La présence économique française en Egypte



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Transcription:

La présence économique française en Egypte Louis Blin De même que les analyses des relations franco-égyptiennes laissent habituellement une portion congrue au volet économique, de même les études des rapports économiques franco-arabes distinguent généralement deux zones d importance, le Maghreb et les pays du Golfe, accordant une médiocre importance au plus peuplé des Etats arabes. Il est vrai que son image de marque de pays en perpétuel équilibre au bord du gouffre, naviguant entre le Charybde démographique et le Scylla islamiste, ne sied guère à un partenaire économique dont on attend avant tout la stabilité nécessaire aux échanges. On pourrait ajouter que la profusion d événement politiques au Proche-Orient depuis le début du conflit israélo-arabe a conduit à marginaliser les soubassements économiques, qui, là comme ailleurs, ont leur part dans l Histoire. Ou bien l immense village pharaonique que constitue l Egypte dans le subconscient français cliché entretenu dès le plus jeune âge s accomoderaitil mal d usine ou de pétrole? Sans remonter à Ferdinand de Lesseps, un rapide examen de la présence économique actuelle de la France en Egypte réserve quelques surprises. Les échanges de biens et services La balance commerciale Les échanges commerciaux franco-égyptiens ont atteint 7,8 milliards FF en moyenne au cours des quatre dernières années, ce qui fait de l Egypte le cinquième partenaire commercial arabe de la France, derrière l Algérie, l Arabie Saoudite, le Maroc et la Tunisie. Les exportations françaises vers l Egypte se sont élevées à une moyenne annuelle de 6,1 milliards FF sur cette période, l Egypte étant également le cinquième 175

client arabe de la France. L excédent commercial moyen réalisé par la France dans ses échanges avec l Egypte a quant à lui été le premier au monde, avec 4,5 milliards FF, alors que son commerce extérieur était globalement déficitaire. L Egypte présente un profond déséquilibre de ses échanges commerciaux avec tous ses principaux partenaires sauf l Italie, important acheteur de pétrole égyptien, en raison de son offre limitée à l exportation. Ces dernières années, l Egypte a toujours figuré parmi les dix premiers clients de la France dans le Tiers Monde, lequel représentait 16,6% de l ensemble des exportations françaises en 1992. On voit que ce pays est un partenaire commercial non négligeable pour la France. Tableau 1 Evolution des échanges franco-égyptiens (données caf/fob, millions FF) 1989 1990 1991 1992 Moyenne Importations 1.997 1.342 1.401 1.900 1.660 françaises Exportations 5.594 6.735 7.776 4.446 6.138 françaises Excédent 3.597 5.393 6.375 2.546 4.478 commercial Taux de 280,1% 501,9% 555,0% 234,0% 369,8% couverture Source: Douanes françaises. La balance des paiements L examen de la balance des paiements courants reflète l ensemble des flux financiers et non les seuls échanges commerciaux. La France a enregistré ces dernières années un excédent des paiements courants très élevé avec l Egypte, 3,5 milliards FF en moyenne (tableau 2). L Egypte réalise fréquemment un surplus dans le domaine des services en raison de l importance du tourisme français en Egypte. Une récente étude basée sur un traitement original des statistiques de la balance française des paiements1 comptabilise les échanges francoégyptiens en termes de réglements comptables des transactions et non de flux2, comme se contentent de le faire les douanes et les recueils de statistiques commerciales internationales, qui reprennent les mêmes chiffres. Elles montre que, depuis la crise des paiements égyptiens Confluences 176

apparue vers le milieu des années 80, près du tiers des recettes de biens et services marchands enregistrées par la France dans ses échanges avec l Egypte a été couvert par des transferts nets de capitaux publics français (29% de 1987 à 1990). Les importants remboursements de crédits commerciaux français enregistrés en 1991 étaient pour l Egypte une condition pour bénéficier des remises de dettes consenties par le Club de Paris cette année-là. Compte tenu de ces remises, qui doivent atteindre 15 milliards FF de 1991 à 1994, l Etat français a donc supporté une part importante probablement sans équivalent dans tout autres pays du courant d affaires français vers l Egypte. Ce dernier étant aux mains d un petit nombre de grandes entreprises (dix entreprises concentraient 59% du total des réglements d exportations en 1991), souvent dans le cadre de grands contrats signés avec le secteur public dont une partie est financée par des crédits garantis ou de prêts du Trésor dans le cadre de protocoles financiers, cette situation étonnante a probablement pour origine leur lobbying efficace auprès de l administration. Tableau 2 Evolution de la balance des paiements courants France/Egypte (millions FF) 1989 1990 1991 1992 Marchandises 1.424 1.760 4.861 2.069 - Solde 1.273 1.353 4.421 2.138 commercial - Négoce 151 407 440-69 international Services - 100 249 132-281 - Transports -30-26 - 67-121 maritimes - Transports - 155-121 - 92-98 autres - Assurances 46 63 16 64 - Grands 291 510 340 95 travaux, coopération - Voyages - 214-144 - 47-233 Revenus des 1.122 813 519 2.006 facteurs - Intérêts et 1.081 772 472 1.956 revenus du capital Transferts unilatéraux - 211-126 - 225-143 177

- Secteur privé - 33-19 - 12-14 - Secteur - 178-107 - 213-129 public Transactions 2.235 2.696 5.287 3.651 courantes Source: Ministère français des Finances, direction du Trésor (le signe - indique un solde négatif pour la France). Le volume important des ventes françaises à une Egypte mauvais payeur notoire trouve son explication dans le soutien que l Etat français entend apporter à ses entreprises aux prises avec la concurrence internationale. Que cet appui se manifeste davantage en Egypte qu ailleurs est essentiellement dû à des raisons politiques, mais aussi au fait que l Egypte est considérée comme une «vitrine» pour l ensemble du Moyen-Orient, si bien que toute entreprise avant une stratégie dans cette région se doit d y être implantée commercialement ou, mieux, en tant qu investisseur. Les investissements français en Egypte 3 Les flux nets d investissement direct français vers l Egypte se sont élevés à une moyenne de 177 millions FF de 1985 à 1991 (investissements, moins désinvestissements, tableau 3). dont 79% assurés par les activités de prospection pétrolière de Total et Elf. La chute des flux français en 1991 est due au retrait de Total, qu Elf a suivi en 1992, ce qui pourrait engendrer un désinvestissement net de la France en Egypte. Les flux d investissements dans l industrie et le BTP restent marginaux avec une moyenne annuelle de 11 millions FF sur la période considérée, de même que ceux du secteur des services (le chiffre élevé de 1988 est dû à des services pétroliers, qu il aurait peut-être été préférable d inclure dans le secteur de l énergie). A noter que ces flux n ont jamais été négatifs sur la période considérée, ce qui a au contraire été le cas pour nombre de pays africains. Leur baisse après 1988 (les chiffres postérieurs étant tous inférieurs à la moyenne) reflètent le désintérêt des sociétés françaises pour un pays en pleine crise économique et où le rétablissement engagé depuis 1991 devrait provoquer une reprise des investissements étrangers. Des transferts nets d investissements directs en faveur de la France ont même été enregistrés en 1991 (96 millions FF, tableau 4). Confluences 178

Tableau 3 Flux nets d investissements directs français vers l Egypte (millions FF) Tableau 4 Flux d investissements directs France/Egypte (millions FF) 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 Moyenne Energie 387 297 96 64 67 93-19 140 Indust 2 5 15 6 15 14 18 11 rie, BTP Servi 22 18 3 122* 1 6 2 25 ces Indétermi 2 5 1 - - - 1 né Total 413 322 115 192 83 113 1 177 * Y compris services pétroliers. Source: Banque de France. Investissement français en Egypte* Investissement égyptien en France** - 322-115 - 192-83 - 113-1 +14-11 + 3-10 + 1 + 99 Solde - 308-126 - 189-93 - 112 + 98 * signifie un investissement, + un désinvestissement ** signifie un désinvestissement, + un investissement. Source: Banque de France. Une soixantaine d entreprise françaises ont investi en Egypte depuis la fin des années soixante-dix pour y former des filiales à 179

100%%(secteur pétrolier et banques offshore uniquement) ou surtout des sociétés mixtes. Ces dernières étaient au nombre de 42 à la mi- 1992, formées par 46 sociétés françaises. On trouve actuellement 5 investissements français dans la banque, 23 dans le secteur industriel, 3 dans le bâtiment-travaux publics, 3 dans le tourisme, 6 dans les autres services et 2 dans l énergie. Sur les 36 sociétés dont le capital nous est connu, la banque représente 37,8% du capital total, l industrie 25,1%, l agriculture-agroalimentaire 24,1%, le BTP 6,9% le tourisme 5,9% et les autres services 0,2%. Les investissements concernent un nombre limité de grandes entreprises françaises très internationalisées (Merlin Gerin, du groupe Schneider, Sobetube, du groupe Saint-Gobain/Pont-à- Mousson, Vittel, filiale française de Nestlé, Rhône Poulenc, Roussel Uclaf, Moulinex, Peugeot, Cie Internationale des Produits Sanitaires, CFAO, DMC, Adidas, Accor, Club Méditerranée, Grands Moulins de Paris, FCB, Freyssinet, Montalev, Elf, Total, le CEA et la Compagnie financière de Rothschild) et les principales banques: il existe trois jointventures formées par la BNP, la Société Générale et le CCF et deux succursales disposant de capitaux propres (Crédit Lyonnais et Paribas), soit au total 26 grandes sociétés contre 20 PME. Seuls 46 des 1.573 investisseurs français à l étranger sont présents en Egypte, soit 2,9% du total. Les secteurs importants où la France est absente sont l électronique, les matériaux de construction, les engrais, les télécommunications, la santé, la distribution et les assurances (l UAP dispose toutefois d une participation de 5% dans une société égyptienne), mais la loi égyptienne n autorise pas jusqu à présent les investissements étrangers dans ces deux derniers domaines. Les dates de début des activités des sociétés mixtes francoégyptiennes montrent que les entreprises françaises n ont exploité qu assez tardivement l ouverture en 1974 du marché égyptien. Seules les banques sont arrivées à la fin des années soixante-dix, puis la formation de sociétés mixtes a suivi en premier lieu l accroissement de la concurrence entre firmes occidentales, ce qui a nécessité une présence locale plus importante, puis l évolution de la conjoncture économique égyptienne. A l échelle mondiale, les investissements français en Egypte sont négligeables, puisque leur encours ne représentait, avec 959 millions FF à la fin de 1990, que 0,17% du total. Cette situation est commune à la quasi totalité des pays en développement, parmi lesquels le monde arabe qui n accueille que 0,9% des investissements directs de la France à l étranger. La comparaison avec cette région place l Egypte au deuxième rang pour le stock d investissements français, derrière le Maroc, mais devant l Arabie Saoudite et la Tunisie. La faiblesse de cet encours dans l absolu, mais son importance relative au sein du monde arabe, s expliquent par une série de facteurs répertoriés par les analystes de «risque-pays», qui évaluent les risques comparatifs des relations Confluences 180

d affaires avec chaque pays, que toute entreprise doit combiner avec les spécificités de sa stratégie internationale pour définir la nature de ses relations avec ce pays. L Egypte dans la carte mondiale des risques Le classement-pays établi chaque été par la société privée parisienne Nord Sud Export Consultants établissant la «carte mondiale des risques» permet de comparer les risques inhérents aux relations d affaires avec l Egypte avec ceux des autres pays en développement, notamment ceux du pourtour méditerranéen qui sont ses concurrents directs. 60 pays sont répertoriés dans ce classement, qui se base sur 100 critères dont seuls 15 sont notés subjectivement. D autre part, une spécificité de Nord Sud Export Consultants est d effectuer des classements différenciés pour les exportateurs, les banquiers et les investisseurs, qui ont chacun des critères de jugement spécifiques puisque leurs opérations dans les pays concernés ne sont pas en tous points comparables. La note finale est la moyenne des trois classements. Outre ses qualités spécifiques, ce classement a été choisi de préférence à ceux d analystes de risque-pays anglosaxons plus connus (Euromoney, Institutional Investors...) pour interpréter la place économique de la France en Egypte, parce qu il jouit d une bonne réputation auprès des sociétés françaises qui, si elles ne partagent pas forcément toutes ses conclusions, en sont souvent proches. L Egypte occupe la trentième place sur 60 avec 389 points sur 700 en 1993, ce qui correspond à un risque assez élevé. Elle est précédée par des pays méditerranéens (Turquie, Israël, Tunisie, Maroc), les principaux Etats d Amérique latine, les pays du sud de l Afrique, de la péninsule arabique, d Asie orientale et l Inde. Elle devance certains pays méditerranéens (Algérie, Libye, Liban, Syrie), les pays d Afrique noire, certains Etats latino-américains très endettés et les pays de l Est européen et d Asie centrale. Les critères de classement de Nord Sud Export n ayant pas changé en huit ans, il est possible de retracer l évolution du classement de l Egypte de 1986 à 1993 et de la comparer à celle d autres pays de la région: 181

Tableau 5 Evolution du classement-pays (1986-1993) 1986 1993 C (1993) A B A B Turquie 9 385 4 535 6 Tunisie 22 334 2 460 5 Maroc 27 332 2 423 4 Algérie 38 376 3 352 3 Egypte 30 306 3 389 4 A: Note sur 700. B: classes de risque s améliorant de 1 à 7 (2 = risque très élevé; 3 = risque élevé; 4 = risque assez élevé; 5 = risque modéré; 6 = risque faible). C: rang sur 60. N.B. Le classement est opéré en août de chaque année. Le risque Egypte était classé en 1987 dans la même catégorie que les risques Tunisie et Maroc. Distancée en 1988 par la Tunisie et en 1989 par le Maroc, l Egypte stagne jusqu en 1990, puis voit sa note s améliorer en 1991, mais pas suffisamment pour qu elle quitte la catégorie du «risque élevé». 1987 est marquée pour l Egypte par la signature d un premier accord avec le FMI prévoyant l ajustement structurel de l économie, que le gouvernement ne respectera pas. Un deuxième accord a été conclu en mai 1991, en cours d application cette fois et récemment reconduit, sanctionné positivement par le passage de l Egypte la même année dans la catégorie supérieure du «risque assez élevé» et l amélioration ultérieure de sa note. Au regard de l évolution du classement de l Egypte, il apparaît que ce pays a perdu quatre années, pendant lesquelles ses voisins et concurrents ont tous progressé, à l exception de l Algérie que ses soubresauts politiques ravalent en deçà du niveau égyptien en 1993. L amélioration spectaculaire de la situation de la Tunisie montre qu une politique économique dynamique peut changer rapidement l image internationale d un pays. La tendance observée pour l Egypte devrait conduire les entreprises françaises à resserrer leurs relations avec ce pays. Les relations économiques franco-égyptiennes n échappent pas au Confluences 182

caractère très politique de l économie égyptienne. Leur importance singulière, compte tenu de la relative pauvreté de l Egypte, a pour raison essentielle le rôle de ce pays dans la région, que les autorités françaises tentent de conforter par une aide économique. Les efforts qu elles prodiguent à cette fin soutiennent simultanément les grandes firmes françaises, dont l internationalisation est l une des composantes de la consolidation de la place de la France dans le monde. A l heure où le réglement des conflits israélo-arabes ouvre de nouvelles perspectives économiques au Proche-Orient, qui devrait retrouver son rôle traditionnel de carrefour des échanges, l importante présence économique de la France en Egypte constitue pour elle un atout appréciable. Louis Blin est chercheur au Centre d'etudes et de Documentation Juridique et Sociale, Le Caire. Notes: 1 Philippe Caron, «La balance des paiements France-Egypte» in Louis BLIN (dir.), L économie égyptienne. Libéralisation et insertion dans le marché mondial, L Harmattan, 1993, 270 p. 2 Dans la perspective de comptabiliser la totalité des échanges, qui est celle d une balance des paiements, on prend en compte les réglements de ces échanges. Les échanges commerciaux ne sont alors plus comptabilisés au franchissement de la frontières, ce que font les douanes, mais lorsqu ils sont réglés. Vu les pratiques d acomptes avant livraison et de ventes à crédit, les statistiques annuelles contenues dans la balance des paiements diffèrent donc sensiblement de celles des douanes. 3) Pour des précisions sur la question, voir mon étude publiée dans l ouvrage cité sur l économie égyptienne et, pour une vision comparative, L. Blin, «Les investissements français dans le monde arabe», in Nazih AYUBI (ed.), Distant Neighbours: the Political Economy of European/Middle East Relations, Ithaca Press/Garnet Publishing Ltd (Londres), sous presse. 4) Pour leur recension régulière et détaillé, voir ma chronique économique dans la revue trimestrielle du CEDEJ (Centre d Etudes et de Documentation Economique, Juridique et Sociale) Egypte/Monde Arabe. 183