L embauche dans des professions réglementées Sondage auprès d employeurs Rapport final présenté au Conseil Interprofessionnel du Québec Groupe de travail sur l accès des PFÉ à un premier emploi dans une profession Sarah Mainich, en collaboration avec Gilles Roy Avril 2016
Introduction Dans le cadre de sa participation aux travaux du Comité interministériel sur la reconnaissance des acquis et des compétences du MIDI (Ministère de l'immigration, de la Diversité et de l'inclusion), le CIQ a mis sur pied un groupe de travail sur l'accès des professionnels formés à l'étranger à un premier emploi dans leur profession. Formé en janvier 2015, le mandat de ce groupe de travail consiste à identifier les principales difficultés d insertion en emploi des PFÉ et à formuler au Comité interministériel des recommandations afin d améliorer l accès au marché du travail québécois par ces personnes. Piloté par M. Jean-François Thuot, directeur général du CIQ, le groupe de travail est constitué de représentants de quatre ordres professionnels, de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Ce rapport présente les résultats d un sondage sur l embauche dans des professions réglementées mené auprès d un échantillon d employeurs. Ce sondage a été réalisé grâce à la contribution financière du MIDI. Un total de 111 employeurs pour lesquels l entreprise compte des postes exigeant un permis d un ordre professionnel ont répondu au sondage. Parmi ces répondants, 90 % sont des employeurs en milieu francophone contre 10 % en milieu anglophone. Le tableau suivant propose une présentation synthétique des réponses aux premières questions de ce sondage, concernant l état des lieux des professions réglementées, de l embauche de professionnels au cours des trois dernières années et de l embauche de PFÉ au sein des entreprises de l échantillon. Rapport final - CIQ Page 2
Q1. % des répondants ayant des professions réglementées au sein de l entreprise Q2. % des répondants ayant récemment embauché dans les professions réglementées Q3. Parmi les répondants ayant récemment embauché, % des répondants ayant récemment embauché des PFÉ Administrateur agréé 9.8 % 4.4 % 3.3 % Agronome 5.4 % 4.4 % 2.2 % Architecte 14.1 % 12.1 % 7.7 % Arpenteur-géomètre 4.3 % 3.3 % 0 % Avocat 35.9 % 29.7 % 2.2 % Chimiste 7.6 % 5.5 % 5.5 % CPA 58.7 % 46.2 % 15.4 % CRHA 37.0 % 26.4 % 4.4 % Géologue 5.4 % 3.3 % 1.1 % Ingénieur 51.1 % 45.1 % 27.5 % Ingénieur forestier 4.3 % 2.2 % 0 % Notaire 3.3 % 3.3 % 0 % Technologue 17.4 % 15.4 % 7.7 % Traducteur agréé 8.7 % 7.7 % 3.3 % Urbaniste 6.5 % 5.5 % 2.2 % Autre 20.7 % 16.5 % 9.9 % À la lecture des résultats 1, nous apprenons que parmi les répondants, près de 60 % d entre eux ont comme profession réglementée au sein de leur entreprise un CPA, un peu plus de 50 % des 1 Q1. Quelles professions réglementées par un ordre professionnel comptez-vous au sein de votre entreprise? Q2. Quelles sont les professions réglementées au sein de votre entreprise pour lesquelles vous avez embauché des employés au cours des trois dernières années? Q3. Parmi ces employés embauchés, pour quelles professions réglementées avez-vous recruté des PFÉ? Rapport final - CIQ Page 3
répondants ont un poste d ingénieur; un peu plus de 17 % d entre eux ont un poste de technologue, enfin moins de 8 % des répondants ont un poste de chimiste. Toujours pour ces quatre professions réglementées, on constate qu au cours des trois dernières années, ce sont dans des proportions légèrement inférieures que les répondants ont embauché un professionnel dans ces domaines. Enfin, parmi ces embauches récentes, l embauche dans les professions réglementées de PFÉ s enregistre dans des proportions plus faibles, par exemple, parmi les répondants ayant récemment embauché un CPA (46.2 % de tous les répondants), seuls 15 % d entre eux ont embauché un CPA formé à l étranger, alors qu ils sont près de 60 % à avoir une telle profession réglementée au sein de leur entreprise. Concernant la profession d avocat, les résultats ici se distinguent : alors que près de 36 % des répondants ont un tel poste réglementé au sein de leur entreprise et que 30 % des répondants ont récemment embauché un avocat, seuls 2.2 % de l échantillon ont embauché un avocat formé à l étranger. Les observations sont similaires pour la profession de CRHA. Enfin, les autres professions réglementées au sein des entreprises de l échantillon se retrouvent notamment dans le domaine de la santé, de la finance et des assurances 2. 2 Autre Q1 : pharmacien, opticien, psychologue analyste du comportement, orthophoniste, dentiste hygiéniste, ergothérapeute, infirmière, infirmière auxiliaire, sexologues, travailleurs sociaux, courtier en assurance de dommages, cartographe, mécanicien automobile, conseiller d'orientation, RH, agent assurance AMF, gestionnaire de portefeuille, médecin, rédactrice agréée, ouvrier spécialisé, designer, vétérinaires, consultant en immigration, actuaire. *Autre Q2 : pharmacien, opticien, orthophoniste, psychologues, travailleurs sociaux, sexologues, infirmière, cartographe, courtier en assurance de dommages, mécanicien automobile, infirmière auxiliaire, conseiller d'orientation, agent assurance AMF, ouvrier spécialisé, dentiste hygiéniste, designer, vétérinaires, consultant en immigration, actuaire. *Autre Q3 : psychomotricienne, psychologue, courtier en assurance, mécanicien automobile, infirmière auxiliaire, ouvrier spécialisé, designer. Rapport final - CIQ Page 4
1. Valeur ajoutée du permis d exercice Quelle valeur ajoutée apporte la détention d un permis d exercice délivré par un ordre professionnel à la candidature d un postulant immigrant? Quasi consensus chez les répondants du fait qu il y ait valeur ajoutée. Cependant, la «taille» de cette valeur va varier, entre autres, parce que certaines professions exigent la détention d un permis d exercice (exemple : ingénieur), ce qui n est pas nécessairement le cas pour d autres. Cette valeur ajoutée prend principalement la forme, pour le postulant immigrant, d une confirmation de conformité face aux standards de sa profession (compétences, connaissances). Cette confirmation est obligatoire à l intérieur de certaines professions réglementées ou encore menant à l exercice d actes réservés. Elle est fortement appréciée au sein d autres professions. Cette confirmation de conformité est cruciale notamment parce qu elle permet de faire reconnaitre la formation, les compétences ainsi que le professionnalisme de celui qui la détient. Cette confirmation contribue à hausser son degré d employabilité, le rendant plus attractif pour tout employeur potentiel. Elle peut également lui permettre de se négocier un meilleur salaire, ou encore de déposer des facturations plus élevées. Cette confirmation contribue également à rehausser sa crédibilité auprès de ses pairs. Il est mieux accepté par ses équipiers. Sa rigueur est reconnue. Son intégration est plus rapide. Le fait d être encadré par un ordre professionnel est également présenté comme une valeur ajoutée. Cet encadrement permet de s assurer que le postulant immigrant sait qu il doit connaître les lois, règlements et pratiques du pays; qu il doit, de manière obligatoire, continuer à se former; qu il a accès aux différents outils que l Ordre rend disponibles à ses membres; qu il a désormais accès à un réseau de contacts qui pourra lui servir dans l exercice de sa profession. Cette valeur ajoutée prend, pour l employeur, une forme réciproque à celle que nous venons de détailler. L employeur obtient ainsi l assurance (le gage, la garantie) que le postulant immigrant détient des compétences et des connaissances uniformes, égales ou similaires à celles détenues par les professionnels de son rang; il peut notamment pratiquer des actes réservés. Le fait d être encadré par l ordre professionnel permet également de valider le fait que le postulant immigrant est instruit de la déontologie, ainsi que des lois, règles et règlements qui régissent l exercice de la profession, permettant ainsi et notamment d assurer la protection du public. L importance de la formation continue lui a aussi été communiquée. Rapport final - CIQ Page 5
Les employeurs peuvent aussi trouver une valeur ajoutée dans le fait qu ils engagent des ressources expertes (hauts standards) et qualifiées. Cette amélioration de leur offre professionnelle peut servir à contenter leurs clients, à diversifier leurs pratiques et marchés, à assurer une crédibilité auprès des institutions financières et des partenaires financiers, ou encore à qualifier la firme pour l obtention de contrats de service. 2. Se sentir outillé pour l embauche de PFÉ Nombre de répondants % des répondants Pas du tout outillé 2 2.2 % Peu outillé 19 21.3 % Assez outillé 43 48.3 % Très bien outillé 25 28.1 % Total 89 100 % À la question de savoir si les employeurs se sentent outillés pour embaucher des PFÉ, ce sont plus de 75 % des employeurs répondants se sentent outillés pour l embauche de PFÉ dans des professions réglementées au sein de leur entreprise. 3. Connaissance du programme IPOP 80 % des répondants ne connaissent pas le programme IPOP d Emploi-Québec, qui offre une subvention salariale à l embauche de professionnels immigrants membres d un ordre. Parmi les 18 répondants qui connaissent le programme, douze ont commenté. Un répondant ne connaissant pas le problème a fait de même. On retient de ces treize commentaires que : Les opinions sont partagées. On retient, comme opinion principale, que le programme est jugé important, nécessaire même, mais qu il n est pas suffisant : des améliorations devraient lui être apportées. Le fait de le juger positivement (de le trouver «bon») renvoie à l idée d «incitation/stimulation» à l embauche de professionnels immigrants. Le fait de le juger «insuffisant» paraît pour sa part se rapporter au fait que la participation au programme ne mène pas nécessairement Rapport final - CIQ Page 6
à l obtention d un emploi ou encore à l intégration à une équipe réelle (le terme «cul-de-sac» n est cependant pas ressorti). Le fait de dire «connaître un programme» ne signifie pas pour autant que l interprétation que l on en garde est la bonne. Certaines confusions sont notées (par exemple, IPOP s adresserait à des professionnels non membres d un ordre); des attributions sont également documentées (par exemple, les candidats préféreraient ne pas utiliser le programme). 4. Obstacles limitant l embauche de PFÉ Selon eux, quels obstacles limitent l embauche dans leur entreprise de professionnels immigrants membres des ordres professionnels? Selon les résultats du sondage, le fait que les postulants immigrants ne maitrisent pas suffisamment le français (moyenne de 2,11 sur 3) ou encore manquent d expérience canadienne ou québécoise (moyenne de 2,10 sur 3) constituerait les principaux obstacles limitant l embauche par l entreprise de professionnels immigrants membres d ordres professionnels. Par ailleurs, le fait que les entreprises manquent de repères pour évaluer l expérience acquise à l étranger des postulants immigrants constituerait également un obstacle (moyenne de 1,91 sur 3). Enfin, le fait que les postulants immigrants ne maitrisent pas suffisamment l anglais serait une limite additionnelle (moyenne de 1,85 sur 3). Autres obstacles Près du quart des répondants (21 sur 90) ont pensé (puis rédigé) à d autres obstacles (réponse à une question ouverte) : En lien avec les différents énoncés inscrits au questionnaire, les obstacles seraient d abord à repérer du côté des professionnels immigrants membres des ordres professionnels. Encore ici, le fait que les postulants immigrants ne maitrisent pas suffisamment le français (l accent québécois, les codes culturels de la société d ici) et manquent d expérience québécoise pertinente ressort comme étant les deux principaux obstacles rencontrés. Des difficultés d adaptation (dans l intégration aux équipes, dans l application des techniques) en résulteraient. Rapport final - CIQ Page 7
Certains des problèmes rencontrés trouveraient leur racine dans le «contrat d immigration» : les immigrants s attendaient à être accueillis par les entreprises québécoises, alors qu en réalité, on ne les y attend guère. Des désillusions seraient attachées. À même enseigne, l immigrant aurait souvent tendance à sous-estimer le temps et les coûts impliqués dans l obtention des permis qui prouvent sa conformité. La société québécoise est une société «normée» et «exigeante». Or il semble que certains immigrants en seraient insuffisamment informés à partir de leur pays de départ. L absence de «réseau constitué» desservirait également les immigrants, notamment dans l établissement du type de «relations» nécessaires au développement d affaires. Des obstacles autres que ceux attribuables aux postulants immigrants sont aussi ressortis. Ceux-ci sont en général reliés aux difficultés associées à l homologation des diplômes et des expériences (reconnaissance des acquis, etc.), et impliquent au premier chef l ordre professionnel censé y veiller ainsi que les ministères impliqués. Le fait que les architectes belges aient droit à un traitement différent des architectes français (absence d un traité spécifique) ou encore que les psychométriciens français soient snobés par l Ordre permet d exemplifier ce type de tensions. 5. Solutions à disposition et utilité perçue de ces dernières Toujours selon les employeurs qui ont répondu au sondage, quel est le degré d utilité des solutions proposées? L ordre des solutions apportées fait directement écho à celui des obstacles identifiés. Ainsi, l offre d un cours de français adapté à la réalité du marché du travail ou du domaine professionnel (moyenne de 3,42 sur 4) de même qu une meilleure familiarisation des postulants à la réalité québécoise du marché du travail (moyenne de 3,27 sur 4) sont perçues comme solutions très utiles en vue d un meilleur accès des professionnels immigrants à un emploi dans l entreprise. À même enseigne, l offre d un cours d anglais adapté à la réalité du marché du travail ou du domaine professionnel est aussi perçue comme solution très utile (moyenne de 3,06 sur 4). En revanche, les solutions impliquant plus directement les entreprises sont perçues comme moins utiles. Ainsi, un meilleur accompagnement de l équipe RH en gestion de la diversité culturelle (moyenne de 2,44 sur 4), ainsi que l obtention d une subvention salariale pour l embauche d immigrants à des postes réglementés (moyenne de 2,45 sur 4) tendent à être perçues comme étant peu utiles. Rapport final - CIQ Page 8
Autres solutions Les autres solutions pensées (réponse à une question ouverte) ne recouvrent qu imparfaitement ce que les résultats quantitatifs mènent à dégager. Certes, une meilleure familiarisation avec la langue française et avec les pratiques et les réglementations et pratiques professionnelles québécoises est souhaitée; cette familiarisation pourrait prendre la forme d un coaching ou encore d une formation en appui. Cependant et dans l ensemble, les solutions proposées sont davantage réfléchies en matière d optimisation des systèmes d homologation (dynamisme, ouverture) ou encore d actualisation des compétences des immigrants (accès aux technologies de pointe, aux logiciels de dernière génération). Une attention devrait également être mise à mieux informer/préparer les immigrants avant leur départ quant à la situation réelle des entreprises du pays d accueil. Rapport final - CIQ Page 9