Prévalence de l'asthme ou des symptômes évocateurs d'asthme chez les enfants en cours élémentaire 2ème année à Paris en 1994

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Retour au sommaire des BEH de 1996 Prévalence de l'asthme ou des symptômes évocateurs d'asthme chez les enfants en cours élémentaire 2ème année à Paris en 1994 INTRODUCTION L'asthme est la plus fréquente des maladies chroniques pédiatriques. Sa prévalence chez l'enfant varie de 1,5 à 23 % d'après les nombreuses enquêtes épidémiologiques réalisées dans le monde [1]. Les études effectuées en France sur ce thème concernent essentiellement les adultes ou les adolescents [2] ; c'est pourquoi, nous avons mis en place une enquête visant, d'une part à déterminer la prévalence des symptômes respiratoires chroniques dans une population d'enfants âgés de 8 à 9 ans et scolarisés à Paris et, d'autre part à analyser les modalités de prise en charge médicale des élèves symptomatiques. METHODES Population Une étude descriptive transversale a été conduite auprès d'un échantillon représentatif d'élèves scolarisés en 1993-1994 dans les classes de cours élémentaire 2e année (C.E.2) des établissements publics parisiens. Il a été procédé au tirage au sort de 153 classes parmi 579, ce qui correspondait à 3 756 enfants. Modalités de l'enquête L'étude a reçu un avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (C.N.I.L.) en date du 30 août 1993 ainsi que l'accord du rectorat de Paris. L'enquête reposait sur 3 questionnaires standardisés, les 2 premiers étant remplis par les parents, en présence des enfants. Le premier autoquestionnaire portait sur la symptomatologie respiratoire récurrente (au moins 3 fois par an) des enfants : quintes de toux pendant la nuit ou au petit matin ; quintes de toux provoquées par l'air froid ; quintes de toux provoquées par un effort physique intense (course à pied, jeu de ballon) ; gêne respiratoire nocturne avec "difficulté à vider ses poumons" ; sifflements ou bronchites sifflantes ; asthme déjà diagnostiqué. L'exploitation de ce premier questionnaire a permis d'identifier les enfants symptomatiques. Etaient considérés comme asthmatiques ceux pour lesquels les parents avaient répondu " oui" à la question : "Votre médecin vous a-t-

il déjà dit que votre enfant a de l'asthme?" Par ailleurs, ont été retenus deux autres groupes d'élèves pour lesquels les parents ont rapporté des signes évocateurs d'asthme : les "siffleurs" qui avaient présenté au moins 3 épisodes de sifflements ou de bronchites sifflantes au cours des 12 derniers mois et les "tousseurs" caractérisés par au moins 2 des autres symptômes évoqués plus haut. Le deuxième autoquestionnaire ne concernait que les élèves symptomatiques sélectionnés à l'issue de la première étape et traitait de leur prise en charge médicale : suivi par un médecin, pratique d'explorations fonctionnelles respiratoires (E.F.R.), désensibilisation et traitement médicamenteux. Le 3e questionnaire i.e. la fiche d'examen clinique, remplie par le médecin lors de la visite médicale, complétait les documents précédents en fournissant des indications sur les tests biométriques (poids, taille), la séméiologie clinique à l'observation (eczéma, déformation thoracique) et à l'auscultation (sibilances). Etaient également indiqués le résultat de la mesure du débit expiratoire de pointe (D.E.P.) par l'appareil Mini-Wright peak-flow meter (maximale de 3 valeurs consécutives) ainsi que la valeur théorique correspondante déterminée grâce aux abaques établis par Godfrey et al. à partir de la taille. Analyse statistique L'exploitation statistique s'est faite avec le logiciel B.M.D.P., sur des données non nominatives. Ont été déterminés les taux de prévalence cumulative (sur la vie écoulée depuis la naissance) ou au cours des 12 derniers mois, de différents symptômes ainsi que leur intervalle de confiance à 95 %. Les comparaisons entre sous-groupes d'enfants ont été effectuées par le test du chi-deux ou, si nécessaire, par le test de Fisher pour les variables qualitatives, et par analyse de variance ou par le test de Kruskal-Wallis pour les variables quantitatives. RESULTATS Prévalence des symptômes respiratoires Sur les 3 756 premiers questionnaires distribués, 3 559 ont été rendus, dûment complétés, soit un taux de réponse de 94,8 %. Cet échantillon représentatif correspond à 50,3 % de garçons et à 49,7 % de filles, d'âge moyen 8 ans 10 mois. Le tableau 1 décrit la symptomatologie respiratoire signalée par les parents. Il est constaté que près d'un enfant sur 4 souffre d'une toux spasmodique nocturne récurrente. La prévalence de l'asthme diagnostique par le médecin traitant est de 6,1 % (213 élèves). Par ailleurs, l'étude des enfants non déclarés comme asthmatiques révèle que 388 d'entre eux présentent une symptomatologie respiratoire chronique, d'après les critères décrits dans les méthodes : 147 (37,9 %) rapportent au moins 3 épisodes de sifflements ou de bronchites sifflantes dans les 12 derniers mois. Quant aux 241 autres (62,1 %), ce sont des "tousseurs" selon la définition adoptée plus haut. Au total, à l'issue de l'exploitation du 1er questionnaire, 601 enfants (17 %) sont donc retenus en fonction de leur symptomatologie. Au moment de l'enquête, en fin d'année scolaire, ces élèves ont en moyenne 8 ans 11 mois ± 6 mois ; les garçons sont plus nombreux que les filles (56,2 % versus 43,8 %). Tableau 1 - Enquête épidémiologique auprès des élèves des classes de cours élémentaire 2è année, dans les écoles publiques parisiennes, en 1994 : symptomatologie respiratoire (N=3559)

Prise en charge médicale Moins d'un enfant sur 2 est suivi par un médecin, en majorité par un généraliste et, dans une moindre mesure, par un pédiatre. La quasi totalité consulte en ville et 41,9 % ont recours à une consultation hospitalière. Près d'un enfant suivi sur 5 a déjà fait une démarche auprès d'un pneumologue, moins d'un sur 3 auprès d'un allergologue. En ce qui concerne la prise en charge au long cours, un enfant sur 5 a déjà bénéficié d'e.f.r. Dans 68,9 % des cas, les enfants ont aussi déjà eu une mesure du D.E.P. Un sur 6 revoit un traitement préventif et/ou de crise. Les enfants du groupe "asthme déclaré" sont significativement plus souvent que les autres pris en charge par un médecin, en particulier par un allergologue ou un pneumologue, et suivis à l'hôpital. Dans ce groupe, la mesure antérieure du D.E.P., la pratique d'e.f.r. et d'une désensibilisation sont plus fréquentes. Ces élèves sont aussi plus nombreux à apporter des médicaments à l'école et ils sont les seuls à avoir recours à une médication préventive avant le sport. Il n'apparaît aucune différence significative entre les "siffleurs" et les "tousseurs". Examen clinique Les mesures biométriques, non significativement différentes entre les 3 groupes, indiquent un poids moyen de 30,8 ± 6,3 kilogrammes pour une taille moyenne de 133,6 ± 6,3 centimètres. Au moment de l'examen clinique, les sibilances relevées à l'auscultation ne concernent pratiquement que des asthmatiques, 10 % d'entre eux ; il s'agit, dans 29,2 % des cas, d'enfants en période de crise. Par ailleurs, un eczéma localisé ou diffus est constaté chez 17,3 % des élèves et chez 29 % des asthmatiques. Globalement, l'examen somatique révèle un retentissement chez une minorité d'enfants (protrusion, coup de hache sous-mammaire). Cette répercussion est significativement plus fréquente chez les asthmatiques que dans les 2 autres groupes. Quant au D.E.P. observé, quel que soit le groupe, il ne diffère pas, en moyenne, du débit attendu calculé d'après la taille (283 ± 54 l/minute versus 282 ± 35, p > 0,05). Néanmoins, il faut noter que 13,4 % des enfants (13,6 %, 15,1 % et 12,3 % respectivement chez les asthmatiques, les "siffleurs" et les "tousseurs" ont un D.E.P. bas, i.e. inférieur à 80 % de la valeur de référence. Ces enfants tendent à présenter davantage de sibilants à l'auscultation (8,3 % versus 3,8 % chez les autres, p = 0,08) et de gêne à l'effort (53,2 % versus 41,1 %, p = 0,07). Enfin, parmi les élèves pour lesquels un asthme est déclaré, la fréquence d'un D.E.P. bas est plus importante chez ceux qui ne bénéficient pas d'un traitement de fond (16,5 % versus 10,4 % chez les traités) ; toutefois, la différence n'est pas statistiquement significative. Par ailleurs, les professeurs d'éducation physique constatent une gêne à l'effort chez près d'1/3 des asthmatiques et chez 13,7 % des autres enfants symptomatiques. DISCUSSION A l'actif de cette investigation, nous retenons une réelle mobilisation des parents, des équipes médico-scolaires et des enseignants. Le taux de réponses s'avère excellent, exceptionnel pour le premier questionnaire, ce qui permet d'obtenir, grâce à ce large échantillon représentatif, une estimation valide de la prévalence de l'asthme et des symptômes respiratoires déclarés dans cette population. Nos résultats confirment que la France (du moins Paris) se situe parmi les pays à forte prévalence d'asthme, loin derrière l'australie, comme les Etats-Unis, la Grande- Bretagne [3] et les Pays-Bas [4], mais devant la Suède. Les sifflements sont moins fréquemment signalés à Paris que dans les autres enquêtes, sans doute en raison de notre définition des "siffleurs", la répétition du symptôme à

au moins 3 reprises ne semblant pas exigée par les autres équipes. La grande variabilité relevée pour la toux nocturne tient vraisemblablement au caractère subjectif de son appréciation. Cette étude suggère que l'asthme chez l'enfant est encore sous-exploré et donc peut-être sous-diagnostiqué, et sous-traité. Parmi les élèves étudiés, 6,1 % ont un asthme diagnostiqué, et 10,9 %, bien que non déclarés "asthmatiques", présentent une symptomatologie respiratoire récurrente depuis au moins un an. Cette dernière proportion est inquiétante d'autant que près de 14 % de ces enfants ont un D.E.P. anormalement bas, inférieur de 20 % à la valeur attendue : or cet écart de 20 % dépasse la variabilité physiologique intra-individuelle, notamment diurne [5]. De plus, les constatations, par les professeurs d'éducation physique, de toux ou de gêne à l'effort chez 13,7 % de ces enfants symptomatiques sont préoccupantes. Enfin, le fait que 8 % de ces élèves aient déjà consulté un allergologue ou un pneumologue, évoque un trouble suffisamment sévère pour qu'ils se soient adressés à un spécialiste. On peut donc redouter que certains de ces "siffleurs" et "tousseurs chroniques" souffrent d'un asthme non diagnostiqué. L'examen clinique ne nous permet pas de mieux identifier ces cas, car les symptômes de cette pathologie sont souvent intermittents et beaucoup d'enfants ont un état respiratoire normal entre les crises. Les déformations thoraciques, reflet d'une atteinte ancienne, restent peu fréquentes à cet âge, et le développement statural est normal, un retard de croissance ne survenant que lors d'un asthme chronique sévère. Seul un examen de la réactivité bronchique par des tests fonctionnels dynamiques, irréalisables dans le cadre scolaire, aurait permis de conclure. La prise en charge médicale semble insuffisante chez les enfants asthmatiques puisque moins de la moitié ont bénéficié d'e.f.r. ou d'une mesure du D.E.P. ; or la spirométrie et les courbes débit-volume sont utiles pour le diagnostic et pour la surveillance thérapeutique. Le D.E.P. permet, en particulier, d'apprécier la réponse aux bronchodilatateurs. Pour ce qui est de l'asthme diagnostiqué, il est manifestement sous-traité puisque près de 2 enfants sur 3 ne bénéficient d'aucun traitement de fond et seulement 7 % prennent une médication à titre préventif avant le sport. CONCLUSION Au total, 6,1 % des enfants étudiés souffrent d'un asthme diagnostiqué et 10,9 % présentent une symptomatologie respiratoire récurrente depuis au moins un an. Notre enquête montre que l'asthme reste, en 1994 à Paris, sousexploré et vraisemblablement sous diagnostiqué et sous-traité. Outre cet intérêt épidémiologique évident, elle a contribué à améliorer la pratique clinique des 80 médecins scolaires de la ville de Paris. Ceux-ci, grâce à l'aide de 2 pneumologues de l'hôpital Trousseau, ont pu conseiller aux parents d'enfants chez qui un asthme était suspecté, mal traité, voire non traité, de consulter leur médecin traitant pour un bilan de la fonction ventilatoire par des E F.R., et/ou un contrôle nycthéméral répété du D.E P., et/ou l'instauration d'un traitement de fond ou d'une médication en prévention de l'effort. Cette étude a permis de réactualiser les connaissances des médecins scolaires sur l'asthme ; de plus, leur trousse s'est enrichie d'un nouvel outil, le débit-mètre de pointe, qui est désormais utilise dans les écoles parisiennes. REFERENCES [1] Conseil supérieur d'hygiène publique de France. - Allergie respiratoire, asthme, environnement. - Ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, 1993. [2] LIARD R., PIN I, BOUSQUET J., HENRY C., PISON C., NEUKIRCH F. Prévalence de l'asthme chez les adultes jeunes en population générale (Enquête dans 3 villes françaises). B.E.H., 1995, 45. 197 8. [3] HILL R.A., STANDEN P.J., TATTERSFIELD A.E. Asthma, wheezing, and school absence in primary schools. Arch Dls Child, 1989, 64: 246 51. [4] CUIJPERS C.E J., WESSELING G.J., SWAEN G.M H, STURMANS F., WOU TERS E.F.M. Asthma-related svmptoms and lung function in primary schoolchildren. J. Asthma, 1994; 31: 301-12. [5] HEGEWALD M.J, CRAPO R.O, JENSEN R.L. Intraindividual peak flow variability. Chest, 1995; 107: 156 61 AUTEURS

C. DARTIGUENAVE * I. MOMAS **, *** B. FAUROUX **** J. JUST **** R. POINSARD ** A. GRIMFELD **** M. BOURDAIS * * Direction de l'action sociale, de l'enfance et de la Santé (D.A.S.E.S.), sous-direction de la Santé,service de santé scolaire, ville de Paris (M. M. CRESPY) ** D.A.S.E.S., cellule "Epidémiologie", ville de Paris (M. R. POINSARD) *** Université René Descartes, Laboratoire "Hygiène et Santé publique" (Pr. B. FESTY) **** Centre de l'asthme, hôpital Trousseau, Paris (Pr. A. GRIMFELD) Les auteurs sont reconnaissants à l'ensemble des médecins scolaires et secrétaires médico-sociales qui ont assuré avec efficacité tout le recueil des données de l'étude aux directeurs d'école primaire et maîtres de cours élémentaire 2e année qui ont grandement facilité le travail sur le terrain. Ils expriment leur gratitude à Mmes J ARTHUR et M. BOUTON pour leur aide technique et à Mme C. HAVAS pour son précieux concours dans la réalisation de l'article. Ils remercient enfin les laboratoires GLAXO, qui ont gracieusement mis à la disposition de chaque médecin scolaire un débit-mètre de pointe. La fièvre hémorragique avec syndrome rénal dans les Ardennes à propos de 31 nouveaux cas pris en charge à Charleville-Mézières Le quart nord-est de la France est touché par la fièvre hémorragique avec syndrome rénal (F.H.S.R.). Il s'agit d'une infection virale due à un Hantavirus de la famille des Bunyaviridae, proche du virus Puumala responsable de la Nephropathia Epidemica. Les rongeurs (Chletryonomis glareolus et Apodemus sylvaticus) constituent le réservoir de ce virus et la transmission à l'homme se fait par contact avec les déjections de rongeurs : soit contact direct avec les déjections des rongeurs contaminés, soit inhalation d'aérosols contenant le virus. 5 foyers sont concernés : Franche-Comté, Lorraine, Côte-d'Or et Haute-Marne, Picardie, Massif ardennais. Depuis 1990, le Massif ardennais est la zone la plus touchée, avec 40 % des cas durant l'année 1990, 57 % des cas durant la poussée épidémique de 1993. Globalement, près de 40 % des cas français proviennent de cette zone (tableau 1). Ce massif comporte non seulement le département des Ardennes mais aussi les zones adjacentes du département du Nord (Liessies, Fourmies) et la partie nord-est de l'aisne (Hirson). Tableau 1 - Participation relative des foyers selon les épidémies de F.H.S.R. en France (%) Sur un fond endémique, on note des poussées épidémiques en 1990-1991 (16 cas en 1990, 5 en 1991), 1992-1993 (13 cas en 1992, 63 en 1993) et probablement 1996 (3 cas en 1994, 13 cas en 1995 et déjà 15 cas pour le 1er trimestre 1996), soit une poussée tous les 3 ans. 124 observations ont été pour le moment rapportées dans le

département des Ardennes mais l'épidémie continue. De janvier 1994 à mars 1996, 30 patients ont donc été hospitalisés dans les services de médecine interne ou de néphrologie du centre hospitalier de Charleville-Mézières, 1 patient a été pris en charge par son médecin traitant. Sur cette période, la répartition des cas est irrégulière : 3 cas lors du dernier trimestre 1994, 13 cas en 1995 dont 10 durant le second trimestre, 15 cas durant le premier trimestre 1996 (tableau 2). Tableau 2 - Répartition mensuelle des cas de F.H.S.R. pris en charge à Charleville-Mézières de mars 1994 à mars 1996 Il s'agit de 26 hommes et 5 femmes, d'âge moyen 38,8 ans. On note toujours la prédominance des 20-49 ans, avec 28 patients sur 31. Les hommes ont tous moins de 49 ans, 2 des 5 femmes ont, par contre, plus de 60 ans (69 et 74 ans). Dans cette série, il n'a pas été noté de cas pédiatrique (figure 1). Figure 1 - Répartition des cas de de F.H.S.R. pris en charge à Charleville-Mézières selon les tranches d'âge La répartition géographique retrouve les mêmes caractéristiques que lors de l'épidémie de 1992-1993 avec prédominance de cas dans la vallée de la Meuse, de Charleville-Mézières à Givet (23 cas). Sur ces 23 patients, aucun n'était originaire des Hautes-Rivières, localité la plus touchée lors de l'épidémie précédente. Les autre cas sont répartis le long des crêtes ardennaises (8 cas). On retrouve une exposition professionnelle pour 14 patients : activités en forêt (n=8), activités agricoles (n=3), travaux du bâtiment (n=3). Pour d'autres, la contamination a eu lieu lors des activités de loisir (n = 14) manipulation de bois stocké (n=4), rénovation de maison (n=2), nettoyage avec exposition à de la poussière (n=6), jardinage (n=1), manipulation de rongeurs (n=1). Pour deux patients, il n'a pas été retrouvé d'exposition évidente. Le risque de contamination de l'homme est donc lié soit à la manipulation d'objets souillés par des déjections de rongeurs soit à une activité dans un endroit où l'urine de rongeurs peut se trouver en aérosols ou être mise en suspension dans l'air avec les poussières. Cette année encore, il a été signalé une pullulation de rongeurs dans les jardins, notamment pour les patients habitant près de la forêt. Fait nouveau, une famille (le père, la mère et l'un des deux fils) a fait une F.H.S.R. après exposition dans un même lieu (nettoyage de garage). Le tableau clinique est tout à fait typique avec un début pseudo grippal algique, la fièvre est souvent élevée entre 39 et 40, de début brutal. Il s'y associe des douleurs, des céphalées, des dorso-lombalgies, des douleurs abdominales. Des troubles visuels ont été notés 12 fois (soit 38 %). Le tableau biologique est classique avec une thrombopénie pour 28 patients, 7 fois les plaquettes sont inférieures à 50 000, 14 fois comprises entre 50 000 et 100 000.

La créatinine est strictement normale chez 14 patients, discrètement élevée entre 150 et 250 µmol/l chez 3 patients, élevée entre 250 et 500 µmol/l chez 12 patients et supérieure à 500 µmol/l chez 2 patients. La sérologie (Centre national de référence des arbovirus et virus des fièvres hémorragiques, Institut Pasteur), qui recherche systématiquement les IgG et les IgM, retrouve 27 fois d'emblée la présence d' IgG et d'igm. Pour 3 patients, les IgG sont absentes et on note des IgM seules, parfois en très faible quantité. Pour l'un de ces trois patients, une sérologie est faite 13 jours après le début de la symptomatologie et ne retrouve toujours que des IgM. Enfin, pour un dernier patient, la sérologie initiale est strictement négative. La sensibilisation des médecins généralistes depuis 1990 explique en partie le recrutement important du Centre hospitalier avec des patients vus parfois très tôt après le début de leur maladie (24 à 48 heures). En zone d'endémie ou chez des sujets revenant d'une zone d'endémie, devant un tableau grippal algique et notamment en dehors d'une épidémie de grippe, on doit faire pratiquer systématiquement une numérotation plaquettaire, si possible une bandelette urinaire à la recherche d'une protéinurie, avec un contrôle de la fonction rénale. La reconnaissance des cas de F.H.S.R. permet de limiter la prescription d'examens ou de médicaments potentiellement néphro-toxiques et/ou agressifs pour le patient. AUTEURS C. PENALBA * J.J. DION ** B. BOCQUAUX *** J.C. REVEIL **** M. BINDER * B. LE GUENNO ***** * Service de Médecine Interne, Hôpital Corvisart, 08000 Charleville-Mézières ** Service de Néphrologie, Hôpital Manchester, 08000 Charleville-Mézières *** Département Information médicale, Hôpital Manchester, 08000 Charleville-Mézières **** Laboratoire de Microbio-Hématologie, Hôpital Manchester, 08000 Charleville-Mézières ***** C.N.R. des arbovirus et virus des fièvres hémorragiques, Institut Pasteur, 75 015 Paris. Retour au sommaire des BEH de 1996 Mise à jour le 29 août 1996 CONTACTS