Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation soignant-soigné

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Delattre Ludivine Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation soignant-soigné UE 3.4.S6 Initiation à la démarche de recherche UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Directrice de mémoire : Christine Le Friant Galan Promotion 2014-2017 IFSI CHU DE NANTES 27/04/2017

«L'intérêt du placebo réside dans le fait qu'il contraint la science médicale à sortir d'elle-même, il l'irrite par son efficacité, il lui fait se souvenir du contexte dans lequel elle travaille» François Roustang (2000)

Remerciements Je remercie Christine Le Friant Galan pour m'avoir accompagnée tout au long de ce travail de fin d'étude, toujours avec bienveillance, disponibilité et précieux conseils. Merci également à ma famille, qui m'a soutenue pendant ces trois années d'étude, qui ont cru en moi et m'ont encouragée sans cesse. Merci à tous les soignants rencontrés au cours de mes stages ou de mes entretiens, qui ont partagé avec moi leurs savoirs et leur riche expérience, qui m'ont encouragée dans mes projets, donné confiance en moi et aidée dans ce travail. Merci à mes amis de la formation pour m'avoir accompagnée sur ces trois années autant dans le travail que dans la détente. Enfin, un merci particulier à Isabelle et Anne, parce qu'elles sont des personnes exceptionnelles, qui sont une constante source d'inspiration, de joie et de rire dans mon quotidien.

Sommaire 1. Introduction...1 2. De la situation d'appel à la question de départ...2 2.1 Description...2 2.2 Motivation, questionnement...3 2.3 La question de départ...4 3. Méthodologie...5 4. De la douleur à la plainte...6 4.1 Qu'est ce que la douleur...6 4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique...7 4.1.2 Douleur organique et douleur psychogène...7 4.2 Écouter la plainte et y répondre...8 5. De la plainte à une réponse possible par un placebo?...9 5.1 Qu'est ce que le placebo?...10 5.1.1 Distinction placebo, effet placebo, effet nocebo...11 5.1.2 Comment ça marche?...12 5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo...14 5.2.1 Rôle des perceptions soignantes de la douleur...14 5.2.1.1 Argument test diagnostic...15 5.2.1.2 Argument «psy»...16 5.2.1.3 Argument «abus»...17 5.2.2 Rôle du contexte institutionnel...19

6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation soignant-soigné...20 6.1 Approche conceptuelle de l'authenticité...20 6.1.1 Définition de l'authenticité...20 6.1.2 Attribut de la congruence...21 6.1.3 Attribut de la confiance...22 6.2 Résultats de l'authenticité de la relation soignant-soigné...23 6.3 En quoi l'administration d'un placebo antalgique peut-elle influencer l'authenticité de la relation soignant-soigné?...24 6.3.1 Effet nocebo ou effet placebo sur la relation soignant-soigné?...24 6.3.2 La posture infirmière comme facteur déterminant...25 7. Problématisation...27 8. Conclusion...28 9. Références...29 10. Annexes...I Annexe I : Guide d'entretien...ii Annexe II :Retranscription des entretiens...iv Annexe III : Grille d'analyse des entretiens...xxi

1. Introduction Placebos en intra-veineux ou en comprimés, capsules ou gélules vidées avant administration...le recours au placebo est décliné à visées variées: antalgique, anxiolytique, sédative et même anti-hypertensive... Dans certains services hospitaliers, il est régulièrement utilisé, comme j'ai pu en faire le constat en stage et au cours de discussions avec mes collègues. Mystérieux au regard de la science, il fait prendre conscience des capacités inexplorées du corps humain à s'auto-guérir. Cette ressource soulève néanmoins des questions à la fois juridiques, déontologiques et éthiques. Des interrogations qui sont appuyées par le fait que cette thérapie semble mal encadrée: aucune consigne institutionnelle ne guide sa bonne pratique, et les lois restent floues quant à leur utilisation hors du contexte de la recherche clinique. L'usage du placebo est aussi discret que controversé. Les médecins ont chacun leur politique d'administration des placebos, lorsqu' ils font ce choix. Que le placebo dérange ou qu'il interpelle, il est actuellement l'objet de nombreuses recherches pour évaluer l'ampleur de son efficacité et pour comprendre les facteurs qui conditionnent son résultat sur le patient. A l'heure ou la médecine voudrait rendre la population plus actrice de sa santé et de plus en plus autonome dans les décisions concernant les traitements médicaux, quel sens a le placebo et comment l'administrer? Au milieu de cette polémique, il y a l'infirmier qui est parfois dans la position d'administrer un placebo, que ce soit sur prescription du médecin ou de sa propre initiative avec accord du médecin. Une position qui pourrait ne pas être très confortable. Est-elle si facile à adopter? L'administration des médicaments et leur connaissance étant au cœur du métier infirmier, le placebo peut remettre en question certains dogmes de notre profession : le recueil du consentement du patient, le respect de son autonomie et de sa dignité, ainsi que le devoir d'information que nous avons auprès d'eux. Le recours aux placebos interroge également la relation soignant-soigné, dans son authenticité et dans le lien de confiance qui semblent être deux concepts clé de l'alliance thérapeutique recherchée. Touchant à l'actualité médicale, l'éthique et la science, ce travail de fin d'étude va s intéresser à l'influence de l'administration d'un placebo antalgique sur l'authenticité de la relation soignant-soigné. 1

2. De la situation d'appel à la situation de départ 2.1 Description de la situation : Ma situation se déroule en service de dermatologie. Madame G est entrée depuis une semaine dans le service pour une angiodermite nécrotique de la malléole gauche. Cet ulcère est connu pour être particulièrement douloureux. Dès son arrivée, une prise en charge antalgique est mise en place, à base de morphiniques, ainsi qu'un spray anesthésiant sur la plaie avant les pansements. De plus une cathéter péri-nerveux est installé sur sa cuisse gauche, pour endormir les nerfs en amont de la plaie grâce à un anesthésiant. A chaque tour, une évaluation numérique de la douleur est demandée à madame G. Cependant, il s'avère très difficile de discerner le vrai du faux dans le discours de cette patiente. Elle dit n'avoir pas mal à la plaie, mais cependant avoir des douleurs de type rhumatologiques à l'épaule, puis revient sur ce qu'elle dit «Ah si j'ai mal à la plaie, finalement je veux bien un médicament!» Elle exprime qu'elle n'a pas mal quand son visage semble crispé, et inversement qu'elle a mal quand son visage est apaisé. De plus, elle n'arrive pas à évaluer clairement sa douleur. Physiquement, si on observe la communication non verbale de cette patiente, les douleurs semblent bien apaisées : elle marche facilement, n'a pas le visage crispé en dehors des pansements, elle dort bien...cependant son expression du visage est très inquiète, une part d'angoisse joueraitelle un rôle majeur dans ses évaluations numériques de la douleur? Ceci est discuté dans l'équipe, tout le monde est perplexe face aux évaluations de la douleur de madame G et la réponse antalgique qui lui est administrée. Un anxiolytique est donc introduit dans son traitement. Madame G semble en effet moins anxieuse depuis la prise de cet anxiolytique. Pourtant lors des évaluations de la douleur, elle demande encore des antalgiques. Un soir, alors qu'elle avait déjà eu tout ce qu'il était possible de lui donner comme antalgique sur sa prescription, l'infirmière de nuit décide de lui administrer un placebo. Il se présente sous forme d'un comprimé rose assez gros. Le résultat est positif : madame G est très satisfaite de ce nouveau comprimé et dit que cela a bien soulagé sa douleur. Le lendemain, je suis du soir. A nouveau au tour de 20h, madame G cote sa douleur à 7 et grimace. Je ne peux plus lui donner de paracétamol à cause d'une cytolyse hépatique diagnostiquée la veille, 2

mais je peux lui administrer une interdose d'antalgique de palier 3. Je préviens l'infirmière qui m'encadre, elle me répond d'essayer plutôt le placebo. Mal à l'aise, je propose le comprimé rose à ma patiente. Je ne savais pas comment le lui présenter car je ne savais pas ce que lui avait expliqué ma collègue de nuit. Madame G ne le reconnaît pas au début et m'interroge, j'essaye de cacher ma gêne et j'essaye d'être convaincante : «C'est le même médicament que vous avez eu quand vous aviez mal hier, celui que ma collègue de nuit vous a donné», et elle s'écrie «Ah oui, il a été très efficace!». Surprise, je me suis sentie un peu comme une usurpatrice et j'avais un sentiment de «trahison». Néanmoins le placebo antalgique était en effet plus efficace que tous les autres antalgiques mis en place depuis le début de son hospitalisation. 2.2 Questionnement et motivation pour ce choix : Cette situation a fait émerger les questionnements suivants : Il s'agit d'une patiente cohérente et consciente, ne devons-nous pas recueillir son consentement pour tout soin? Avais-je respecté son autonomie et son droit à l'information? Cet acte était-il légal? Quelle est la législation qui encadre le placebo et la pratique infirmière? Aurions-nous pu mettre d'autres solutions en place avant de lui administrer le placebo? A quel moment décider d'administrer un placebo? Quels sont les critères pour valider cette décision? Quel est le dilemme éthique que pose cette situation? Un placebo peut-il être efficace si le patient en est informé? Comment fonctionne le placebo? Quelles sont les indications thérapeutiques du placebo, ses effets indésirables et ses précautions d'emploi? Peut-il nuire à la santé du patient? Le placebo peut-il influencer la relation de confiance soignant-soigné? L'effet placebo est-il influencé par cette même relation de confiance? L'infirmier reste t-il authentique lors de cette administration? Comment concilier mes valeurs/principes éthiques, professionnels et déontologiques avec l'administration de ces médicaments? Qu'en est-il de ma responsabilité infirmière? 3

A l'issue de mon stage, j'ai continué à réfléchir à cet épisode car, pour la première fois dans ma pratique professionnelle, je me suis sentie mal à l'aise sur un ordre moral. Ma première question a été : «Est-ce éthique?» Voici le dilemme: le placebo a un puissant effet antalgique sur cette patiente ce qui représente donc un bénéfice important pour elle, mais, en lui donnant, je lui mens, ce qui représente une atteinte à son droit à l'information, à son consentement et à son autonomie. En outre, j'ai choisi cette situation car elle m'a beaucoup interrogée. J'aimerais mieux comprendre les enjeux relationnels et éthiques lors de l'administration d'un placebo. 2.3 La question de départ : Parmi les thématiques qui se sont détachées de mon questionnement, le concept d'authenticité est interrogé. Je choisis donc d'orienter mon travail pour répondre à la question suivante : En quoi l'administration d'un placebo antalgique prescrit peut-elle influencer l'authenticité de la relation soignant-soigné? J'inscris ma recherche dans le cadre des placebos à visée antalgique, car au cours de mes premières investigations et de ce que j'ai observé, cette indication justifie le plus souvent le recours au médicament placebo. En effet, nous verrons en quoi le caractère complexe de la douleur peut inviter à administrer ce traitement. 4

3. Méthodologie : De la situation d'appel, j'ai dégagé un questionnement dans lequel plusieurs thématiques se sont détachées. J'ai choisi d'orienter ma recherche sur la question de l'impact de l'administration d'un placebo antalgique sur la relation soignant-soigné. Mon travail est une analyse thématique qui traite la question à travers l'exploration des concepts suivants : douleur, placebo ( effet placebo, effet nocebo), authenticité, confiance, relation soignant-soigné. Pour cette phase conceptuelle, je me suis appuyée sur la lecture d'ouvrages et d'articles de recherches ( cf bibliographie ). Puis après avoir étudié ces concepts théoriques, j'ai effectué des entretiens exploratoires auprès de trois infirmières diplômées d'état. L'analyse de ces savoirs théoriques et empiriques, ainsi que le vécu des infirmières m'a permis de construire le raisonnement qui va être argumenté tout au long de ce travail. Cela m'a amenée à poser des hypothèses et une question de recherche. Les infirmières interrogées lors des entretiens exploratoires exercent dans des services très différents les uns des autres : l'infirmière A est consultante dans l'équipe mobile de la douleur et est spécialisée dans les prises en charges antalgiques, son expérience est riche car elle a exercé dans de multiples services avant de se consacrer aux consultations douleurs. Au regard de son parcours, elle a une expertise poussée des soins relationnels. L'infirmière B exerce au service des urgences, où la prise en charge antalgique est également omniprésente. L'infirmière C exerce dans une structure de gérontopsychiatrie. Il s'agit donc de soins de longue durée, où le relationnel prend une autre dimension. Ces trois approches étaient donc complémentaires. Les limites de ces entretiens sont le faible échantillon d'infirmières interrogées. C'est pourquoi les différents thèmes ne sont peut-être pas exploités dans leur entier. De plus, le sujet soulevant des débats éthiques, leurs opinions étaient parfois contradictoires, et il était difficile de traiter leurs informations de façon neutre et objective. Pour répondre à ma question de départ, je vais premièrement exploiter le concept de la douleur pour en comprendre la complexité et les enjeux de sa prise en charge. Après avoir développé en quoi le placebo représente une potentielle réponse à la plainte de la douleur, j'analyserai son influence sur l'authenticité de la relation soignant-soigné. Pour finir, je dégagerai des hypothèses et une question de recherche. 5

4. De la douleur à la plainte : 4.1 : Qu'est ce que la douleur? «Pas d'idées générale sur la douleur. Chaque patient fait la sienne, et le mal varie, Comme la voix du chanteur, selon l'acoustique de la salle.» Alphonse Daudet, La Doulou (1930) Ces quelques vers résument toute la complexité du concept de douleur, car elle s'exprime en effet sous des formes très différentes, subjectives, multifactorielles, variantes et changeantes selon chacun. On peut donc dire que chaque douleur est unique et cela peut expliquer pourquoi elle donne temps de fils à retordre au corps médical. En effet, malgré les nombreux outils d'évaluation et les nombreux traitements de la douleur, il est parfois difficile de la soulager de façon satisfaisante, ce qui peut se répercuter sur le plan physique, psychique, social et même professionnel des personnes qui en souffrent. L'International Association for the Study of Pain (IASP) propose en 1979 la définition suivante : «La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en lien avec un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage». L'expression «expérience» renvoie en effet à un vécu subjectif et individuel. Le soignant, qui est extérieur à cette douleur, va donc difficilement pouvoir accéder à une pleine compréhension de la sensation du patient. Comme l'appuie l'infirmière A au cours de notre entretien, le patient a sa propre expertise de sa maladie et de sa douleur, à laquelle nous n'avons pas accès. De plus les adjectifs «sensorielle et émotionnelle» admettent que des émotions accompagnent ces sensations physiques et vont influencer la façon dont elles sont ressenties et vécues. L'infirmière A souligne l'importance de questionner les émotions associées à la douleur car cela va bien sûr orienter la prise en charge thérapeutique et relationnelle. D'après C. Chauffour-Ader et M-C Daydé (2012, p. 33), les émotions prédominantes en douleur aiguë sont la peur et l'inquiétude. Tandis que lorsque la douleur persiste au long court, elle peut faire naître de la tristesse. C'est pourquoi la douleur chronique peut être associée à un syndrome dépressif. La reconnaissance de ces 6

émotions va permettre de mieux comprendre et aborder la plainte du patient, et de trouver d'autres stratégies thérapeutiques que les antalgiques ( médicamenteux ou non ) pour une prise en charge plus globale et efficace. Exemple : la prise en charge de l'angoisse par des anxiolytiques peut diminuer la douleur, comme cela a été essayé dans ma situation d'appel. On observe également le recours aux exercices de respiration pour apaiser, etc. (infirmière A). 4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique : Comme je viens de l'évoquer, on distingue la douleur aiguë de la douleur chronique. La durée dans le temps est l'un des critères principaux sur lesquels on se base pour les discerner. Une douleur ponctuelle et arrêtée dans le temps va donc être qualifiée de douleur aiguë tandis qu'on qualifie une douleur qui dure plus de trois mois comme chronique. Néanmoins, comme l'explique C. Chauffour- Ader et M-C Daydé (2012, p.54 ) on ne peut pas qualifier une douleur de chronique, si elle dure car sa cause persiste : ce sera alors une douleur aiguë qui persiste. Tandis que si la cause première a été traitée mais que la douleur persiste quand même, elle devient alors en elle-même la pathologie et il s'agit bien de douleur chronique. Elle relève d'un mécanisme biopsychosocial bien plus complexe que la douleur aiguë qui, elle, est généralement causée par une lésion tissulaire ( traumatisme brutal ou progressif). Selon la Société Française d'étude et de Traitement de la Douleur ( SFEDT, n.d. ), la douleur aiguë a une finalité de signal d'alarme, tandis que la douleur chronique perd cette finalité, elle est en elle même la maladie. Dans le cadre d'une douleur aiguë, la prise en charge sera alors le traitement de la cause organique associé aux antalgiques. Tandis que pour la douleur chronique, elle «doit être appréhendée selon un modèle bio-psycho-social, sa prise en charge reposant d abord sur une démarche évaluative puis sur un traitement, souvent multi-modal, dont l objectif est réadapatif.» 4.1.1.1. Douleur organique et douleur psychogène : Si on reprend la fin de la définition de la douleur par l'iasp : «( ) en lien avec un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage.», on mesure un facteur important : il n'y a pas toujours de lésion qui justifie la douleur. Et pourtant, elle est bien existante. C. Chauffour-Ader et M-C Daydé ( 2012, p.33) aident à analyser cette 7

définition : la lésion peut ne pas être visible au premier examen clinique ( «réelle ou potentielle»), ou bien elle peut ne pas exister ( «ou décrit en termes d'un tel dommage»). Ainsi, cette dernière notion induit le concept de douleurs psychogènes : «qui trouvent leur origine dans des dysfonctionnements psychiques. La plainte somatique se substitue à une plainte psychologique qui ne peut se dire.». Il est donc possible que le patient exprime une émotion plus profonde à travers sa plainte douloureuse, comme de la peur, de l'angoisse ou de la tristesse. On verra plus tard que cette notion de douleur psychogène joue un rôle dans l'utilisation de médicaments placebo, c'est pourquoi il est important de l'expliquer préalablement pour mieux comprendre ce phénomène. 4.2 Écouter la plainte et y répondre : La douleur est le quotidien de nombreux patients. Ces plaintes sont banales dans la vie professionnelle d'une infirmière et pourtant il n'est pas toujours aisé d'y apporter une réponse adaptée. Notre rôle est défini en ces termes dans le décret n 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant sur le code de déontologie des infirmiers : «Art. R. 4312-19. En toutes circonstances, l infirmier s efforce, par son action professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son état et l accompagne moralement. L infirmier a le devoir, dans le cadre de ses compétences propres et sur prescription médicale ou dans le cadre d un protocole thérapeutique, de dispenser des soins visant à soulager la douleur.» Par ailleurs, le droit des patients quant à la prise en charge de la douleur est énoncée dans la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades : "toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toutes circonstances prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu à la mort." (article L 1110-5) A ce jour, la prise en charge de la douleur représente un objectif prioritaire. Selon le Ministère des Affaires sociales et de la Santé (n.d.) : «L'évaluation et la prise en charge de la douleur constituent un véritable enjeu de santé publique en tant que critère de qualité.» Dans cette optique, depuis 1998, les plans de lutte contre la douleur sont lancés à 8

l'échelle nationale et quatre se succèdent. Le dernier projet est le plan 2013-2017 détaillé dans la Conférence nationale de santé- avis du 17.09.13 sur le projet de programme national douleur ( 2013-2017). Les moyens jusqu'ici mis en place au cours de ces plans de lutte contre la douleur sont entre autres des formations pour les soignants, l'instauration des équipes mobiles de la douleur au sein des centres hospitaliers, l approfondissement des outils d'évaluation et de traitement de la douleur. Dans la formation infirmière, initiale ou continue, l'accent est mis sur l'évaluation et la prise en charge de la douleur. Si on reprend la définition de la douleur de l'iasp ( 1979), toute plainte douloureuse du patient doit être considérée comme une douleur, que l'on ait des doutes sur l'existence d'une lésion tissulaire ou non, que l'on pense l'avoir déjà traitée ou non. Le soignant doit accueillir la plainte de façon neutre et bienveillante et tout mettre en œuvre pour soulager cette douleur, même si certains paramètres peuvent échapper à sa compréhension. 5. Le placebo, une réponse possible à cette plainte? Après l'analyse du concept de la douleur, il est plus facile de comprendre pourquoi l'antalgie est l'indication principale d'un médicament placebo. La douleur est en effet influencée par d'autres facteurs que la simple lésion tissulaire, comme le facteur émotionnel, environnemental, social, culturel...sur ces autres facteurs, le placebo va pouvoir agir et changer les paramètres psychiques qui entrent en compte dans la perception de la douleur. Les trois infirmières que j'ai interrogées témoignent de l efficacité quasi systématique des placebos dans le cadre de l'antalgie. Selon Jean-François Marmion ( 2009, p. 21), plus de 80% des sujets selon les études sentent diminuer ou disparaître la douleur après l'administration d'un placebo antalgique. Cette efficacité justifie t-elle son utilisation, au regard des enjeux éthiques et relationnels énoncés précédemment? Avant d'aborder la sixième partie qui considérera directement l'impact de l'administration d'un placebo sur l'authenticité de la relation soignant-soigné, je souhaite développer comment, quand et pourquoi ce médicament est administré. 9

5.1 Qu'est ce que le placebo? Selon Philippe Duval (2015, p.20 ), étymologiquement, placebo signifie «je plairai» en latin. Ce serait donc un traitement pour plaire au patient ou pour répondre à son désir de recevoir un soin, si on le prend au sens strict de son étymologie. Aujourd'hui, on peut néanmoins étayer son rôle et mieux le comprendre. D'après l'institut de bioéthique de Zürich (2009), plusieurs typologies de placebos sont à distinguer : placebo pur : «substance ou méthode inerte (sucre, solution salée).» placebo impur : «substance ou méthode avec effet physique ou pharmacologique connu, mais dont l'action n'est pas démontrée comme probante dans ce dosage ou cette situation spécifique.» intervention placebo : «intervention simulant un effet thérapeutique ou diagnostique simulé dont l'effet spécifique ne peut encore être démontré.» Un placebo est donc un traitement théoriquement inefficace, et qui pourtant dans la pratique a obtenu des résultats. Difficile d'appuyer cette affirmation par des chiffres, car on ne peut pas encore évaluer l'effet placebo de façon satisfaisante. D'après Sébastien Tubau (2011), l'effet placebo serait évalué autour de 30% pour n'importe quel traitement, et peut atteindre 60-70% pour les céphalées et les dépressions. Ces chiffres font écho aux études de Henry K Beecher, en 1955 et de H. Haas et ses collègues en 1959 : «H.K Beecher étudie 1052 patients issus de quinze études et obtient toutes pathologies confondues une moyenne de 32% d'effet placebo. Ces résultats sont confirmés par H.Haas, quelques années plus tard, à partir de 1400 cas issus de 96 articles. Il trouve lui aussi une moyenne de l'ordre de 30% ( ) les améliorations dans le domaines de la douleur pouvant aller jusqu'à 60%.» ( Jean Brissonet, 2015, p.35) De nombreux paramètres peuvent biaiser les résultats, comme la guérison spontanée. Néanmoins, la situation que j'ai décrite en première partie peut témoigner d'une étonnante efficacité là ou d'autres traitements actifs avaient échoué. De nombreuses anecdotes viennent appuyer cette théorie. Sans parler de celles lues dans la littérature pour mes recherches, les trois IDE interviewées ont chacune relaté des expériences où les médicaments placebo ont fait leurs preuves. Par exemple, l'infirmière A raconte qu'un patient s'était fait prescrire des patchs de Fentanyl transdermique ( antalgique palier 3) par 10

son médecin. A la consultation suivante, il décrivait qu'il était très soulagé par ce traitement, qu'il n'était plus algique. En auscultant son patient, le médecin s'est rendu compte qu'il avait appliqué les patchs sans les ouvrir, ce qui les rendait complètement inefficace... et pourtant, le patient était soulagé, rien qu'en étant convaincu d'avoir reçu un traitement puissant. Les chiffres énoncés ci-dessus correspondent à l'effet placebo, à ne pas confondre avec le placebo. Ces différents concepts étant étroitement liés, il convient donc de les démêler. 5.1.1 Distinction placebo, effet placebo et effet nocebo : Nous avons vu précédemment que le placebo est la substance ou la méthode inactive ou non prouvée comme probante. Selon Philippe Duval (2015, p.21) «l'effet placebo désigne quant à lui l'ensemble des effets non inhérents à la substance active d'un médicament et qui participe à l'amélioration de l'état du patient». Cet effet placebo peut donc être étendu non seulement à l'objet placebo ( traitement inactif) mais aussi à tous les traitements actifs ( médicamenteux ou non ), à l'environnement, aux interactions...en somme, à tout ce qui fait lien dans la relation du patient avec ce qui lui est extérieur. Selon J-F Marmion (2009, p.21), l'aspect du placebo, son prix, son nom, sa voie d'administration jouent un rôle dans l'effet placebo. Par exemple la voie injectable fonctionne mieux que la gélule, ainsi que le fait de porter un nom compliqué comme «Paracylxeromytynxol» plutôt que «dodo-ronflette» (pour les somnifères ). La couleur compte aussi : bleu pour les somnifères, rouge pour les excitants, blanc pour les analgésiques, marron pour les laxatifs. Le goût a plus d'effet de préférence si il est amer plutôt que sucré, ainsi que le prix doit être de préférence élevé. De même, si il est recommandé par un docteur, cela aura plus d'effet que par une infirmière dont l'autorité médicale est moindre. Autant de facteurs qui ajoutent à la crédibilité d'un médicament efficace, selon la représentation sociale que l'on s'en fait. «L'industrie pharmacologique a en tout cas pleinement intégré l'effet placebo dans la commercialisation de ses produits, dont les détails ne sont pas laissés au hasard» ajoute J-F Marmion. L'effet nocebo, c'est le revers de la médaille. Étymologiquement il signifie «je nuirai» (J-F Marmion, 2009, p.22). Selon Patrick Lemoine, qui s'est intéressé de très près 11

au placebo et en a publié le livre «Mystères du placebo» ( 1996), un patient sur quatre en serait sujet. Il explique que l'effet nocebo peut aller jusqu'à intoxiquer, créer des effets secondaires ou même créer une accoutumance à un produit complètement neutre comme le placebo. Ce phénomène est favorisé par l'anxiété : «faire tester un produit neutre à des patients sans leur préciser de quoi il s'agit, ni quels effets ils peuvent produire, déclencherait des symptômes ex nihilo dans plus de 80% des cas.» (propos recueillis par J- F Marmion, 2009, p.22) Il mentionne une étude italienne qui affirme qu'entendre un discours désobligeant ou menaçant majore le taux de cholécystokinine, hormone impliquée dans la perception de la douleur. Une étude florentine démontre qu' un «médicament pour la prostate provoque l'impuissance chez 31% des hommes auxquels on a exposé les désagréments possibles sur leur libido, mais 9,6% chez ceux qui n'en sont pas avertis» ( P. Lemoine, 2009). De la même manière que l'esprit peut convaincre le corps d'aller mieux (effet placebo), il peut créer l'effet inverse. A l'instar de l'effet placebo, l'effet nocebo n'est pas propre qu'au médicament placebo mais à toutes les autres thérapeutiques. Il fonctionne de la même manière que l'effet placebo, et serait également très influencé par le discours médical qui accompagne le traitement, ainsi que son contexte d'administration, son aspect, etc. Si on devait le définir : «il s'agit d'un effet négatif qui va annuler ou réduire les effets pharmacologiques d'une substance. ( ) Il n'est pas lié au médicament pris, mais principalement à l'attente du patient, découlant lui même de l'attente du médecin vis-à-vis du traitement qu'il prescrit.» ( propos de P. Lemoine, recueillis par J-F Marmion 2009, p.22 ). Cette définition appuie sur un point qui semble crucial concernant le placebo, l'effet placebo et l'effet nocebo : tout se joue autour des attentes du patient, de la façon dont il est conditionné à répondre au traitement. Il semble que quelque chose se trame au sein même de la relation soignant-soigné. 5.1.2 Comment ça marche? Nous avons déjà amorcé des clés de compréhension pour saisir le fonctionnement du placebo, de l'effet placebo et de l'effet nocebo. Néanmoins, il est compliqué de dépasser le stade des hypothèses. La science explique difficilement avec exactitude les mécanismes psychologiques et biologiques engendrés par le phénomène placebo. Des facteurs ont été clairement identifiés : le contexte de prescription et les croyances du médecin et du 12

malade. La confiance soignant-soigné semble être un point clé. Il faut que le patient soit convaincu par le traitement et par les compétences du soignant, et cela implique de la confiance. Biologiquement, John Levine et ses collaborateurs (1978) nous mettent sur le chemin du rôle des endorphines, qui sont des substances endogènes ( produites par notre propre corps). Elles sont sécrétées par le cerveau. Lorsque l'on prend un antalgique placebo, les espoirs placés dans ce traitement augmentent la sécrétion d'endorphines. Ces hormones sont analogues à la morphine. Les morphiniques et les antidépresseurs activent les même régions cérébrales que leur placebo. Selon J-F Marmion (2009, p. 23) : «notre humeur, notre moral, notre anxiété modifient notre système immunitaire ou endocrinien...aussi bien pour l'atténuation de la douleur que pour la disparition d'une verrue, le placebo servirait d'accélérateur à des processus de guérison spécifiques gérés par le cerveau, qui produit naturellement, mais en quantité moindre, les éléments nécessaires à notre rétablissement ( antalgiques, antibiotiques...).» Par ailleurs, tous les sujets ne répondent pas de la même manière au placebo. On va distinguer les placebo-répondeurs des placebo-résistants. Cette aptitude à coordonner ses ressources conscientes et inconscientes pour s'auto-guérir dépendrait apparemment d'un facteur génétique ce qui explique pourquoi tout le monde ne répond pas de la même manière au placebo. Kathrin Hall et Ted Kaptchuk nomment «placebome» l'ensemble des dispositions génétiques concernées. Patrick Clervoy (2015, p. 55) explique leurs travaux : «Ils ont recensé les paramètres biologiques engagés dans le phénomène placebo. Sur les quatre voies possibles : dopaminergiques, sérotoninergiques, opioïde et opioïde endogène, ils font remarquer que la diversité des réponses placebos chez les patients est corrélée aux variations de la voie dopaminergique. Cinq gènes codant des enzymes et leur localisation chromosomique ont été identifiés. ( ) Elle émet l'hypothèse que l'aspect variable de la sensibilité au placebo entre une personne et une autre est lié au polymorphisme du gène codant la cathecol-o-méthyltransférase. Les gènes incluent deux substances : la valine ( VAL) et la méthionine( MET). Les personnes dont le gène associe les séquences MET/MET ont de meilleures dispositions pour répondre à un effet placebo ; alors que celles dont le gène associe la séquence VAL/VAL sont plus réfractaires. Nous savons que les premières ont un taux de dopamine disponible nettement supérieur aux 13

secondes. L'explication de ces différences est probablement dans cette variation de dopamine disponible.» 5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo antalgique : Les placebos sont administrés dans des contextes particuliers, bien souvent pour des patients jugés «difficiles». C'est ce qui ressort dans toutes mes lectures de recherche ainsi que dans mes entretiens exploratoires et dans ma propre expérience. Le placebo répond à une plainte qui n'est souvent pas prise au sérieux, ou qui rend les soignants perplexes. Dans cette partie, nous allons analyser quel rôle joue la perception soignante de la douleur et du placebo, ainsi que le rôle du contexte institutionnel dans l'administration d'un placebo antalgique, en s'appuyant particulièrement sur l'analyse des entretiens exploratoires ( cf annexes) ainsi que sur les articles de recherches de Wälti-Bolligera, M. (2011), «Placebo et soins professionnels, réflexions et positionnement infirmier», et de Baty, C., Fondras, J. C., Abitbol, G., Bloch, F., Cesselin, F., Hamdam, O.,... & Zerbibi, E. (2004), «L utilisation de placebos dans le traitement de la douleur: résultats d une enquête préliminaire en milieu hospitalier.» 5.2.1. Rôle des perceptions soignantes du placebo et de la douleur Les études menées au sein de ces articles de recherches montrent une conception parfois erronée et péjorative de l'effet placebo par les soignants, ce qui explique pourquoi les placebos sont utilisés majoritairement pour les patients dont on remet la plainte en question. Nous verrons par la suite comment cela peut se répercuter ou non sur la relation soignant-soigné, et plus particulièrement sur l'authenticité de cette relation et le lien de confiance. En effet la méconnaissance des mécanismes du placebo invite les soignants à penser que l'effet placebo n'existe que pour les douleurs psychogènes, tandis que pour les «vraies» douleurs, dont la lésion tissulaire est attestée, la croyance est que cela ne sera pas efficace. Nous avons pourtant démontré que l'effet placebo peut se manifester autant pour les problèmes organiques que psychologiques, car le corps se modifie biologiquement après administration d'un placebo et déclenche des mécanismes d'auto-guérison. 14

Il convient de préciser que je ne souhaite pas faire de généralité en parlant des soignants, et que ce qui va être avancé sont des hypothèses et non des vérités attestées. Au cours de mes recherches j'ai rencontré des avis très divergents sur le placebo et l'effet placebo, et nos discussions ont montré des connaissances plus ou moins approfondies de ces traitements. Cela montre qu'on ne peut pas faire de généralités sur les pratiques d'administration de placebos, ainsi que sur les connaissances et les perceptions soignantes qui y sont associées. Je note également que la formation au diplôme d'état infirmier ne propose pas de cours sur le phénomène placebo, bien que l'on soit pourtant quelquefois amené à l'administrer. Pour ces raisons, les placebos et l'effet placebo sont peut-être sous-estimés ou méconnus... dans tous les cas, mal encadrés. Voici les trois principales situations qui peuvent motiver l'administration d'un placebo antalgiques : 5.2.1.1. L'argument du test ou du diagnostic : Dans cette situation, le placebo est administré soit pour dépister un terrain «psy», soit pour vérifier si la douleur est réelle ou pas. La «réalité» de la douleur, est le centre du problème. Selon Jean-Claude Fondras ( 2015, p.75) : «Une idée simpliste voudrait qu'une «vraie douleur» soit une douleur produite par une lésion organique évidente. Contre ce type de douleur, le placebo serait inefficace donc illégitime. ( ) Inversement, une autre idée simpliste voudrait que le placebo ait un intérêt dans des douleurs à composante psychogène qui seraient ainsi de «fausses douleurs». La vraie douleur, serait celle d'une maladie bien visible, volontiers grave, elle mériterait alors un «vrai médicament». La «fausse douleur», de son côté pourrait recevoir un autre traitement sous forme d'un faux médicament». Ici, on espère avoir la preuve d'une douleur attestée. Comme le souligne l'auteur, les soignants peuvent avoir une conception erronée de la douleur. Il y aurait plusieurs degrés de «légitimité» de la douleur. La lésion tissulaire attesterait la réalité de la douleur tandis que seraient infériorisés la composante psychogène et les autres facteurs qui influent dans le ressenti de la douleur. L'infirmière B explique administrer principalement le placebo dans le cadre du test. Le contexte du service des urgences n'y est probablement pas anodin. En effet, c'est un 15

service de diagnostic : il s'agit de connaître rapidement la cause du problème et la suite de la prise en charge. Savoir si la douleur est d'origine organique ou non est donc très important. Elle mentionne les situations de personnes dépendantes aux drogues qui réclament de la morphine. Dans ces situations, administrer un placebo permet de savoir si une douleur réelle se cache derrière la demande ou si cela est réclamé à cause de l'addiction. De même, elle explique, à l'instar de l'infirmière C, qu'il arrive que la plainte du patient ne soit pas cohérente avec les signes cliniques ( pas de faciès douloureux, tachycardie, sueurs, ou mouvements altérés...), dans ce cas, administrer un placebo permet de savoir si la plainte est sérieuse ou non, ou si il s'agit uniquement d'anxiété. Le résultat positif d'un placebo sera donc interprété comme la confirmation des soupçons. Si le placebo fonctionne bel et bien dans tous les cas, cette administration pose problème car le résultat aboutirait à un faux diagnostic. 5.2.1.2. L'argument «psy» : Dans cette situation, il ne s'agit plus de soupçonner le patient, mais d'attribuer la plainte au caractère angoissé, anxieux, insomniaque, psychosomatique, hypocondriaque, ou hystérique du patient ( C. Baty et al. 2004 ). Ici, le seul but du placebo est de faire du bien, de soulager, apaiser et/ou rassurer. L'infirmière B et l'infirmière C relatent également avoir administré des placebos dans cette intention. Cela fait écho à ma propre situation d'appel. Une fois que le premier placebo est efficace, la continuité de son administration se justifie par cette indication. On pense en effet avoir diagnostiqué un terrain «psy». L'intention est réellement bienveillante, et il n'y plus de méfiance du soignant comme pour les situations du test diagnostic. Dans cette indication, le placebo prend peut-être la place d'alternatives moins «nocives» pour la relation soignant-soigné. Quand cela est possible, les trois infirmières disent préférer privilégier le relationnel plutôt que d'administrer un placebo. Les solutions qu'elles envisagent sont l'écoute, l'hypnose...des techniques qui tournent autour de la relation ou d'alternatives non médicamenteuses. L'infirmière A ajoute qu'il est important de questionner les émotions associées à la douleur pour adapter le traitement au plus près des besoins du patient. Par exemple, s'il est anxieux, on peut associer un anxiolytique au traitement antalgique. 16

Des avis contraires se manifestent dans les entretiens, au sujet de la bienfaisance de cette indication. L'infirmière B va par exemple expliquer que dans tous les cas, le placebo ne peut pas faire de mal, dans le sens où, n'ayant aucun principe actif, il ne peut pas nuire. Pourtant nous avons vu qu'il peut provoquer un effet nocebo. Le contexte du service des urgences peut expliquer ce raisonnement, car la prise en charge ne dure que très peu de temps, rarement plus d'une journée. On ne peut donc pas créer d'effet d'accoutumance au placebo, et un traitement plus adapté est très rapidement mis en place. C'est sur la relation que des effets négatifs sont appréhendés, comme l'infirmière B le fait également remarquer. 5.2.1.3. L'argument «abus» : Dans cette situation, le placebo est utilisé pour éviter un surdosage ou une surconsommation. Cela s'applique notamment dans le cadre d'un traitement à base de morphiniques. Les morphiniques peuvent effectivement entraîner une accoutumance voire une dépendance, ainsi que de nombreux autres effets indésirables ( constipation, nausées, hallucinations, etc...). Lors des traitements antalgiques, on craint également l'insuffisance hépatique qui peut survenir au long terme, ou moyen terme si le foie est déjà fragilisé par une autre pathologie. Cet argument fait écho à ma situation d'appel. La patiente présentait une insuffisance hépatique due à une très forte consommation d'antalgiques de palier 1 et 3 dans un contexte de plaie chronique ( ulcère). Cela a alarmé les soignants sur sa surconsommation de médicaments, ses plaintes nombreuses et répétées n'étant jamais soulagées de façon satisfaisante. De plus, la situation «abus» peut consister à considérer la plainte comme abusive et infondée. On estime que le patient réclame plus que ce dont il n'aurait réellement besoin. Cela peut conduire le soignant à une «fatigue mentale» face aux plaintes répétées. Le placebo semble représenter une alternative qui permet de soulager le patient, sans donner le sentiment au soignant de le faire surconsommer un médicament potentiellement nocif à fortes doses. Ce cas de figure admet le soupçon d'une composante psychogène à la plainte. Si les doses prescrites ne suffisent pas, ici le soignant pense que les plaintes sont exagérées ou anormales. L'infirmière C invoque cet argument également : 17

«J'ai aussi déjà donné des placebos antalgiques après avis médical sur une patiente extrêmement demandeuse, ayant des troubles cognitifs importants et des antécédents psychiatriques. La patiente demandait à peu près toutes les minutes qu'on s'occupe d'elle (...) les demandes étaient inadaptés et, si ça n''était pas un antalgique, c'était autre chose. Les placebos fonctionnaient pour elle, elle avait l'impression d'être écoutée et je pense que ça la rassurait.» L'indication dans le cadre d'un «abus», peut révéler une prise en charge qui est globalement inadaptée ou incomplète. Premièrement, on peut questionner les outils d'évaluation de la douleur. Est ce que mon outil est adapté à la personne? Quels outils utiliser pour évaluer de façon fiable la douleur? Dans un second temps, ce cas de figure indique peut-être que le traitement est inapproprié. En effet, si les doses prescrites ne suffisent pas pour soulager la douleur, il serait nécessaire de revoir le traitement antalgique ( essayer une autre thérapeutique ou modifier la posologie). Ce raisonnement est appuyé par l'infirmière A : «C'est à nous de trouver les leviers, même si parfois les situations sont compliquées. Il y a quelque chose dans la prescription ou dans l'éducation thérapeutique qui doit être amélioré alors. Bien sûr, il y a des mésusages, mais je ne crois pas que le placebo soit la clé pour une solution. Par exemple, si c'est de l'angoisse, on va pouvoir proposer au patient des médicaments pour apaiser. Si c'est de la fatigue on va plutôt favoriser le sommeil... on va creuser plus loin la cause qui crée la complication et on va travailler avec le patient.» Ses propos mettent en lumière le pouvoir de l'éducation thérapeutique. Si on relie les connaissances relatives à l'effet placebo et son discours, on peut émettre cette hypothèse : il possible de potentialiser les effets d'une substance active en expliquant au sujet son action et en l'informant des effets positifs attendus. Alors, en plus de l'action chimique du médicament, il est possible que son efficacité soit augmentée grâce aux mécanismes neurobiologiques que le patient va faire fonctionner, par la force de sa conviction. «On fait de la communication thérapeutique, en leur disant que c'est un médicament qui devrait les soulager», «on les guide», complète l'infirmière B, en parlant cette fois ci des placebos. Si cela fonctionne pour les placebos, cette technique peut être d'autant plus exploitée pour les traitements actifs. Le concept de communication thérapeutique consiste à «conditionner» le sujet à recevoir les effets attendus du 18

médicament. Le terme «conditionner» est ici utilisé dans une intention bienveillante, et non pas au sens de la manipulation. 5.2.2 Rôle du contexte institutionnel : Outre les arguments soignants mis en avant pour justifier l'administration d'un placebo, il semble que le contexte institutionnel joue un rôle dans cette décision. Lors de ma recherche d'entretiens infirmiers, j'ai contacté des cadres de différents services pour leur soumettre le thème de mon travail de fin d'étude et leur demander d'en informer leurs équipes infirmières. Certains m'ont répondu que le placebo n'était pas administré dans leurs services car ce n'était pas leur politique de soins. En effet, il semble que cette pratique soit répandue dans certaines unités ou structures et pas dans les autres. Rappelons que l'infirmière doit avoir la prescription du médecin pour donner ce médicament. Donc dès lors qu'un médecin se positionne contre cette thérapeutique, l'ensemble des patients de l'unité qu'il prend en charge en seront dispensés. Selon deux des infirmières interrogées ( la troisième ne se prononce pas), l'usage du placebo fait souvent l'objet d'une concertation d'équipe. En discutant avec les infirmiers d'un service de psychiatrie intra-hospitalier, cela a été confirmé. Voici l'anecdote qu'ils m'ont relatée : un médecin de garde avait prescrit des placebos antalgiques à une patiente. Cette pratique n'était pas courante dans le service mais les infirmiers qui étaient alors en charge de la patiente ne s'y sont pas opposé. Le médicament a été efficace. Le médecin référent, à sa reprise de service, a découvert cette prescription et a été très mécontent. Il a immédiatement remplacé les placebos par de vrais antalgiques. Cet épisode aurait déclenché des débats houleux au sein de l'équipe médicale et paramédicale, ainsi que des tensions entre les deux médecins. Deux des infirmières qui ont participé aux entretiens évoquent également le facteur de la charge de travail. Elles reconnaissent en effet qu'il existe des alternatives à l'administration d'un placebo antalgique, telles que l'entretien relationnel, l'écoute, les exercices de respiration et autres moyens non médicamenteux. Cependant, cela demande du temps dont elles ne bénéficient pas toujours. On peut donc émettre l'hypothèse que la charge de travail donnée aux infirmières peut favoriser le choix d'administrer un placebo. L'une d'elle précise que cela permet aussi à la personne de se sentir écoutée et rassurée. 19

D'après C.Baty et al. ( 2004), la nuit est un contexte qui favorise le recours aux placebos. Les patients seraient pendant la nuit plus douloureux, anxieux, seuls, ou insomniaques. De plus, «l'infirmière ne dispose pas de prescripteurs ou d'autres interlocuteurs. Elle peut se déclarer anxieuse ou démunie, situation propice à utiliser le placebo comme gage d'attention porté au plaignant, plutôt que rien». Enfin, les institutions ne disposent pas toutes des mêmes recours pour la prise en charge de la douleur. Il existe en effet des Équipes Mobiles de la Douleur ( EMD) et des Équipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP), le Comité de Lutte contre la Douleur, des formations individuelles, la disponibilité d'un psychologue pour consulter dans les services... autant de moyens qui permettent une prise en charge meilleure de la douleur. Ces moyens sont malheureusement développés de façon inégale sur l'ensemble des lieux de soins. 6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation soignant-soigné Nous avons démontré que la relation soignant-soigné joue un rôle dans l'effet placebo. Cependant, cette même relation est-elle mise en danger par l'administration d'un placebo? Puisque cela implique à priori le mensonge, qu'en est-il de l'authenticité de la relation soignant-soigné? Il convient de se pencher sur la signification du concept d'authenticité, de le relier à son rôle dans la relation, à la posture soignante et enfin au placebo. 6.1 Qu'est ce que l'authenticité? 6.1.1. Définition de l'authenticité D'après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (n.d.), l'authenticité est «une valeur profonde dans laquelle un être s'engage à exprimer sa personnalité.» Cette définition implique d'être dans un rapport de vérité avec soi même et 20

avec les autres. Cela rejoint les propos des trois infirmières interrogées : «être soi même et laisser l'autre être lui-même» (infirmière A), «ne pas mentir» ( infirmière b). Selon Margot Phaneuf (2002) «Il s agit de la capacité de l aidant(e) de demeurer strictement lui/elle-même au cours de la relation avec l aidé. Grâce à l authenticité, la/le soignant(e) reste transparent(e), spontané(e) et ouvert(e), ne cherche pas à présenter une façade artificielle et ne se prétend pas être l expert(e) de la situation de l autre.» Les trois infirmières interrogées ont rejoint ces définitions avec leurs propres mots. Pour chacune d'elles, l'authenticité semble être importante et faire partie intégrante de leurs valeurs professionnelles. Elles l'expriment explicitement et implicitement à travers le ton employé et l'implication dans l'élaboration de leurs réponses. De plus, pour elles l'authenticité ça serait aussi : accepter ses limites et ses faiblesses, ne pas jouer un rôle ou faire semblant d'être quelqu'un que l'on n'est pas, respecter l'autre dans son individualité, respecter l'expertise de chacun. La troisième infirmière mentionne : «être en accord avec ses actes, savoir pourquoi on les fait». En approfondissant la recherche, cette définition semble convenir au concept de congruence, étroitement liée avec l'authenticité. 6.1.2. Lien avec la congruence «Une personne authentique manifeste un certain degré de congruence entre ce qu elle pense, ressent et exprime. La congruence est la manière d être de l infirmière qui manifeste une certaine adéquation entre ce qu elle ressent, ce qu elle pense, ce qu elle dit et ce qu elle fait, et entre son comportement verbal et son comportement non verbal. En agissant ainsi, elle crée une harmonie entre ses émotions, ses pensées et ses actions. Cette harmonie interne lui permet d exprimer ce qu elle pense de manière thérapeutique ou de faire ce qu elle croit approprié afin de faciliter une prise de conscience chez l aidé ou une évolution de la relation qu elle entretient avec lui.» ( Margot Phaneuf, 2002) Puisque les valeurs de l'infirmier sont impliquées dans la prise de position face au placebo, on peut questionner également la congruence de l'infirmier par rapport à ses valeurs éthiques ( relatives aux règles morales ) et déontologiques ( règles et devoirs moraux d'une profession). Si la congruence est un attribut de l'authenticité, alors il faut 21