Tumeurs ovariennes associées à la grossesse : conduite diagnostique et thérapeutique

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mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2014 ; 16 (3) : 189-93 Tumeurs ovariennes associées à la grossesse : conduite diagnostique et thérapeutique Ovarian tumors diagnosed during pregnancy : diagnostic and therapeutic management Catherine Uzan 1 Sébastien Gouy 1 Catherine Lhommé 2 Patricia Pautier 2 Alexandra Léary 2 Corinne Balleyguier 3 Catherine Genestie 4 Philippe Morice 1 1 Département de chirurgie, Institut Gustave Roussy, Gustave Roussy Cancer Campus,114 rue Edouard Vaillant, 94800 Villejuif, France <catherine.uzan@gustaveroussy.fr> 2 Département de médecine, Institut 3 Département de radiologie, Institut 4 Département de pathologie, Institut Résumé. Avec la généralisation de l échographie durant la grossesse, la découverte d une masse annexielle associée à une grossesse est une situation fréquente. Le risque de malignité est très faible. Il convient d adopter une démarche diagnostique rigoureuse pour éviter les gestes inutiles ou à risque. Cependant, il ne faut pas méconnaître une lésion suspecte et systématiquement reporter les explorations invasives au post partum. L exploration chirurgicale peut être nécessaire et elle doit respecter un certain nombre de règles. Nous disposons de recommandations nationales pour la prise en charge de ces patientes, ce qui permet d homogénéiser les pratiques pour leur offrir la meilleure prise en charge possible, dans une situation qui est le plus souvent stressante pour le couple et son médecin. La plupart du temps, la grossesse peut être préservée. Il convient de limiter la prématurité induite. Les cas de ces patientes doivent être déclarés dans le cadre du réseau nation (www.cancer-et-grossesse.fr). Mots clés : tumeur borderline de l ovaire, cancer de l ovaire, grossesse, cœlioscopie Abstract. It is not uncommon to diagnose an ovarian mass during pregnancy in an era of routine prenatal ultrasound. The risk of malignancy is very low. A strict and systematic diagnostic management is mandatory in order to avoid unnecessary procedures. Exploration should not be systematically delayed in post partum and surgery can be necessary to assess histology for suspicious lesions. Surgical guidelines have to be respected. Currently, French recommendations to treat those patients are available and should lead to a better and more homogeneous management. Most of the time, the pregnancy can be preserved. Induced prematurity should be limited as much as possible. All cases should be declared to the national network (www.cancer-et-grossesse.fr). Key words: borderline ovarian tumor, ovarian cancer, pregnancy, laparoscopy doi:10.1684/mte.2014.0522 médecine thérapeutique Tirés à part : C. Uzan Médecine de la Reproduction Gynécologie Endocrinologie Avec la généralisation de l échographie durant la grossesse, la découverte d une masse annexielle associée à une grossesse est une situation fréquente. Le risque de malignité est très faible. Il convient d adopter une démarche diagnostique rigoureuse pour éviter les gestes inutiles ou à risque, cependant il ne faut pas méconnaître une lésion suspecte et systématiquement reporter les explorations invasives au post partum. L exploration chirurgicale peut être nécessaire et elle doit respecter un certain nombre de règles. Nous disposons de recommandations nationales pour la prise en charge de ces patientes [1, 2] ce qui permet d homogénéiser les pratiques afin d offrir la meilleure prise en charge possible pour ces patientes, dans une situation qui est le plus souvent stressante pour le couple et son médecin. Prise en charge diagnostique L échographie pelvienne Lorsqu une lésion annexielle est découverte, notamment au premier trimestre, la difficulté est qu il n y a pas de possibilité de biopsie (risques liés à la localisation et à la possible dissémination). Le seul moyen d obtenir une histologie est la chirurgie. Il est donc indispensable d avoir Pour citer cet article : Uzan C, Gouy S, Lhommé C, Pautier P, Léary A, Balleyguier C, Genestie C, Morice P. Tumeurs ovariennes associées à la grossesse : conduite diagnostique et thérapeutique. mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2014 ; 16 (3) : 189-93 doi:10.1684/mte.2014.0522 189

une imagerie suffisamment performante pour éviter des chirurgies trop fréquentes et inversement ne pas méconnaître des lésions urgentes à traiter. L examen clinique est le même qu en dehors de la grossesse et il est souvent peu contributif. L existence d une symptomatologie aiguë (douleur, compression) impose une prise en charge spécifique. L échographie pelvienne est l examen de triage essentiel. Pour environ 10 % de ces masses annexielles, la morphologie est complexe et nécessite des examens complémentaires. On débutera par une nouvelle échographie pelvienne ciblée précisant au mieux la morphologie et la vascularisation [3], en utilisant notamment la voie endovaginale. Au 2 e et 3 e trimestres, la lésion peut être ascensionnée et difficile d accès par voie endovaginale, il est alors proposé d utiliser une sonde à haute fréquence par voie transpariétale. L échographiste doit préciser l origine, la taille, la localisation de la masse, l existence de végétations et/ou de cloisons, l examen de l ovaire controlatéral, l existence d ascite ou de nodules suspects de carcinose péritonéale. Pour compléter l évaluation, un score de malignité peut être utilisé, cependant aucun d entre eux n a été validé pendant la grossesse. Le taux de malignité dépend du seuil de la taille échographique utilisé pour définir une masse annexielle suspecte. Ainsi dans la comparaison des différentes séries de la littérature réalisée par Schlemer et al., selon que le seuil pris est de 3à6cm,letaux de malignité varie de 0,8 à 6,8 % [4]. Dans l une des plus larges séries américaines sur le sujet, le taux de malignité était de 0,93 % soit 0,0179 cancers de l ovaire pour 1 000 naissances [5]. Du fait du jeune âge des patientes, certaines histologies sont surreprésentées comme les tumeurs borderline et les tumeurs germinales. Ainsi, les taux de tumeurs borderline rapportés pendant la grossesse vont de 22 à 57 % et ceux de tumeurs germinales de 17 à 48 % [5, 6] ; à elle deux, elles représentent la majorité des cas, il est donc essentiel d être toujours le plus conservateur possible en l absence d histologie définitive. L imagerie des tumeurs malignes non épithéliales est peu spécifique, mais elles sont souvent de grande taille et à croissance rapide, de contenu mixte ou solide. Il existe des tumeurs bénignes spécifiques de la grossesse pouvant «simuler» radiologiquement une tumeur maligne : lutéome (syndrome virilisant), kyste folliculaire lutéinisé géant, prolifération intrafolliculaire des cellules de la granulosa, hyperplasie des cellules du hile, décidua ectopique ou déciduose. Cette dernière, la plus fréquente, correspond à la décidualisation des endométriomes ou du mésothélium cœlomique. L imagerie est souvent inquiétante avec des végétations. Le plus souvent, seul l examen histologique permet le diagnostic, qui peut cependant être évoqué en cas d antécédent de kyste endométriosique documenté. Au total, la conclusion de l échographie doit orienter le praticien pour le guider dans la suite de la prise en charge. Si l ensemble de ces critères ne sont pas indiqués, il est nécessaire de refaire l échographie. Afin d éliminer les kystes folliculaires, en cas de lésion annexielle peu suspecte, l échographie doit être refaite de nouveau après12 SA. Si l image est jugée comme bénigne, elle devra être surveillée lors des échographies suivantes. Si l image est jugée comme suspecte, on pourra compléter dans certains cas l exploration par une imagerie par résonance magnétique (IRM) pelvienne. L IRM pelvienne Celle-ci est utile si l échographie est douteuse, surtout en cas de terme avancé ou de tumeur volumineuse. L injection de gadolinium est en général limitée aux 2e et 3e trimestres de la grossesse. L IRM permet de mieux cartographier la lésion et peut aider dans la démarche diagnostique. En cas de lésion suspecte de malignité, on pourra par ailleurs explorer les aires ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques. Il est à noter que le scanner est actuellement peu utilisé compte tenu de son importante irradiation sauf pour exploration d une extension pulmonaire avec utilisation d un cache abdominal. Les marqueurs Ils sont difficilement interprétables pendant la grossesse. Le CA 125 est naturellement sécrété par les cellules déciduales durant la grossesse : il s élève donc jusqu à 10-12 semaines d aménorrhée (SA), puis baisse progressivement. Une heure après un accouchement ou fausse couche spontanée du second trimestre, on observe un nouveau «pic» de sécrétion. Il est donc inutile au diagnostic - sauf s il est extrêmement élevé - mais son évolution peut être utile pour juger de l efficacité des traitements. L alpha foetoproteine (AFP) et l human chorionic gonadotrophine (HCG) sont eux aussi élevés physiologiquement pendant la grossesse. L évolution de l AFP peut cependant être utile pour les tumeurs germinales. Le dosage des lactates déshydrogénases (LDH) peut être réalisé pour les dysgerminomes et, l inhibine et l hormone anti-müllérienne pour les tumeurs de la granulosa. Avec le résultat de ces examens, il faut discuter en réunion multidisciplinaire de la suite de la prise en charge. Mises à part les patientes avec une symptomatologie aiguë qui relèvent d une chirurgie urgente, on distingue trois situations [1, 2], résumées dans la figure 1 pour décider entre surveillance ou prise en charge chirurgicale. Prise en charge chirurgicale La chirurgie doit être réalisée par un chirurgien habitué à la pathologie pelvienne oncologique. En dehors du 190

Masse pelvienne durant grossesse Échographie détaillée ± IRM Chirurgie si symptomatique (douleur aiguë, hémorragie, etc.) Patiente asymptomatique Aspect échographique rassurant : tumeur bénigne ou probablement bénigne Surveillance échographique selon terme (prévenir des risques rares de symptômes aigus, praevia) Forte suspicion de malignité (tumeur solide, de grande taille, ascite) Chirurgie pour obtenir histologie (entre 12 et 20 SA, si possible) Cœlioscopie ou laparotomie selon le terme et la taille de la lésion Orienter la patiente dans un centre pratiquant la chirurgie oncologique pelvienne Tumeur complexe ou douteuse le plus souvent bénigne ou borderline Surveillance échographique Rôle majeur de l IRM Chirurgie pendant la grossesse notamment si modification de l imagerie ou possiblement différée lors de l accouchement si césarienne ou après la grossesse Orienter la patiente dans un centre pratiquant la chirurgie oncologique pelvienne Figure 1. Prise en charge d une tumeur pelvienne durant la grossesse selon l imagerie. premier trimestre, le risque d impact d une chirurgie sur la grossesse est minime, il ne faut donc pas hésiter à réaliser cette procédure si la lésion est suspecte. Les spécificités de cette chirurgie, liées à la grossesse, sont que l utérus doit être manipulé le moins possible, que la patiente est mise sous tocolyse et que l on contrôle la vitalité fœtale avant et après l intervention. Cette chirurgie doit respecter des règles rigoureuses. Elle doit permettre : d obtenir un diagnostic histologique sans prendre de risque de dissémination (éviter toute rupture peropératoire) ; de stader la lésion (exploration la plus complète possible de la cavité abdomino-périnéale, biopsie de toute lésion suspecte et biopsies péritonéales systématiques, cytologie péritonéale). Cette chirurgie doit être le plus conservatrice possible, on favorisera l annexectomie par rapport à la kystectomie en cas de risque de rupture. De même, si la lésion est volumineuse, après un premier temps de cœlioscopie pour explorer l ensemble de la cavité abdomino-périnéale, une laparotomie peut être nécessaire pour éviter une rupture qui pourrait modifier le traitement. En cas de suspicion de torsion, une chirurgie doit être réalisée en urgence. Celle-ci est rare mais semble plus à risque si la lésion mesure 6à8cmetentre 10 et 17 SA [7]. Dans ces cas-là, l accès à l examen extemporané ou à un chirurgien spécialisé en oncochirurgie peut être délicat, il convient donc d appliquer au maximum les règles précédentes. Sauf complications aiguës ou extension massive nécessitant un accouchement prématuré, la voie d accouchement n a pas à être modifiée. En cas de nécessité obstétricale de césarienne, une exploration sera réalisée en décrivant et en biopsiant toute lésion suspecte. Poursuite de la prise en charge selon l histologie de la tumeur ovarienne Tumeurs borderline de l ovaire (TBO) Compte tenu du jeune âge des patientes, cette histologie est fréquemment observée pendant la grossesse. À l échographie, on peut observer des végétations 191

intrakystiques multiples et vascularisées, cet aspect est difficilement différenciable d une tumeur maligne épithéliale de stade précoce. La chirurgie doit être conservatrice. La kystectomie est à privilégier en cas d ovaire unique ou de lésions bilatérales. Si la taille le permet, cette chirurgie sera réalisée par cœlioscopie entre 12 et 20 SA. La voie médiane est à privilégier pour les tumeurs de grande taille ou après 24SA. Si la lésion est découverte après 32SA, sa prise en charge peut être différée après l accouchement ou lors d une césarienne. L examen extemporané est à risque d erreur, surtout en cas de lésion de grande taille pour des problèmes d échantillonnage. Il faut réaliser une stadification complète. Si le diagnostic histologique n a été obtenu que secondairement, cette restadification sera réalisée à distance, 3 à 6 semaines après l accouchement. Si on sait que ce second look est de plus en plus remis en cause en l absence de facteur de risque dans les tumeurs borderline standard, il demeure recommandé pour les diagnostics per-gravidiques car l exploration complète est souvent plus difficile avec un utérus gravide. De plus, une série récente multicentrique française rapportait que les TBO diagnostiquées durant la grossesse étaient rarement stadées complètement initialement (2/40) et présentaient plus fréquemment des critères d agressivité [8]. Ainsi, 47 % des TBO séreuses avaient une architecture micropapillaire, des implants non invasifs ou une micro-invasion ; 21 % des TBO mucineuses étaient associées à du carcinome intra-épithélial ou de la micro-invasion. La chirurgie de restadification avait été réalisée dans 52 % des cas et avait abouti à un upstaging dans 24 %. Les auteurs concluaient au fait qu il faut privilégier l annexectomie pour ces tumeurs et recommander la restadification. Tumeurs non épithéliales de l ovaire La plupart des patientes atteintes d une tumeur non épithéliale de l ovaire (TNEO) - germinale et des cordons sexuels - ont des lésions volumineuses, voire très volumineuses. Ces patientes ont plus de risque d être symptomatiques (douleur, distension abdominale, torsion, hémorragie intra-tumorale) qu en cas de tumeur épithéliale. Dans la majorité des cas, il s agit de stade I [9, 10], le traitement est alors le plus souvent uniquement chirurgical en l absence de rupture, d où l importance de respecter des règles chirurgicales strictes. Il faut réaliser une stadification péritonéale complète, les curages ne sont pas recommandés sauf adénopathie macroscopiquement suspecte. Ces patientes ne relèvent pas d une chirurgie complémentaire et le traitement doit être le plus conservateur possible. Le recours à la chimiothérapie dépend du type histologique de la tumeur, de l évolutivité tumorale, du stade d extension et du terme de la grossesse. Les indications de chimiothérapie sont les mêmes que pour les patientes non enceintes [1] mais elles doivent être ensuite discutées et adaptées en fonction du terme de la grossesse en réunion de concertation multidisciplinaire (RCP). En dehors de la grossesse, la chimiothérapie de référence pour ces tumeurs est la combinaison bléomycine, étoposide et cisplatine. L utilisation de la bléomycine pendant la grossesse est déconseillée. Dans certaines situations, notamment pour les tumeurs du sac vitellin avec localisations péritonéales et/ou métastatiques, la chimiothérapie doit être commencée rapidement, du fait du potentiel de croissance rapide de ces tumeurs. Compte tenu de la toxicité de cette chimiothérapie, il est recommandé un délai de 4 semaines entre la dernière cure et la césarienne pour éviter la période d aplasie chez la mère mais aussi possible chez le nouveau-né. Le timing sera discuté entre oncologue et obstétricien, l objectif étant de limiter au maximum la prématurité, qui est souvent plus source de séquelles que la chimiothérapie en elle-même. Tumeurs épithéliales malignes de l ovaire L incidence des tumeurs épithéliales malignes de l ovaire (TEMO) est très faible pendant la grossesse mais ce sont les situations les plus délicates. Le pronostic des TEMO est moins bon que celui des TNEO. Une dissémination péritonéale et ganglionnaire est observée chez 2/3 des patientes et la plupart des patientes nécessiteront une chimiothérapie adjuvante (stade précoce ou résécable d emblée) ou néo-adjuvante (stades avancés, non résécables d emblée). La chirurgie est complexe car elle peut nécessiter des résections multiples. Chez les patientes enceintes, la préservation utérine avec stadification péritonéale doit être proposée initialement. Le geste ganglionnaire doit être mis en balance avec sa potentielle morbidité, seule une adénopathie très suspecte peut être retirée. En cas de TEMO à haut risque, de stade précoce et avec résection complète (grade 3 ou tumeur à cellules claires stade IA ou IB, tous grades stade IC ou stade II), l objectif de la chirurgie initiale est de complètement réséquer la tumeur sans perturber la grossesse. Si la quasi-totalité des lésions tumorales ont été réséquées, alors la chimiothérapie sera reportée après l accouchement afin de minimiser les risques fœtaux sans majorer les risques maternels de manière substantielle. Après l accouchement, la patiente recevra la chimiothérapie adjuvante à base de platine et de taxanes, après la stadification complète si nécessaire (annexectomie complémentaire, hystérectomie, omentectomie, curages pelviens et lombo-aortiques). En cas de TEMO de stade avancé, les patientes doivent bénéficier d une résection tumorale la plus complète possible tout en respectant la sécurité de la mère et du fœtus. À moins qu un accouchement puisse avoir lieu dans les semaines qui suivent, la chimiothérapie doit être débu- 192

tée pendant la grossesse en utilisant un sel de platine en monothérapie. Après l accouchement, une association platine taxane est alors possible pour compléter la chimiothérapie avec une chirurgie de clôture si besoin. Dans une revue de la littérature sur le sujet, Morice et al. ont rapporté l ensemble des cas où une chimiothérapie per-gravidique a été administrée pour TEMO [11]. Conclusion Trop longtemps, la situation de cancer associé à la grossesse a été synonyme de sous-traitement des patientes ou d interruption de grossesse ne modifiant pas le pronostic des patientes. Nous disposons désormais de recommandations nationales qui permettent de guider les décisions en RCP. Ces situations demeurent délicates pour le couple et leur praticien et des avis dans des centres experts peuvent permettre d aider à une prise en charge optimale. Afin d évaluer et de faire évoluer ces recommandations, il convient de colliger tous les cas de cancer de l ovaire pendant la grossesse sur le site dédié national (www.cancer-et-grossesse.fr). Liens d intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d intérêt en rapport avec cet article. Références 1. Marret H, Lhommé C, Lecuru F, et al. Guidelines for the management of ovarian cancer during pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010 ; 149 : 18-21. 2. Marret H, Lhommé C, Lécuru F, et al. ; French Wor0king Group on Gynecological Cancers in Pregnancy ; SFOG ; SFCP ; CNGOF. [French recommendations for ovarian cancer management during pregnancy]. Gynecol Obstet Fertil 2009 ; 37 : 752-63. 3. Acog Pratice, Bulletin. Management of adnexal masses. Obstet Gynecol 2007 ; 110 : 201-13. 4. Schmeler KM, Mayo-Smith WW, Peipert JF, Weitzen S, Manuel MD, Gordinier ME. Adnexal masses in pregnancy: surgery compared with observation. Obstet Gynecol 2005 ; 105(5 Pt 1) : 1098-103. 5. Leiserowitz G, Xing G, Cress R, Brahmbhatt B, Dalrymple J. Adnexal masses in pregnancy : how often are they malignant? Gynecol Oncol 2006 ; 101 : 315-21. 6. Behtash N, Karimi Zarchi M, et al. Ovarian carcinoma associated with pregnancy : a clinicopathologic analysis of 23 cases and review of the literature. BMC Pregnancy Childbirth 2008;8: 3-10. 7. Yen CF, Lin SL, Murk W, et al. Risk analysis of torsion and malignancy for adnexal masses during pregnancy. Fertil Steril 2009 ; 91 : 1895-902. 8. Fauvet R, Brzakowski M, Morice P, et al. Borderline ovarian tumors diagnosed during pregnancy exhibit a high incidence of aggressive features : results of a French multicenter study. Ann Oncol 2012 ; 23 : 1481-7. 9. Karlen JR, Akbari A, Cook WA. Dysgerminoma associated with pregnancy. Obstet Gynecol 1979 ; 53 : 330-5. 10. Young RH, Dudley AG, Scully RE. Granulosa cell, Sertoli-Leydig cell, and unclassifi ed sex cord-stromal tumors associated with pregnancy : a clinicopathological analysis of thirty-six cases. Gynecol Oncol 1984 ; 18 : 181-205. 11. Morice P, Uzan C, Gouy S, Verschraegen C, Haie-Meder C. Gynaecological cancers in pregnancy. Lancet 2012 ; 379 : 558-69. 193