Archives numériques de Presse et Droit à l oubli Les Etats généraux des médias d information Atelier 3 "Liberté d'expression" Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles Philippe NOTHOMB Conseiller juridique du Groupe Rossel 29 novembre 2012
LES FAITS Mise en cause de l intrusion des acteurs d internet par cookies, utilisation des données personnelles (Google, Facebook, etc.) Depuis mi-2009, impact des capacités de recherche des données personnelles dans les contenus indexés par les moteurs de recherche et réseaux sociaux, en particulier les archives de presse (nettoyage du passé, révisionnisme, règlement de comptes, mais aussi droit à l oubli sensu stricto) 2009-2010 - Pré-discussions sur la révision de la Directive européenne sur les données personnelles Lobby des moteurs de recherches contre l opt-in Création de sociétés de défense de réputation (USA, France) Articles doctrinaux sur le droit à l oubli Avocats entrevoient un nouveau créneau Réactions des éditeurs de presse belges depuis 2011 : Préservation intégrale des contenus d archives de presse Mise en cause des moteurs : mises en demeure de suppression des liens et des caches droit de rectification et droit de communication électroniques Interventions des Commissions de protection de la Vie Privée : condamnation de Google en Espagne (suppression des liens) Commission belge de la protection de la Vie privée : procédures de médiation Appel à des propositions équilibrées de la presse TGI Paris Ordonnance référé 15 février 2012 Diana Z./Google Condamnation Google retrait lien et identité de tous contenus (y compris Gmail) - Google condamné régulièrement depuis lors Trib. 1ère Instance Bruxelles 9 octobre 2012 Marsani/Rossel-IPM Archives de presse = traitement aux fins de journalisme - Préservation intégrale des contenus d archives de presse (appel en cours)
LE DROIT 1 DE LEGE LATA Equilibre de libertés constitutionnelles : liberté d expression et de presse (Art. 25) respect de la vie privée (Art. 22) + Convention européenne des Droits de l Homme. Loi du 11 mars 2003 réglementant certains aspects juridiques des services de la société de l'information : Exonération de responsabilité des hébergeurs (Google et autres moteurs). Mais sous certaines conditions : l'hébergeur n'est pas responsable des informations stockées pour autant qu'il n'ait pas une connaissance effective de l'information illicite et qu'il agisse promptement dès le moment où il a de telles connaissances, pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. Refus sélectif de Google de s exécuter, à moins que l éditeur ne place lui-même une balise «noindex» ou autre, ou supprime la page internet contenant les données personnelles (= opt-out).
LE DROIT 2 DE LEGE LATA Loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel Article 8 : principe de l interdiction du «traitement de données à caractère personnel relatives à (A) des condamnations ayant trait à des infractions». Il peut exceptionnellement être dérogé à cette interdiction pour des «seules fins de journalisme». Article 4 : les données doivent être «conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont obtenues ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement. Le Roi prévoit, après avis de la Commission de la protection de la vie privée, des garanties appropriées pour les données à caractère personnel qui sont conservées au-delà de la période précitée, à des fins historiques, statistiques ou scientifiques.» (article 4, 1er, 5 ). La finalité de «journalisme» vise donc la diffusion d informations qui présentent un caractère d actualité. Deux interprétations : L article archivé n a plus de caractère d actualité > A SUPPRIMER OU MODIFIER L article archivé a une fin journalistique. Il n est pas visé par la loi > A CONSERVER
LE DROIT 3 - PRESERVATION Dépôt à la Bibliothèque Royale de Belgique : Modifier ou supprimer des archives ce qui a été un jour publié et déposé, dans l'état-même de cette publication? Jurisprudence contre la suppression : Les archives de presse ont un rôle de préservation de l'information + action des éditeurs pour réduire la portée éventuelle d'un préjudice (avertissement, articles liés, droit de réponse lié à un article, etc.) : 2 jugements en Belgique (Le Soir), 1 en France, et Times Newspapers Limited c. Royaume-Uni - Cour Européenne des Droits de l'homme, 10 mars 2009. Droit du citoyen : l'accès aux archives complètes, intégrales et non expurgées de la presse jugée comme un droit civil du citoyen. Protection des droits des victimes (des tiers) : les informations concernent généralement aussi d'autres personnes ou faits. Demandes arbitraires. Caractère subitement préjudiciable des articles incriminés. Pas d exercice de droit de réponse ni à une autre réaction antérieure depuis la date de publication papier et/ou électronique des archives.
LE DROIT 4 - DE LEGE FERENDA Projet de règlement européen et de directive 25 janvier 2012 réformant le cadre de la protection des données personnelles. Introduction d un droit à l'oubli numérique qui obligera notamment les réseaux sociaux à supprimer les données personnelles, photographies ou autres, des utilisateurs sur simple demande. Règle de l opt-in : les entreprises (telle que Google) présentes sur internet devront obtenir un consentement clair des citoyens dont elles veulent utiliser les données. Dérogation : le traitement de données à caractère personnel à des fins uniquement journalistiques ou aux fins d'expression artistique ou littéraire, ce traitement devrait pouvoir bénéficier d'une dérogation afin de concilier au mieux le droit à la protection de ces données avec le droit à la liberté d'expression. Ceci devrait notamment s'appliquer aux traitements de données à caractère personnel dans le domaine de l'audiovisuel et dans les documents d'archives et bibliothèques de journaux. La Belgique va donc devoir modifier sa législation vie privée pour «tenir compte de l'importance du droit à la liberté d'expression dans toute société démocratique, dans une interprétation large des notions liées à cette liberté, comme le journalisme, quel que soit le média utilisé.»
LE DROIT 5 PROPOSITION EDITEURS Il appartient à la presse dans le cadre de son devoir de mémoire, de vérifier l'équilibre entre tous les intérêts en présence et de le préserver : 1. PRESERVATION INTEGRALE DES CONTENUS D ARCHIVES DE PRESSE 2. ACTION EN RESPONSABILITE CONTRE LES HEBERGEURS 3. DROIT DE RECTIFICATION NUMERIQUE : Toute personne physique ou morale, nommée ou identifiable, et qui y a un intérêt au sens du code judiciaire, a le droit de demander la publication gratuite en ligne d un article rectifiant des inexactitudes de fait publiées en ligne par un titre de presse écrite si cette rectification n a pas été apportée spontanément par la publication. Cette rectification sera liée, en ligne, à l article ou au fichier contenant l inexactitude de fait. Elle ne fera pas l objet d une publication sur le support papier. Elle doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire en vue de rectifier la ou les donnée(s) ayant suscité la requête. La rectification est limitée à 1.000 signes au maximum, espaces inclus, par article ou fichier. Si plusieurs articles ou fichiers reprennent la ou les donnée(s) concernées, la même rectification sera liée à tous ces articles ou fichiers. Si la personne impliquée est décédée, ce droit revient à ses proches (parents, conjoint, cohabitant, ) et ne peut être exercé qu une fois par le plus diligent d'entre eux. Le texte de la rectification est formulé dans la même langue que l'information ayant suscité la requête et contient l identité du demandeur, l indication précise du ou des article(s) ou fichier(s) concernés et les inexactitudes de fait à rectifier. A la requête écrite est jointe la preuve de l identité et la signature du demandeur, la preuve de son intérêt et la preuve des inexactitudes de fait. L éditeur publie la rectification dans les quatorze jours - ou lors de la première mise à jour de la publication en ligne si celle-ci n a pas lieu dans les quatorze jours - à compter de la demande répondant à toutes les conditions, et lie cette rectification à l article ou au fichier contenant la ou les inexactitudes de fait.
LE DROIT 6 PROPOSITION EDITEURS 4. DROIT DE COMMUNICATION NUMERIQUE : Toute personne physique ou morale, nominativement désignée ou identifiable comme étant inculpée, prévenue ou accusée dans une publication en ligne d un titre de presse écrite, a le droit de demander l'insertion gratuite d'une communication en cas de décision de non-lieu, d'acquittement, de rétractation, de révision, de réhabilitation, de grâce, d amnistie ou de remise en liberté passée en force de chose jugée, ou d une décision étrangère ayant les mêmes effets et passée en force de chose jugée, sauf si une communication suffisante a été spontanément apportée sur le support en ligne concerné et liée à l article ou au fichier contenant l'information ayant suscité la requête. Si la personne impliquée est décédée, ce droit revient à ses proches (parents, conjoint, cohabitant, ) et ne peut être exercé qu une fois par le plus diligent d'entre eux. Quelle que soit la forme de l'information originale (écrit, audio, audiovisuelle), la communication doit se faire par écrit, et être limitée à ce qui est strictement nécessaire en vue de mettre à jour l'information ayant suscité la requête (1.000 signes au maximum, espaces inclus). Si plusieurs articles ou fichiers comportent l'information ayant suscité la requête, la même communication sera liée à tous ces articles ou fichiers. Le texte de la communication est formulé dans la même langue que l'information ayant suscité la requête et contient l'identité de la personne impliquée, l indication précise du ou des article(s) ou fichier(s) concernés, la décision judiciaire nouvelle et le fait qu'elle n'est plus susceptible d aucun recours. A la requête écrite est jointe la preuve de l identité du demandeur et la preuve de la décision judiciaire nouvelle ainsi qu'une attestation émanant de l'autorité judiciaire et établissant que la décision n'est plus susceptible d aucun recours. La demande est adressée à l éditeur de la publication en ligne dans un délai d un an, à compter du jour où la décision judiciaire nouvelle n'est plus susceptible d aucun recours. L éditeur publie la communication dans les quatorze jours - ou lors de la première mise à jour de la publication en ligne si celle-ci n a pas lieu dans les quatorze jours - à compter de la demande répondant à toutes les conditions, et lie cette communication à l article ou au fichier contenant l'information ayant suscité la requête.
Merci de votre attention philippe.nothomb@rossel.be