Par : Sonia Neas, 5 rue Principale, St-Thomas, G0W 1P0, 418-274-3615 France Thibeault, 1396, rue Roy, Normandin, G8M 3V3, 418-274-4598 RÉSUMÉ : Neas S. et Thibeault F., 2000, Les spirales inspirant la nature, Expo-journal, rapport interne, département des sciences de la nature, Cégep de St-Félicien, 7 pages Le monde végétal présente de nombreuses structures étonnantes de régularité, comme on peut le constater en observant une fleur de tournesol, une pomme de pin, ou simplement la disposition des feuilles le long d une tige. De plus, on sait depuis longtemps que ces structures possèdent des propriétés géométriques et mathématiques bien particulières. Comment ces arrangements peuvent-ils se constituer lors de la croissance des plantes? Pour répondre à cette question, nous avons étudié la croissance des plantes. Les résultats ont permis de montrer qu il existait une relation directe entre les formes spiralées des plantes et leur croissance. Par conséquent, ces figures ne font pas partie du patrimoine génétique de celles-ci, c est la dynamique de la croissance qui provoque leur apparition. De plus, l incision d un apex, une expérience en physique et en fait, tout ce qui concerne la pousse des plantes (feuilles et tige) nous a également permis de trouver qu elles partageaient toutes un lien avec le nombre d or et que le facteur clé dans l apparition des primordia, c est la place libre. MOTS-CLÉS : biologie, végétaux, phyllotaxie, croissance, patrimoine génétique, nombre d or. Les spirales inspirant la nature B7-1
INTRODUCTION Nombreuses sont les plantes dont les feuilles s enroulent en hélice autour de leur tige, de même que les pétales autour de leur cœur. L enchevêtrement spiralé que l on observe chez beaucoup de plantes est plus qu une simple constatation puisque lorsqu on les regarde de plus près, on s aperçoit qu elles partagent toutes une préférence marquée pour des nombres mathématiques remarquables. À la première vue de ce phénomène sur un de ces végétaux, on peut observer deux familles de spirales; celles qui sont parallèles, appelées «parastiches» (Guillemot, 1994), elles sont enroulées les unes des autres dans le sens des aiguilles d une montre et les autres en sens opposé. En les comptant pour différentes espèces végétales, on constate que leurs dénombrements appartiennent tous à la célèbre «suite» de Fibonacci (Khalatbari, 1994) La suite de Fibonacci suit la règle que chaque nombre en faisant partie est en fait la somme des deux nombres qui le précèdent, dont les deux premiers termes sont 0 et 1. Elle débute comme suit : 0,1,1,2,3,5,8,13,21,34,55,89, etc. Au fur et à mesure que les nombres de cette suite croissent, le rapport entre deux termes successifs tend vers le nombre d or qui est de 1,618. Le secret des plantes spiralées se résume par leur croissance (ceci ayant été démontré par Stéphane Douady du laboratoire de physique statistique de l École normale supérieure de Paris et par Yves Coudert, professeur à l université Paris V11. Les feuilles naissent toutes au même endroit sur la plante : à la pointe de l apex. Les feuilles apparaissent à l apex lors de la croissance et sont à ce moment un primordium (amas de cellules indifférencielles qui deviendront dans le futur des feuilles, des pétales ) rapidement, elles poussent en s éloignant de cette extrémité : l apex (organe qui contient toutes les cellules qui se définiront). Peu de temps après, naît un nouveau primordium qui s écarte à son tour de l apex, dans la direction du plus grand espace laissé libre. Deux primordia ne peuvent s éloigner de l apex en migrant dans la même direction. Le côté universel des spirales végétales provient de cette règle de croissance (Meyerowitz, 1997). En prouvant que cet arrangement spiralé n est pas nécessairement immuable, on prouve que la morphogenèse spiralée des plantes n est pas inscrite dans le patrimoine génétique de la plante. À partir de cela, nous avons élaboré quelques hypothèses que nous voulions vérifier dans notre projet: Pour une espèce donnée, chaque famille de parastiches donne deux nombres consécutifs dans la suite de Fibonacci, le rapport de ceux-ci donne le nombre d or et chaque feuille forme avec la précédente toujours le même angle appelé : angle de divergence. Moins la tige grandit vite par rapport au rythme de pousse des feuilles, plus les feuilles seront serrés et plus le nombre de parastiches apparent sera grand. Le nombre de parastiches apparent est inversement proportionnel à la vitesse de croissance. Au cours de la réalisation du projet, nous avons conçu une nouvelle hypothèse à l'effet que l'enroulement des animaux spiralés répondait aussi au nombre d'or. MATÉRIEL ET MÉTHODES La forme spiralée chez les plantes n est pas prédéterminée génétiquement. Afin de réaliser nos expérimentations, nous avions pour la première hypothèse émise décidé de procéder par trois méthodes: 1. Orthostique 2. Famille de parastiches 3. Angle de divergence B7-2 Les spirales inspirant la nature
La première méthode que nous avons utilisée pour recueillir ces nombres qui caractérisent la phyllotaxie de la plante est l'orthostique. On procède en sélectionnant 2 feuilles exactements superposées sur le même angles de la tige. Le rapport du nombre de tours de la tige et le nombre de feuilles rencontrées entre les 2 feuilles donne la phyllotaxie de la plante. Les nombres formant le rapport sont tous les deux, deux nombres consécutifs dans la suite de Fibonacci, alors le rapport de ceux-ci donne le nombre d'or. Figure 1: Orthostique La deuxième méthode consiste à déterminer le nombre de familles de parastiches qui tendent vers la droite et la gauche. Figure 2: Familles de parastiches La troisième méthode est de mesurer l'angle de divergence entre 2 feuilles consécutives sur la tige d'une plante. Pour vérifier la deuxième hypothèse, nous avons fait pousser des plantes dans la serre du cegep. Pendant trois semaines, nous avons mesuré la longueur de pousse de la tige par rapport au nombre de feuilles. Après ce cours laps de temps, nous avons sélectionné les trois plantes qui poussaient le plus rapidement et les trois plantes qui poussaient le plus lentement. Afin de mieux comprendre le phénomène de la croissance, nous avons reproduit, à l'aide d'une expérience de physique, le repoussement des primordia autour de l'apex lors de la croissance de la plante. Nous avons réalisé une expérience, à partir des explications données par les créateurs de l'expérience (Bravais, 1993),.où des gouttes de ferro-fluide (liquide magnétique fait de limaille de fer très petite et d'huile minérale) était déposé dans une ampoule à décantation et celles-ci tombaient régulièrement au centre d'une coupelle remplie d'eau. Les gouttes s'éloignaient grâce à un champ magnétique adéquat créé à partir de trois aimants disposés selon qu"il y en ait un de chaque côté et un au centre. Pour la dernière hypothèse de départ, nous avons incisé un apex d'une violette africaine à l'aide d'un scalpel préalablement désinfecté à l'alcool (éthanol 70%). Nous avons laissé croître la plante en lui donnant les soins nécessaires et en l'observant quotidiennement. Pour notre nouvelle hypothèse, nous voulions trouver le lien entre la forme spiralée du nautile et le nombre d'or. Nous avons procédé en calculant le nombre de chambres compris dans l'angle d'or. Pour ainsi faire, nous avons utilisé un simple rapport d'angle et nous avons sélectionné deux parties consécutives de l'angle d'or. RÉSULTATS Tableau 1: Rapport de l'orthostique, pour chaque espèce végétale. Espèce Nombre de Nombre Rapport tours de tige de feuilles Statice 3 5 1,67 Velvet queen 1 1 1 Les spirales inspirant la nature B7-3
Tableau 2: Rapport de familles de parastiches vers la droite et la gauche, pour chaque plante. Espèce Famille de parastiches à droite Famille de parastiches à gauche Rapport Pomme de pin Picea Abies 8 5 1,63 Violette 3 5 1,67 africaine Ananas 8 13 1,63 Tableau 3 : Angle entre deux feuilles consécutives (angle de divergence). Espèce Angle de divergence Statice (statice) 136 Velvet queen 135 Sedum ellacombianum 137 Papaver orientale 137 Tableau 4: Rapport entre la longueur de la tige et le nombre de pousses chez la Statice (statice). Plante Longueur Nombres Observations de tige de feuilles ±0,2 Cm 1 11,0 44 Feuilles serrées 2 11,5 29 Feuilles serrées 3 10,5 13 Feuilles non serrées 4 8,5 24 Feuilles serrées 5 9,0 15 Feuilles non serrées 6 10,0 13 Feuilles non serrées La simulation de la croissance d'une plante montre que les gouttes du ferro-fluide s'organisent selon des modes spiralés (Bravais, 1993). Figure 3: Organisation spontanée de gouttes de ferro-fluide dans un champ magnétique Tableau 5: Le nombre de chambres chez le nautile, compris entre l'angle d'or. Degré De 0 à 137 30" De 137 30" à 274 60" Discussion Nombre de chambres à l'intérieur de l'angle d'or Pour une première analyse concernant l'orthostique, nos données nous portent à croire que notre hypothèse de départ était exacte, c'est-à-dire que les deux nombres qui constituent le rapport sont des nombres consécutifs de la suite de Fibonacci. Ainsi, le rapport tend vers le nombre d'or. Cette partie constitue une de nos nouvelles hypothèses. Au tableau 2, on peut remarquer que le rapport entre le nombre de familles de parastiches vers la droite et le nombre de familles de parastiches vers la gauche donne bel et bien le nombre d'or puisque ces deux nombres sont deux nombres consécutifs dans la suite de Fibonacci dans les trois espèces considérées. Les angles de divergence, illustrés au tableau 3, varient entre 135 et 137, ainsi, on peut en conclure que notre hypothèse s'avère véridique puisque la donnée théorique de l'angle de divergence est de 137 30". Les quelques petits écarts s'expliquent simplement par le fait que les tiges sont flexibles. Toutefois, nos données se rapprochent précisément à l'angle d'or. On peut conclure, à première vue, qu'en effet, moins la tige grandit vite par rapport au rythme de pousse des feuilles, plus les feuilles seront serrées et plus le nombre de parastiches apparent sera grand. On peut remarquer que les trois qui ont poussé le plus rapidement, ont moins de feuilles et celles-ci sont plus espacées que celles qui ont poussé plus lentement. 8 5 B7-4 Les spirales inspirant la nature
Quant à la figure 3, qui représente la simulation de la croissance des plantes, on peut percevoir que celle-ci aide à mieux visualiser le principe du repoussement des primordia autour de l'apex. Aucune des hypothèses n'a été vérifiée directement à partir de cette simulation. Toutefois, elle a été d'une grande utilité puisque nous avons reproduit le plus simplement possible les caractéristiques de la croissance botanique. Celles-ci sont: - les primordia s'éloignent de l'apex lors de la croissance du bourgeon; - les primordia apparaissent périodiquement; - le nouveau primordium apparaît au bord de l'apex dans le plus grand espace. Pour la dernière figure, on remarque que les feuilles naissent toutes au même endroit sur la plante: à la pointe de l'apex. En incisant un primordium, nous avons pu prouver que cet arrangement spiralé n'est pas nécessairement immuable. La morphogenèse spiralée des plantes n'est pas inscrite dans le patrimoine génétique de la plante puisque lorsque nous avons incisé un primordium, le second primordium à se développer, s'est installé à l'endroit de celui incisé. La forme spiralée ne s'est donc pas brisée. Si la forme spiralée avait été inscrite dans le patrimoine génétique de la plante, celle-ci aurait été déformée. Au tableau 5, on peut remarquer qu'en effet, deux parties consécutives de 137 30" nous donnent deux nombres consécutifs de la suite de Fibonacci. Alors, même chez les espèces animales, on constate la présence du nombre d'or dans leur structure en faisant le rapport des deux nombres consécutifs obtenus. Par ailleurs, tout n'a pas été toujours facile. Nous n'avons pas connu de difficultés majeures, mais seulement quelques petits problèmes sont survenus tout au long de nos prises de mesures, ce qui nous incite à porter attention à la valeur de nos résultats. Entre autres, les causes d'erreurs rencontrées sont:! Pendant la croissance des plantes dans la serre, nous avons transplanté les plantes sélectionnées dans un plus grand espace, ce qui fausse nos résultats puisque la tige a été ensevelie de terre à des niveaux différents.! La quantité d'eau fournie aux plantes n'était pas exactement la même pour chaque plante ce qui a influencé leur croissance.! La grosseur de la limaille de fer influençait les gouttes de ferro-fluide. Ainsi, la dispersion n'était pas la même entre chacune des gouttes.! Le nombre de données que nous pouvions recueillir n'est pas assez grand pour en tirer une conclusion exacte. Malgré ces petits aspects plus négatifs, la théorie nous permet de croire que nos résultats sont quand même plausibles. En effet, plusieurs chercheurs avaient trouvé certains caractères phyllotaxiques des plantes qui étaient liés au nombre d'or et qui concordent tout à fait avec nos résultats. De plus, il est possible de croire que la croissance détermine entièrement la géométrie de la plante: l'angle de divergence 137 30", le nombre d'or 1,618 (Douady, 1993) et le nombre de parastiches. Par conséquent, les dispositions en spirales des feuilles, des fleurs ou écailles sont déterminées par la croissance. Conclusion Notre expérimentation nous a permis de confirmer nos hypothèses de départ qui voulaient, dans l'ensemble, faire ressortir les points de la phyllotaxie des plantes qui sont liés au nombre d'or et puis, de démontrer que les spirales ne sont pas le fruit du code génétique des plantes. En effet, tous nos résultats concordent avec la théorie, même si l'ensemble des résultats aurait pu être plus précis à l'aide d'un plus grand nombre de données. On constate que de l'infinie diversité du règne végétal Les spirales inspirant la nature B7-5
émerge une même structure spiralée et un nombre mathématique universel. IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT ET LA SOCIÉTÉ Même si ce projet n'affecte pas directement l'environnement et la société, il apporte tout de même un côté esthétique à la vie, ce qui contribue au bien être des êtres humains. Personne ne peut être indifférent à la beauté de l'environnement dans lequel nous vivons. Chacun recherche et espère évoluer dans un milieu où il est bon de vivre. Ainsi, les plantes qui arborent une panoplie de formes, de grandeurs et de couleurs contribuent à accrocher le regard et à inciter les gens à aimer vivre dans un tel milieu et à le respecter pour que celui-ci s'épanouisse davantage. Sans pourtant nous en rendre compte, la nature fait preuve d'une constance par rapport à ses dispositions semblables en lien avec plusieurs espèces végétales. Notamment, les spirales nombreuses et présentent chez diverses espèces en est une observation étonnante. Il ne reste qu'à sensibiliser les humains à ne pas bousculer la continuité naturelle chez les végétaux. SUGGESTIONS Nous avons quelques suggestions à apporter à des collègues afin de rendre l'expérimentation plus concluante. Nous suggérrons à des futurs manipulateurs de prendre plus de données et de s'intéresser davantage aux spirales chez certaines espèces animales. De plus, porter une attention particulière lors des manipulations des végétaux pour ne pas les endommager, ce qui influerait la croissance de ceux-ci. REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier de leur aide:! Madame Mireille Fortin, spécialiste en horticulture (418-258-3556)! Monsieur Normand Thibeault, propriétaire de plantes expérimentales (melimelo@destination.qc.ca)! Madame Christine Thibeault, propriétaire de plantes expérimentales! Madame Annie Marcil, propriétaire de plantes expérimentales ainsi que notre professeur de biologie, monsieur Claude Villeneuve, et notre charmante technicienne, madame Céline Matte pour leurs conseils et leur patience. BIBLIOGRAPHIE Douady, S., 1993, La physique des spirales végétales, La recherche, p. 26-35. Deligeorges, S., 1984, Les plantes font des maths, Sciences et avenir, p. 76-82. Guillemot, H., mai 1994, Les spirales aspirées par le nombre d'or, Science et vie, 156 p. Jean R. V., 1983, Croissance végétale et morphogenèse, Presse de l'université du Québec, 322 p. Khalatbari A., 1994, Les plantes ont la bosse des maths, Science et vie junior, p. 38-41. Meyerowitz, E., 1998, Voici des gènes, des tiges, des feuilles et des fleurs, La recherche, p. 46-49. B7-6 Les spirales inspirant la nature