Laurence de Percin Donations et successions



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Laurence de Percin Donations et successions Groupe Eyrolles, 2004, ISBN 2-7081-3516-3

Chapitre 1 Qui sont mes héritiers?

Les héritiers d une personne sont classés dans un ordre de priorité précis, selon leur degré de parenté par rapport au défunt. Un ordre ne peut prétendre à l héritage que s il n y a plus personne à l ordre précédent. Cela s appelle «la dévolution». Le classement est le suivant : Ω le premier ordre est celui des enfants : les descendants privilégiés ; Ω le deuxième ordre est mixte : il comprend les parents du défunt, les ascendants privilégiés, mais aussi ses frères et sœurs, les collatéraux privilégiés ; Ω le troisième ordre est celui des aïeux : les ascendants ordinaires ; Ω le quatrième ordre est celui des oncles et tantes et leurs descendants : les collatéraux ordinaires. Le conjoint, lui, ne constitue pas véritablement un ordre d héritier : sa part de la succession dépend de son régime matrimonial, d abord, de la composition de la famille et de sa situation par rapport à elle, ensuite. Ainsi, en présence d enfants, son héritage est moins important. En présence d ascendants ou de collatéraux privilégiés, seulement, il a droit à une part un peu plus importante. Et il élimine complètement de la succession les ordres les plus éloignés (voir chapitre 2). Enfin, si le défunt ne laisse ni conjoint ni famille et n a pris aucune disposition concernant son héritage, ses biens sont attribués à l État. 11

Donations et successions Les héritiers du premier ordre Dans chaque ordre, les héritiers sont classés selon le nombre de générations, que l on appelle les «degrés». Là encore, les générations les plus proches du défunt éliminent les générations plus éloignées : les enfants sont donc prioritaires sur les petits-enfants qui eux-mêmes passent avant les arrière-petits-enfants. Lorsqu il y a plusieurs héritiers du même ordre et du même degré, la succession est partagée en parts égales. La réserve héréditaire et la quotité disponible Les enfants d une personne constituent le premier degré du premier ordre de ses héritiers. Un ordre incontournable : il n y a, comme nous l avons dit, aucun moyen de les déshériter ou même d en favoriser un par rapport aux autres. La part obligatoirement réservée aux enfants, c est-à-dire aux descendants en ligne directe (ainsi d ailleurs qu aux ascendants, voir plus loin), s appelle la réserve héréditaire. S il n y a pas ou plus de conjoint et que le défunt ne laisse qu un enfant, cette réserve s élève à la moitié des biens. S il y a deux enfants, elle représente deux tiers des biens, et trois quarts, en présence de trois enfants ou plus. Une fois que la réserve héréditaire est attribuée, le reste du patrimoine est appelé quotité disponible. Comme son nom l indique, la quotité «disponible» est libre : elle n est destinée à personne en particulier et peut donc être attribuée par le défunt à n importe quelle personne de son choix, qu elle soit de sa famille ou non. Si le défunt laisse La réserve est de La quotité disponible est de 1 enfant 1/2 des biens L autre moitié 2 enfants 2/3 des biens Le tiers restant 12 3 enfants et plus 3/4 des biens Le quart restant

1. Qui sont mes héritiers? C est la raison pour laquelle, de son vivant, une personne a intérêt à préparer elle-même sa succession, de manière à disposer de sa quotité disponible et à répartir ses biens comme elle l entend, pour avantager ou protéger particulièrement tel ou tel membre de sa famille (enfant, petitenfant ou conjoint). Elle peut aussi attribuer certains biens de la quotité disponible à des personnes ou des organismes qu elle souhaite aider après son décès (toutes ces possibilités sont développées aux chapitres 3 et 4). } À savoir On l aura compris, l importance de la quotité disponible dépend du nombre d héritiers réservataires du défunt. S il n y a aucun héritier réservataire, il n y a pas de réserve, et la quotité disponible représente la totalité des biens du défunt. Représentation et souche Les petits-enfants constituent le deuxième degré du premier ordre des héritiers d un défunt ; les arrière-petits-enfants sont le troisième degré et ainsi de suite si le défunt meurt très âgé et que sa descendance est très nombreuse. De ce fait, s il n y a plus d enfants pour hériter, mais qu il y a des petits-enfants, l héritage leur est transmis en priorité, car ce sont eux qui deviennent héritiers réservataires à la place de leur parent décédé. Là intervient un autre grand principe qui régit l organisation d une succession : la représentation. C est une règle selon laquelle, en cas de décès prématuré d un héritier, ses enfants le «représentent» ; autrement dit, héritent à sa place. L idée est en fait de ne pas diviser l héritage d une personne en de trop nombreuses parts. Ainsi, grâce à la règle de la représentation, le patrimoine est d abord partagé selon le nombre d enfants du défunt, que l on appelle «les souches». Là, tous les enfants sont comptés, y compris ceux qui sont déjà décédés. Ces derniers sont représentés par leurs enfants qui se partagent leur part. 13

Donations et successions Le partage se fait aussi par souches si l un des petits-enfants héritiers est déjà décédé mais qu il y a des arrière-petits-enfants pour le représenter. Soulignons que la quotité disponible ne change donc pas lorsque l un des héritiers du défunt est lui-même prématurément décédé. Exemple André a eu trois enfants et l un d eux, Paul, est décédé. Paul a eu deux enfants. Le patrimoine d André est d abord partagé en trois parts égales, destinées chacune à ses trois enfants. Puis la part de Paul est redivisée en deux parts égales, attribuées à ses deux enfants, les petits-enfants d André, qui viennent en représentation de Paul. Les autres petits-enfants d André ne reçoivent aucun héritage puisque leur parent, les deux autres enfants d André, est vivant et peut donc hériter. Les enfants légitimes Tous les enfants sont héritiers à part égale, qu ils soient légitimes, naturels, adoptés et même aujourd hui adultérins. Ils le sont même s ils n ont entretenu aucune relation avec leur parent décédé ou qu ils n ont pas accompli leurs devoirs filiaux (en particulier, l obligation alimentaire). Un enfant légitime est un enfant né d un père et d une mère mariés ensemble y compris d ailleurs si le père officiel de l enfant n est pas son père biologique. Ce qui compte, ce sont les noms inscrits sur l acte de naissance, si celui-ci a été délivré selon la procédure officielle et s il porte toutes les mentions obligatoires. Tant que personne n a accompli de démarche pour contester cette légitimité, le Code civil stipule que la seule 14

1. Qui sont mes héritiers? indication du nom du père et de la mère signifie que l enfant né d une femme mariée a pour père le mari de cette femme. L action en retranchement Lorsqu une personne attribue tous ses biens à son conjoint, par l intermédiaire d une clause d attribution intégrale insérée dans le régime matrimonial de la communauté universelle (voir chapitre 2 page 32), à son décès, les enfants n obtiennent aucun héritage : pour cela, ils doivent attendre le décès du conjoint. Exception faite désormais pour les enfants que le défunt aurait eu de précédentes unions. En effet, l article 1527-2 du Code civil leur donne maintenant la possibilité, qu ils soient légitimes, adoptés ou naturels, d engager une «action en retranchement». Cela signifie qu ils peuvent saisir le tribunal de grande instance par l intermédiaire d un avocat pour demander à bénéficier immédiatement de leur réserve héréditaire. Si le juge accepte, celle-ci sera retranchée du patrimoine recueilli par le conjoint et attribuée aux enfants de la première union. L objectif de cette disposition est de permettre à ces enfants, s ils sont adultes, de profiter plus tôt de leur héritage, surtout si le conjoint survivant est jeune. Les enfants adoptés Lorsque l enfant a été adopté selon la procédure de l adoption dite plénière, la procédure est irrévocable et la famille biologique de l enfant est complètement remplacée par la famille adoptive. Cette procédure n est admise que pour des enfants de moins de 15 ans. Du point de vue de la succession, cela signifie que l enfant n a plus aucun lien de parenté avec ses parents d origine et ne peut plus prétendre à leur succession : il n est désormais héritier que de sa famille adoptive. 15

Donations et successions } À savoir Lorsqu une personne adopte l enfant de son conjoint, la filiation d origine de l enfant est maintenue à l égard à la fois du conjoint et de la famille de ce dernier. L autre procédure d adoption existant en France est l adoption simple. Celle-ci peut concerner toute personne, quel que soit son âge, mais elle est révocable (pour un motif grave et devant un tribunal). Elle permet à la personne adoptée de conserver sa filiation d origine, tout en bénéficiant d une nouvelle parenté. Ainsi, les deux filiations coexistent : elle peut hériter à la fois de ses parents d origine et de ses parents adoptifs. Toutefois, l adoption simple ne permet pas à la personne adoptée de bénéficier de l héritage des ascendants de ses parents adoptifs, les grandsparents et arrière-grands-parents adoptifs. Dans ce cas, en effet, il n est pas héritier réservataire. Des droits de succession élevés L adoption simple ne permet pas de bénéficier des mêmes droits de succession que les enfants adoptés en adoption plénière : ils sont fixés à 60 %, c est-à-dire autant que pour des héritiers étrangers au défunt. Les droits sont alignés sur ceux des enfants légitimes lorsque l adoption est antérieure à la loi du 11 juillet 1966, réformant l adoption, ou lorsque l enfant adopté : est issu d un premier mariage du conjoint du défunt ; (ou) a reçu des soins et secours ininterrompus de la part de ses parents adoptifs pendant au moins cinq ans durant sa minorité ou au moins dix ans au cours de sa minorité et de sa majorité ; (ou) est pupille de la nation ou de l État ; (ou) est orphelin d un père mort pour la France. Il en est de même lorsque la descendance en ligne directe (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants) des parents adoptifs est morte pour la France. 16

1. Qui sont mes héritiers? Les enfants naturels et adultérins Un enfant naturel est issu d un couple non marié, c est-à-dire concubin. Seul le mariage du père et de la mère peut légitimer les enfants naturels. La légitimation se fait automatiquement, sans aucune autre procédure que le prononcement du mariage. Notez que les enfants des couples «pacsés» sont aussi des enfants naturels. Depuis la loi du 3 janvier 1972, les enfants naturels reconnus par leurs parents ont les mêmes droits que les enfants légitimes. Un enfant adultérin est un enfant conçu alors que son père et/ou sa mère sont mariés avec une autre personne. Les mœurs ayant beaucoup évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les droits de ces enfants se sont progressivement améliorés. D abord, à partir de 1972, la loi a cessé d ignorer complètement leur existence (avant cette date, ils n avaient aucun droit) et a admis qu ils pouvaient hériter de leurs parents comme toute descendance. Par là même, elle a aussi cessé de les appeler «adultérins», un terme considéré comme trop péjoratif. Ce sont aujourd hui «des enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de leur conception, engagé dans les liens du mariage». Cependant, si leur présence parmi les héritiers légitimes était acceptée, la loi ne leur attribuait qu une part réduite de la succession, considérant que leur position portait préjudice aux enfants légitimes et au conjoint : ils n héritaient pleinement que s il n y avait ni l un ni l autre. La Cour européenne de justice ayant condamné cette discrimination faite par la France, une loi est intervenue le 3 décembre 2001 (sur laquelle nous reviendrons plus longuement au chapitre 2). Cette loi améliore, considérablement la situation des enfants adultérins et supprime la règle de 1972 : désormais, tous les enfants d une personne, quelle que soit sa situation maritale au moment de leur naissance, ont droit à une part égale de la succession. Un bémol toutefois : il faut que la filiation soit prouvée ; autrement dit, que les parents aient reconnu leur enfant naturel. Or, lorsqu une femme 17

Donations et successions mariée ou non a un enfant, elle peut choisir de ne pas déclarer qui en est le vrai père, en particulier s il s agit d un autre homme que son mari ou s il s agit d un homme déjà marié. De ce fait, la filiation de l enfant n est établie qu à l égard de la mère et il se trouve privé de sa vraie filiation paternelle, donc d une partie de son héritage. Si, au contraire, le père reconnaît l enfant, celui-ci aura désormais droit à la même part d héritage que les autres enfants de cet homme. } À savoir Lorsque l un des parents n a pas reconnu un enfant adultérin à sa naissance, il peut le faire plus tard par testament authentique, c est-à-dire devant un notaire, en présence de deux témoins ou d un second notaire (sur les différents testaments, voir chapitre 4 pages 97 et suivantes). L action en recherche de paternité Lorsqu un enfant naturel ou «adultérin» n a pas été reconnu par l un ou l autre de ses parents, s il dispose de présomptions ou d éléments précis, dans les deux ans qui suivent sa majorité, il peut engager une procédure appelée «action en recherche de paternité» (ou maternité), de manière à faire établir officiellement sa filiation. Pour cela, il doit prendre un avocat, intermédiaire obligatoire lorsque l on saisit le tribunal de grande instance, spécialiste des affaires familiales. 18

1. Qui sont mes héritiers? Les héritiers du deuxième ordre En l absence de représentant du premier ordre, la succession s ouvre aux héritiers du deuxième ordre, qui comprend les parents et les frères et sœurs. Les ascendants privilégiés Lorsque le défunt ne laisse pas de descendance, mais que ses parents sont encore vivants, ces derniers deviennent alors héritiers, eux aussi réservataires. Autrement dit, même en présence d un conjoint survivant ou d un testament établi en faveur d une personne chère par exemple, un concubin ou un partenaire de Pacs, les parents du défunt doivent obligatoirement recueillir la moitié de la succession : un quart pour le père, un quart pour la mère. Dans l hypothèse où l un des deux parents seulement est vivant, celui-ci reçoit le quart des biens, les trois quarts restants allant au conjoint survivant s il y en a un (voir chapitre suivant). } À savoir Si les parents du défunt sont dans le besoin, ils peuvent en outre demander une pension alimentaire, qui sera prélevée sur la succession. Lorsqu il n y a ni descendant, ni conjoint, ni frère et sœur et que le défunt n a pris aucune disposition concernant sa succession, les parents recueillent la totalité de la succession, pour moitié chacun. Si le défunt laisse La réserve est de La quotité disponible est de 2 parents 1/4 pour le père 1/4 pour la mère La moitié restante 1 seul parent 1/4 pour le parent survivant Les 3/4 restants 19

Donations et successions Les collatéraux privilégiés Outre les ascendants privilégiés, le deuxième ordre d héritiers comprend aussi les frères et sœurs du défunt. Une particularité ici : la présence des parents du défunt dans la succession n exclut pas ses frères et sœurs. Cet état de fait est donc tout à fait contraire à ce que prévoit le Code civil pour le premier ordre, où la première génération (celle des enfants du défunt) exclut la seconde génération (celle des petits-enfants), qui elle-même exclut la troisième (celle des arrière-petits-enfants du défunt). C est d ailleurs une règle qui ne concerne que le deuxième ordre, puisque, nous allons le voir, dans le troisième et le quatrième ordre, les générations les plus proches du défunt excluent les plus éloignées. Dans le deuxième ordre, au contraire, en présence à la fois de parents et de frères et sœurs, la succession est partagée en deux à parts égales : la moitié pour les parents (un quart chacun), l autre moitié répartie entre les frères et sœurs, quel que soit leur nombre. Lorsqu il n y a pas d enfant, pas de conjoint, un seul parent et des frères et sœurs, le parent survivant reçoit un quart des biens et les trois quarts restants sont répartis entre les frères et sœurs à parts égales. Exemple Martine décède en laissant ses deux parents, un frère et deux sœurs. Sa succession sera d abord partagée en deux parts égales. La première part sera ensuite divisée en deux : une moitié pour le père de Martine, l autre moitié pour la mère de Martine. La seconde part de la succession sera divisée en trois parts égales, attribuées à chaque frère et sœur. 20 Contrairement aux ascendants privilégiés (les parents du défunt), les frères et sœurs ne sont pas des héritiers réservataires. Ainsi, lorsque le défunt ne laisse pas d enfant et seulement son conjoint et des frères et sœurs (ou leurs descendants), ces derniers ne sont plus héritiers : depuis la loi du 3 décembre 2001, c est le conjoint qui reçoit tous les biens en

1. Qui sont mes héritiers? pleine propriété (voir chapitre 2). Cependant, pour éviter que certains biens de famille, que le défunt aurait reçus de ses parents par succession ou donation, ne la quittent pour passer dans la famille du conjoint, les frères et sœurs peuvent demander un droit de retour, lorsqu ils sont issus du même lit que le défunt. Dans ce cas, les biens en question doivent revenir pour moitié en toute propriété aux frères et sœurs ou, à défaut, à leurs descendants (les neveux et nièces du défunt). L autre moitié est recueillie par le conjoint. À noter toutefois que le droit de retour ne peut s exercer que lorsque les biens se retrouvent en nature dans la succession du défunt : ils ne doivent pas avoir été vendus et représenter une somme d argent. Si le défunt ne laisse que La succession est répartie comme suit : 2 parents 1/4 pour le père 1/4 pour la mère 1 seul parent 1/4 pour le parent survivant 2 parents et des frères et sœurs 1/4 pour le père 1/4 pour la mère 1/2 répartie entre les frères et sœurs 1 parent et des frères et sœurs 1/4 pour le parent survivant 3/4 répartis entre les frères et sœurs Les descendants des frères et sœurs Lors d une succession, si un frère ou une sœur du défunt est déjà décédé(e), le principe de la représentation joue de nouveau : s il y a eu des neveux ou des nièces, ils héritent à la place de leur parent décédé. Et, à défaut de neveux, s il y a des petits-neveux, ce sont eux qui héritent en représentation de leur parent. Le calcul se fait ici aussi par souches (voir page 13). 21

Donations et successions Exemple Exemple Pierre décède sans descendance, et sa femme est déjà décédée. Il a encore son père, deux frères et une sœur. Son autre sœur est décédée, elle a eu trois enfants. La succession de Pierre se partage donc d abord en deux : un quart pour le père de Pierre, les trois quarts restants pour ses quatre frères et sœurs. Et la part de sa sœur décédée se partage encore en trois, attribuée aux trois neveux de Pierre, qui viennent en représentation de leur mère. Des frères et sœurs de différents lits : disparition de la fente successorale Du fait de la multiplication des familles recomposées, les successions se trouvent de plus en plus souvent en présence de frères et/ou de sœurs nés d unions antérieures ou postérieures du père ou de la mère du défunt. C est pourquoi la loi du 3 décembre 2001 a simplifié les règles précédentes qui imposaient que la succession «se fende» en deux selon les lignées. Suite à cette réforme, pour les décès intervenus après le 1 er juillet 2002, quelle que soit l union dont sont issus les frères, sœurs, demi-frères et demi-sœurs d un défunt, s ils sont héritiers, ils se partagent la succession à parts égales. Alexandra a un demi-frère, Olivier, né de la même mère qu elle mais d un autre père. Elle a eu ensuite un petit frère, Antoine, né de la même mère et du même père qu elle. Puis ses parents ont divorcé et son père a eu avec une autre femme une seconde fille, Alice. Alexandra décède en octobre 2002 en ne laissant pas d enfant, pas de conjoint, plus de parent, mais ses trois frères et sœurs. Sa succession se partage en trois parts égales : 1/3 pour Olivier, 1/3 pour Antoine, et 1/3 pour Alice. 22

1. Qui sont mes héritiers? Pour les décès intervenus avant le 1 er juillet 2002, c est-à-dire avant la réforme imposée par la loi du 3 décembre 2001, la famille se décomposait en trois lignées : Ω les collatéraux privilégiés germains : issus du même père et de la même mère que le défunt (autrement dit ses propres frères et sœurs) ; Ω les collatéraux privilégiés utérins : issus de la même mère que le défunt mais d un ou de plusieurs autres pères (des demi-frères et demisœurs) ; Ω les collatéraux privilégiés consanguins : issus du même père mais d une ou de plusieurs autres mères (d autres demi-frères et demi-sœurs). La règle de la fente successorale intervenait : la succession se coupait en deux parties égales, une partie pour la lignée du père du défunt et l autre, pour la lignée de la mère du défunt. Les enfants communs aux deux parents, qui apparaissaient dans les deux lignées, recueillaient des parts dans chaque moitié de la succession. Exemple Si Alexandra était décédée avant le 1 er juillet 2002, sa succession se serait fendue en deux parties égales : 1/2 pour la lignée de son père, qui comprend Alice (collatérale privilégiée consanguine : 1/4 de la succession) et Antoine (collatéral privilégié germain : 1/4 de la succession) ; 1/2 pour la lignée de sa mère, qui comprend Olivier (collatéral privilégié utérin : 1/4 de la succession) et Antoine (encore 1/4 de la succession). Au lieu de bénéficier du tiers de la succession, comme la loi du 3 décembre l impose aujourd hui, Antoine aurait bénéficié de la moitié de la succession d Alexandra. 23

Donations et successions Les héritiers des troisième et quatrième ordres Le troisième ordre : les ascendants ordinaires C est l ordre des grands-parents (les aïeux) qui en constituent le premier degré. Ici, les degrés se comptent en remontant les générations, le deuxième degré étant celui des arrière-grands-parents (bisaïeux), voire trisaïeux pour les familles où l on vit très vieux. Si le défunt laisse (à défaut d enfants, de petits-enfants et de parents) Des grands-parents La succession se répartit comme suit 1/4 pour le grand-père 1/4 pour la grand-mère 1 seul grand-parent 1/4 pour le grand-parent survivant Attention, les ascendants ordinaires ne peuvent accéder à la succession qu en l absence d héritier des deux ordres précédents et de conjoint marié survivant. Car là aussi, celui-ci est prioritaire. Les aïeux ne sont donc pas réservataires. Toutefois, si les grands-parents (ou, à défaut, les arrièregrands-parents) sont dans le besoin, ils peuvent demander le versement d une pension alimentaire. Exemple Éric, célibataire, décède et laisse un frère, une sœur et ses grands-parents maternels. Les collatéraux privilégiés (les frères et sœurs, du deuxième ordre) priment sur les ascendant ordinaires (les grands-parents, du troisième ordre). Le frère et la sœur reçoivent donc la totalité de l héritage pour moitié chacun. 24

1. Qui sont mes héritiers? À ce niveau d héritiers, il y a forcément deux branches : la branche paternelle du défunt et la branche maternelle. S il y a des représentants dans les deux branches, la règle de la fente successorale s applique à nouveau : la succession se coupe en deux, une moitié étant attribuée à la ligne paternelle, l autre, à la ligne maternelle. Une seule ligne ne peut recevoir la totalité de la succession que s il n y a ni conjoint, ni héritier dans l autre ligne. Exemple Mathilde décède sans descendance et sans conjoint. Elle ne laisse que son père et ses grands-parents maternels, la succession est donc partagée en deux parts égales : 1/2 pour le père ; 1/2 pour les grands-parents, 1/4 chacun. Le quatrième ordre : les collatéraux ordinaires Les collatéraux ordinaires sont les oncles et tantes et leurs descendants. Ils ne peuvent hériter que s il n y a plus d héritier dans les ordres précédents. En leur présence, le conjoint survivant hérite de toute la succession en pleine propriété. S il n y a ni descendant, ni ascendant, ni conjoint, ni frère et sœur mais qu il y a des collatéraux ordinaires dans la branche paternelle et dans la branche maternelle du défunt, la succession se fend aussi : une moitié pour chaque ligne, répartie ensuite selon les souches et les degrés de parenté. 25

Donations et successions } À savoir L article 768 du Code civil prévoit qu au-delà du sixième degré du quatrième ordre, on ne recherche en principe plus d héritier, et le patrimoine du défunt est attribué à l État. Une exception toutefois, lorsque le défunt a été dans l incapacité juridique de faire un testament. Dans ce cas, le notaire a l obligation de rechercher des héritiers jusqu au douzième degré. Le classement des héritiers du défunt 1 er degré 2 e degré 3 e degré 1 er ordre Enfants Petits-enfants Arrière-petits-enfants 2 e ordre Parents Frères et sœurs Neveux et nièces 3 e ordre Grands-parents Arrière-grands-parents 4 e ordre Oncles et tantes Petits-neveux Arrière-petits-neveux 26