Activités graphiques à l école maternelle



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Activités graphiques à l école maternelle D après : «Activités graphiques et créatives» Maryse Buffière de Lair et Marie-Thérèse Zerbato Poudou éd. RETZ Pourquoi des activités graphiques à l école maternelle? Bref historique - C est vers 1928 qu apparaissent les premiers cahiers orientés vers le graphisme. Auparavant on apprenait à écrire en écrivant. Ce sont les revues pédagogiques qui ont contribué à leur diffusion et ils ont trouvé un écho favorable auprès des enseignants. - Programmes 19995 : «L enfant doit pouvoir reproduire des modèles, des formes, des trajectoires proposées par l enseignant.» - Programmes 1999 : «s agissant de la graphie manuelle, on veillera aux gestes et postures physiques de l enfant, à la façon dont il tient son instrument,, on pourra s appuyer sur des initiations à la calligraphie (arabe, latine, ) avec le concours d intervenants qualifiés.» - Programmes 2002 : 1 ère fois où les activités graphiques sont nommées et détaillées. Ces exercices sont également considérés dans leur aspect esthétique et culturel.. Il apparaît la distinction entre les fonctions du dessin, du graphisme et de l écriture. L activité de dessin est détaillée dans le domaine artistique. «L écriture est une activité graphique et linguistique dont les 2 composantes ne peuvent être dissociées.» - Programmes 2008 : «Sans que l on doive réduire l activité graphique à la préparation de l écriture, les enfants observent et reproduisent quotidiennement des motifs graphiques afin d acquérir le geste le mieux adapté et le plus efficace. L entrée dans l écriture s appuie sur les compétences développées par les activités graphiques (enchaînements de lignes simples, courbes, continues, ), mais requiert aussi des compétences particulières de perception des caractéristiques des lettres.» Même si on peut noter un léger retour en arrière ou une moindre importance accordée au profit de l écriture, ( souci d efficacité?) nul ne remet en cause la nécessité d activités graphiques à l école maternelle sans qu elles soient de simples activités préparatoires à l écriture.. Qu en est-il dans les classes? Les activités graphiques sont très souvent utilisées à l école maternelle, dans l unique but de former la main de l enfant à l écriture. Il s agit d apprendre à l enfant à tracer des formes spécifiques perçues comme éléments issus des lettres (les verticales, les ponts, les boucles, ) Ils sont conduits à effectuer sur fiches des exercices graphiques traditionnels de répétition de gestes grapho-moteurs la plupart du temps avec un crayon feutre qui n aide pas à contrôler efficacement la dynamique de la trace (glisse). C est trop en réduire l intérêt.

Points de vue de spécialistes Emilia Ferreiro Ce type de travail prend exclusivement en compte l apprentissage de la forme. C est ce qui s acquiert le plus facilement mais ça n aide pas à comprendre ce que l écriture représente et comment elle le représente. En réalité c est le niveau cognitif qui est essentiellement concerné par les processus complexes qui conduisent à s approprier la structure du système d écriture. Evelyne Charmeux Tout se passe comme si la capacité à utiliser l écrit sortait tout armée de l art de tracer les lettres et si une simple progression linéaire permettait de passer du tracé des lettres à la copie de textes simples puis à la rédaction (matriochka) L apprentissage se déroule de façon linéaire, du simple au complexe et les compétences acquises dans le graphisme se transfèrent à un autre domaine l écriture. Ce n est pas si évident., l enfant a du mal à mobiliser dans un contexte des compétences travaillées dans un autre (id. orthographe) Vygotski Le langage écrit n est pas la simple assimilation de la technique de l écriture, son acquisition transforme radicalement l activité mentale enfantine et fait apparaître de nouvelles fonctions psychiques. Ces positions convergentes nous conduisent à la nécessite de travailler dans un contexte pour que l activité revête tout son sens pour l enfant et qu il puisse s approprier les graphismes travaillés. L expression graphique L expression graphique peut s appuyer sur une culture très développée dans de nombreuses aires culturelles qui ne privilégient pas la figuration. Elle est aussi très présente dans les arts décoratifs (tissage, poterie, ) L expression graphique utilise des enchaînements de lignes simples, rectilignes ou courbes, continues ou brisées et des alternances de couleurs qui se structurent parfois en motifs. La surface graphique joue sur la répétition, l alternance, les rythmes ou les multiples facettes de la symétrie. L expression graphique et l enfant, les «fiches» On peut faire entrer l enfant dans cet univers dès qu il peut mobiliser le bras et la main pour tenir un outil scripteur et contrôler la dynamique de la trace. L apprentissage doit porter sur les différentes facettes de l activité : - mise au point de gestes élémentaires efficaces - observation et analyse de modèles - reproduction - détournement Cette conception consiste à rejeter l usage de la plupart des fiches à photocopier prêtes à l emploi, souvent inadaptées à la classe et réductrices car porteuses de stéréotypes qui n aident pas les élèves à donner du sens à l activité.

Ce qui nous ramène au rôle du contexte dans cette activité : Reproduire un modèle n a de sens que si cette activité s inscrit dans un contexte signifiant : Ex : apprendre le tracé de motifs décoratifs, de la symétrie, pour une exposition sur les arts graphiques «d ici et d ailleurs» donne plus de sens aux apprentissages que de dessiner «les barreaux d une échelle» sur une fiche photocopiée! Par ailleurs, il serait un leurre de croire que ces fiches photocopiées sont source d apprentissage, notamment lorsque les élèves doivent repasser sur des tracés en pointillés, ce qui ne favorise guère la dynamique gestuelle. Elles peuvent être utilisées comme support d évaluation en étant bien choisies. L enfant doit être amené à pratiquer des activités graphiques qui prennent en compte un travail d observation et d analyse des formes, la mise en œuvre de gestes efficaces, dans des situations actives, à l aide de divers supports culturels et en rendant ces activités signifiantes. Aider l enfant à : - découvrir les lignes et les formes à partir d œuvres et de l observation de l environnement - apprendre à les reproduire - les réinsérer dans des œuvres personnelles Distinction traces, graphisme, dessin, écriture Schéma publié en 2000 dans «Comment l enfant devient élève» éd. RETZ Activité Activité Activité Activité Perceptive motrice symbolique sémiotique Traces, lignes, formes, motifs Dessins Ecritures Ce schéma permet de bien voir les fonctions communes à ces activités et les fonctions qui les différencient : En commun, fonctions perceptives et motrices : activités graphiques Différences : fonction symbolique et fonction sémiotique Nature du rapport au savoir élaboré dans les classes Les exercices graphiques en faisant l amalgame entre dessin, graphisme et écriture soulèvent ce problème.

Ex : Placés devant un dessin à compléter, dessiner des écailles pour que le poisson soit complet, de quelle nature est l objet de savoir auquel l enfant est confronté? Est-ce une activité de dessin?, une activité de reproduction de forme?, un entraînement à l écriture? C est clair pour l enseignant : entraînement à l écriture. Mais pour l enfant? Tout dépend peut-être de la consigne donnée. Bruner : «Il ne suffit pas de décrire ce que fait l enfant, ce qui est maintenant à l ordre du jour, c est de déterminer ce qu il pense être en train de faire et pour quelles raisons il le fait.» La question du rapport au savoir est au cœur du problème et est à poser pour que l élève attribue du sens à ses actions. Est-il alors légitime de transférer les règles de l écriture au dessin et au graphisme (sens de rotation de lettres, organisation, )? Fonctions du graphisme Eduquer le regard et la main : fonctions perceptives (observer le modèle) et motrices (reproduire) qui ont pour but de produire une trace. Cette trace revêt des significations différentes selon l objet de savoir considéré. Proposer du graphisme aux élèves pour : - affiner les fonctions perceptives et motrices nécessaires à tous les apprentissages : savoir observer, apprendre à diriger la main, freiner ou accélérer le mouvement, maîtriser la pression sur un outil pour reproduire des tracés quels qu ils soient. - Exercer des compétences dans d autres domaines : analyse, comparaison, classification, mémorisation, anticipation, régulation, Le graphisme sert à mettre en place et développer des compétences de base, transversales nécessaires à l élève pour comprendre et agir dans le monde, ce n est sûrement pas seulement la préparation de la main à l écriture. Le rôle du maître Eduquer le regard Il faut profiter, entre autres, des exercices graphiques pour éduquer le regard. Pour reproduire un modèle, il faut : discriminer les différentes composantes, identifier les éléments constitutifs, percevoir les relations topologiques qu ils entretiennent pour utiliser correctement ces informations. Pour cela garder à l esprit le fonctionnement de la perception enfantine : Wallon : «Le paradoxe de la perception enfantine que l on dit globale, c est qu elle est en même temps pointilliste et qu elle s égare dans les détails» «L enfant saisit des ensembles mais des ensembles inorganisés ou fragmentaires.» La principale difficulté pour l enfant est de pouvoir établir des rapports entre les parties et le tout, c est-à-dire, organiser les données perceptives. Eduquer le regard suppose d exercer une activité exploratoire, d identifier et d isoler la forme, de la détacher de son contexte, de la décrire, de la comparer à d autres.

Cela suppose aussi d élargir le référentiel, évoquer d autres aspects que la seule trace, de l insérer dans un ensemble qui lui donne sens, d émettre des hypothèses, de proposer des variations. Eduquer le geste Reproduire, c est agir sur la maîtrise gestuelle. Pour cela l enfant doit anticiper et organiser ses actions, les hiérarchiser et effectuer les gestes adéquats. Il n est pas évident pour l enfant de dissocier le geste de son résultat graphique. Pour reproduire un tracé, la réussite n est pas le seul aspect à prendre en compte, il est nécessaire d identifier les gestes à accomplir, de les reconnaître pour les anticiper, c.a.d. faire une analyse des procédures de réalisation. Eduquer le geste suppose différencier le geste du résultat graphique, pour de façon consciente, associer au tracé attendu le geste reconnu adapté parce qu objectivé et anticipé. Donner au langage son rôle fondamental pour l analyse de l activité graphique : Le langage a un rôle fondamental dans l analyse des activités, graphiques ou non, car il permet la décentration de l action, la prise de conscience, l anticipation, l organisation de l action et la construction du sens. Le langage a une double fonction : communication et construction de la pensée. Pour cela il faut que le langage porte sur les éléments pertinents de la tâche et qu il s inscrive dans un contexte plus large qui lui donne sens : analyser chacune des réalisations, réussie ou non pour que les élèves organisent leurs données perceptives, anticipent et conduisent leurs actions motrices. - Verbaliser pour observer Met en avant les critères de réussite Décrire le modèle proposé Comparer avec d autre tracés connus Rechercher des formes identiques Noter les particularités Etablir des liens entre différentes parties d un modèle qui forment un tout - Verbaliser pour tracer On s intéresse là aux critères de réalisation Où commencer? Vers où aller? Quel mouvement doit faire la main? Comparaison de diverses procédures Laquelle est la plus efficace? Différents essais Exposition de techniques C est un apprentissage collectif, une construction sociale de la pensée dans un réseau qui lui donne un sens.

Remarque : la verbalisation peut prendre la forme d une dictée à l adulte. L enfant dit les actions à accomplir et l adulte exécute. Cela les oblige à décrire précisément les formes, à préciser des positions, des positions relatives, des points de jonction, On voit bien là que l analyse des modèles et leur reproduction dépassent la simple action motrice, elles mettent en œuvre l activité mentale (ce que l école a pour mission de développer) En résumé : Les activités graphiques ont pour but d éduquer le regard et la main pour découvrir, tracer et créer des formes. La trace n est que le résultat concret de ces activités. La verbalisation joue un rôle déterminant par la mise à distance, l objectivation du savoir et la régulation de l action dans un contexte de construction collective du savoir. Pour cela il est nécessaire que les enseignants mettent en place des situations favorisant la construction de ces fonctions. Anne Marie Nouhaud CPC Limoges 6