Fédération nationale de l Immobilier 129 rue du Faubourg Saint-Honoré 75407 Paris Cedex 08 T. 01 44 20 77 00 www.fnaim.fr 66 ème congrès - 10 & 11 décembre 2012 Paris, Palais des Congrès, Porte Maillot Discours d ouverture Jean-François BUET, Président Fédéral Seul le prononcé fait foi Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs les Elus, Chères Consœurs, chers Confrères, Chers amis, Je tiens tout d abord, Madame la Ministre, à vous remercier de vous être libérée pour ouvrir notre 66 ème congrès avant de vous rendre à la conférence pour la lutte contre la pauvreté et les exclusions. Conférence, qui, hasard du calendrier, débute au même moment et sera clôturée demain midi par le Premier Ministre. Permettez-moi d interpréter votre présence parmi nous ce matin comme une marque de reconnaissance envers notre institution et ses 12 000 entreprises adhérentes. A cet égard, je vous félicite d avoir déjà réussi, depuis votre prise de fonction, à inscrire le logement au rang des priorités de la politique du Gouvernement. Je tiens également à saluer, Madame la Ministre, votre volonté d engager une concertation avec la profession pour conduire votre vaste plan de réformes. Nous sommes prêts. Vous avez en face de vous des chefs d entreprises responsables, des hommes et des femmes de terrain confrontés, chaque jour, aux difficultés et aux besoins de nos concitoyens en matière de logement, dans tous ses domaines. J insiste - dans tous les domaines du logement - car la FNAIM dispose d un véritable vivier de compétences et d expertise professionnelle, contrairement à l image que l on peut en avoir au travers des petites annonces sur nos vitrines ou sur Internet.
Vous êtes entourée d agents immobiliers, mais aussi de syndics de copropriété, d administrateurs de biens, de mandataires en fonds de commerce, de professionnels de la location saisonnière ou de l immobilier d entreprise, autant de spécialistes n aspirant qu à être mobilisés pour mettre à profit leur savoir faire et travailler à vos côtés. Si vous défendez par ailleurs une approche locale de la politique du logement, à laquelle je souscris pleinement pour appréhender le marché dans toute sa complexité et toute sa diversité, vous pourrez compter sur l expertise, la richesse et le relais de nos 22 chambres régionales et 68 chambres départementales implantées sur l ensemble du territoire métropolitain et outre-mer. En somme, Madame la Ministre, vous pouvez considérer la FNAIM comme un partenaire, avec un corps organisé de professionnels au contact de plusieurs millions de nos concitoyens, acheteurs, vendeurs, bailleurs, locataires, copropriétaires Et entre partenaires, Madame la Ministre, on doit se dire la vérité. - Je n accepte pas je n accepte pas de voir planer sur la profession cette idée d argent facile, gagné sans effort, alors que nos métiers sont complexes et exigeants lorsqu ils sont exercés dans les règles de l art ; - Je récuse l idée selon laquelle nos honoraires, juste rémunération de nos prestations, sont de nature à faire augmenter les prix de l immobilier, car notre rôle est celui d être régulateur du marché ; - Je m oppose à dire que tout va bien, alors que le retournement de l économie provoque, dans nos entreprises, des pertes d emplois avec leurs drames personnels et familiaux ; - Je ne veux pas entendre que la FNAIM couvre les (pires) turpitudes des professionnels alors qu elle est la seule, par son comité d éthique instauré en 2005, à imposer des règles de déontologie et de formation à ses adhérents ; - Je ne veux pas que l on compare les professionnels vertueux du logement, soumis à des contrôles réguliers, des garants, de la DDPP, du fisc ou de l URSAFF, avec les aventuriers de l immobilier qui n ont même pas pignon sur rue ; - Je refuse que notre profession soit regardée avec dédain, suspicion et surtout méconnaissance. 2
Oui, Madame la Ministre, il faut impérativement revoir la réglementation qui régit les conditions d accès et d exercice de nos métiers, pour tous. La loi Hoguet du 2 janvier 1970 et ses décrets d application ont pris, avouons-le, un vrai coup de vieux. Car si les professionnels syndiqués sont soumis à des règles de déontologie et peuvent être sanctionnés, c est le cas à la FNAIM, je le disais il y a un instant, nous sommes désarmés face aux «braconniers» de l immobilier. Nous appelons de nos vœux : - la création d un conseil supérieur de la profession aux cotés de l Etat, sachant qu il est impératif pour nos organisations syndicales de conserver leur rôle de représentation des métiers qu elles fédèrent, - et la création d un comité stratégique de discipline, présidé par un magistrat, et ouvert aux associations de consommateurs. Pour l ensemble de nos confrères, indépendants, groupes, ou franchises réunis au sein de l UPSI, association coprésidée par la FNAIM et l UNIS, seule une nouvelle réglementation permettra : - de lutter contre les pratiques illicites et l amateurisme ; - d éradiquer la profession de ses mauvais sujets, - et de garantir un niveau d exigence adapté à la sécurisation des projets de la clientèle. Votre future loi cadre ne doit pas être brouillée par des amalgames et des idées reçues, dues au dénigrement de certaines associations qui n en sont pas. Dans ce contexte, Madame la Ministre, il y a urgence. Si vous avez déjà eu l occasion de vous exprimer à plusieurs reprises en faveur d une telle réforme, si la chancellerie et le cabinet de Christiane TAUBIRA ont accueilli favorablement notre projet, et si j ai par ailleurs reçu le soutien de Michel SAPIN au titre de la formation professionnelle, permettez-moi de croire que nous sommes sur le point d aboutir! Pour ce qui relève plus précisément de la politique du logement, sans critique de ma part sur les réformes que vous avez engagées, nous avons besoin d une feuille de route simple, lisible et durable pour que nos concitoyens s y retrouvent. 3
Outre le discours alarmiste sur la frilosité des banques, les différentes lois de finances et les projets en discussion ont refroidi les acquéreurs et gelé les vendeurs. Le marché est en apnée et ne retiendra pas son souffle plus longtemps : vu l ampleur de la baisse de l activité, les fermetures d agences se multiplient et celles qui résistent, licencient. Nous devons protéger nos emplois. Il faut à tout prix arrêter le «yoyo fiscal». La fiscalité, c est de la nitroglycérine que nous devons manier avec précaution : tout excès est toujours puni par un résultat inverse à celui escompté : cela favorise l attentisme, sans créer de choc d offre, ni de rentrées fiscales. J ai réagi avec force, c est vrai, au rapport GALLOIS et aux propos tout de même excessifs d Arnaud MONTEBOURG, car je ne souhaite pas que nos clients soient les pigeons de l immobilier, encore moins les dindons du logement. Il ne faut pas confondre fiscalité incitative et fiscalité confiscatoire. Les taxes foncières et d habitation sont à des niveaux historiquement élevés. La TVA sur les travaux a été relevée et va l être encore. Le Gouvernement de François FILLON a déjà eu la mauvaise idée de reporter à 30 ans l exonération des plus-values en favorisant la rétention à long terme. Dans ce contexte, je regrette que le PLF 2013 n ait pas retenu la proposition du candidat HOLLANDE de réintroduire un abattement de 5% par année de détention avec une imposition sur le revenu. Cela aurait été un bon compromis. Je parle bien de compromis, car il n est pas question de vous faire des propositions que le budget de l Etat ne saurait supporter. Il s agit seulement de vous suggérer de prendre des mesures phares qui redonnent au marché la seule chose qui lui manque : la confiance. Faut-il aider certains ménages modestes sur les droits de mutations? Faut-il aider les acquéreurs dans leur montage financier en restaurant, par exemple, le prêt à taux zéro sous éco-conditionnalité? 4
Ce qui est sûr, c est qu aujourd hui, il n y a plus rien, et que seule la correction à la baisse des prix conjuguée à des taux historiquement bas ne parviendra pas à relancer l activité. Pour redonner un élan à l investissement locatif privé, pourquoi ne pas étendre «le DUFLOT» à l ancien? Et nous sommes même prêts à aller encore plus loin. Je vous propose un «Bail Solidaire» qui engagerait le bailleur à louer son bien à un loyer inférieur de 50% au loyer de marché. Pour compenser son manque à gagner, des pistes existent. Nous pouvons en débattre, mais les idées sont là : il pourrait bénéficier d une subvention, telle celle du 1%, d une fiscalité adaptée ou encore d un régime dérogatoire sur les plus-values. Quoiqu il en soit, il est indispensable de conférer aux bailleurs privés un véritable statut social et de les reconnaître comme des acteurs économiques de premier plan, mobilisant une épargne pour abonder l offre de logements disponibles. C est à mon sens une condition : - utile, pour rompre le climat de défiance à leur égard, - et nécessaire, pour espérer une véritable réforme de la loi du 6 juillet 89. Loi de 89 qui, reconnaissons-le, s est déséquilibrée depuis sa promulgation, au seul bénéfice des locataires. Je le dis sans parti pris, puisque nous servons, comme intermédiaires, tant les intérêts des bailleurs que ceux des locataires. Malheureusement le marché de gré à gré, de particulier à particulier, prédomine, laissant la porte ouverte à tous les abus. Mais c est pour faire référence aux 39 modifications que la loi a subies et, sans être exhaustif : - à la suppression du cumul cautionnement / assurance des loyers, - à la réduction du dépôt de garantie à un mois, - à l allongement de la liste des documents qu il est interdit de demander à un candidat locataire, - et à l évolution de la jurisprudence, parfois très sévère dans son appréciation souveraine envers les propriétaires bailleurs. 5
Concernant l encadrement des loyers, je me suis déjà prononcé en faveur d une mesure circonscrite aux abus pour ne pas pénaliser les propriétaires. Pour autant, il ne faut pas céder à la tentation de le généraliser sur des secteurs où les tensions locatives n existent pas. A ce titre, j ai bon espoir que les Observatoires Locatifs Locaux sur lesquels nous travaillons avec l ANIL, permettent d affiner ce zonage ou tout autre dispositif. Je compte sur vous, Madame la Ministre, pour ne pas céder non plus au dogme d un blocage strict, car si l on continue à manier le bâton avec les bailleurs sans jamais leur proposer de carotte, ils finiront, à coup sûr, par se détourner de l investissement locatif. Le résultat serait, à terme, la pénurie de logements à louer. A défaut d un encadrement des loyers vécu comme une sanction, pourquoi ne pas admettre un bail solidaire, avec un plafond de loyer par zone, pivot d une série de compensations? Dans le même état d esprit, il ne faut surtout pas rendre la GRL obligatoire, car elle serait vécue comme une nouvelle taxe, un retour au droit au bail. La GRL et la GLI doivent continuer à coexister, avec un marketing adapté, pour nous permettre de répondre à l hétérogénéité et à la diversité des situations. C est d une véritable boîte à outils dont nous avons besoin avec : - une GLI ; - une GRL et un traitement social adapté ; - une caution solidaire responsabilisant le locataire qui fait appel à un proche, et un retour au Loca-Pass qui est non discriminant ; - un retour également au cumul de la caution solidaire avec les assurances de loyers impayés ; - et enfin, un maintien du dépôt de garantie qui responsabilise aussi le locataire et protège le propriétaire en cas de dégradation. Au passage, Madame la Ministre, la réforme de la loi de 89 devra entériner définitivement le rôle essentiel de l intermédiaire lorsqu il recherche un locataire pour un logement, ou un logement pour un locataire. Il faut lui accorder sans conteste le partage de tous ses honoraires. 6
Par ailleurs, puisque votre projet de loi cadre envisage de revisiter la loi de 1965 sur les immeubles en copropriété, sachez que nous sommes favorables à plus de transparence. Je vous propose que les syndics professionnels rendent accessibles, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, la comptabilité des syndicats et les comptes de chaque copropriétaire via des Extranets. Nous éviterons ainsi les polémiques stériles sur la nature du compte bancaire et préserverons la qualité du contrôle des garants. Il est en effet plus efficace et sécurisant pour eux, mais aussi pour les copropriétaires, de vérifier un seul compte unique, que quelques comptes séparés choisis de manière aléatoire. Voilà, Madame la Ministre, esquissées en quelques lignes, les réflexions dont nous souhaitons débattre et travailler avec vous. Mais je ne serais pas complet si je ne verdissais pas quelque peu mon propos. C est pour évoquer, bien sûr, notre rendezvous historique avec le développement durable. Forts d avoir initié en 2010 un programme de 100 000 logements éco-rénovés au sein de notre Fédération et en tant que partie prenante du Plan Bâtiment désormais Durable, nous mesurons le défi que représente l objectif annuel de 500 000 rénovations thermiques fixé par le Gouvernement. Mais comme la confiance, l éco-rénovation, cela ne se décrète pas. C est pour vous avouer que malgré nos efforts pour sensibiliser nos adhérents et nos clients à la démarche, au travers notamment de la formation et de notre collaboration active avec l ensemble de la filière énergétique et du bâtiment, le passage à l acte demeure encore difficile à motiver. Là encore, nous avons besoin de visibilité, d aides et d outils adaptés pour convaincre et aboutir. Sans aborder toutes nos propositions en la matière et pour souscrire à celles du Plan Bâtiment Durable, je me limiterai ce matin à rappeler que nous sommes favorables à l élargissement des textes à la copropriété au travers d un éco-prêt collectif et de la constitution de provisions obligatoires pour accompagner les plans pluriannuels de travaux. 7
Sur tous les sujets qui nous occupent et pour conclure, Madame la Ministre, de nouvelles orientations sont indispensables, c est vrai. Et si je tiens un langage de vérité, c est que je suis pour l abandon des idées reçues au profit de l expérience et de la réalité du terrain. Ce sont avant tout les débats constructifs, le pragmatisme et l efficacité qui doivent nous guider. Je sais que demain, votre loi va engager la destinée de nos métiers. Ne nous décevez pas. Vous pouvez compter sur notre mobilisation pour vous aider à construire une politique du logement toujours plus juste et équilibrée, afin de répondre aux attentes du plus grand nombre. 8