Formation continue et emploi Les tendances d avenir



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Transcription:

1 Formation continue et emploi Les tendances d avenir Paul Bélanger UQAM/CIRDEP Le monde du travail, tout comme celui de la formation, initiale et continue, sont en mutation. Des défis importants sont à relever et certains sont déjà en voie de l être par les réseaux de formation professionnelle et d éducation des adultes. Voyons d abord les grandes tendances du monde du travail, elles transforment la demande de formation des adultes et posent des défis importants quant aux politiques et pratiques actuelles des réseaux éducatifs. 1. Les grandes tendances du monde du travail au Québec Le monde du travail entre dans une nouvelle mouvance qui risque de transformer substantiellement les demandes de formation continue. Les changements démographiques Le vieillissement de la population et son corollaire, le faible taux de reproduction interne de la population, sont des faits connus. C est précisément cette année (voir tableau 1) que nous assistons à un renversement de tendance qui produira, phénomène maintenant de plus en plus reconnu, une pénurie de main d œuvre. En effet, à partir de 2008, la proportion de la population en âge de travailler par rapport à la population totale amorce une décente qui se poursuivra pendant les prochaines décennies. Les conséquences de cette diminution des entrées sur le marché du travail et donc du vieillissement de la population sont claires. Les trois seules voies possibles pour combler cette pénurie de main d œuvre passeront

2 par une participation plus importante des femmes sur le marché du travail, par une augmentation de l immigration et par une demande accrue de participation économique des travailleurs plus âgés. Tableau 1 Le rendez-vous démographique québécois Projection de la population en âge de travailler en proportion de la population totale Québec de 2001 à 2031 72 70 68 66 64 62 60 58 56 54 52 2001 2007 2011 2016 2021 2026 2031 Mutations des parcours professionnels Ce recours nécessaire aux employés plus âgés traduit une première mutation des parcours professionnel, soit un prolongement de la période de travail rémunéré au-delà de 60 et même de 65 ans. Au lieu des programmes «liberté 55», nous assisterons plutôt à un report de l âge normal de la retraite au-delà de 65 ans, comme cela a été fait entériné récemment en Grande Bretagne. Plus important, c est l ensemble des parcours professionnels, et non seulement la dernière période, qui est en voie de changer. Les parcours professionnels ne sont plus ce qu ils étaient. Ils sont désormais marqués par l incertitude et des transitions professionnelles récurrentes tout au long de la vie. Les trajectoires de vie suivent de moins en moins le modèle classique des trois grandes phases bien marquées et

3 synchronisées allant de l école à l emploi à vie pour ensuite déboucher automatiquement sur une retraite assurée. Tableau 2 La transformation du chômage de longue et courte durée au Québec de 1981 à 2006 14 12 10 8 6 4 courte durée longue durée Taux global 2 0 1981 1986 1991 1996 2001 2006 Certes le taux général de chômage baisse (tableau 2); oui, on entre dans une ère de pénurie de main d œuvre. Toutefois, cette tendance générale cache un autre phénomène: si le chômage de longue durée baisse, celui de courte durée tend à se maintenir. Qu est-ce que cela signifie sinon, à l intérieur d un marché du travail s approchant du plein emploi, des ajustements difficiles fréquents à l intérieur de la structure nationale d emplois. Les mauvaises nouvelles de fermeture d usine, et ce sont des mauvaises nouvelles, ne doivent pas nous faire oublier qu il s agit là d une transformation du marché du travail et non d une attrition. Les conséquences sur la formation continue, comme nous le verrons plus loin, sont majeures. Dans un contexte de pénurie de main d œuvre, les changements structurels, comme on le voit maintenant dans l industrie du bois et des pâtes et papier, risquent, en effet, de créer des périodes difficiles de transition et d incertitude. Le contexte de l internationalisation des marchés et la compétition s exerçant désormais sans frontières nationales, provoquent des mutations

4 profondes dans le secteur secondaire vers le tertiaire et à l intérieur du secteur secondaire d un sous-secteur à l autre, de la forêt aux mines, du l industrie du vêtement à celui de la taille du diamant, etc. En fait, la continuité et la stabilité des vies professionnelles typiques des «trente glorieuses», les «jobs steady» et la montre en or reçue à l âge normal de retraite tendent à être remplacées par des cheminements professionnels saccadés et incertains. Les parcours de vie de travail sont de plus en plus marqués par une mobilité professionnelle, des périodes courtes de chômage, des changements d occupation, des épisodes mêmes d emploi instables et de travail atypique, du genre travail à temps partiel, travail temporaire, occasionnel, à contrat, sur appel. Le pourcentage de ces emplois atypiques, en effet, a plus que doublé au cours des dernières décennies. Hausse des qualifications requises de la population active Il y a donc, première tendance, une pénurie annoncée de main d oeuvre et, pour y compenser, une hausse attendue de l immigration et un prolongement prévisible des parcours professionnels, ainsi que, deuxième tendance, un accroissement de la mobilité prévue ou inattendue tout au long de la carrière des individus. Toutefois, il y a plus. À travers ces mutations, il y a un autre phénomène touchant l emploi: la tendance à une hausse continue du niveau général de qualification exigée de la main d œuvre. Certes, on voit de plus en plus souvent, des banderoles «nous embauchons», mais on cherche à embaucher des travailleurs et des travailleuses de plus en plus qualifiés. On demande des compétences techniques plus élevées pour assurer une plus grande polyvalence suite à un changement du mode de production, pour pouvoir

5 opérer sur des postes de travail numérisés ou suite à l introduction de nouvelles techniques de production. On exige et supporte aussi un développement professionnel continu pour accompagner et soutenir les hausses de productivité dictée par la compétition. Ce sont d ailleurs surtout les secteurs économiques en expansion qui demandent une main d oeuvre ayant un niveau plus élevé de formation de base et de formation professionnelle. L économie du savoir exige une hausse des compétences de base ou essentielles. Certes, la proportion de la population de 25 à 64 ans sans diplôme secondaire a baissé de 40% à moins de 20% entre 1990 et 2006, ce qui traduit un relèvement important du niveau général de qualification de la main d œuvre québécoise. Toutefois, encore aujourd hui, pratiquement un individu sur cinq en mesure de travailler demeure sous ce seuil minimal de qualification, un seuil d ailleurs mobile qui connaîtra une hausse graduelle au cours des prochaines décennies. Tableau 3 Niveaux de compétence en compréhension de textes suivis de la population de 16 à 65 ans, Québec et provinces canadiennes, 2003 100% 80% 24 23 20 19 26 19 15 20 14 14 60% 43 42 42 41 39 38 37 38 35 36 40% 20% 0% Saskatchewan 26 7* Alberta 33 34 32 25 27 27 29 26 21 10 12 13 14 14 16 16 17 19 Nouvelle-Écosse Manitoba Colombie-Britannique Île-du-Prince-Édouard QUÉBEC Ontario Nouveau-Brunswick Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4/5 Terre-Neuve-et-Labrador Un indice inquiétant, à cet égard, est le faible niveau de compétence de base de la population adulte en âge de travailler (voir les tableaux 3 et 4). La moitié de la population de 16 à 65 ans n atteint pas le niveau 3 exigé selon l OCDE pour répondre à l évolution en cours des économies nationales des pays industriels

6 avancés. Un membre sur cinq de la population active, il faut le souligner, ne dépasse pas le niveau 1e plus bas des compétences essentielles. Tableau 4 Le niveau de compétence de base Niveaux de compétence de base de la population de 16 à 65 ans, Québec 2003 La proportion des personnes se classant au niveau 1 ou 2 au Québec dans les 3 principaux domaines de compétence: Compréhension textes suivis: 49 % dont 16% au niveau 1 Compréhension textes schématiques: 51 % dont 18% au niveau 1 Numératie: 53 % dont 20% au niveau 1 Cette hausse des qualifications requises de la population active est une tendance lourde. On le constate, le taux de chômage varie substantiellement (voir tableau 5) selon que l on traverse ou non le seuil, décisif statistiquement du diplôme secondaire, DES ou DEP. La capacité de s insérer sur le marché du travail et de s y maintenir tend à augmenter en fonction du niveau de formation générale et professionnelle. Tableau 5 Le taux de chômage varie selon le niveau du diplôme Source : Statistique Canada 15 10 5 0 nil sec post univ.

7 2. Mutation de la demande de formation Ces multiples changements sur le marché du travail et dans les entreprises tendent à modifier substantiellement les rapports éducation travail tout au long de la vie dite active. Dans une économie mondialisée de plus en plus compétitive, les entreprises sont appelées à revoir leur organisation du travail et à améliorer les techniques de production de biens et services. Conséquemment, elles sont et seront encore davantage en recherche d une main d œuvre de plus en plus qualifiée. Mais, pour ce faire, elles pourront de moins en moins procéder par l embauche et le recrutement de nouveaux personnels. Elles devront davantage procéder, à l interne, à un développement continue des compétences du personnel en place, à créer de la flexibilité, mais une flexibilité interne. D ailleurs, cette tendance a aussi un impact sur les individus. Devant l incertitude et l imprévisibilité d un marché du travail en hausse mais aussi en mutation, les hommes et ces femmes chercheront à continuer de se qualifier ou se convertir professionnellement pour prévenir les coups et assurer leur droit au travail. Toutes les mutations que nous avons décrites bien rapidement convergent pour accroître et modifier les demandes de formation continue et de formation initiale reliée au travail. Hausse de la participation à la formation continue Cela se traduit déjà par une hausse continue de la participation des adultes à des formations organisées. Les statistiques, à cet égard sont claires (tableau 6). En 2002, ce n est plus une personne sur cinq, comme en 1997, qui participent à des formations structurées, mais pratiquement une sur trois.

8 Tableau 6 Croissance de la participation à l éducation et la formation des adultes 60 Source EEFA 2002 50 40 30 20 10 Québec97 Québec 2002 Canada 2002 Allemagne2000 Suède 95 0 %pop. Regardez le tableau 7. Considérant uniquement la formation structurée, sans prendre en compte l apprentissage informel, le nombre d adultes en formation dépasse déjà celui des jeunes en formation initiale. Or, comme tous les facteurs derrière cette montée de la participation sont eux-mêmes en hausse, il faut s attendre, au cours des prochaines années, à un accroissement substantiel de la formation continue reliée au travail. Tableau 7 Les populations étudiantes jeunes et adultes Form. initiale. Prim. 590 k* Sec. 490k Coll. 160k Univ. 165k Entrepr. - Autres - TOTAL: 1 405k *Maternelle pré-scol:79 000 Éduc. adultes Prim. - Sec. 255k+50Kadultes en form. prof Coll. 30k Univ. 100k Entrepr. 700k Autres 400k TOTAL: 1 535 k

9 Une remarque préalable, ici, s impose, car ce qui change aussi, c est le discours exprimant cette demande. Le changement de la loi 90 à la loi 5, de la loi sur le développement de la formation de la main d oeuvre à celui de la reconnaissance et du développement de la compétence de la main d œuvre est plus que cosmétique. Ce changement de nom traduit un passage significatif à une logique de demande et à une reconnaissance de la diversité des moyens et modes de développement des compétences. Les possibilités de développement des compétences sont nombreuses et diverses: la formation formelle ou sur mesure organisée par les centres de formation professionnelle, les centres d éducation des adultes ou les services de formation continue des cégeps, le programme d apprentissage en milieu de travail, la formation structurée en entreprise ou dans les boites privées, les apprentissages-maison de type mentorat, la formation à distance ou de type e-learning, les mutuelles de formation regroupant plusieurs petites entreprises, etc. Plus spécifiquement, ce qui change, c est la demande éducative des organisations et celle des individus, demande à laquelle sont appelés à répondre les divers acteurs de la formation. Voyons donc tour à tour rapidement quelques traits majeurs de l évolution de la demande éducative des entreprises et des individus, Demande accrue des entreprises Du côté des entreprises, on observe trois tendances importantes quant à la demande de formation continue ou de développement des compétences. D abord, la rapidité des changements dans les modes et techniques de production conduit les acteurs économiques à reconnaître, ce que j appelle la règle du 30/90. On ne peut attendre 30 ans pour renouveler le niveau de qualification de la population active, soit le temps nécessaire au remplacement d une génération par la suivante. La formation des jeunes ne peut à elle seule répondre à la situation

10 nouvelle du monde du travail, car 90% de la main d œuvre de 2018 a déjà aujourd hui quitté la formation initiale. Les entreprises, en recherche d une plus grande polyvalence et d une qualification continuellement plus élevée du personnel déjà en place, vont donc devoir miser sur une politique de flexibilité plus interne qu externe dans la gestion de leurs ressources humaines. Cette demande se traduit en une hausse de la formation reliée au travail et, au sein de celle-ci, d une hausse de la formation parrainée par les entreprises. Dans ce contexte, le maintien au travail des travailleurs et travailleuses de plus de 50 ans représentera un potentiel important de croissance de la main d œuvre, ce qui générera une importante demande de formation des employés de 50 ans et plus. Un virage s impose à cet égard, vu les taux actuels de participation à la formation reliée au travail tendent à baisser significativement en fonction de l âge des individus. Ces travailleurs et travailleuses sont à la fois des sources de savoir et de savoir-faire à transférer, mais aussi des apprenants qui ont besoin de se perfectionner pour poursuivre leur carrière. L ouverture et la participation active des réseaux de formation professionnelle et de formation générale des adultes, ainsi que de leurs services respectifs d aide aux entreprises sont et seront cruciaux pour répondre à cette demande de formation créditée et/ou sur mesure. Troisièmement, la reconnaissance des compétences acquises de diverses manière ou en divers lieux ou pays tend à devenir un élément important tant de la gestion de personnel dans les entreprises que des politiques d accueil des publics dans les institutions de formation. Cela est vrai tant des publics immigrants et de la demande d une reconnaissance équitable de leurs formations prises à l étranger que de la population active nationale, pour déterminer dans les deux cas les compétences acquises antérieurement et préciser les formations d appoint. Les

11 services de formation professionnelle, d éducation des adultes et de formation continue seront appelés à contribuer, avec les mécanismes des comités sectoriels, pour faire cette reconnaissance et cette validation, mais aussi pour répondre à la demande de formation, forcément à géométrie variable, que cela exigera. Les demandes et approches individuelles Dans le marché du travail d aujourd hui, les individus doivent aussi s ajuster face aux incertitudes. Ils le font selon deux modes majeurs: se convertir et prévenir. Ces deux approches individuelles requièrent l appui de politiques publiques. Se convertir Près de 200 000 adultes, en interruption volontaire ou obligée de travail, retournent actuellement en formation à temps complet, soit dans les centres d éducation des adultes, ils y sont plus de 100 000 individus, soit dans les centres de formation professionnelle, plus de 50, 000 ayant plus 25 ans, soit dans les programmes AEC des Cégeps, quelque 12,000, soit encore dans les programmes d apprentissage en milieu de travail, PAMT, d Emploi Québec. Les listes d attente pour entrer dans plusieurs de ces programmes indiquent déjà une demande en croissance, mais elles ne sont pas les seuls indicateurs. Il y a également et surtout les demandes non exprimées faute d information et de conseil, mais aussi faute de pouvoir surmonter les nombreux obstacles reliés aux conditions de vie, aux dispositions culturelles, aux contraintes institutionnelles actuelles. Prévenir alors qu on est encore en emploi Mais très certainement, la demande la plus forte et qui connaîtra la plus grande croissance, est celle des personnes en emploi qui veulent et voudront de plus en plus, par les soirs et les fins de semaine, poursuivre leur formation générale et

12 professionnelle ou technique. Il s agit ici non plus d un public potentiel équivalent à 7% de la population active, mais de 93% de cette population, soit les individus occupant un emploi. 3. Les défis quant aux réponses attendues des réseaux publics Ces diverses demandes en montée continue posent plusieurs questions aux réseaux publics d enseignement. Certes les réseaux de formation générale et de formation professionnelle et technique ont réussi des percées majeures au cours des quarante dernières années, mais ils sont aussi confrontés à des défis importants. J en nommerai brièvement cinq. Un premier défi est le faible, le trop faible taux de participation à des formations reliées au travail dans les petites et moyennes entreprises ainsi qu au sein des emplois atypiques ou encore des couches les moins qualifiées de la population adulte. Le tiers des emplois québécois se trouvent dans les entreprises ayant moins de 50 employés et pratiquement le quart dans des entreprises de moins de 20 employés, là précisément où les enquêtes révèlent des faibles niveaux d activités organisés de développement des compétences. Le taux de participation à la formation en entreprise varie, en effet, de 1 à 3 selon la taille des organisations. Le statut de travail est un autre facteur lorsqu on sait que la probabilité de participer à des formations varie de 1 à 2 selon qu on travaille à temps plein ou à temps partiel. La formation parrainée par les employeurs est pratiquement inaccessible aux employées à statut atypique, sans compter le nombre de ces individus qui, ne souscrivant pas à l assurance emploi se voient privés de possibilités de pouvoir, ainsi, bénéficier de périodes de formation à temps complet pour se convertir et réussir des transitions professionnelles nécessaires. Il en est de même du niveau des niveaux inégaux de formation initiale, en raison de la tendance lourde à un cumul des avantages éducatifs tout au long de la vie pour les uns, mais

13 aussi à une accumulation des désavantages éducatifs pour les autres toute la vie durant. Deuxième défi, la difficulté, pour les adultes en emploi de continuer à se former. Les gens en emploi veulent prévenir les coups et les entreprises tendent à parrainer leur personnel pour qu ils développent davantage leur compétence. Défi majeur: surmonter les obstacles au développement des formations à temps partiel, le soir et les fins de semaine, bref dans des conditions adaptées aux adultes. Le redressement de la réponse des réseaux de formation à cette demande en croissance du marché du travail constitue peut-être une des plus grandes priorités. Cela exige de décaner la formation créditée, la flexibiliser, pouvoir moduler les programmes, concevoir des inscriptions à des cours sans devoir s inscrire à un programme, revoir la planification de l allocation des équipements dans les centres professionnels pour ouvrir le temps partiel au delà des programmes de secrétariat, de revoir les règles financières. Cela est essentiel pour ne pas pénaliser ceux et celles qui investissent de leur temps libre pour développer leurs compétences et pour répondre aux demandes des entreprises généralement disposées à allouer plus du tiers de leur 1% au remboursement des frais de telles formations. Défi également pour les individus en période intensive de reconversion professionnelle: comment est-il possible alors d intensifier, pour ces publics adultes en formation professionnelle, le rythme des programmes réguliers, par exemple, à raison de 35 heurs par semaine et ainsi réduire la durée totale de la formation de pratiquement la moitié, soit de 32 à 18 semaines pour les programmes les plus courts et de 90 à 50 semaines pour les programmes les plus longs? Pour ces adultes qui retournent à temps complet en formation cela peut faire toute la différence. Il faudra bien aussi, et le plus tôt possible, mettre en place des programmes de support pour permettre ce développement continu des compétences de la population en emploi: congé éducation payé, bons de formation crédits de formation, plan d épargne formation continue, fond sectoriel comme dans la construction, etc. Cela se met en place partout en Europe. C est très certainement une priorité à considérer

14 dans le nouveau plan d action de la Politique d éducation des adultes et de formation continue. Les politiques économiques de conciliation travail - famille tendent à s élargir pour tenir compte aussi des impératifs de formations récurrentes. À moyen terme c est la capacité de compétition de l économie canadienne et québécoise qui est en jeu. Un troisième défi est celui de la formation de base et d abord celui de l alphabétisation. On l a souligné plus haut, au sein de la population de 16 à 65 ans, un adulte sur cinq ne peut utiliser les mathématiques de base, faire des additions et soustractions, un adulte sur deux ne peut utiliser la règle de trois pour solutionner des problèmes quotidiens. Une si forte proportion devient un problème non seulement d intégration sociale, mais aussi de développement économique. Un niveau plus élevé de qualification de base est requis, avec l arrivée des équipement numérisés, dans la majorité des postes de travail, depuis les chauffeurs de taxi, les agents de sécurité jusqu aux opérateurs d équipement industriels et des vendeurs conseillers dans le commerce de détail. Cette exigence d utiliser aisément la communication écrite pour opérer efficacement dans les nouveaux milieux de travail se généralise. Dans un marché mondial compétitif qui provoque des déplacements rapides de lieux de production, l élévation du niveau de compétence générale et technique de la main d œuvre devient un facteur stratégique, sinon un de survie à long terme. Cela bien sûr inclut, mais dépasse les premiers niveaux de formation générale de base et inclut l ensemble de la formation de base commune ainsi que le deuxième cycle secondaire tout comme le travail majeur de francisation. La motivation des adultes en formation générale est multiple: instrumentale pour accéder ensuite à la formation professionnelle, requise pour mieux exercer le rôle parental, utile pour mieux profiter des soins de santé, pertinente pour améliorer la qualité de la vie quotidienne. Le retour sur l investissement de telles formations est donc multiple et intéresse pratiquement tous les ministères: industrie, santé, justice, agro-alimentaire, tourisme, culture,

15 À cette fin, toutefois, ne faudra-t-il pas décrisper davantage les modes d accès à la formation générale pour répondre, à même les fonds publics existants de formation générale, aux besoins de formation de base des entreprises et des employés? Ne faudra-t-il pas assouplir les formules pour répondre aux besoins des candidats de formation professionnelle tenus, ave raison, d acquérir les aptitudes générales demandées pour avoir leur diplôme? Ne faudra-t-il pas flexibiliser les normes d admission et les pratiques d accueil pour ces adultes qui souvent n abandonnent pas vraiment, mais plutôt interrompent pour se reprendre un peu plus tard, tel que nos recherches récentes le démontrent? Ne faudra-t-il pas prévoir une formation initiale et une intensification du perfectionnement pour les enseignants aux adultes? Ne faudra-t-il mettre plus de ressource et d effort de mobilisation dans l expression difficile de la demande de formation des adultes, incluant la Semaine des adultes en formation. Un quatrième défi est de pouvoir davantage traverser les frontières séculaires entre la formation générale et la formation professionnelle, pour intensifier les échanges et coopérations réciproques, entre les ministères de l emploi et du développement industriel et celui de l éducation, pour concevoir, par exemple, des coopérations entre les PAMT et les services d éducation des adultes et de formation professionnelle. Un cinquième défi a trait à la formation initiale. Le renforcement de la formation en début de parcours de vie est, toutes les études le démontrent, le facteur le plus décisif de poursuite, tout au long de sa vie adulte, du développement de ses compétences. Il se met ainsi en position une ou deux fois dans sa vie d opérer des transitions importantes pour se réajuster face aux transformations économiques et aux autres exigences de sa vie. Bref, plus la formation initiale est longue et polyvalente, plus la probabilité d un développement professionnel continu est grande; et, comme nous le notions plus haut, au départ de leur biographie éducative, se donner une base plus substantielle. Un des grands axes d une politique d éducation des adultes et de formation continue est, paradoxalement, la

16 bonification de la formation initiale. Non seulement en terme de prolongement, mais aussi de sa nature. Je n en donnerai que deux exemples. On peut voir, dans certains programmes de formation professionnelle, une intéressante évolution vers une formation initiale qui prépare les futurs diplômés à un développement professionnel continu. Dans ces cas, l accent est mis non seulement sur l appropriation des savoirs procéduraux et des bonnes pratiques nécessaires pour la manipulation des équipements en cours dans l industrie ou les services, mais aussi et surtout sur le développement de pratiques réflexives sur ces techniques de production. On apprend à faire mais aussi à réfléchir sur ce qu on fait et aux façons actuelles, contingentes, de le faire. L apprenant se positionne ainsi de façon novatrice face au mode actuel d opération de la profession ou du métier. Il développe déjà une curiosité, un recul. Et pourquoi pas aussi, à la veille de la diplomation, proposer une espèce de contrat moral aux diplômés leur offrant un support tout au long de leur vie professionnelle, comme on le fait en médecine, en génie, de façon informelle à l école de la police. D autant plus que cela permettrait au corps enseignant de multiplier ainsi ses contacts avec la réalité changeante du travail. En formation générale aussi, en misant non seulement sur la maîtrise des compétences essentielles, mais aussi sur l initiation aux techniques et moyens d accéder aux ressources de savoir et poursuivre son développement personnel en autoformation assistée, d une part, et, d autre part, en créant des espaces pour jouir et réfléchir sur ses réussites actuelles au long de sa formation initiale et ainsi développer pour la vie le goût d apprendre.

17 Conclusion Je résumerai mes propos de façon paradoxale en vous disant que c est précisément au moment où les emplois cessent d être permanents, que l éducation le devient. Nous sommes à un virage silencieux mais majeur de l éducation et des parcours tant éducatifs que professionnels. Devant la compétition mondiale, le développement de la formation tout au long de la vie est devenu un investissement nécessaire, nécessaire collectivement pour accroître la productivité de notre économie et nécessaire individuellement pour permettre à chacune et chacun de prévenir les changements et ainsi assurer son droit au travail. P.B., février 2008.