Le régime juridique des responsabilités dans le cadre des opérations de démantèlement Guillaume de RUBERCY Docteur en droit, Avocat au Barreau de Paris Associé - Ravetto Associés Résumé - L énergie nucléaire a toujours fait débat. Les opposants lui reprochent principalement le risque nucléaire. Celui-ci ne peut être comparé à un risque industriel classique du fait de ses caractéristiques et de l importance et de la nature des dommages catastrophiques pour l homme et l environnement. Le principal enjeu porte sur la responsabilité civile de l exploitant et a entraîné la mise en place d un dispositif dérogatoire au droit commun, prévu par les conventions internationales de Paris, Bruxelles et Vienne, et complété par les législations nationales qui les transposent. Il est important de bien cerner l application de ce dispositif dans le contexte des opérations de démantèlement en France et de déterminer s il répond in fine à la problématique suivante : est-il adapté au risque inhérent aux opérations de démantèlement et permettrait-il une prise en charge efficace du coût des réparations d un dommage issu d un accident survenant lors du démantèlement d une installation nucléaire? Summary - Nuclear energy has always been subject to debate. Mainly, its opponents point out the high risk implied by the use of nuclear energy. This risk is not comparable to any usual industrial risk considering its characteristics and its significant consequences for human being and environment. The principal stake concerns the nuclear operator s civil liability provided by international conventions of Paris, Brussels and Vienna which created a specific liability regime, complemented by the national legislations during their transposition. It is important to focus on the application of this specific liability regime for final shutdown and dismantling of nuclear power plants. The paper analyzes the efficiency of such specific liability in order to assess whether it is appropriated, especially to the nuclear risk led by the dismantling of nuclear power plants and the costs involved by a nuclear accident during these operations. 1. Avec la fin de vie d un nombre croissant d installations nucléaires, et en particulier de réacteurs de puissance, le démantèlement des installations nucléaires constitue un maillon essentiel du cycle nucléaire. Il implique la réalisation d opérations techniquement complexes et hiérarchisées en trois niveaux : - la mise à l arrêt définitif de l installation nucléaire constitue le premier niveau du démantèlement. Au cours de cette phase, il est procédé au déchargement du combustible du réacteur et à la vidange des circuits ; RISEO 2014-1 102
- intervient ensuite le démantèlement partiel qui constitue le second niveau de ces opérations. Il s agit de décontaminer et détruire tous les bâtiments, à l exception de celui abritant le réacteur et de confiner ce dernier ; - le troisième niveau regroupe les opérations de démantèlement total du bâtiment et des équipements du bloc réacteur. 2. En dépit de la complexité de ces opérations, le risque nucléaire tend à diminuer pendant le démantèlement. La probabilité de sa matérialisation peut être élevée mais les effets d une telle matérialisation semblent mesurés. A contrario, pendant la phase d exploitation, la probabilité de réalisation du risque est moindre mais l intensité des dommages peut s avérer très élevée. 3. A la matérialisation du risque, à savoir lorsque l accident nucléaire survient, l enjeu juridique principal est d identifier un responsable. Dans ce contexte, un dispositif dérogatoire au droit commun a été mis en place par les conventions internationales de Paris 1, Bruxelles 2 et Vienne 3 puis complété par les législations nationales 4 à l occasion de la transposition de ces conventions : la responsabilité civile nucléaire. 4. Ce dispositif est-il véritablement adapté au risque inhérent aux opérations de démantèlement en France et permettrait-il une prise en charge efficace du coût des réparations d un dommage issu d un accident survenant lors du démantèlement d une installation nucléaire? I. Les spécificités du régime de responsabilité civile nucléaire 5. Les textes applicables en France en matière de responsabilité civile nucléaire sont les suivants : Convention de Paris ; Convention complémentaire de Bruxelles et la loi n 68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l énergie nucléaire, aujourd hui codifiée dans le Livre V, Titre IX du Code de l environnement. 1 La Convention de Paris du 29 juillet 1960 modifiée relative à la responsabilité civile nucléaire. Cette convention dont est partie la France est entrée en vigueur le 1 er avril 1968 et a été amendée successivement en 1964, 1982 et 2004 (ce dernier amendement n est toujours pas entré en vigueur). 2 La Convention complémentaire de Bruxelles modifiée du 31 janvier 1963. 3 La Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires à laquelle la France n est pas partie. 4 Loi n 68-943 du 30 octobre 1968 : le régime juridique de la responsabilité civile nucléaire applicable en France repose sur les dispositions en vigueur de la Convention de Paris, de la Convention complémentaire de Bruxelles et de leurs protocoles additionnels, dispositions reprises et complétées par la loi n 68-943 du 30 octobre 1968 qui constitue le droit positif français (codification dans le Livre V, Titre IX du Code de l environnement par l ordonnance n 2012 6 du 05 janvier 2012 modifiant les livres I er et V du Code de l environnement). RISEO 2014-1 103
6. Les Conventions de Paris et de Bruxelles ainsi que les lois qui les transposent établissent un régime spécial et original dérogeant sur plusieurs points aux règles du droit commun de la responsabilité civile. 7. Le fait générateur déclenchant ainsi la responsabilité civile nucléaire résulte d un accident nucléaire 5 survenant dans l installation nucléaire de l exploitant nucléaire, à l exclusion de tout autre type d accident (ex : accident industriel). Il peut notamment s agir d accident lors de la phase de démantèlement partiel à l occasion de la décontamination et destruction des bâtiments, en dehors du bâtiment abritant le réacteur nucléaire (niveau 2). 8. Les dommages couverts par la responsabilité civile nucléaire sont les dommages nucléaires aux personnes et aux biens, à l exclusion des dommages nucléaires aux biens de l installation nucléaire et des biens qui se trouvent sur le site de l installation ou qui doivent être utilisés en rapport avec l installation (couverts par une assurance-dommages) 6. 9. La responsabilité objective sans faute : l exploitant nucléaire est objectivement responsable des dommages subis par des tiers du fait d un accident nucléaire survenant dans son installation. La responsabilité objective délivre la victime de l obligation de prouver qu il y a faute ou négligence et déduit la responsabilité, avec l obligation de réparer le dommage subi, de la seule preuve d un lien de causalité entre le dommage et l accident nucléaire en question. 10. La responsabilité exclusive : l exploitant d une installation nucléaire défini comme «toute personne physique ou morale exploitant une installation nucléaire de base (INB), que sa situation soit régulière ou non, ou ayant déposé une demande d autorisation d exploitation d une telle installation» (art. 1.3 de l arrêté INB du 7 février 2012) est exclusivement responsable des dommages aux tiers résultant d un accident nucléaire survenant dans l installation qu il possède. L exploitant est juridiquement responsable quelles que soient les actions ou omissions à l origine de l accident 7. Pour la victime, ce principe lui évite d avoir à identifier et à poursuivre les véritables responsables de l accident, ce qui serait pratiquement impossible étant donné les difficultés à obtenir les preuves nécessaires après un accident. En outre, ce principe libère les fournisseurs de biens, de services et de technologie nucléaires des 5 Voir article 1 (a) (i) de la Convention de Paris. 6 La responsabilité civile couvre en effet les dommages causés aux tiers qui subissent un préjudice pouvant donner lieu à réparations. En ce sens, ces dommages diffèrent de ceux causés par l accident aux installations de l exploitant, dommages en général couverts par une police d assurance distincte «d assurance dommages». 7 Les possibilités de recours de l exploitant nucléaire sont strictement encadrées. Ne peut être engagé de manière subsidiaire la responsabilité civile nucléaire que de la (i) personne physique auteur de l acte ou de l omission intentionnelle si le dommage résulte d un acte ou d une omission intentionnelle procédant de l intention de causer un dommage (ii) d un autre exploitant nucléaire lié par un contrat dont l une des clauses prévoit expressément une répartition de la responsabilité civile nucléaire ; et enfin de (iii) l Etat. RISEO 2014-1 104
actions en justice compliquées que pourraient intenter les victimes. Il les affranchit également de l obligation de souscrire des assurances responsabilité civile onéreuses, dépenses que devraient normalement consentir toute entité fournissant les biens, les services et la technologie nécessaires à l installation nucléaire ou assurant le transport de substances radioactives. 11. La responsabilité est limitée dans son montant : la volonté des gouvernements de favoriser le développement de l industrie nucléaire en évitant aux exploitants nucléaires d avoir à supporter les coûts potentiellement ruineux de demandes en réparation, au cas où se produirait un accident nucléaire, les a incités à adopter un principe qui limite le montant de réparation que l exploitant doit payer aux victimes en cas d accident dont il serait responsable. Sans ce principe, la responsabilité des exploitants pourrait être illimitée, ce qui revient à dire qu une fois épuisée la couverture obtenue des assurances, il leur faudrait prélever sur leurs propres actifs pour indemniser les victimes de dommages nucléaires, ce qui pourrait les conduire à la faillite. Cette disposition constitue, d une certaine manière, la contrepartie du fait que l on ait imposé une responsabilité objective et exclusive à l exploitant nucléaire pour satisfaire les victimes. Par conséquent, même si les dommages provoqués par un accident nucléaire sont supérieurs au montant de la responsabilité imposé à l exploitant, ce dernier ne sera pas contraint d indemniser au-delà de ce montant. Au-delà des plafonds de responsabilité imposés à l exploitant nucléaire, l indemnisation des dommages nucléaires est prise en charge par l Etat (art. L. 597-29 du Code de l environnement). Aujourd hui, les dispositions en vigueur plafonnent la responsabilité pécuniaire de l exploitant nucléaire à 91,5 M en cas d engagement de sa responsabilité civile nucléaire (art. L. 597-28 du Code de l environnement). A l entrée en vigueur du Protocole de 2004 à la Convention de Paris, le plafond maximum de responsabilité de l exploitant nucléaire passera à 700 M 8. 12. La responsabilité est limitée dans le temps : toujours en contrepartie de la responsabilité objective et exclusive de l exploitant nucléaire, la prescription pour engager sa responsabilité en cas d accident nucléaire est décennale (art. L. 597-40 du Code de l environnement) 9. Les assureurs privés essentiellement mais aussi tous ceux qui ont offert la garantie financière 8 A noter que pour pallier l absence d entrée en vigueur du Protocole de 2004 et ainsi accélérer la révision du plafond maximum de responsabilité de l exploitant nucléaire, il est envisagé de relever à 700 M la responsabilité de l exploitant nucléaire par la loi de programmation sur la transition écologique selon les annonces de Delphine Batho, Ministre de l Ecologie, du Développement durable et de l Energie, le 30 mai 2013 à l Assemblée Nationale. 9 A noter également qu il est envisagé de faire passer le délai de prescription pour l indemnisation des dommages corporels de 10 à 30 ans selon les annonces de Delphine Batho, Ministre de l Ecologie, du Développement durable et de l Energie, le 30 mai 2013 à l Assemblée nationale. RISEO 2014-1 105
exigée ont fait comprendre que la couverture qu ils assurent doit être limitée dans le temps et en général qu elle ne peut dépasser une période de dix ans à compter de la date de l accident nucléaire, pour toute action en réparation concernant les dommages aux personnes ou les dommages aux biens. Ni les compagnies d assurance ni les exploitants nucléaires ne peuvent accepter la perspective de devoir payer indéfiniment, voire sur une période prolongée après l accident, des indemnités pour dommages nucléaires. En outre, la France a institué un délai de «découverte» qui en plus de la date limite pour intenter une action, exige que les demandes en réparation soient introduites dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage dont elle demande réparation ou à compter du moment où elle a dû raisonnablement en avoir connaissance (art. L. 597-40 du Code de l environnement). 13. La responsabilité doit être couverte par une assurance ou une garantie financière : les exploitants nucléaires sont tenus d obtenir et de conserver une garantie financière d un montant équivalent à celui de la responsabilité qui leur est imposé (soit pour le moment 91,5 M ). Les garanties financières de l exploitant nucléaire doivent faire l objet d un agrément par l Etat (art. L. 597-31 du Code de l environnement). Les assurances proposées par le secteur privé sont le type le plus courant de garanties obtenues par les exploitants nucléaires. Il en existe également d autres formes : la garantie de l Etat ou la garantie bancaire, les pools de risques entre exploitants, voire l auto-assurance. 14. Le régime de responsabilité civile nucléaire instaure donc une responsabilité de principe de l exploitant nucléaire qui est titulaire des autorisations d exploiter une installation nucléaire. En d autres termes, dans l état actuel du droit, seul l exploitant nucléaire peut voir engager sa responsabilité civile nucléaire pour tout dommage nucléaire issu d un accident nucléaire se produisant lors d opérations de démantèlement. II. Le régime de responsabilité de l opérateur industriel du démantèlement 15. L activité industrielle de démantèlement n est pas forcément le fait de l exploitant nucléaire, s agissant d une activité différente de celle qu il exerçait dans ses installations lorsqu elles étaient en fonctionnement. 16. Dans le cadre d un chantier de démantèlement, l exploitant nucléaire peut en effet confier sur la base d un contrat la maîtrise d œuvre de certaines opérations à un tiers opérateur RISEO 2014-1 106
industriel 10. L opérateur industriel intervient en qualité d entrepreneur au sens d un contrat d entreprise. L opérateur industriel s engage à ce titre à réaliser un ouvrage ou à exécuter des travaux et/ou prestations dans le cadre d un contrat d entreprise 11. Il est ainsi considéré comme entrepreneur au sens de celui qui exerce une activité industrielle en effectuant des prestations relatives au démantèlement d une installation nucléaire. Dans ce contexte, l exploitant nucléaire est le seul interlocuteur de l autorité administrative ; il demeure tenu à ce titre de se conformer aux prescriptions de celle-ci telles qu elles sont prévues dans les autorisations administratives de démanteler. 17. Si le régime de responsabilité civile nucléaire est inapplicable à l opérateur industriel eu égard au principe de la responsabilité exclusive de l exploitant nucléaire, sa responsabilité peut en revanche être engagée, dès lors qu il s agit d un dommage non nucléaire 12, sur le fondement du régime de responsabilité civile de droit commun : la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle et la responsabilité du fait des produits défectueux. 18. L opérateur industriel ayant conclu un contrat avec l exploitant nucléaire voit sa responsabilité contractuelle engager en cas d inexécution ou de retard dans l exécution de ses obligations contractuelles (art. 1147 du Code civil) 13. 19. La responsabilité délictuelle de l opérateur industriel peut être engagée par un tiers en cas de dommage non nucléaire subi par le fait, la négligence ou l imprudence de l opérateur industriel. En revanche, l exploitant nucléaire ne peut pas engager la responsabilité de 10 La notion d «opérateur industriel» est importante à deux titres : - la faculté implicite de déléguer à des tiers tout ou partie de prestations durant le cycle de vie d une installation nucléaire est fréquemment utilisée par les exploitants nucléaires, étant entendu que les contrats passés à cette fin sont inopposables à l administration ; - d un point de vue opérationnel, cette notion est problématique en ce qu elle rend difficile l identification claire des responsabilités des différents intervenants. 11 Le contrat d entreprise est celui par lequel une entreprise exécute pour un cocontractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel qui reste placé sous sa direction et sous sa responsabilité ; il a pour objet l exécution d une tâche définie avec précision. Un contrat est qualifié de contrat d entreprise lorsque certaines conditions sont réunies : - la condition de base est celle de l accomplissement d une activité précise par une partie au profit d une autre : la tâche (ou prestation de service) ainsi réalisée peut consister en la fabrication, la réparation, la transformation d une chose mobilière ou immobilière. Elle peut aussi être purement intellectuelle ; - l action du prestataire de services doit être conduite en toute indépendance, celui-ci devant avoir l initiative des décisions ; - le prestataire de services doit agir pour son compte personnel, c est-à-dire qu il doit accomplir, en son nom et pour son compte, les actes d exécution de la tâche qui lui incombe. Cf. P. Mousseron, Technique contractuelle, Ed. F. Lefebvre, 2010, 732 p. 12 Le problème en cas d accident nucléaire se pose pour faire la distinction entre les dommages d origine nucléaire (dommage nucléaire) et ceux d origine non nucléaire (dommage non nucléaire ou civil). 13 Dès lors qu un contrat est conclu entre un exploitant nucléaire et un opérateur industriel, il est recommandé à l opérateur industriel d insérer dans le contrat une clause excluant expressément tout recours de l exploitant nucléaire à son encontre pour tout dommage nucléaire issu d un accident nucléaire. RISEO 2014-1 107
l opérateur industriel sur le fondement de la responsabilité délictuelle en application du principe de non cumul de la responsabilité contractuelle et délictuelle. 20. La responsabilité de l opérateur industriel peut enfin être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, tant à l égard des cocontractants, exploitant nucléaire, que des tiers (art. 1386-1 du Code civil). 21. L opérateur industriel doit ainsi souscrire une police d assurance de responsabilité générale (ex : responsabilité civile professionnelle, responsabilité civile exploitation) dont le montant varie en fonction de la prestation pour laquelle l opérateur industriel est sollicitée par l exploitant nucléaire. Conclusion 22. Si les propos suivants sont à nuancer en considération du cycle de vie d une installation nucléaire et de la matérialisation du risque y afférent, le régime de responsabilité civile nucléaire est certainement perfectible en raison du plafonnement bas des indemnités, du délai pour agir et des modalités de contrôle des garanties financières. 23. L efficacité de la prise en charge des dommages nucléaires par le régime de responsabilité civile nucléaire est limitée par le plafonnement bas des indemnités à la charge de l exploitant nucléaire. Au regard des textes actuellement en vigueur en France, sa responsabilité est en effet limitée à 91,5 M. Les plafonds en vigueur sont nettement insuffisants et ne permettent pas de couvrir les dommages d'un accident, même d ampleur limitée 14. 24. L efficacité de la prise en charge des dommages nucléaires par le régime de responsabilité civile nucléaire est également limitée par le délai pour agir. En effet, l action en responsabilité à l égard de l exploitant nucléaire à compter de la survenance de l accident nucléaire est limitée par la prescription décennale. Un délai pour agir de dix ans peut s avérer suffisant pour les dommages aux biens immédiatement perceptibles mais insuffisant pour les dommages aux personnes. 25. L agrément des garanties financières de l exploitant nucléaire au titre du régime de responsabilité civile nucléaire, bien qu obligatoire, n est pas systématique. Sa capacité à 14 Les estimations de l IRSN donnent un coût moyen de 70 Md pour un accident modéré incluant les coûts directs (démantèlement de l installation et décontamination du site, dommages aux personnes) et les nombreux coûts indirects (surcoût de production ou d achat d électricité, baisse du tourisme) dont certains ne relèvent pas de la responsabilité civile nucléaire car ne présentant pas les caractéristiques de dommages nucléaires aux personnes ou aux biens des tiers. Voir Cour des comptes, Les coûts de la filière électronucléaire, janvier 2012, p. 242. RISEO 2014-1 108
remplir ses obligations (financement et gestion des demandes d indemnisation) en cas d accident nucléaire n est par conséquent pas toujours attestée 15. 26. La combinaison du plafonnement des indemnités à la charge de l exploitant nucléaire et des limites du délai pour agir peut induire l intervention subsidiaire de l Etat pour l indemnisation des victimes 16. Cette intervention est elle-même limitée dans son montant à 109,8 M et dans le temps. L'action en réparation contre l Etat devra en effet être introduite dans un délai maximum de cinq ans après l'expiration de celui de dix ans ouvert à l encontre de l exploitant nucléaire. 27. Cependant, il ne faudrait pas conclure de cette situation que le dispositif de responsabilité civile nucléaire est inutile et que l ensemble des charges reviennent à la société : il existe bien une différence entre les coûts et responsabilités à la charge de l exploitant, qui sont in fine payés par le consommateur d électricité, et les coûts qui seraient à la charge de l Etat, donc du contribuable. 28. Si cette analyse liminaire portait sur la présentation générale du régime juridique des responsabilités des acteurs du démantèlement, exploitant nucléaire et opérateur industriel, il y aurait une intéressante étude à mener sur les contentieux pouvant être générés par le démantèlement hors contexte d un accident nucléaire. 15 Ibid., p. 255. 16 Ibid., p. 258. RISEO 2014-1 109