Introduction L assurance est une technique qui repose sur un contrat, le contrat d assurance, en vertu duquel un assureur s engage, en contrepartie du versement régulier d une prime, d indemniser les sinistres dont une personne (assuré ou tiers) est victime. Théoriquement, les risques les plus divers peuvent être pris en charge par l assurance : risques matériels (incendie, vol ), risques humains (invalidité, maladie, vieillesse ) ou risques juridiques (la responsabilité civile). L idée d assurance est loin d être nouvelle, même si les procédés de gestion, impliquant notamment des calculs mathématiques, sont devenus de plus en plus complexes. Les calculs mathématiques qui servent de base aux opérations d assurance sont apparus au 17 ème siècle. Le développement des branches d assurance ne s est pas opérée en un seul trait de temps. L essor des assurances terrestres, par exemple, est un phénomène récent lié à la révolution industrielle et au phénomène d urbanisation qui a marqué la France au cours de ces deux derniers siècles. Un droit applicable aux opérations d assurance a vu le jour peu à peu. En simplifiant, le législateur est intervenu en réglementant le contrat d assurance par la loi du 13 juillet 1930. L activité d assurance a fait l objet des décrets du 14 juin et du 30 décembre 1938. De nombreux textes ultérieurs ont complété et modifié ces dispositions. L objet du présent ouvrage est d insister sur les règles générales de l assurance (TITRE I) et sur les principales catégories d assurances qui fonctionnement aujourd hui (TITRE II). 9
Titre 1 : Les Règles générales de l assurance Il s agit tout d abord de mettre en lumière les particularités et les impératifs de l assurance compte tenu des évolutions qui se sont réalisées ces dernières années dans ce domaine, et du succès de ce mécanisme. On s intéressera ensuite à ce que l on peut appeler les constantes de l assurance, c est-à-dire par exemple le paiement d une prime par un assuré pour faire face à la réalisation d un sinistre, et sur les conséquences juridiques qui vont en découler. Enfin, l étude portera sur le contrat d assurance lui-même puisqu il sert de lien, dans une opération d assurance, entre un assuré et son assureur. 11
Chapitre I Les Particularités de l assurance Aujourd hui, l assurance est un secteur, pour ne pas dire un marché, très complexe faisant appel à de nombreux acteurs, dont certains n ont rien de spécifique à ce domaine : spécialistes de la finance, de fiscalité, de la gestion d actifs, ou des techniques comptables. D autres sont en revanche spécialistes du métier de l assurance ainsi qu en témoigne la multiplication du nombre d actuaires, de spécialistes de la prévention, de l assistance ou la réassurance. Le secteur de l assurance occupe aujourd hui des milliers de salariés dont les juristes ne représentent qu une partie : commerciaux, économistes, informaticiens, spécialistes de marketing, spécialistes de communication Section 1 : La technique de l assurance L élaboration d un Code des assurances (1976) constitue une étape majeure dans le développement d un droit des assurances. Il regroupe, selon un plan scientifique, les textes adoptés dans le domaine des assurances. Ce code se divise en trois parties (partie L législative, partie R contenant des décrets en Conseil d Etat, partie D contenant des décrets simples). 1 Le droit des assurances Le Code des assurances est divisé en plusieurs livres. Le premier réglemente de contrat d assurance en distinguant les règles communes aux divers types de contrat des règles spécifiques (assurances de personnes, assurances de groupe, contrats de capitalisation, assurances maritimes ). Le livre II traite des assurances obligatoires notamment de l assurance des véhicules terrestres à moteur ou de l assurance responsabilité civile des chasseurs. Le livre III s intéresse aux entreprises d assurances et pose un certain nombre 13
de principes auxquels ces dernières doivent se soumettre, par exemple sur le plan financier et administratif. Les organisations et régimes particuliers d assurances sont envisagées dans le quatrième livre, en particulier le fonds de garantie automobile ou le régime obligatoire d assurance maladie des exploitants agricoles. Enfin, le livre V contient des règles relatives aux agents généraux, courtiers et autres intermédiaires d assurances. Le droit des assurances est devenu de plus en plus complexe ces dernières décennies en raison notamment de la construction européenne et de la nécessité de protéger les consommateurs. De nombreux textes communautaires ont en effet vu le jour en matière d assurances. De plus, le législateur est intervenu pour protéger les consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels. A bien des égards en effet, les compagnies d assurance constituent des "professionnels de l assurance" et les assurés désignent leurs clients ou "consommateurs d assurance". On aura l occasion de revenir sur les implications de ces deux phénomènes (infra, chapitre 2). 2 Les principales distinctions On peut classer les assurances de diverses façons. A Assurances individuelles et collectives Une séparation intéressante est réalisée entre deux formes d assurances, qui présentent néanmoins le point commun d être des techniques de protection de grande dimension, l assurance individuelle et l assurance collective. L assurance dite individuelle est simple dans son principe : elle consiste en une adhésion réalisée par une personne auprès d un assureur dans le but d obtenir une couverture contre un ou plusieurs risques (exemple : assurer son habitation). Cette forme d assurance se rapproche de la technique mutualiste compte tenu des adhésions individuelles. L assurance dite collective est une technique plus globale : elle conduit à regrouper auprès d un même assureur des personnes qui se trouvent confrontés aux mêmes préoccupations et qui possèdent des capacités financières identiques. Les regroupements peuvent par exemple s opérer dans le cadre d entreprises. Le risque vieillesse en constitue un exemple significatif dans la mesure où les salariés d un même secteur professionnel, ou d une 14
même entreprise, peuvent par exemple cotiser à une assurance, "assurance vieillesse", en versant à l assureur une portion de leur salaire sous forme de prime. A l âge de la retraite, les salariés qui bénéficient de cette forme d assurance perçoivent une pension qui s ajoute aux prestations de base de le sécurité sociale. B Assurances de dommages et assurances de personnes Dans le cadre des assurances de personnes, l assureur verse à un bénéficiaire une prestation forfaitaire fixée lors de la conclusion du contrat (par exemple dans assurance sur la vie) alors qu il doit verser une prestation à caractère indemnitaire en matière d assurance de dommages (par exemple dans l assurance automobile). Cette distinction est justifiée puisque l assureur, dans le cadre des assurances de dommages, doit réparer les conséquences d un sinistre. Dans le cadre des assurances de personnes, sa mission ne consiste pas directement à indemniser le bénéficiaire. Plus précisément, il verse une prestation dont le montant a été déterminé dès le départ. Au sein des assurances de dommages, une sous-distinction est opérée : on peut en effet s assurer contre les dommages dont on pourrait être l auteur (assurance dite de responsabilité) ou assurer les biens que l on possède contre les dommages dont ils pourraient souffrir : vol par exemple (assurance de choses). C Assurances gérées en capitalisation et assurances gérées en répartition La distinction entre les assurances gérées selon le mécanisme de la capitalisation et selon la technique de la répartition repose sur un critère financier. Lorsque l assureur affecte à plusieurs assurés, victimes d un sinistre, la somme des primes versées par l ensemble des assurés, il utilise la technique de la répartition. L assurance automobile en constitue un exemple. En revanche, lorsque les primes sont accumulées sur une longue période, il s agit d une assurance gérée en capitalisation : l assurance sur la vie en est un exemple révélateur. 3 La place du droit des assurances Deux questions sont en réalité à formuler : la première est celle de la place du droit des assurances au sein du Droit lui-même et la seconde est relative à l autonomie de ce droit par rapport au droit civil. 15
D une part, on peut s interroger sur la place du droit des assurances au sein du Droit dans son ensemble compte tenu de la séparation traditionnelle opérée entre de droit privé et le droit public. Le droit des assurances doit-il être rangé dans l une ou l autre de ces deux disciplines ou constitue t-il une matière mixte? A n en point douter, il doit être rangé dans le droit privé, et cela pour une foule de raison : le contrat d assurance est soumis au droit des obligations et donc au droit civil ; les compagnies d assurances sont traditionnellement des personnes morales à but lucratif ; leur financement se réalise au moyen de primes versées par les assurés. Toutefois, ces remarques ne doivent pas masquer le rôle exercé par la puissance publique dans le monde de l assurance, par exemple dans la procédure de contrôle des entreprises d assurances (cf infra). D ailleurs, les administrations publiques utilisent la technique de l assurance pour protéger ses biens, preuve que les opérations d assurances débordent du cadre privé. D autre part, puisque le droit des assurances s inscrit pour l essentiel dans les rapports entre les personnes privées, encore faut-il connaître sa place exacte au sein du droit privé. De ce point de vue, il correspond à un exemple de ce que l on appelle les droits "d exception". En effet, il est classique d affirmer que le droit privé se compose d une matière centrale, le droit civil ou droit commun, et d une foule de matières ponctuelles droit du travail, droit commercial qui ont été conçues pour réglementer les situations précises. Le droit des assurances s applique aux rapports entre les assurés et les compagnies d assurances et tient compte des particularités de ces relations. Section 2 : Distinction entre l assurance et d autres formes de garantie L assurance n est pas la seule technique qui permet de se prémunir contre un événement défavorable. Elle constitue une technique de garantie parmi d autres. Plusieurs exemples permettront de se convaincre de cette pluralité. 16
1 Assurance et responsabilité Ce sont deux dispositifs qui ne doivent pas être confondus malgré une complémentarité certaine. La responsabilité civile (Code civil. Art. 1382-1386) permet à la victime d un dommage (matériel, corporel ou moral) d obtenir une réparation versée par l auteur de ce dommage. Le plus souvent, cette réparation est obtenue grâce à une action en justice intentée par la victime contre le responsable. La réparation s effectue sous la forme de dommages-intérêts. L assurance désigne quant à elle une opération juridique dans laquelle un assureur s engage à indemniser la victime d un sinistre en vertu d un contrat d assurance. Ce dernier est un acte par lequel une personne, l assuré, accepte de verser une prime à l assureur, afin de se prémunir contre certains risques : incendie, vol, grêle Lorsque un sinistre se produit, l assureur est chargé de régler le sinistre. Malgré ces différences, la complémentarité entre ces deux techniques est naturelle. En effet, lorsque le responsable d un dommage est insolvable, l action dont dispose la victime contre lui ne présente aucun intérêt. En revanche, si le responsable a souscrit une assurance, la victime peut assigner en justice le responsable et son assureur. Les capacités financières de ce dernier lui garantissent une réparation. C est la raison pour laquelle, notamment, l assurance de responsabilité civile automobile a été rendue obligatoire afin de garantir une réparation aux victimes d accidents de la circulation. Par ailleurs, lorsqu un dommage a été causé, non par une personne, mais par une force de la nature (catastrophe naturelle, foudre ), il est impossible de rechercher un responsable déterminé. L assurance apparaît, dans ce genre de situation, comme une solution intéressante, car elle permet à la victime d obtenir une indemnisation versée par un assureur, à condition qu elle ait souscrit au préalable un contrat d assurance. 2 Assurance et mutualité La mutualité rassemble de façon volontaire un certain nombre d individus qui se sentent liés par des intérêts semblables afin de surmonter en commun les conséquences de certains risques. Dans son principe, la mu- 17
tualité est une technique intéressante car elle exclut la recherche de bénéfices. C est en cela qu elle se distingue nettement de l assurance. Il existe néanmoins un point commun essentiel entre ces deux techniques dans la mesure où elles font appel, dans leur fonctionnement, à un grand nombre de cotisants : une éventualité ne peut être couverte que si un nombre suffisant de personnes acceptent de verser des contributions. Ainsi, il est bien souvent difficile de distinguer les compagnies d assurances des mutuelles au sens strict, d autant plus que la décision d adhérer à l une ou l autre est en principe facultative. 3 Assurance et Sécurité sociale Dans la pratique, il est fréquent d opposer ces deux techniques au motif qu elles reposent notamment sur deux logiques différentes. Ainsi, l assurance n a pas directement pour objectif d instaurer une solidarité entre les membres du corps social. Elle est difficile à dissocier d une idée de rentabilité : l assureur accepte de couvrir la plupart des risques. Mais les plus coûteux le seront à condition que l assuré verse une prime élevée. La Sécurité sociale organise, quant à elle, une redistribution entre des cotisations et des prestations sans tenir compte des capacités financières des bénéficiaires. Voilà pourquoi on la qualifie de "sociale". Elle intervient surtout dans la couverture des risques maladie, vieillesse ou invalidité. La population active doit obligatoirement y adhérer obligation d affiliation et les organismes de sécurité sociale possèdent un monopole dans la gestion et le versement de prestations sociales. Il ne convient pas, pour autant, d introduire une hiérarchie entre l assurance et la sécurité sociale car l une et l autre présentent des faiblesses. L assurance laisse sans protection les personnes qui n ont pas les moyens de verser des primes (invalides, malades ) et la Sécurité sociale, plus humaine en apparence, présente le sérieux inconvénient de conduire à des déficits importants lorsque les cotisations sont insuffisantes pour financer les prestations L avenir de ces deux techniques doit être envisagé en termes de complémentarité bien plus que de concurrence. Plutôt que d affirmer que l une est plus efficace que l autre, il est préférable de les articuler afin de combler 18
leur faiblesses spécifiques. Puisque dans leur principe, elle sont très voisines (collecter des fonds afin de réparer les conséquences de certains risques), il est judicieux que les personnes qui le souhaitent, et qui en ont les moyens, puissent recourir sans aucune restriction à l assurance pour combler les lacunes de la Sécurité sociale. 4 Assurance et assistance Le terme assistance reçoit deux définitions au moins. Il est nécessaire de bien les distinguer en remarquant néanmoins qu elles se rejoignent parfois : en effet, dans les deux cas, l assistance est définie selon ses finalités. L assistance est, en premier lieu, une forme de charité organisée dans des circonstances précises. Lorsqu elle est organisée par la puissance publique, elle consiste notamment à assurer aux plus démunis un minimum vital. Selon cette définition, elle demeure distincte de l assurance puisque cette dernière implique une participation financière des bénéficiaires sous forme de primes. L assistance a parfois été mise en place par le pouvoir politique pour éviter des troubles sociaux graves et parfois également dans le souci de réaliser une véritable politique sociale en faveur de la population. Elle correspond donc à une technique de protection. L assistance correspond, en second lieu, à une technique consistant à porter secours à des personnes se trouvant placés momentanément dans une situation difficile, dont elles ne peuvent se sortir seules : skieur victime d un accident en montagne et devant être évacué. Dans ce genre de circonstance, les secours peuvent être organisés sur la base d un acte juridique, la convention d assistance, conclue entre l intéressé et une entreprise déterminée (entreprise d assistance, banque, société d assurances ). La convention d assistance prévoit notamment les modalités d évacuation (frais, délais ), ainsi que le montant de la contribution à la charge du bénéficiaire. Les liens entre cette forme d assistance et le mécanisme de l assurance sont donc étroits : non seulement ils sont organisées sur une base contractuelle, mais encore elles supposent une contribution du bénéficiaire destinée à financer la prise en charge. 19