Ostéonécrose de la mâchoire associée à un traitement par bisphosphonates : extraits du rapport de la task force de l ASBMR et recommandations françaises Risque méconnu, désinformation, rumeur : la mauvaise spirale On peut avancer différentes explications pour expliquer l agitation importante que suscite le problème des ostéonécroses de la mâchoire (ONM) induites par les bisphosphonates, mais force est de reconnaître qu une fois encore le défaut d information sur un risque jusque-là méconnu a largement favorisé des prises de position exagérées et, pour tout dire, irrationnelles au regard des données scientifiques. Un amalgame très préjudiciable est actuellement fait entre une situation thérapeutique utilisant les bisphosphonates à forte dose chez des patients traités pour cancer et combinant de nombreux autres facteurs de risque, et l utilisation des bisphosphonates dans le traitement de l ostéoporose dont le recul remonte à près de 20 ans. Il faut maintenant à la fois informer tous les professionnels de santé ainsi que les malades et calmer les esprits. C est le but des recommandations de la task force de l American Society of Bone and Mineral Research (ASBMR) publiées à la fin de l année 2007, sur le plan international, et de la lettre aux prescripteurs récemment publiée sur le site de l Afssaps, sur le plan français. Ces différents documents, ainsi qu une mise au point sur ce sujet, vous sont présentés dans cette revue par Pascal Guggenbuhl. De notre point de vue de rhumatologues, on peut bien sûr regretter l alourdissement de la prise en charge que sous-entend cette lettre aux prescripteurs alors que l ONM est, pour ce que l on en sait actuellement, un événement indésirable certes grave, mais exceptionnel. Je rappelle que l incidence estimée dans le cadre de patientes recevant des bisphosphonates pour le traitement d une ostéoporose est entre 1/40 000 et 1/100 000 patients/année. Dans la situation de crise actuelle, il était cependant indispensable de tenir compte du point de vue et des inquiétudes de l ensemble des professionnels de santé concernés, et particulièrement des dentistes. Quand on y regarde de plus près, ces recommandations ne sont finalement pas très différentes de ce que le bon sens recommande, puisqu il est précisé que la mise en route du traitement ne doit pas être retardée chez les patientes à haut risque de faire une fracture, c est-à-dire l essentiel de la cible thérapeutique. À l occasion de la mise en route d un traitement, il convient donc de rappeler les règles d une bonne hygiène bucco-dentaire, qui inclut un suivi spécialisé annuel. Il revient maintenant à chacun d entre nous de faire cet effort supplémentaire d information et de communication à destination des patients afin qu un retour à une situation plus rationnelle fondée sur les évidences scientifiques puisse être envisagé. T. Thomas (Équipe INSERM U890, service de rhumatologie, hôpital Bellevue, Saint-Étienne). La Lettre du Rhumatologue - n 339 - février 2008 13
La constatation du fait qu un traitement par bisphosphonates pouvait entraîner une ONM a conduit l ASBMR à réunir un panel d experts dans le but de dégager une attitude en fonction des données actuelles de la littérature. Vous trouverez également ci-contre les Recommandations sur la prise en charge bucco-dentaire des patients traités par bisphosphonates adressées aux professionnels de santé par l Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Inflammation muqueuse. Ostéomyélite infectieuse. Sinusite. Pathologie péri-apicale liée à une carie. Pathologie de l articulation temporo-mandibulaire. Ostéonécrose radique. Lésion cavitationnelle ostéonécrotique neuropathique (NICO). Tumeurs osseuses ou métastases. Définition de l ONM ONM confirmée Il s agit d une surface d os exposée de la région maxillo-faciale qui ne cicatrise pas après huit semaines d évolution, constatée par un professionnel de santé, chez un patient qui reçoit ou a reçu des bisphosphonates et qui n a pas eu de radiothérapie de la sphère cranio-faciale. ONM suspectée Dans ce cas, la durée d évolution est inférieure à huit semaines. Ces cas doivent bénéficier d un suivi rapproché pour surveiller l évolution. Signes associés Ils ne sont jamais suffisants pour établir le diagnostic s ils surviennent de façon isolée. Douleur. Gonflement. Paresthésies. Suppuration. Ulcération des tissus mous. Fistulisation intra- ou extra-buccale. Perte dentaire. Anomalies radiographiques variables (aucune anomalie, déminéralisations ou opacités). Examens complémentaires Quand le diagnostic est établi, ils servent à apprécier l étendue des lésions : panoramique dentaire, tomodensitométrie (TDM) et IRM, parfois scintigraphie osseuse. L IRM semble être l examen le plus performant, notamment pour un diagnostic précoce. Cependant, les modalités d imagerie demandent à être précisées, notamment dans les phases précoces. Les facteurs favorisant l ONM Bisphosphonates i.v. Cancer ou traitement anticancéreux. Extraction dentaire, chirurgie osseuse buccale, mauvaise adaptation des appareils dentaires. Traumatisme oro-buccal. Durée d exposition aux bisphosphonates. Traitement par glucocorticoïdes. Comorbidités (comme une maladie maligne). Intoxication alcoolique ou tabagique. Maladie dentaire ou parodontale préexistante. P. Guggenbuhl, J.D. Albert (Service de rhumatologie, CHU de Rennes). Diagnostic différentiel Il faut éliminer d autres diagnostics. Maladie parodontale. Gingivite. P o u r e n s a v o i r p l u s... Khosla S, Burr D, Cauley J et al. Bisphosphonate-associated osteonecrosis of the jaw: report of a task force of the American Society for Bone and Mineral Research. J Bone Miner Res 2007;22:1479-91. 14 La Lettre du Rhumatologue - n 339 - février 2008
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