ECHERCHE L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR ALLOGREFFE DE MOELLE OSSEUSE SUMMARY RÉSUMÉ CHU TOULOUSE



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Transcription:

ECHERCHE Hélène AUDEBERT, cadre infirmier enseignant Hélène AUDEBERT, cadre infirmier enseignant Chantal FISCHER, infirmière Florence SORDES-ADER, docteur en Psychologie CHU TOULOUSE L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR RÉSUMÉ SUMMARY Dans le cadre législatif, l allogreffe de moelle osseuse est considérée comme une transplantation d organes. Elle consiste à «remplacer une moelle malade ou déficiente par une moelle saine prélevée sur un donneur vivant compatible». Ce traitement a des répercussions importantes pour le patient. Va t-il trouver dans son entourage, les ressources lui permettant de gérer les transformations imposées par la greffe de moelle? L information peut être alors une réponse aux besoins du malade. Notre étude s est appuyée sur des questionnaires adressés à 55 adultes allogreffés. Les résultats ont permi de mettre en évidence le moment le plus propice à l information, la personne la plus apte à la donner, le contenu précis et la manière la plus adaptée aux besoins du patient. From a legislative point of view, the allograft of bone marrow is considered as an organ transplant. It consists in «replacing a diseased or deficient marrow with a healthy marrow removed on a compatible living donor.» This treatment has significant repercussions for the patient. Will he find, in his circle, the resources which Will enable him to face the changes imposed by the marrow graft? The information cari then be a way to meet the needs of the patient. Our study is based on questionnaires sent to 55 adults who underwent an allograft. Thanks to the results, we could highlight the most favourable moment for information, the person most capable of giving it, the precise content and the way best suited to the needs of the patient. Mots Clés : Information, Allogreffe de moelle osseuse, Ressource. Key words : Information, Allograft of bone marrow, Resource. Recherche en soins infirmiers No 55 - Décembre 1998

ECHERCHE L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR INTRODUCTION CHAPITRE 1 La greffe de moelle osseuse est un traitement long et lourd pour lequel nous pressentions l importance des conséquences physiques et psychologiques pour le patient. En effet, les conditions d hospitalisation et l isolement de la famille sont des facteurs de stress évidents. Le maintien pour quelques mois en environnement stérile puis protégé, entraîne une séparation longue des proches. Elle implique une mobilisation plus importante des soignants. L information peut, alors, s avérer être non seulement un prétexte à la communication, mais également un moyen de donner des repères au malade. Notre objectif est, alors, de donner une information personnalisée et adaptée aux besoins du patient pour lui permettre de faire face à sa nouvelle situation. Nous avons donc envisagé différents cadres conceptuels : - d un point de vue médical, nous avons défini ce que sont la moelle osseuse et la greffe de moelle!fôle, déroulement médico-technique); - au niveau infirmier, nous avons mis en évidence les diagnostics infirmiers en matière de greffe de moelle osseuse. Des domaines ont été envisagés : physique, psychologique, rôle socio-familial et professionnel ; -d un point de vue psychologique, les moyens de faire face et les ressources des patients sont évoqués; - au niveau juridique, nous avons réalisé un bilan des droits des malades et devoirs des soignants en matière d information ; - nous avons ensuite tenté de délimiter les critères d une information aidante. Cette démarche nous amène à poser plusieurs hypothèses que nous tâcherons de vérifier. Nous envisageons l information comme une ressource, une aide pour le futur allogreffé de moelle osseuse. Dans cette mesure, il apparaît qu une information précoce laisse plus de temps au patient pour s adapter et que, plus celui-ci possédera d éléments, plus il aura de ressources pour faire face à sa nouvelle situation. Enfin, pour favoriser la prise en charge du futur greffé et pour l aider à mobiliser les ressources nécessaires, il est important d associer les proches aux moments d information. 1.l. Problématique 1. OBJET DE L ÉTUDE Nos préoccupations et celles des équipes soignantes sont liées aux difficultés rencontrées sur le terrain. Les greffés posent de nombreuses questions, à plusieurs équipes différentes. Le personnel évoque le manque de temps pour informer le patient, ainsi que le manque de connaissances (cc je ne dis pas car je ne sais pas ))). En outre, nous nous trouvons dans l impossibilité d évaluer ce que le malade sait. Est-il suffisamment informé 1 Quelles informations lui donner pour l aider? Faut-il informer aussi les proches? Nous avons recherché les documents qui pouvaient répondre à ces attentes. II existe de nombreux livrets d information aux patients aplasiques. Des travaux ont été réalisés afin de définir les différents stress liés à la greffe de moelle et évaluer les réactions de ces malades (M. LUSSIER, 1984). Cependant, nous n avons retrouvé aucune publication sur des travaux concernant les informations qui pourraient aider les greffés de moelle osseuse. Notre champ d investigation s est limité à la population des greffés de TOULOUSE, mais elle peut intéresser tous les patients ayant reçu une greffe allogénique. La progression du nombre de greffes effectuées donne une dimension particulière à ce problème. Toutes les personnes qui vont évoluer autour du patient sont concernées et impliquées par l information : familles, personnel soignant intra et extra-hospitalier. 1.2. Thème Ce travail est basé sur l expérience d anciens greffés de moelle osseuse. Nous avons dégagé de cette dernière l impact de l information apportée par les soignants. Ce sujet peut avoir une influence importante dans la pratique des Soins Infirmiers. Outre la possibilité de réfléchir à la pratique de notre rôle éducatif, il peut amener à l élaboration de nouveaux outils d information et à l amélioration des conditions dans lesquelles elle est dispensée. Cette démarche permettrait dans un premier temps de savoir où en sont les patients par rap- 32

L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR port aux informations données. Une meilleure prise en charge à l hôpital et au domicile pourrait être alors assurée. Ces derniers éléments peuvent être, éventuellement, des pistes de réflexions ultérieures. 2. CADRE CONCEPTUEL 2.2. La greffe de moelle osseuse Définition Une allogreffe de moelle osseuse consiste à «remplacer une moelle malade ou déficiente par une moelle saine prélevée sur un donneur compatible» (Dr H. ESPEROU-BOURDEAU,1994, p. 1851). Cette greffe allie plusieurs particularités : 2.1. La moelle osseuse «C est un organe indispensable à la survie. La moelle osseuse est responsable de la fabrication du sang et du système immunitaire» (Pr E. GLUCKMAN, 1986, p.29). Elle est située au niveau des os longs et des os plats. Elle est le lieu de synthèse des cellules circulant dans le sang. II s y produit, en effet, une prolifération de cellules mères appelées cellules souches pluripotentes. En se divisant, elles donnent naissance à d autres cellules souches pluripotentes ainsi qu à d autres éléments qui vont se multiplier. Après maturation et passage dans le sang, ils donneront des cellules sanguines matures et différenciées. Ce phénomène de division et de maturation est appelé Hématopoïèse. Ces cellules, lors de leur maturation, vont acquérir des compétences particulières. Les hématies vont assurer le transport de l oxygène vers les différents tissus. Les plaquettes maintiennent un équilibre entre le risque hémorragique et le risque de thrombose. Les globules blancs sont chargés de la lutte contre les infections. Sont aussi fabriquées des cellules dites immunocompétentes : les lymphocytes. Ceux-ci vont permettre à l organisme de reconnaître des cellules qui ne lui appartiennent pas et de détruire ces éléments étrangers. La moelle osseuse, par le rôle hématopo iétique qu elle exerce, est un organe primordial. Toute déficience dans son fonctionnement peut être lourd de conséquences. Selon les cellules atteintes et le siège de la prolifération, on distingue plusieurs pathologies hématologiques. Nous pouvons les différencier selon quatre groupes - les lymphomes malins, - les leucémies aiguës, - les syndromes myéloprolifératifs, - les syndromes lymphoprolifératifs. - c est une technique simple, il s agit de réinjecter par voie intraveineuse une moelle prélevée par ponction osseuse. Elle sera ensuite filtrée et concentrée avant la transfusion - c est une greffe qui pose des problèmes importants du point de vue immunologique. On introduit effectivement chez un receveur des cellules immunitaires d un donneur. Cela peut entraîner le phénomène suivant : les cellules du donneur reconnaissent celles du receveur comme étrangères et induisent une réaction appelée «maladie du greffon contre l hôte» (G.V.H. = Graft Versus Host). Cette réaction peut être aujourd hui encore une cause d échec de la greffe de moelle; l existence d un donneur compatible dans la fratrie est la condition optimale pour une greffe. Lors d absence de donneur familial, une recherche peut être effectuée au sein des fichiers de donneurs volontaires. - lorsque la greffe allogénique de moelle est établie durablement, elle aboutit à un chimérisme hématologique. Les cellules qui circulent chez le receveur sont celles du donneur. On peut observer, selon les cas, la présence de marqueurs chromosomiques sexuels différents et le changement de groupe sanguin A, B, 0. Déroulement de la greffe de moelle La greffe de moelle osseuse est le traitement de choix lors de nombreuses pathologies hématologiques. Nous pouvons diviser ce traitement en quatre étapes spécifiques : - la première est la phase de bilan et de conditionnement à la greffe. II s agit de s assurer que le patient est prêt à recevoir cette moelle. Les médecins évaluent alors le rapport risque / bénéfice. Le conditionnement pré-greffe peut varier en fonction de la pathologie de départ, mais associe généralement chimiothérapie et radiothérapie. Le but est de supprimer les possibilités de rejet de greffe et, dans le cas des leucémies, de détruire toutes les cellules malades résiduelles. - la seconde étape concerne la greffe elle-même et la période à l unité stérile. Elle dure environ de JO (jour de la greffe) à J~O post-greffe. La moelle prélevée le 33

jour même sur un donneur sain, sera filtrée puis injectée sur une voie veineuse périphérique. Suit, alors, une période d aplasie profonde pendant laquelle les risques principaux seront infectieux et hémorragiques. Vers j15, nous observerons les premiers signes de prise de moelle (amorce de sortie d aplasie) accompagnés des premières manifestations de la réaction du greffon contre l hôte. II s agit d une particularité de la greffe de moelle : ce n est pas le receveur qui rejette l organe greffé, mais les cellules greffées qui rejettent le receveur. - la troisième période concerne le passage en chambre protégée et la convalescence. Elle s étend de J31 à Jl 00. Durant cette période, le greffé apprend à se surveiller et à respecter certaines règles indispensables d hygiène, d alimentation, de prise du traitement... Les risques principaux à cette étape sont : la réactivation d une G.V.H., les infections liées à des germes tels que le C.M.V., le pneumocystis, l aspergillus, I herpès. Le greffé est surveillé en hospitalisation de jour et est réhospitalisé au moindre signe critique. - la dernière étape se situe après la sortie de l hôpital. C est une période longuement espérée par le patient. Les difficultés déjà citées restent toujours présentes. S ajoutent principalement le risque de rechute de la maladie hématologique qui survient le plus souvent dans l année qui suit la greffe. Retentissement sur la personne soignée On ne peut pas envisager la greffe de moelle sous le seul angle technique et médical. La greffe induit des changements au niveau de la personne «entité physique et psychologique», et aussi au niveau de I individu doté d un rôle familial, social et professionnel. Les modifications sont d ordre physiques et physiologiques : alopécie, amaigrissement, altération de I intégrité de la peau et des muqueuses, risques d insuffisance rénale, hépatique et respiratoire. Elles entraînent une perturbation de l image corporelle. Le patient manifeste sa peur liée à la prise de conscience qu un échec peut survenir. Le doute majore son stress, son angoisse : il ne prend plus d initiatives, ne fait plus de projets, il a le sentiment de ne plus être maître de sa vie. II est à la disposition des soignants, de la structure hospitalière. Des liens particuliers peuvent apparaître entre le receveur et le donneur lorsque celui-ci appartient à la fratrie. Une connivence s installe, parfois au détriment du reste de la famille qui se sent exclue de la relation. La longue absence du patient au sein de la structure familiale et professionnelle, va l exclure d un groupe qui s est modifié sans lui. II n en est plus le pilier. Le patient greffé va vivre cela en spectateur : il se sent dépossédé du rôle qu il s attribuait auparavant. La vie s est poursuivie sans lui. Cette «mise en veilleuse» va se prolonger avec un sentiment d incompréhension de part et d autre. Les incidences au niveau du couple vont être majorées du fait de la perturbation de la sexualité. Elle est due d une part aux effets du traitement (stérilité, diminution de la libido), et d autre part à la modification de l image corporelle. Tous les phénomènes cités vont aboutir à une remise en question complète de l individu et des valeurs auxquelles il s accroche, et perturbent l estime de soi. C est dans tout ce ressenti complexe et douloureux qu il va appréhender sa sortie, nécessitant une aide de la part du soignant. L information peut-elle apporter une réponse à ses difficultés? 2.3. l information L information au malade est insérée dans le contexte de la communication. Or, un système de communication n est jamais parfait, particulièrement en Hématologie où les problèmes soulevés sont liés à la nature même de cette spécialité : la greffe de moelle osseuse est le seul espoir face à une mort proche et lointaine à la fois. Le malade est le récepteur d un double message : d une part l espoir affiché et d autre part une mort annoncée. La communication ne sera jamais idéale : la qualité même du message émis n a pas pour corollaire la qualité du message reçu, car I information ne tombe jamais en terrain neutre. Si les mots ont un sens, si les non-dits ont leur sens, ils vont provoquer chez le patient des réactions diverses. Quelles sont elles? La quête d information réduit le sentiment d incertitude : pour CASSILETH (1980), les patients qui souhaitent le maximum d informations, bonnes ou mauvaises, ont davantage d espoir en la guérison que ceux qui n en souhaitent pas. L information renforcerait l espoir aux dépens des incertitudes. l information permet de regagner le contrôle sur les évènements : le sentiment de perte de contrôle décisionnel sur les évènements paraît corrélé aux sentiments de dépendance, abandon, vulnérabilité, incertitude du malade. L angoisse est générée par le haut degré d incertitude lors du départ au domicile : clairement informé, le 34 Recherche en soins infirmiers No 55 - Décembre 1998

L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR malade va pouvoir reprendre une forme de maîtrise sur son corps et son histoire, en n étant plus simple objet de soin. C est cette maîtrise là, parfois imaginaire, qui l aidera «à lutter contre l angoisse, ce qui procure un apaisement, même si cela ne suffit pas à éliminer la souffrance» (Y. BRUNO, 1990). l information est le support d une relation : le malade va pouvoir exprimer ses sentiments dans un climat empathique. L expression empathique des sentiments faciliterait l ajustement à la maladie. Le malade essaie de trouver un nouveau sens à sa maladie pour mieux la contrôler. La relation empathique permet de découvrir à deux des solutions qui n apparaissent pas jusqu alors au patient seul : I information mobilise les ressources et la volonté du malade. Dans la notion d information, s inscrit le sens du dialogue. En fait, l information véridique «n est pas une fin en soi, c est un des moyens d établir une relation authentique de collaboration sécurisante, ce qui est nécessaire au traitement des personnes en détresse» (B. HCERNI, 1995). L information jouera un rôle croissant dans la relation au patient, si l on considère mieux la qualité de vie de ces personnes malades. II existe de nombreux obstacles à l information : -d ordre structure1 : les locaux sont-ils adaptés? -d ordre organisationnel : y a t-il suffisamment de temps pour les soins d éducation et de prévention à coté des soins techniques 3 Prépare t-on la sortie du malade? - d ordre pragmatique : les techniques de communication peuvent-elles uniquement s acquérir par la formation? -d ordre relationnel : certaines difficultés tiennent à la personnalité des malades, altérée ou non par la maladie. Tous les patients n ont pas le désir ou la capacité de participer à la décision médicale qui pourtant les concerne. Les soignants, quant à eux, sont confrontés à une double contrainte, liée au message transmis : informer nécessairement d une part, et garder l espoir d autre part. La distance pour aider le malade est difficile à définir. (N. ALBY, 1991). II faut évaluer l information nécessaire à chaque patient. La hiérarchie doit faire place à un travail d équipe. II n y a pas de règle entre «tout dire» et «ne rien dire», il y a l information nécessaire mais forcément blessante pour les uns, restrictive pour les autres. II faut un grand respect des malades. Les malades vont mieux quand ils peuvent élaborer une vérité supportable pour eux. L information doit préserver la relation soignant-malade et être supportable pour chacun d eux. A l espoir affiché de convenance, de façade, viendra se substituer une relation plus authentique de confiance. Au piège de la question faut-il dire la vérité au malade 1 s agissant de maladie grave, toute parole peut être une bombe qui explose en faisant beaucoup de mal autour d elle. Ainsi, l information a ses exigences. Selon TATOSIAN (1990), l information devrait être -adaptée : à la situation du moment; au malade selon ce qu il est, selon ses besoins fondamentaux et ce qu il attend des soignants. - cohérente : dans le temps, au moment favorable pour le patient; au niveau des différentes équipes de soins : cela nécessite une grande disponibilité, une souplesse d adaptation et un travail de transmission constant de toute l équipe. -progressive : les personnes ont besoin de temps. II faut leur laisser le temps d assimiler, et selon les besoins, répéter l information. - non désespérante : l information est raccordée au vécu, à l histoire de chacun, ce qui lui donne son sens et cette vérité là devient une vérité supportable pour le malade lui-même. - partagée : l information donnée au malade doit être de façon égale donnée aux familles. L information est un travail d équipe et pour cela, il faut former les informateurs et étudier le fonctionnement des institutions de soins et de leurs partenaires extra-hospitaliers. Ces critères d exigence de l information vont nous permettre d analyser les besoins des patients, futurs greffés de moelle osseuse. «Un médecin informe bien un malade lorsque celui-ci est prêt à l entendre», mais la communication n est pas simple car «le médecin doit dire ce qu il n a pas envie de dire à quelqu un qui n a pas envie de l entendre» 35 Recherche en soins infirmiers No 55 - Décembre 1998

CHAPITRE 2 1. MÉTHODOLOGIE 1.l. Hypothèse générale Cette recherche est de type exploratoire. Nous dégagerons les caractéristiques de la situation sans manipulation de variables. L hypothèse que nous formulons est la suivante : «les informations données à un patient futur allogreffé sont une aide pour mieux appréhender l allogreffe de moelle osseuse et la période postgreffe». Les concepts principaux, relatifs à l hypothèse, développés dans le cadre théorique, doivent être opérationnalisés par rapport : - aux informations - quel type d information? - par qui? - de quelle manière? - à quel moment? - aux malades allogreffés - année de greffe; - âge, sexe et différentes pathologies. Ces indicateurs ont été formulés sous forme d hypothèses opérationnelles. 1.2. Les hypothèses opérationnelles Les hypothèses opérationnelles suivantes ont pu être posées : - HI : plus le patient est averti tôt, plus il a le temps de se préparer à la greffe de moelle; - H2 : les allogreffés ont été satisfaits de recevoir des informations sur le déroulement de la greffe de moelle osseuse, dès qu une date a été fixée; - H3 : plus le patient a d informations sur la greffe de moelle, plus il se sent prêt à subir une allogreffe de moelle osseuse; - H4 : les patients souhaitent une autre information que celle qui est donnée dans la réalité; - H5 : l information est une aide pour une greffe de moelle osseuse ; - H6 : il est important que les mêmes informations soient données en même temps aux futurs greffés et à leurs proches; - H7 : une association d anciens greffés serait utile pour donner des compléments d information; - H8 : les patients greffés souhaitent recevoir I information principalement du médecin; - H9 : les futurs greffés souhaitent une information personnalisée lors d un entretien. 1.3. Identification de la population et de I échantillon étudié Ce travail s appuie sur l étude de l ensemble des malades greffés dans le service d Hématologie du CHU de TOULOUSE. Les sujets sont atteints d hémopathies malignes ou d insuffisance médullaire. Ils sont soignés en secteur d hospitalisation traditionnelle ou en consultation avant d être traités par une greffe de moelle osseuse en unité stérile. Nous avons décidé de ne pas inclure dans notre recherche les patients tels que : - les enfants allogreffés (agés de moins de 15 ans lors de la greffe) : le nombre d enfants allogreffés est faible et leur âge aurait impliqué de diffuser le questionnaire aux parents. De plus, les enfants allogreffés et leurs familles reçoivent une information sur l allogreffe de moelle et ses suites dans le service de pédiatrie; - les patients présents à l unité de greffe lors de la passation du questionnaire : il faut, pour ces malades, tenir compte du vécu immédiat de leur situation difficile. L expérience du moment ne permet pas de mesurer l impact de l information à postériori. Les patients ont pu être interrogés à leur sortie de l unité stérile, soit au delà de 40 jours post-greffe. Afin de consulter un nombre suffisant de greffés, nous avons choisi d étendre l étude aux premières greffes de moelle osseuse, anciennes de 12 ans. Au total 100 sujets ont été contactés. Cette population n est pas homogène ni dans la répartition de l âge, ni dans la répartition du sexe, ni dans les caractéristiques socio-professionnelles. - 55 personnes ont répondu. Sur un effectif de 55 personnes ayant répondu au questionnaire, 30 sont des hommes, et 25 des femmes. La 36

L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR moyenne d âge des personnes ayant répondu est de 37,6 ans. Nous nous étions en effet fixé comme population de référence, celle des adultes greffés à TOU- LOUSE, c est-à-dire entre 15,6 ans et 60 ans. En ce qui concerne la situation familiale au moment de la greffe, 34,5% des individus étaient célibataires, 60% mariés, et 3,6% étaient veufs ou divorcés. Nous constatons que, de 1984 à 1990, 23 personnes ont répondu. On peut cependant noter que les plus forts taux de réponses concernaient les années 1993, 1994 et 1995. Au sujet de la maladie ayant nécessité une greffe, 67,3% des réponses concernent les leucémies. 10,9% concernent les aplasies médullaires. Le pourcentage moins important est en rapport avec une pathologie moins répandue. 9,1% des personnes n ont pas répondu à cette question : la formulation de celle-ci ne permettait pas de savoir si le patient ignorait son diagnostic réellement ou s il le niait. Les donneurs de ces patients étaient essentiellement des donneurs familiaux, dans 94,6% des cas. La répartition est celle ci : dans 49,1% des cas le donneur était le frère et dans 45,5% la sœur du patient. Les greffes avec donneur anonyme sont nettement moins répandues (5,5% des réponses de l étude). 1.4. Instruments d investigation Une pré-enquête a été réalisée sur le terrain auprès de trois catégories de personnes, à l aide d entretiens semi-directifs. 23 personnes ont participé à ces entretiens et se répartissent de la façon suivante : - 11 patients greffés rencontrés soit lors d une consultation, ou pendant une hospitalisation ; - 8 soignants des services d hématologie (unité de greffe et service pré et post-greffe «Hayem ))) ; -4 membres de la famille des patients (père, mère, épouse ou soeur). Nous avons évalué l information vis-à-vis du malade, ce qui nous a permis de recenser 24 questions. Nous avons appréhendé les difficultés réelles du terrain au regard de ces items. Cela nous a amené à construire un questionnaire cernant les avantages ou les difficultés amenés par I information. Nous avons structuré un questionnaire en deux parties précédées d une feuille de présentation de la population concernée. Cette dernière renvoie à l âge, au sexe, à la pathologie traitée, à l année de la greffe, à la situation familiale au moment de la greffe et à I origine du donneur. La première partie réfère aux informations obtenues avant et pendant la greffe : partie A, questions de 1 à 16 (exemple : le contenu des informations était-il suffisant pour vous aider?). La deuxième partie renvoie aux informations espérées ou attendues par les patients «après coup» : partie B, questions 17 à 24 (exemple : auriez-vous souhaité que vos proches soient informés en même temps que vous?). La majorité des questions posées est sous forme «fermée» avec possibilité d argumenter la réponse. 2 questions ouvertes sont proposées afin d évaluer : - la situation globale du patient au moment de la réponse qu il va donner; - le souvenir et l impact de la greffe de moelle osseuse sur le patient. La logique du questionnaire s inscrit dans les séquences des questions afin d évaluer l aide apportée par l information : - au niveau des parties A et B (vécu et attentes) qui sont identiques; - au niveau des situations pré-greffe, de greffe et postgreffe : quand, par qui, de quelle façon, quel contenu 1 1.5. Passation du questionnaire Un courrier a été joint aux questionnaires envoyés afin de présenter les objectifs de l étude, l identité des personnes qui la menaient, les modalités de retour des questionnaires. Les patients ont reçu les questionnaires, soit au domicile (essentiellement grand Sud-Ouest, Afrique du Nord, Burkina Faso), soit lors d une consultation à I hôpital ou remis lors d une hospitalisation de jour. 2. Présentation des principaux résultats significatifs Dans un premier temps, une analyse a pu être faite à partir des fréquences des réponses à chaque question posée. Pour chacune d entre elles, nous avons pu mettre en évidence les résultats et dégager une interprétation possible. Nous avons divisé cette analyse en trois parties, en fonction des trois niveaux établis dans le questionnaire : état civil, vécu des patients, leurs attentes. Une analyse est faite en parallèle entre le vécu et les attentes des patients. 37 Recherche en soins infirmiers No 55 - Décembre 1998

Nous vous présentons quelques uns des résultats les plus significatifs. Toutes les données nous permettent de tester les hypothèses opérationnelles que nous avions émises. Reprenons une à une chacune d entre elles. Hl : Plus le patient est averti tôt, plus il a le temps de se préparer à la greffe de moelle. 45,4 % des patients auraient souhaité une information précoce c est-à-dire entre 6 mois et un an avant la greffe. Ils souhaitent avoir le temps de se préparer à ce traitement. 40 % des patients pensent que le moment le plus adapté à une information sur la greffe de moelle se situe lors de l annonce du diagnostic de la maladie. Dans 213 % des cas, c est à l annonce de l existence d un donneur que le moment est jugé favorable. H2 : Les allogreffés ont été satisfaits de recevoir des informations sur le déroulement de la greffe de moelle osseuse, dès qu une date a été fixée. 52,8% des patients ont reçu une information sur la greffe aussitôt qu un planning et qu une date ont été établis. Les réponses au questionnaire montrent que 83,6% des greffés ont été satisfaits du moment choisi. H3 : Plus le patient a d informations sur la greffe, plus il se sent prêt à subir une allogreffe de moelle osseuse. 63 % des patients se sentent prêts pour la greffe, mais il est important de souligner que pour 96,4 % des greffés, il est essentiel de donner plus de détails sur l allogreffe. H4 : Les patients souhaitent une autre information que celle qui est donnée dans la réalité. Certaines informations répondent aux attentes des greffés. Au sujet des risques infectieux, de l hygiène et de l alimentation, les patients estiment avoir reçu les éléments d information nécessaires à la reprise d une autonomie hors de l hôpital. Les trois domaines pour lesquels les greffés souhaitent plus d informations sont : premièrement les aspects techniques de la greffe, puis les effets secondaires des traitements, et en troisième position la sortie du centre hospitalier. - les différentes manifestations de la G.V.H., - les greffés accordent moins d importance au déroulement du prélèvement de moelle. Au sujet des effets secondaires des traitements, les patients souhaiteraient plus d informations sur : - la stérilité chimie-induite et la cystite hémorragique, - le déroulement de la radiothérapie, ainsi que les risques de nausées, vomissements et parotidite qu elle peut entraîner. Lors de la sortie du centre hospitalier, les difficultés concernent le manque d information sur : - les règles d hygiène à respecter, - l activité physique possible, - la présence d animaux de compagnie, - la reprise de l activité sportive, sexuelle, professionnelle, - la réadaptation à la vie antérieure, - l aménagement du lieu de vie. L histogramme suivant nous permet de visualiser I inadéquation entre l information reçue et celle jugée nécessaire par les greffés, pour la reprise d une vie sociale hors de l hôpital. Les difficultés ressenties par ces patients sont nettement supérieures à celles qui ont pu être envisagées par les équipes de soins. INFORMATIONS RELATIVES A LA REPRISE D UNE VIE SOCIALE ET PERSONNELLE LORS DE LA SORTIE DE L HOPITAL 80.00% 7 0 oo / 0~, 60 I 009 0 ~ 50 I007 0~ 40,00% Concernant les aspects techniques, les points particuliers sur lesquels porte la demande des greffés sont : - la pose et l entretien du cathéter. - le déroulement de I hyperhydratation, - la liste de donneurs de plaquettes, - la pharmacologie de la ciclosporine et la durée du traitement, 0.00% Activité Aciivité Vie Sporttve Professionnelle Sexuelle II vecu Attentes 38

L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR H5 : l information est une aide pour une greffe de H9 : les futurs greffés souhaitent une information permoelle osseuse. sonnalisée lors d un entretien. II apparaît que 96,4% des greffés pensent que I information sur la greffe et ses suites est indispensable. H6 : II est important que les mêmes informations soient données en même temps aux futurs greffés et à leur proches. 80% des patients auraient souhaité que leurs proches soient informés en même temps qu eux. H7 : Une association d anciens greffés serait utile pour donner des compléments d information. II apparaît que 81,8% des patients souhaitent la création d association d anciens greffés. H8 : les patients greffés souhaitent recevoir I information principalement du médecin. II apparaît que 89,1% des patients désirent que le médecin hématologue les informe. 54,5% des greffés pensent que l équipe soignante de l unité de greffe doit donner des compléments d information. Notons également que 32,7% souhaiteraient une prise en charge du médecin traitant. Celui-ci assurerait, ainsi, le relais des équipes hospitalières. Dans certains cas, il apparaît que les anciens greffés peuvent être une ressource en parlant de leur vécu. Les patients soulignent l action complémentaire des collaborateurs du médecin, chacun ayant un rôle à jouer aux différents moments de I information. Une représentation de ces résultats peut être donnée grâce au graphique ci-dessous. PERSONNES SOUHAITÉES POUR UNE INFORMATION SUR LA GREFFE Nous pouvons constater que l entretien avec le médecin est privilégié dans 67,3% des réponses. 50,9% des patients accordent une priorité à la rencontre avec le personnel des centres de greffe. Puis, la visite des locaux permet de donner les repères souhaités par le futur greffé. II apparaît donc indispensable de favoriser les moments de contact et d institutionnaliser les échanges entre les personnes soignées, leurs familles et les différents partenaires de soins des centres de greffe. Si nous considérons I histogramme suivant, il est aisé de constater les désirs des patients concernant l outil d information requis. OUTILS D INFORMATION ATTENDUS PAR LES PATIENTS 60.00% 1 OO,OO% Entretien Entretien Visite Médecin Equipe Locaux Livret Videa 80.00% 60.00% Toutes les hypothèses opérationnelles sont confirmées et corroborent l hypothèse générale de recherche : «Les informations données à un patient futur allogreffé sont une aide pour mieux appréhender l allogreffe de moelle osseuse et la période post greffe.» CONCLUSION Médecin Équipe Médecin Ancien Soignante Traitant Greffé Ce travail de recherche s est avéré très riche. Ses intérêts sont multiples et concernent les différents acteurs du système de santé. Pour les usagers des unités de greffe, cette recherche va aboutir à l élaboration d un support d information. II 39

sera utile pour donner, aux patients et à leurs proches, les bases nécessaires avant le traitement. Une évaluation de ce que la personne soignée a compris pourra être ensuite envisagée lors d un entretien. Nous avons pu, également, déterminer les conditions requises par le patient pour que le soin éducatif soit considéré comme une ressource. Les besoins réels apparaissent dans le contenu de l information (les renseignements nécessaires), la forme (l entretien est privilégié), la personne qui informe (le médecin puis l équipe infirmière). II est indispensable de formaliser la rencontre entre les futurs greffés, leurs proches et les soignants. Les échanges, établis lors de ces entretiens, instaurent un climat de confiance. Le futur greffé sait ce qu il va vivre et garde un sentiment de maîtrise sur sa vie. Les proches ne se sentent pas exclus et impuissants et peuvent se révéler d excellents partenaires de soins. L hôpital n est plus perçu comme un milieu hermétique et hostile. Ces éléments permettront d améliorer la prise en charge globale du patient, en réduisant les situations critiques liées au stress et à l appréhension face à I inconnu. Les soignants sont eux-mêmes confrontés à une nouvelle approche des soins. II ne s agit plus de distiller des informations parce que nous les jugeons utiles. L écoute peut permettre d identifier les besoins réels des patients. II est nécessaire d assister les équipes soignantes pour qu elles maîtrisent ce type de relation d aide, mais ceci implique de favoriser les formations aux techniques de communication. Des pistes de réflexion sont ouvertes sur de nouveaux champs d actions. Nous avons parlé de la nécessité d un meilleur suivi extra-hospitalier. II ne s agit pas d alourdir encore la tâche des acteurs hospitaliers. Cependant lors d une approche globale du patient, nous sommes conscients que la prise en charge ne peut s arrêter à la porte de l hôpital. Alors, pourquoi ne pas réfléchir à une collaboration avec les partenaires sociaux extra-hospitaliers? L important n est pas de faire émerger des rivalités, mais prendre conscience des ressources qui nous sont offertes. Le principal bénéficiaire sera évidemment le patient, mais aussi l institution. Cela peut aboutir à une meilleure gestion du personnel, du temps et des moyens. Un des intérêts de ce travail est de faire prendre conscience, à la population infirmière, de son rôle autonome et de sa spécificité professionnelle : I éducation, l information et la prévention. Le temps passé à ces différentes actions est nécessaire. Lorsqu elle aura intégré ces données, il sera possible de susciter, alors, une reconnaissance de la part des cadres, des médecins et de l institution. II apparaît absolument nécessaire d instituer, de façon formelle, des moyens humains et matériels afin de répondre aux besoins des usagers des secteurs de greffe. La qualité du soin dans sa dimension relationnelle s établira à travers des moments d échanges organisés et planifiés pour I ensemble de l équipe. II s agit de leur donner envie d améliorer la qualité des soins dispensés, en mettant en avant des thèmes de réflexion. Les infirmiers possèdent de nos jours suffisamment de publications et d accès à l information pour ne pas se contenter d un savoir traditionnellement basé sur l expérience. L ouverture vers la recherche en Soins Infirmiers permet aux soignants d avoir une approche critique des différents travaux effectués. Elle entraîne une amélioration de la démarche méthodologique et aboutit à l émergence de nouveaux thèmes de recherche. Cependant, malgré les divers intérêts de cette étude, certains biais ont été mis à jour. La population de référence (les allogreffés de moelle osseuse de Toulouse) est assez réduite et hétérogène. L échantillon étudié comportait des greffés de 10 ans. Nous pouvons supposer que le temps écoulé a modifié leur souvenir de la greffe et en conséquence leurs perceptions des besoins en information. II apparaît tout à fait probable que, lors de suites de greffe difficiles, leur jugement par rapport à l information puisse être négatif. En ce qui concerne les greffes récentes, les patients n ont peut-être pas pris suffisamment de recul vis à vis du traitement. Cette période difficile et longue est encore trop intense dans leur mémoire et peut modifier leur position et leurs attentes. II est évident qu une étude portant sur plusieurs centres ayant un abord identique de la greffe, permettrait d uniformiser la population de référence. II serait intéressant que ce champ d action soit examiné. L enseignement que chacun peut retirer de cette étude est que «l information est une ressource pour le futur allogreffé de moelle osseuse et sa famille». Elle est également une ressource pour les soignants : l information devient alors un alibi à l échange et à la communication. BIBLIOGRAPHIE ALBY N. et BAUDIN M. (19941, Conséquences psychologiques des transplantations d organes, Revue du Praticien, 44, p.492-495, Paris. 40 Recherche en soins infirmiers No 55 - Décembre 1998

L INFORMATION, UNE RESSOURCE POUR LE FUTUR CIRCULAIRE DGS/DH/95 no22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients hospitalisés et comportant une charte du patient hospitalisé. ESPEROU-BOURDEAU H. (1994), Les greffes de moelle osseuse avec un donneur non apparenté, Ca revue du praticien, p. 1851, Paris. ETABLISSEMENT FRANCAIS DES GREFFES, Rapport annuel concernant les greffes de cellules souches hématopoïétiques en France, Paris, 1995. GLUCKMAN E., Greffe de moelle osseuse allogénique, Soins n 538/539, p. 33-34, juillet-août 1990. HERZLICH Cl., Santé, maladie, analyse d une représentation sociale, Editions des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1984. HOERNI B., L information des personnes malades, Editions SIMEP, 1982. LUSSIER M., Réactions du receveur adulte aux stress de la greffe de moelle osseuse, L infirmière canadienne, p. 20-23, mai 1984. MASSION j. (1984), Le droit du malade à I information, Gestions hospitalières, n 234, p. 209-211. ROUVIERE H., L estime de soi, l image de soi et les stratégies de coping aux risques de la maladie, du cancer et du sida, Thèse de doctorat, Toulouse, juin 1994. SCHMIDT G. M. et al., Extended follow-up in 212 long-term allogeneic bone marrow transplant survivors, Transplantation, vol. 55, n 3, p.551-557, 1993. TATOSIAN A. et FRESCO R. (1990), Communication Vllèmes journées de l Association Psychologie et Cancers, Montpellier. WHEDON M. et FERRELL B.R. (1994), Quality of life in adult bone marrow transplant patients : beyond the first year, Seminars in Oncology Nursing, vol. 10, no 1, p. 42-57.