FORMES CLINIQUES DES TOXIDERMIES. Pr. E. Delaporte Lille, 15/10/2014

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Transcription:

FORMES CLINIQUES DES TOXIDERMIES Pr. E. Delaporte Lille, 15/10/2014

«De l acnéau psoriasis pustuleux généralisé, il n est pas d affection dermatologique qui ne puisse être déclenchée, aggravée ou simulée par une réaction médicamenteuse» JC Roujeau La peau (et les muqueuses) est l organe cible N 1 des médicaments (1 à3% des «consommateurs») Les toxidermies les plus fréquentes sont : - Les éruptions maculo-papuleuses (40 à 60%) -Les urticaires et angioedèmes (20 à30%) - L érythème pigmenté fixe(grande disparité selon les pays) Il s agit d un diagnostic de présomption (démarche d imputabilité) L aspect histologique est rarement spécifique Sont bénignes dans plus de 90% des cas

La part des cause médicamenteuses dans chacune des formes cliniques de toxidermie est très variable Eruptions maculo-papuleuses (toxidermies érythémateuses): 50 à 80% (chez l adulte) Urticaires aiguës : 10% EPF : 100% Erythèmes polymorphes : < 10% Nécrolyses épidermiques toxiques : > 80%

FACTEURS DE RISQUE Polymorphisme génétique du métabolisme du médicaments «Polymédicamentation»(«Effet cocktail») Infections virales aiguës ou chroniques concomitantes (EBV, CMV, VIH++) Maladies auto-immunes Cancers et chimiothérapie (Immunodépression)

FORMES CLINIQUES 1. Exanthèmes maculo-papuleux 2. Urticaire et angio-oedème 3. Pustulose exanthématique aiguëgénéralisée (PEAG) 4. Réaction de photosensibilité 5. Purpura vasculaire (vascularites) 6. Erythème pigmenté fixé(epf) 7. Nécrolyses épidermiques toxiques (NET = Lyell et SJ)

FORMES CLINIQUES 8. DRESS (Drug Rash with Eosinophil and Systemic Symptoms) 9. Déclenchement ou exacerbation d'une dermatose commune (psoriasis, eczéma ) 10. Maladies auto-immunes induites (lupus, DIgAL ) 11. Toxidermies mimant une dermatose commune (éruptions eczématiformes ou lichenoïdes, aphtes, hypertrophies gingivales, pigmentations )

EXANTHÈMES MACULO- PAPULEUX Délai = 4 à14 j («Erythème du 9 ième jour») Polymorphisme lésionnel Rash morbilliformes ou scarlatiniformes Maculo-papules érythémateuses ± purpuriques (cuivrées ++) Début : tronc, racines des membres

Hyperthermie et prurit d'intensité variable Eosinophilie (élément d'orientation) Histologie non contributive Evolution le plus souvent favorable < 8 j après arrêt du médicament ATB, anticomitiaux, allopurinol, sels d'or, AINS

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS LES EXANTHÈMES VIRAUX +++ et TOXINIQUES (staphylocoques) Maladie de Kawasaki Diagnosticdifficile, les médicaments étant parfois pris dès les premiers symptômes de la virose (biais protopathique) Contexte : Enfant, contage Enanthème, éruption plus monomorphe Lymphopénie, syndrome mononucléosique, sérologies (EBV, parvo B19, VIH), ex. viro.selles chez l'enfant (entérovirus) évoquer la possibilitéd une PI VIH devant une éruption fébrile et généralisée de l adulte

SIGNES DE GRAVITÉ D UN RASH MACULO- PAPULEUX AEG, érosions muqueuses, zones de décollement avec signe de Nikolsky NET AEG et pustules du tronc et des grands plis PEAG AEG, érythrodermie, oedème visage, ADP, HSMG DRESS

URTICAIRE et ANGIOEDÈME Délai : qqs min ou heures Angio-oedème isolé ou associé à urticaire Signes généraux : fièvre, arthralgies, troubles digestifs Choc anaphylactique Mécanisme immunologique (IgE-dép) ou pharmacologique (histamino-libération ou bradykinine) IEC : 3 à5 %o, délais très variables, CI chez sujets aux antécédents d'angioedème...

PEAG Délai : < 48 h (qqs heures à4 j) Survenue brutale : fièvre élevée et exanthème oedémateux très rapidement recouvert de très nombreuses pustules non folliculaires (tronc et grands plis ++) ± cocardes atypiques, purpura... (polymorphisme lésionnel +++) Hyperleucocytose à PNN

Résolution en 8-10 j avec desquamation Peut être d'origine virale ic : psoriasis pustuleux généralisé ATB (péni-macrolides), inhibiteurs calciques, carbamazépine, cyclines, paracétamol... Topiques : mercure, AINS

RÉACTIONS DE PHOTOSENSIBILITÉ 1. Phototoxiques fréquentes -concernent tous les individus qqs heures après l'exposition limites nettes = zones photoexposées ("gros coup de soleil") cyclines, quinolones, phénothiazines...

2. Photoallergiques sujets préalablement sensibilisés (réaction retardée) exposition parfois minimes débordent des zones exposées médicaments topiques ou systémiques : sulfamides, AINS, thiazidiques...

PURPURA VASCULAIRE Secondaire àune atteinte de la paroi des vaisseaux vascularite nécrosante (nécrose fibrinoïde et infiltrat riche en PN pycnotiques et dépôts d'ig et de cpt à l'ifd) Physiopathologie : CIC + complément Clinique : purpura infiltré(palpable) ± nécrotique et bulleux - arthralgies Toujours chercher une atteinte systémique Rein ++, coeur, SNP, foie... Délai : 7 à21 j ( < 3 j si ré-administration)

ÉRYTHÈME PIGMENTÉ FIXE l l l l l l Rare en France -quasi exclusivement médicamenteux Macule(s) inflammatoire(s) ± bulleuse(s) tache pigmentée résiduelle Délai < 48 H -récidives au même endroit Mains, pieds, région ano-génitale, muqueuses Attention, possibles formes profuses àtype de NET si réintroduction de la molécule responsable Sulfamides, pyrazolés, cyclines, barbituriques...

SYNDROMES de STEVENS-JOHNSON et de LYELL (NET) l Maculo-papules, bulles, cocardes atypiques l Lésions disséminées l Atteinte muqueuse ++ l SSJ Lyell (1/ M hab / an) < 10% 30 % (décollement épidermique) l Pratiquement toujours médicamenteux (AINS-oxicams-allopurinol, anticomitiaux, sulfamides, chlormézanone...) l Délai d'apparition : 7 à21 jours

ÉRYTHÈME POLYMORPHE l l l l Lésions en cocardes typiques ± bulleuses, localisées, à prédominance acrale EP mineur = cutanépur EP majeur = association lésions muqueuses Causes infectieuses ++ (HSV, mycoplasmes...) Exceptionnellement médicamenteux