Examen Classant National / Programme Officiel (2013) Question N 271. Vomissements du nourrisson et de lʼenfant



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Examen Classant National / Programme Officiel (2013) Question N 271. Vomissements du nourrisson et de lʼenfant - Argumenter les principales hypothèses diagnostiques - Justifier les examens complémentaires pertinents - Argumenter l attitude thérapeutique - Planifier le suivi de l évolution Pr Eric DOBREMEZ (Chirurgie Pédiatrique, Bordeaux) et Pr Thierry LAMIREAU (Gastroentérologie Pédiatrique, Bordeaux Pr Pascal DE LAGAUSIE (Chirurgie Pédiatrique, Marseille) et Pr Benjamin FREMOND (Chirurgie Pédiatrique, Rennes) I - Définition Les vomissements se définissent comme des rejets actifs du contenu gastrique ou intestinal par la bouche, secondaires à des contractions du diaphragme et de la musculature abdominale. Ils peuvent être alimentaires, bilieux ou hémorragiques. Ils sont à différencier: - des régurgitations : rejets alimentaires réalisés sans effort, souvent postprandiaux et de faible quantité, observée essentiellement chez le nourrisson. Elles sont physiologiques en raison du volume d air dégluti lors de la tétée. - du mérycisme : phénomène de rumination observé chez des sujets qui font remonter de façon volontaire ou automatique des aliments de l estomac jusque dans la bouche. II Démarche diagnostique Les vomissements sont un symptôme fréquent, peu spécifique, pouvant révéler de nombreuses pathologies dont certaines peuvent être sévères, ou être à l origine de complications sévères (déshydratation, dénutrition). La démarche étiologique doit donc être rigoureuse, essentiellement clinique, basée sur l interrogatoire puis l examen. 1

II.1 L interrogatoire et l étude du carnet de santé permettent de préciser : Les caractéristiques des vomissements : - âge de début : intervalle libre par rapport à la naissance, après la diversification ou l introduction de certains types d aliments - horaire par rapport aux repas - aspect : bilieux (faisant craindre alors une étiologie dont le traitement est chirurgical), alimentaires, hémorragiques - fréquence : répétés, journaliers, épisodiques - caractère douloureux - facteurs déclenchant : changements de position, effort, toux, consommation d un type d aliment - abondance L alimentation de l enfant : - mode de préparation et de reconstitution des biberons - nombre de prise alimentaire et quantités - historique de l alimentation depuis la naissance L association à d autres symptômes : - généraux : fièvre et/ou contexte infectieux, soif, anorexie, amaigrissement, malaise - digestifs : diarrhée ou au contraire transit ralenti, douleurs abdominales, rectorragies - respiratoires : toux, broncho-pneumopathie à répétition - neurologiques : retard de développement voir régression, céphalées - analyse des courbes de croissance : cassure de la courbe de poids, infléchissement de la taille, augmentation trop rapide ou stagnation du périmètre crânien Les antécédents du patient et de la famille : - grossesse normale ou pathologique - naissance prématurée, hypotrophie - traumatisme récent - développement psychomoteur - prise de médicaments ou de toxiques II.2 L examen clinique recherche : Un retentissement des vomissements : 2

- déshydratation, en cas de vomissements aigus et abondants - dénutrition en cas de vomissements chroniques chez le jeune nourrisson - encombrement respiratoire Des signes orientant vers une cause : - fièvre et altération de l état général - odeur acétonique de l haleine - foyer infectieux ORL : rhinopharyngite, otite, angine - météorisme abdominal, sensibilité ou douleur provoquée à la palpation, défense voire contracture, hépatomégalie - anomalies des organes génitaux et/ou des orifices herniaires (hernie inguinale, douleur du cordon spermatique, ambiguïté des organes génitaux externes) - troubles de la conscience, raideur méningée, fontanelle tendue II.3 - Les examens complémentaires Il n y a pas d examen complémentaire à réaliser de façon systématique devant des vomissements chez l enfant. Ils seront demandés exclusivement pour confirmer une orientation clinique, d où l importance d un interrogatoire et d un examen rigoureux. III - Etiologies En pratique, il faut distinguer les vomissements aigus ou récents et les vomissements chroniques ou récidivants, bien que certaines étiologies puissent appartenir aux 2 catégories. III.1 - Vomissements aigus ou récents C est un signe présent dans de multiples urgences, chirurgicales ou médicales. III.1.1 Affections chirurgicales Sténose hypertrophique du pylore Il s agit d une affection fréquente atteignant plus souvent le garçon avec parfois un caractère familial. Il s agit typiquement d un nourrisson âgé de 3 à 5 semaines (intervalle libre pouvant varier de 10 jours à 3 mois après la naissance) présentant des vomissements alimentaires (jamais bilieux car l obstacle se situe en amont de l abouchement des voies biliaires), en jets. La symptomatologie s aggrave progressivement avec des vomissements de plus en plus tardifs après les tétées chez un nourrisson dont l appétit est conservé ou qui est même affamé, 3

avec des selles rares. Le retentissement sur l état général est fonction de la durée de l évolution. L amaigrissement est fréquent et à évaluer. La palpation retrouve de façon inconstante une masse ferme et mobile, oblongue, au niveau de l hypochondre droit correspondant à l olive pylorique. Une radiographie d abdomen sans préparation (ASP), faite au moins une heure après la dernière tétée, montrerait un estomac qui reste plein avec un niveau hydro-aérique gastrique, associée à une rareté de l aération du grêle. Mais cette radiographie n est plus indiquée en première intention vu sa faible valeur diagnostique et son caractère irradiant. Le diagnostic repose sur l échographie abdominale qui montre l olive pylorique avec une image en cible (coupe transversale) ou en sandwich (coupe longitudinale). Les mensurations du muscle pylorique sont augmentées (longueur > 15 mm, diamètre total > 12 mm, épaisseur musculaire > 4 mm). L estomac est en stase avec de rares passages transpyloriques. Le bilan est complété par un ionogramme sanguin et une gazométrie montrant une alcalose métabolique (hypochlorémique avec réserve alcaline augmentée) désordres hydroélectrolytiques qu il faudra corriger par une réhydratation intra-veineuse avant l anesthésie générale nécessaire à l intervention chirurgicale (pylorotomie extra-muqueuse). Invagination intestinale aiguë primitive du nourrisson Elle doit être évoquée chez un enfant (entre 2 mois et 3 ans) présentant brutalement des accès de douleurs intenses avec vomissements et refus d alimentation. Elle doit être également évoquée devant toute rectorragies chez le nourrisson. La palpation abdominale recherche dans le flanc droit ou au niveau épigastrique, une masse mobile, le boudin d invagination. L ASP peut être proposé s il existe un syndrome occlusif. Il retrouvera une fosse iliaque droite déshabitée et des niveaux hydro-aériques sur le grêle. C est l échographie abdominale, indispensable devant un tableau clinque évocateur, qui établira le diagnostic en montrant une image en cocarde (coupe transversale) ou en sandwich (coupe longitudinale) correspondant à l invagination. Le lavement opaque confirmera l invagination et permettra éventuellement sa réduction. En cas de contre-indication (mauvais état général, perforation digestive ou d échec du lavement), l intervention chirurgicale en urgence permettra la désinvagination et la résection éventuelle d une lésion intestinale. On retiendra que toute occlusion intestinale aigue du petit enfant est une invagination intestinale jusqu à preuve du contraire. Appendicite aiguë et péritonite Urgence chirurgicale fréquente elle intègre des vomissements mais de manière inconstante. Typiquement, l enfant présente des douleurs récentes et spontanées de la fosse iliaque droite, 4

d intensité croissante, associées à une fièvre modérée, inférieure à 39 C, elle aussi inconstante. L examen clinique recherche une défense à la palpation (contraction involontaire des muscles de la paroi abdominale déclenchée par la palpation). Ce diagnostic est purement clinique et un tableau évocateur permet de poser une indication opératoire. On peut néanmoins retrouver sur le bilan biologique un syndrome inflammatoire (polynucléose, CRP élevée), sur l ASP des niveaux hydro-aériques et/ou une calcification (stercolithe) au niveau de la fosse iliaque droite. L échographie peut visualiser un épaississement inflammatoire de l appendice voir un abcès. La présentation clinique peut être aspécifique au début, et c est alors l évolution, montrant la persistance de douleurs de plus en plus intenses et l apparition d une défense qui confirmera le diagnostic. En cas de localisation inhabituelle de l appendice, la symptomatologie peut être atypique, avec : - des signes urinaires anormaux (douleur en fin de miction) dans l appendicite pelvienne - une douleur de l hypochondre droite dans l appendicite sous-hépatique - un psoïtis (douleur à la flexion de la cuisse droite sur le tronc) lorsque l appendicite est en position rétro-cæcale - une occlusion intestinale fébrile lorsque l appendicite est mésocœliaque, c est à dire au milieu des anses grêles. Chez le nourrisson, l appendicite est plus rare, se manifestant par des selles liquides, vomissements et fièvre, évoquant une gastro-entérite aigüe, mais avec une altération de l état général et un météorisme abdominal douloureux. Le tableau de péritonite est généralement de diagnostic facile avec des douleurs abdominales intenses, des vomissements, une fièvre élevée, supérieure à 39 C, et une contracture (contraction spontanée des muscles de la paroi abdominale) à la palpation. Une hypothermie et/ou une leucopénie sont parfois observées, réalisant un signe de gravité supplémentaire. L intervention, réalisée en urgence, permettra de confirmer le diagnostic et de réaliser l appendicectomie. En l absence d appendicite, une autre cause (notamment un diverticule de Meckel infecté ou Meckélite) sera recherchée au cours de l intervention. Syndrome occlusif intestinal aigu Un syndrome occlusif est évoqué devant des vomissements bilieux. Il peut être accompagné de douleur et de météorisme. Il s accompagne parfois d un arrêt du transit mais ce signe est 5

souvent retardé chez le nourrisson. L abdomen sans préparation montre des niveaux hydroaérique en amont de l obstacle. A la naissance : En cas d occlusion haute (vomissements bilieux précoces, ballonnement abdominal susombilical, élimination possible de méconium), il faut évoquer une sténose ou une atrésie congénitale du grêle siégeant souvent au niveau du duodénum. En cas d occlusion basse (vomissements plus tardifs, absence d émission du méconium, météorisme abdominal diffus, nombreux niveaux hydro-aériques sur l ASP), le lavement opaque peut être utile pour orienter vers un iléus méconial (complication néonatale de la mucoviscidose), une atrésie iléale ou colique, une maladie de Hirschsprung. En cas de vomissements bilieux d apparition brutale et de douleurs abdominales survenant après un intervalle libre, un volvulus du grêle sur malrotation intestinale doit être obligatoirement évoqué. Son pronostic est très sombre avec une nécrose possible de tout l intestin grêle. La moindre suspicion doit faire réaliser une échographie abdominale en urgence avec Doppler des vaisseaux mésentériques supérieurs (en recherchant une rotation anormale de la veine autour de l artère) et conduire à l intervention chirurgicale en extrême urgence. Chez le nourrisson et l enfant : Un tableau occlusif doit faire évoquer une hernie inguinale étranglée, une occlusion sur bride (si antécédent de chirurgie abdominale), une malrotation intestinale compliquée d un volvulus (au même titre que le nouveau-né), une invagination intestinale qui sera de cause secondaire chez le grand enfant (diverticule de Meckel, lymphome digestif, purpura rhumatoïde). Une occlusion fébrile est généralement due à une appendicite aigue mésocæliaque, parfois un diverticule de Meckel infecté. Des épisodes occlusifs répétés chez un nourrisson constipé et météorisé depuis la naissance doivent faire évoquer une maladie de Hirschsprung. On retrouvera ; une distension aérique mais absence d aération rectale sur l ASP, une disparité de calibre colique au lavement opaque, une absence de réflexe recto-anal inhibiteur à la manométrie. Le diagnostic étant confirmé par l absence de cellules ganglionnaires sur la biopsie rectale. III.1.2 Les affections médicales 6

Causes infectieuses En cas de fièvre associée aux vomissements, on recherche une infection. Le vomissement est parfois le signe inaugural, notamment chez le nourrisson. On recherchera : - une infection ORL : rhinopharyngite, otite, angine - une infection pulmonaire : broncho-pneumopathies virales, pneumonie lobaire aiguë - une gastro-entérite aiguë car les vomissements peuvent précéder l apparition de la diarrhée - une hépatite virale - une pyélonéphrite dont la présentation clinique comprend fréquemment des vomissements chez le nourrisson - une méningite virale ou bactérienne, une méningo-encéphalite : les signes méningés peuvent être frustes ou absents chez le nourrisson Causes digestives ou urinaires Elles sont évoquées lorsque les vomissements sont associés à des douleurs abdominales ou lombaires : - lésion gastroduodénale aigüe (gastrite, ulcère) : douleur épigastrique avec des vomissements parfois hémorragiques - purpura rhumatoïde : douleurs abdominales, purpura déclive - pancréatite : douleur épigastrique, transfixiante - cholécystite, angiocholite : douleur de l hypochondre droit et ictère - lithiase des voies excrétrices urinaires : douleur lombaire ou inguinale, souvent associée à une hématurie Causes neurologiques Elles sont à évoquer en cas de vomissements faciles, en jets, associés à des céphalées, des troubles de la conscience ou du comportement. L imagerie cérébrale par tomodensitométrie est alors l examen incontournable pour retrouver : - une hémorragie cérébro-méningée spontanée ou post-traumatique, en particulier l hématome sous-dural chez le nourrisson - une hypertension intra-crânienne aiguë pouvant être en relation avec une thrombophlébite cérébrale (post-otitique), un processus tumoral, une origine toxique (vitamine A, tétracycline), une hydrocéphalie en poussée. 7

Autres étiologies possibles De multiples causes intègrent des vomissements : - pathologie respiratoire, en cas de toux associée : infection (coqueluche, VRS) ou toux chronique aggravée (allergie, mucoviscidose) - mécanisme toxique : médicaments (digitaliques, théophylline, acide salicylique, vitamine D), ingestion accidentelle de produit toxique ou caustique (les vomissements sont peu spécifiques d un produit, mais témoignent par contre de la réalité de l ingestion lorsqu elle n a pas été constatée) - désordre métabolique : le diabète décompensé et de nombreuses maladies métaboliques héréditaires peuvent se révéler par des vomissements. En cas de vomissements sanglants Après avoir éliminé une épistaxis déglutie, on évoquera : - une cause œsophagienne (œsophagite peptique ou virale) - une cause gastrique (gastrite à Helicobacter pylori ou gastrite médicamenteuse), un ulcère gastrique ou duodénal (secondaire à une prise d AINS ou d acide salicylique). En cas d hématémèse massive, il faut évoquer le saignement d un ulcère duodénal ou une rupture de varices œsophagiennes (dans le cadre d une hypertension portale). III.2 Les vomissements chroniques ou récidivants Les causes des vomissements chroniques ou récidivants sont en règle médicales. Toutefois, certaines pathologies digestives chirurgicales, donnant habituellement des vomissements aigus, peuvent se révéler sur un mode chronique. Les erreurs diététiques Les erreurs de régime seront recherchées systématiquement devant des vomissements chez le nourrisson. On recherchera à l interrogatoire une erreur quantitative et/ou qualitative. Les causes digestives C est essentiellement le reflux gastro-œsophagien que l on retrouvera. Dans les premiers mois de vie, le dispositif anti-reflux est incomplètement efficace autorisant un reflux de liquide gastrique vers l œsophage. Ce phénomène physiologique devient pathologique lorsqu il se prolonge et/ou entraine des complications. Une douleur rétro- 8

sternale lors de l alimentation, voire hématémèse et anémie, font évoquer une œsophagite. Broncho-pneumopathies à répétition, toux nocturne et problèmes ORL sont fréquents et leur lien avec un reflux gastro-œsophagien devra être recherché. Les malaises graves du nourrisson avec apnée et parfois mort subite rattrapée représente les formes les plus graves. Le caractère pathologique du RGO est affirmé par une phmétrie de longue durée qui permet d apprécier le temps de ph acide dans l œsophage. L endoscopie oesogastroduodénale appréciera l existence ou non d une œsophagite et un TOGD pourra être réalisé pour rechercher une anomalie morphologique (hernie hiatale). La plicature gastrique La plicature gastrique correspond à un estomac se positionnant en bissac : la partie inférieure de l estomac se pliant et remontant devant sa partie supérieure, séparant la cavité gastrique en deux poches, l une correspondant à la grosse tubérosité et l autre à l antre. Lors de la tétée, la première poche, de capacité réduite, est rapidement remplie expliquant que les régurgitations surviennent en cours du biberon. Le traitement est postural. L enfant est couché sur le ventre pendant 1 à 2 heures après chaque repas. Fréquente dans les premières semaines de vie, cette anomalie s atténue progressivement dans les premiers mois de vie. L intolérance au gluten ou maladie cœliaque Le tableau classique chez le nourrisson associe vomissements, diarrhée chronique, météorisme abdominal et dénutrition avec cassure de la courbe de poids. Parfois les symptômes sont moins francs avec des vomissements au premier plan chez un enfant météorisé. Le diagnostic repose sur la présence d anticorps anti-transglutaminase et d une atrophie villositaire totale à la biopsie intestinale. Cette pathologie sera confirmée par la disparition des symptômes sous régime sans gluten. L allergie aux protéines du lait de vache Les vomissements sont habituels dans la forme aiguë dite réaginique (type I) où ils peuvent apparaître isolement après la prise de protéines du lait de vache ou associés à d autres symptômes (diarrhée profuse, éruption urticarienne, bronchospasme, état de choc...). Dans la forme entéropathique (type IV), les vomissements sont associés généralement à une diarrhée chronique et une mauvaise prise pondérale. Le diagnostic repose sur les tests allergologiques (dosage des IgE spécifiques dans le sérum, tests cutanés) et sur la disparition des symptômes après régime d exclusion. 9

Les causes métaboliques Les vomissements peuvent apparaître au premier plan du tableau clinique de nombreux types de maladies métaboliques héréditaires. Chacune d entre elle est rare mais nécessite un diagnostic rapide car pouvant mettre rapidement en jeu le pronostic vital. Les éléments d orientation vers une origine métabolique sont une consanguinité parentale, le jeune âge, une hépatomégalie, des troubles neurologiques (convulsions, coma), une hypoglycémie. Le bilan doit rechercher une acidose, une cytolyse et/ou une insuffisance hépatique, une hyperammoniémie, et prélever du plasma et des urines pour des chromatographies des acides aminés et des acides organiques. Les causes endocriniennes L insuffisance surrénalienne par hyperplasie congénitale des surrénales doit être évoquée dans les premières semaines de vie devant des vomissements, une mauvaise prise de poids, une déshydratation et un syndrome de perte de sel. La présence d organes génitaux ambigus peut réaliser une orientation diagnostique. Les causes neurologiques Une hypertension intracrânienne doit être évoquée devant des vomissements faciles, en jet, survenant surtout le matin, associés à des signes neurologiques, des troubles du comportement, éventuellement une augmentation du périmètre crânien chez le nourrisson. Le fond d œil s il peut être réalisé en urgence montrera un œdème papillaire en cas d hypertension intracrânienne avec des hémorragies rétiniennes évocatrices d une étiologie traumatique (syndrome du bébé secoué). L imagerie cérébrale montrera un œdème cérébral, un hématome sous-dural, une tumeur de la fosse postérieure, une sténose de l aqueduc de Sylvius, exceptionnellement un accident vasculaire. L hypertension intracrânienne bénigne est évoquée en cas d œdème au fond d œil avec imagerie normale. Les migraines sont fréquentes chez l enfant mais sous-diagnostiquée. Elles sont à l origine de céphalées récurrentes avec vomissements dans plus de la moitié des cas. Le vertige ou torticolis paroxystique bénin survient épisodiquement avant 3 ans et se traduit par un vertige avec vomissement survenant lors d un changement de position brusque, pouvant durer de quelques minutes à plusieurs heures. Les vomissements acétonémiques ou vomissements périodiques avec cétose. 10

Ils surviennent sans cause apparente ou après un jeûne ou une affection banale chez un grand enfant. Ils entraînent une intolérance gastrique avec vomissements incoercibles, odeurs acétonémiques de l haleine, cétonémie et cétonurie reflets du déficit énergétique. Les accès durent plusieurs jours, entrainant parfois une déshydratation, et peuvent se répéter plus ou moins fréquemment pendant plusieurs années. Origine psycho-affective Les vomissements peuvent être observés chez le jeune nourrisson dans le cadre de difficultés alimentaires avec un conflit mère-enfant associé ou non à un forcing alimentaire. Ils peuvent aussi être mis sur le compte de certains changements à l intérieur de la famille (conflits, changement du mode de garde, reprise du travail maternel, modification du mode de vie ou des repas...) Chez l enfant plus grand, les vomissements peuvent être le témoin d une souffrance psychologique ou d un phénomène de conversion. Les vomissements sont habituels dans l anorexie mentale. IV Traitement Le traitement médical ou chirurgical des pathologies décrites précédemment est développé dans les documents du Collège de Chirurgie Pédiatrique suivants, N 268 : Reflux gastro-œsophagien chez le nourrisson et chez l enfant N 286 : Hernie pariétale chez l enfant N 349 : Syndrome occlusif de l enfant N 351 : Appendicite de l enfant N 352 : Péritonite aigue chez l enfant 11

EN RESUME Etiologie des vomissements aigus en fonction du contexte Dans les premiers mois de vie : Sténose hypertrophique du pylore Maladie de Hirschprung Avec fièvre : Appendicite et péritonite Infection ORL, pulmonaire, intestinales, rénale ou méningée Avec douleur abdominale aigue : Volvulus sur malrotation Hernie inguinale étranglée Invagination intestinale aigue Occlusion sur bride Associé à des troubles neurologiques : Hémorragies et hypertensions intracrâniennes Maladies métaboliques Vomissements sanglants : Œsophagite et gastrite Rupture de varices œsophagiennes Ulcère gastrique Obstruction du tube digestif Duplication intestinale Diaphragme antral ou duodénal Pince aorto-mésentérique Corps étranger, bézoard Etiologies des vomissements chroniques Autres pathologies digestives Reflux gastro-oesophagien Achalasie de l œsophage Gastroparésie Ulcère peptique Œsophagite à éosinophiles Gastroentérite à éosinophiles Allergie alimentaire Maladie cœliaque Maladie inflammatoire chronique de l intestin Pancréatite chronique Pathologies neurologiques Hydrocéphalie Hématome sous-dural chronique Tumeur intra-crânienne Migraine et vertige paroxystique bénin 12

Pathologies métaboliques Galactosémie Intolérance héréditaire au fructose Anomalies du cycle de l urée Acidémies organiques Troubles de la béta-oxydation des acides gras Insuffisance rénale Maladies endocriniennes Hyperplasie congénitale des surrénales Diabète Causes toxiques Saturnisme Intoxications à la vitamine A ou D Surdosages en digoxine, théophylline, Pathologies cardio-vasculaires Insuffisance cardiaque Arc vasculaire Autres Anorexie mentale Vomissements cycliques périodiques Difficultés psychologiques Dysautonomie Maltraitance Syndrome de Munchausen par procuration 13