Les institutions financières internationales



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Transcription:

Les institutions financières internationales Introduction : Eviter les faux procès I) Fonctions et fonctionnement des institutions financières internationales 1 Le Fonds monétaire international (FMI) 2 La Banque mondiale 3 La Banque des règlements internationaux II) Les limites de ces institutions 1 Leur inefficacité relative 2 Une gouvernance occidentale discutable 3 Un écho public insuffisant Conclusion : Sur quelles bases leur redonner un rôle crédible?

Introduction : Eviter les faux procès Il est de bon ton aujourd hui de reprocher aux institutions financières internationales dont nous allons parler de n avoir pas su prévenir de la crise financière que nous connaissons. Cette critique semble assez largement inexacte : les institutions avaient prévenu, mais elles n ont pas été entendues : - dans les rapports publics du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque des règlements internationaux des années 2007 et 2008, il est clairement fait allusion aux «risques que fait peser la déconnection de plus en plus grande de la finance et de l économie productive» (Rapport de la Banque mondiale 2007) et «aux risques de la contagion financière mondiale»(bri 2007). - à l été 2006, lors d une conférence devant le FMI, l ancien conseiller au Trésor américain sous Bill Clinton, M Nouriel Roubini avait déclaré : (Propos cités dans l article du Journal «Le Monde» du 26/12/08 «Et Lehman Brothers fit faillite» de Claire Gatinois et Anne Michel)

" une crise se préparait ". Une crise majeure, " comme on n'en connaît qu'une fois dans une vie ". Un double choc immobilier et pétrolier avec, à la clé, une récession mondiale, violente et durable. " La crise partira des Etats-Unis, avait déclaré M. Roubini à un auditoire incrédule. Le marché immobilier va s'effondrer. Les ménages ne pourront plus rembourser leurs crédits. Des milliers de milliards de dollars de produits financiers adossés à ces prêts partiront en fumée. Le système financier tout entier va se gripper. " Mais M. Roubini était inaudible. " Les gens pensaient que j'étais fou! ", se souvient-il. Ne leur faisons alors pas de faux procès: le problème des institutions financières tient beaucoup plus dans ce caractère relativement inaudible, y compris et surtout auprès des décideurs, que dans leur incapacité à nous prévenir de cette crise. Ce qui revient comme toujours à nous demander comment se fait-il que tant d avertissements soient restés lettre morte et surtout comment faire pour que de futurs avertissements soient mieux pris en compte?

I) Fonctions et fonctionnement des institutions financières internationales 1 le Fonds monétaire international (FMI) Le FMI a été crée lors de la conférence de Bretton Woods en Juillet 1944 Il regroupe aujourd hui 185 pays, son siège est à Washington. Il est dirigé par : - Le conseil des gouverneurs qui regroupe les 185 pays et qui ne se réunit qu une fois l an - Le Comité monétaire et financier qui regroupe 24 pays (les 10 principaux donateurs + 14 pays à tour de rôle) qui se réunit 2 fois l an - Le Conseil d administration qui compte 24 membres (dont 1 pour chacun des 10 «grands») qui assure la gestion quotidienne - le Directeur général assisté de 3 directeurs généraux adjoints Par tradition, le Directeur général est européen. Il s agit en ce moment de M Dominique Strauss Kahn. Il est nommé pour 5 ans renouvelables.

Pour mener ses missions, le FMI dispose de fonds. Ceux-ci sont apportés par chaque pays membre sous forme de quotes-parts révisées périodiquement (doc 1 et doc 2). A titre d exemple, la quote-part française auprès du FMI représente à peu près 18 milliards $ (13 milliards d ). Les quotes-parts déterminent les droits de vote au FMI, d autant plus que les «petits» pays qui ne peuvent être représentés cèdent leur droit de vote aux «grands» pays. Ainsi, les Etats-Unis disposent d au minimum 17,5% des voix (doc 2), 25% en réalité. Le FMI a trois missions essentielles : - la 1 de ces missions était à l origine la surveillance du bon fonctionnement du SMI issu de Bretton Woods : obligation notifiée aux pays de défendre leur monnaie, autorisation de dévaluation, interdiction des dépréciations monétaires à but commercial. Cette fonction a pris fin, de fait, à la suite des accords de la Jamaïque qui ont instauré les changes flottants. Avec la crise actuelle, le FMI pourrait retrouver une certaine fonction de surveillance.

- le FMI a également une mission de prêts à des pays : il existe deux grandes catégories de prêts (doc 3 et doc 5): des prêts accordés à des pays temporairement en difficultés financières (sur le plan extérieur ou intérieur) : ce fut par exemple le cas du Royaume- Uni dans les années 1960, c est aujourd hui le cas de la Hongrie (8 milliards $) et de l Islande (2,1 milliards $) Ce type de prêt est accordé sous condition d adoption d un Plan d ajustement structurel (PAS) qui vise à «rationaliser» les dépenses de l Etat concerné : moins de dépenses «improductives» (surtout sociales et subventions) et plus d exportations. des prêts de formes diverses, mais de nature concessionnelle visant à «la réduction de la pauvreté et pour la croissance» et «la protection contre les chocs exogènes». Nous aurons l occasion de montrer que le montant des prêts accordés par le FMI est d un faible niveau et en très nette diminution.

-la 3 mission du FMI consiste à apporter une aide technique, sur le plan financier et économique, à des pays qui la demandent (doc 6). Il faut ici reconnaître que la philosophie de ces aides est clairement de nature libérale : politiques de privatisation, insertion dans les échanges internationaux, réduction du poids du secteur public, définition de politiques macro-économiques (rigueur budgétaire, moindre fiscalité ). Pour l avenir, il semble difficile d imaginer que le FMI renonce à cette philosophie de la croissance et du développement, même suite à la crise de ce modèle. Pour la plupart de ses missions, le FMI travaille en collaboration avec d autres institutions : l Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Banque mondiale, qui, à peu de choses près, partagent la même philosophie. 2 La Banque mondiale Elle a elle aussi été créée lors de la conférence de Bretton woods.

La Banque mondiale proprement dite regroupe deux organismes un peu différents auxquels adhèrent 185 pays : - la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) qui s occupe en priorité des pays à revenu intermédiaire et des pays pauvres solvables - l Association internationale de développement (IDA) qui s occupe des pays les plus pauvres, surtout les pays les moins avancés (PMA) Il y a également le groupe banque mondiale : à la banque mondiale proprement dite s ajoute 3 organismes : la société financière internationale (IFC) qui a pour mission de promouvoir des investissements strictement privés, l agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) qui assure la protection financière de ces investissements, le Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI), dont la mission consiste comme son nom l indique à pacifier les désaccords.

Le mode de fonctionnement de la banque mondiale est le même que celui du FMI : il y a 24 administrateurs dont 5 proviennent des 5 plus grands pays actionnaires : Etats-Unis, Allemagne, Japon, France, Royaume-Uni. Par tradition le Président est américain : il s agit de M Robert B. Zoellick. Les fonds dont dispose la Banque mondiale sont d origines différentes : - la BIRD fonctionne comme une banque : elle lève des obligations sur les marchés financiers (taux d intérêt faible mais sans risque) puis prête ces fonds à des taux eux-mêmes faibles. - l IDA bénéficie de «dons» des pays membres (45 au total): les principaux donateurs sont les Etats-Unis (13,8%), le Royaume-Uni (13,2%), le Japon (12,2%), l Allemagne (8%) et la France (7,1%). L objectif 2008-2011 est de «lever» pour 28 milliards par an de dons Actuellement 80 pays reçoivent des prêts de la Banque mondiale, pour un montant total de 212 milliards $ (doc 7) et un montant annuel de 24,7 milliards $ (doc 8)

Encours des crédits (IDA) et des prêts (BIRD) 240000 230032 210000 225353 224498 212592 millions de $ 180000 150000 120000 115743 120907 127028 200262 102457 113542 BIRD IDA Total 90000 109610 104401 103004 97805 2004 2005 2006 2007 2008 99050

Pour pouvoir bénéficier de prêts ou de crédits (ceux-ci sont remboursables sans intérêt), les pays doivent avoir un revenu par tête inférieur à 1085 $. Les prêts et crédits financent des projets de développement de trois natures - financement d infrastructures (eau, routes, écoles, assainissement..) - opérations et développement du micro crédit - opérations visant à l insertion dans les échanges internationaux par développement d activités exportatrices La banque mondiale procède également à de nombreuses études sur les résultats et les perspectives de développement (rapports annuels sur le développement) elle est par exemple à l origine du calcul de l Indicateur de développement humain (IDH). Elle propose également des prospectives sur les moyens du développement : c est elle qui par exemple a mis en évidence le rôle clé du système éducatif secondaire dans les succès du développement de la Corée du sud, ce qui a remis en cause l analyse strictement libérale de ce développement.

3 La Banque des règlements internationaux C est sans doute la moins connue des institutions financières internationales, et c est pourtant la plus ancienne puisqu elle a été fondée le 17 Mai 1930. Elle siège à Bâle. Elle regroupe 55 Banques centrales et elle est présidée par M Jean Pierre Roth (gouverneur de la Banque centrale de Suisse). Elle a plusieurs rôles : - elle assure, comme une Banque centrale des banques centrales, l échange des liquidités internationales entre elles. En effet, même si le $ reste la monnaie internationale de référence, toutes les transactions ne se font pas en $ (doc 9 et 10) et il faut donc, au travers d une chambre de compensation, assurer cet échange de liquidités. - elle assure la coordination des différentes banques centrales : elle veille à ce que les politiques monétaires ne divergent pas trop, et elle édicte, en partenariat avec les banques centrales, les règles prudentielles censées s imposer aux banques commerciales (exemple d un ratio de solvabilité) - elle collecte la plupart des données sur la finance internationale

La BRI est donc au cœur du dispositif de la finance internationale, et ses rapports, en particulier sur les dangers des fonds spéculatifs, sur le risque de l importance des produits dérivés (pratiquement 800 000 milliards $ désormais), et sur les risques que font courir les paradis fiscaux auraient du être écoutés. La BRI dispose de fonds pour mener à bien ses missions : - dépôts en monnaie effectués par les banques centrales membres (doc11) sous forme de DTS qui permettent d assurer les opérations de changes entre banques centrales - placements monétaires des banques centrales (doc 12) qui peuvent amortir des chocs de change si nécessaire (exemple : effondrement subit d une monnaie «systémique»). On remarquera que cette action ne peut tout de même pas contrecarrer la volonté des pays de mener une politique monétaire indépendante (exemple des Etats-Unis qui laissent «filer» leur monnaie, ou du Royaume-Uni dont la atteint désormais la parité avec l ), ni celle des spéculateurs s ils veulent vraiment «casser» une monnaie.

II) Les limites de ces institutions L esprit qui a présidé à la création de ces institutions avait un objectif ambitieux : il s agissait de mutualiser les moyens internationaux pour réaliser des projets communs. Mais force est de constater que cet objectif est loin d être atteint 1 Une inefficacité relative Si on résume brièvement, les institutions financières internationales ont un double objectif : - lutter contre la pauvreté et le sous développement - stabiliser la finance mondiale Ces deux objectifs sont loin d être atteints En ce qui concerne la pauvreté mondiale et le sous développement, malgré les progrès constatés en Asie, la situation reste très délicate, c est un euphémisme.

Plus préoccupant encore, le rôle de ces institutions dans la lutte contre la pauvreté semble diminuer : - on constate par exemple (doc 13) que le FMI est de moins en moins sollicité pour des prêts : 70 milliards $ en 2004, à peine 10 milliards $ en 2008, et le montant des crédits disponibles du FMI est très largement supérieur aux encours de crédits : 206 milliards $ de disponibles contre à peine 16 d engagés. Certains en arrivent même à envisager la suppression du FMI, ce qui aurait au final assez peu de conséquences - le constat est un peu le même en ce qui concerne la Banque mondiale (doc 14) : les crédits accordés sont modestes et progressent peu, les crédits non utilisés progressent (ils représentent en 2008 plus de 71 milliards $, en progression de presque 13 milliards $ depuis 2004) On se rend compte d ailleurs que le montant des remboursements annuels auprès de la BIRD est proche des crédits accordés : 12,6 milliards $ de remboursements contre 13,4 de crédits. Un jour les pays pauvres rembourseront plus à la BIRD qu ils ne recevront!

Cette situation s explique largement par la défiance des pays et des populations envers ces institutions. On leur reproche surtout leur approche dogmatique (c est-à-dire pour l essentiel libérale) des problèmes de développement : tout serait une question d économie, de privatisation, de commerce, d insertion dans les échanges internationaux ce qui se résume souvent dans le fameux consensus de Washington : «Trade not aid» (le développement par le commerce et pas par l aide) (expression de l économiste John Williamson en 1989). Dans cette optique, les problème sociaux et politiques semblent négligés, et en particulier les problèmes de gouvernance, si importants en Afrique. Ce «consensus» suppose que la gouvernance s améliorera au contact des échanges internationaux du fait de la concurrence et de l exemplarité. Force est de constater qu à l inverse, l insertion dans les échanges internationaux sur la base d une gouvernance non maitrisée favorise surtout la corruption, la gabegie et l inefficacité des politiques.

le second objectif qui était assigné aux institutions financières internationales était de stabiliser la finance internationale. Là aussi, force est de constater que mêmes si elles n en sont pas responsables et même si elles les avaient prévues, ces institutions n ont pas su empêcher les crises à répétition : 1997 crise asiatique, 1998 crise russe, 2000 crise des valeurs technologiques, 2001 crise argentine, 2002 crise du Brésil. Là aussi, la question de l utilité finale de ces institutions dans la prévention des risques financiers peut être posée. 2 Une gouvernance occidentale discutable Une partie des explications à l impuissance de ces institutions repose sur la domination de l occident sur ces institutions et donc sur leur caractère peu légitime : le FMI est systématiquement dirigé par un européen, la Banque mondiale par un américain et la BRI par un occidental. Ceci pouvait certes se justifier quand c est l occident qui finançait l essentiel des institutions. Mais la montée en puissance des pays émergents comme la Chine devrait remettre en cause cet état de fait.

Outre son aspect peu démocratique, ce mode de fonctionnement pose deux problèmes essentiels : - d une part, il rend toujours suspectes les décisions des institutions, soupçonnées de vouloir toujours favoriser les intérêts occidentaux avant ceux des pays censés être aidés, même si les intérêts ne sont pas nécessairement divergents, et même si l occident a parfois raison. Par exemple, en Afrique, il est incontestable que les administrations et les entreprises publiques sont rarement efficaces, et qu il vaut souvent mieux confier les projets à des partenaires privés. - d autre part il enferme de fait les institutions dans une vision très occidentale du monde en oubliant très souvent les spécificité locales : c est le principal reproche fait par Joseph Stiglitz (prix «Nobel» en 2001) à la banque mondiale et au FMI dans «La grande désillusion» (Fayard 2002). Cette ignorance conduit souvent, au mieux à l inefficacité, mais au pire à des catastrophes économiques et humaines comme le furent par exemple les «thérapies de choc» de certains pays «en transition»

Globalement les institutions financières affirment la supériorité du marché sur toute autre forme de construction économique, en oubliant que le marché est d abord une construction sociale qui demande un minimum d adhésion, de compréhension et surtout de confiance de la part des acteurs C est ce que Stiglitz appelle «la poignée de main invisible» du marché. 3 Un écho public insuffisant Les institutions financières internationales ont souvent un rôle important, elles publient d excellents rapports, elles alertent fréquemment sur tel ou tel danger financier, mais leur problème est d être trop méconnu, en particulier du grand public. Cet écho insuffisant a sans doute trois origines : - ces institutions sont perçues comme étant exclusivement d origine anglo-saxonne (ce qui est inexact), identification renforcée par leur lieu de résidence et par la langue employée (l anglais la plupart du temps). Difficile alors au public non anglo-saxon de s y intéresser.

- les publications sont souvent très longues, accessibles seulement par voie informatique, et souvent assez compliqué, ce qui n incite guère des responsables associatifs à s y référer. - les milieux «informés» (partis politiques, syndicats, presse, ONG, associations diverses ) se font rarement l écho des prises de position de ces institutions, soit parce qu ils estiment que cela intéressera peu le grand public, soit parce que ce sont leurs propres intérêts qui seront remis en cause. Mais la faiblesse de cet écho public a deux conséquences : - elle contribue à ne pas percevoir des signaux d alerte quand ils existent et conduisent de ce fait les opinions publiques à ne pas faire pression sur leurs dirigeants (et sur leurs banques). De même, l ignorance de certains rapports ne contribue pas à ce que certains processus de développement soient mis en avant plutôt que d autres (exemple du rapport de la banque mondiale sur la réussite de la Corée et le rôle crucial de l éducation dans ce processus).

-elle contribue à rendre ces institutions opaques et donc mystérieuses, ce qui peut être source de tous les fantasmes sur leur rôle réel ou supposé : on leur attribue souvent plus de pouvoirs qu elle n en ont en réalité : ainsi, le FMI n est absolument pas le gendarme de la finance internationale, et ses moyens d action sont finalement très limités, à l image d ailleurs de ses capacités budgétaires (450 milliards $ à comparer par exemple aux 800 000 milliards d encours sur produits dérivés!) mais en même temps on en arrive également à minimiser le rôle réel qu elles pourraient avoir dans la lutte contre la pauvreté mondiale et la régulation financière : organisations qui pourraient devenir légitimes, elles pourraient avoir les capacités morales puis financières d intervenir, soit par l investissement dans un cas, soit par la réglementation dans un autre cas. Encore faut-il que les opinions publiques et les décideurs connaissent avec suffisamment de précisions ce que font ces institutions et ce qu elles pourraient faire.

Conclusion : sur quelles bases leur redonner un rôle crédible? Une partie de la réponse à cette question se trouvera dans les prochaines réunions du G20, censées refonder un système financier cohérent. Cette réponse repose sur plusieurs pistes de réflexion : - les Etats (et en particulier le plus puissant d entre eux) sont ils prêts à accepter la tutelle d organisations internationales? - ces mêmes Etats sont ils prêts, au-delà des déclarations d intentions, à leur en donner les moyens, tant financiers que légaux? - sont-ils prêts, par exemple, à autoriser les institutions financières à limiter strictement le rôle et les avantages des paradis fiscaux? A limiter voire interdire les fonds spéculatifs? - la finance internationale, et en particulier les banques et les fonds les moins spéculatifs, sont-ils prêts à accepter des règles prudentielles communes? A accepter des contrôles indépendants de la part des institutions qui auraient alors un pouvoirs de notation sur les risques?