observation de la Banque mondiale selon laquelle «l incapacité à définir leurs objectifs est l un des principaux problèmes des institutions financières d État. La plupart des pays ont beaucoup de difficulté à justifier la présence des institutions financières d État [...] [A]fin de gagner des parts de marché pour leurs activités rentables, les institutions financières d État offrent des taux inférieurs à ceux du marché, ce qui aboutit non seulement à l éviction du rôle des institutions privées, mais à la création de

grandes et fragiles institutions financières d État qui dépendent fortement du soutien du gouvernement.» 3 (Notre traduction) De plus, tel que mentionné précédemment, la BDEQ pourrait bénéficier d un avantage concurrentiel (article 30 du projet loi) qui se traduirait par des activités à plus haut risque. Il est d ailleurs précisé ce qui suit dans le rapport de l institut CD Howe : «l avantage en termes de coût dont bénéficient les sociétés d État peut également influer sur le niveau de risque des activités qu elles sont susceptibles de financer parce que, même corrigé en fonction du risque, le rendement prévu sur un prêt, moins les coûts de financement, est supérieur pour une société d État qu il ne le serait pour une société privée concurrente. Le fait d avoir des coûts en capital inférieurs signifie donc que le portefeuille d investissements global d une société d État peut être à plus haut risque que celui d une société privée, même s ils proviennent du même bassin d occasions d investissement (prêts), car la marge de la société d État sera plus élevée, même corrigée en fonction du risque.» 4 (Notre traduction) Autrement dit, en raison des sources de financement moins chères, les sociétés d État à vocation financière bénéficient de marges sur prêts plus larges, ce qui les fait monter dans l échelle des risques sans qu elles soient suffisamment rémunérées pour le risque qu elles assument. Nous invitons donc la BDEQ à tenir compte de nos commentaires ainsi que des commentaires formulés dans le rapport de l institut C.D. Howe, lors de l élaboration de son plan stratégique prévu aux articles 105 à 107 du Projet de loi. 4. Conclusion En guise de conclusion, nous aimerions rappeler que le secteur bancaire est une source de soutien pour l économie québécoise et pour les entreprises du Québec. À ce titre, le secteur bancaire recommande que la BDEQ ait un mandat d intérêt public restreint et bien défini et qu elle fournisse un financement complémentaire à celui du secteur privé. Également, le secteur bancaire aimerait s assurer que la BDEQ sera adéquatement supervisée et réglementée. Dans sa forme actuelle, le projet de loi 36 suscite les inquiétudes de l ABC quant à l absence d un mandat d intérêt public spécifique et bien défini et d une application claire de la notion de complémentarité. Nous vous prions d agréer, Madame Hallé, l expression de nos salutations respectueuses. 3 Philippe Bergevin and Finn Poschmann, «Reining in the Risks: Rethinking the Role of Crown Financial Corporations in Canada», (2013), C.D. Howe Institute, commentary n o 372, p. 10. 4 Id., p. 12.