Contrôle de qualité des médicaments : une procédure de sélection adaptée aux ressources disponibles le cas des anti-infectieux à Madagascar K.Chevreul 1, F.Ballereau 2 1. Department of Social Policy, London School of Economics and Political Science 2. EA-UPRES 1156, Université de Nantes Introduction Plusieurs catégories de médicaments non conformes existent : malfaçons, contrefaçons et produits dégradés. Leur fréquence, difficilement quantifiable, apparaît croissante, et les pays en développement sont de loin les plus concernés. Divers facteurs en favorisent la circulation, nous retiendrons : les problèmes d accessibilité aux médicaments favorisant l émergence des marchés parallèles, la libéralisation du commerce international et l absence de législation efficace tant au niveau national qu international pour protéger la qualité des médicaments. Leurs conséquences en terme de santé publique expliquent qu un certain nombre de pays, encouragés par l O.M.S., ont mis en place un Laboratoire National de Contrôle de Qualité des Médicaments. Or, faute de moyens, ce dernier ne peut procéder au contrôle de tous les lots circulants.
1 Objectif et présentation Objectif Définir une méthode de sélection des lots afin de parvenir à un contrôle de qualité le plus efficient possible adapté aux ressources disponibles. Présentation Cette étude a été menée au sein de l Agence du Médicament Malgache qui a initié la mise en place d un Laboratoire National de Contrôle de Qualité des Médicaments en 1998. Elle se limite au contrôle de qualité des anti-infectieux essentiels. Notre choix s est porté sur les médicaments essentiels car ils sont au centre des politiques pharmaceutiques nationales initiées par l OMS, et la classe des anti-infectieux pour les deux raisons suivantes : leur non-conformité a des répercussions sur la santé plus importantes; ils sont plus souvent soumis à contrefaçon ou malfaçon. 2 Méthodologie Afin d élaborer un processus de sélection des lots à contrôler en priorité pour garantir la meilleure qualité possible tout en respectant les contraintes techniques et économiques, nous avons : A) Conduit une revue de la littérature et une étude du marché pharmaceutique et des circuits de distribution internationaux afin de déterminer des critères de risque de non-conformité des médicaments, B) Fait une étude du marché des anti-infectieux essentiels (AIE), c est à dire: 1) Évaluer le nombre total de lots importés ou fabriqués sur le territoire malgache en une année (1998), 2) Caractériser le niveau de risque de non-conformité de ces lots en fonction des critères déterminés en A) pour définir ceux à contrôler en priorité.
3 Résultats (A): Critères de risques de non conformité Certains sont liés au fabricant 1) La renommée du laboratoire fabricant 2) Son origine géographique (risque si Asie su sud est, Afrique, ) 3) Le type de médicaments qu il fabrique (risque si pas AMM dans pays de production...) 4) S il a subi un audit qualité dernièrement D autres aux intermédiaires de vente 5) La catégorie de grossiste importateur (risque si grossiste privé versus centrale d achat) 6) Le nombre d intermédiaires entre le fabricant et le distributeur final (risque si passage par un grossiste exportateur, et risque avec le nombre ) 7) Le type d intermédiaires entre le fabricant et le grossiste importateur (risque si grossiste privé versus centrale d achat) 8) Leur origine géographique 4 Etude du marché des AIE (B) 1) pour chaque AIE, recueil auprès des 3 fabricants et des 24 grossistes importateurs malgaches du : nombre de lots et de boites fabriqués ou importés nom du fabricant et son origine géographique nom du fournisseur et son origine géographique 2) Classification des laboratoires en cause en 3 groupes: 1. risque faible 2. risque moyennement augmenté 3. risque plus augmenté 3) Classification des lots répertoriés en fonction de leurs critères de risque et détermination des contrôles à effectuer
5 Résultats (B): Le marché malgache des AIE en 1998 2 laboratoires ont fabriqué 294 lots d AI essentiels, soit 459 550 boites 12 grossistes en ont importé, seuls 9 nous ont communiqué des données, ils ont importé 1351 lots, soit 1 685 989 boites Une approximation du nombre total de lot importés par les grossistes privés à été faite en utilisant le volume financier d importation et le nombre de présentation d AIE des non-répondants, ramenant à environ 1800 le nombre de lots importés (11,5% par la centrale d achat). Ainsi, le nombre total de lots circulants est évalué à 2100. 6 Caractérisation des lots par groupes à risque Pour les importations des grossistes privés, sont à risque augmenté: Les lots produits par des laboratoires de groupe 2 et 3, et les lots importés par l intermédiaire de grossistes exportateurs. Soit, 22 à 27% des lots selon que les lots issus de laboratoires à risque moyennement augmenté (groupe 2) sont ou non pris en compte (342 à 420 lots). Nombre de lots de Nombre de lots Nombre de lots Grossistes Nombre de laboratoires a risque de grossistes à risque augmenté privés (a) exportateurs (c) = (a) ou (b) N fournisseurs laboratoires Groupe 3 Groupe 2 Groupe 3 Groupes 3 et 2 (a1) (a2) (b) (c1) (c2) 1 5 5 2 0 2 2 2 2 24 24 16 1 28 41 42 3 13 17 20 4 151 151 154 4 11 11 0 0 0 0 0 5 4 4 0 0 0 0 0 6 17 20 9 52 17 19 68 7 1 6 0 0 15 15 15 8 1 1 19 0 19 19 19 Total 66 57 232 247 300 % des lots 6% 5% 21% 22% 27% importés
7 Caractérisation des lots par groupes à risque (2) Pour les 243 lots importés par la centrale d achat «SALAMA», le processus ne peut être le même car, dans la plupart des cas, elle: achète des AIE à des laboratoires à risque plus augmenté (groupe 3) (16/17) passe par des grossistes exportateurs, mais ce sont des centrales d achat qui pratiquent le contrôle qualité et informent sur le risque lié au fabricant exige des garanties de qualité plus importantes et fait faire des contrôles qualité avant commandes puis aléatoires par la suite (1/10 lots). Ainsi, sont à risque augmenté: les lots achetés à des grossistes exportateurs privés, fabriqués par des laboratoires peu connus de la centrale d achat malgache ou ayant déjà présenté des problèmes de qualité détectés à Madagascar ou par d autres centrales. Cela représente 90 lots en 1998, soit 37% des lots importés par «SALAMA» 8 Caractérisation des lots par groupes à risque (3) L intégralité des 294 lots issus de la production locale est considérée à risque dans un premier temps car: Les fabricants malgaches n ont pas été inspectés depuis plus de 15 ans. Il n y a pas d informations disponibles sur leur respect des Bonnes Pratiques de Fabrication et des Bonnes Pratiques de Laboratoire. Ils ne répondent pas aux normes de qualité internationales pour pouvoir exporter leur production. Au cours du temps, en fonction de l expérience et de la confiance instaurée pour chaque principe actif et présentation, ces contrôles pourront être décroissants.
9 Nombre de lots à contrôler en priorité Suivant ce processus, le nombre de contrôles de qualité s élèverait, selon l option choisie pour les importations des grossistes privés à: 726 lots (342 + 90 + 294) à contrôler en priorité 804 lots (420 + 90 + 294) si intégration des lots issus de laboratoires du groupe 2 Ceci nous amènerait à contrôler entre 34 et 38 % des lots d AIE circulant sur le territoire malgache. 10 Adaptation à la contrainte financière Le budget alloué au Laboratoire National de Contrôle de Qualité des médicaments ne permettrait pas d effectuer plus de 500 contrôles par an toutes classes thérapeutiques confondues. Une adaptation serait de procéder à un tirage au sort parmi les 726 lots à contrôler en priorité ou de contrôler un lot sur 2, ou 3, ou plus, par ordre d arrivée en fonction du nombre de contrôle possible. Une autre serait de considérer que les lots de la centrale d achat «salama» sont prioritaires car destinés au secteur public donc à l approvisionnement des centres de santé primaires. Le choix entre ces différentes options sera une décision politique et dépendra de l organisation pratique des contrôles.
11 Conclusion Nous avons pu définir que 34% du nombre total d AIE sont à contrôler en priorité à Madagascar en répertoriant tous les lots circulant et en prenant en compte des critères du fabricant et des intermédiaires de vente (cf planche 4). Cette procédure doit être un processus en évolution. L expérience qui sera acquise sur les résultats de contrôle des lots des différents laboratoires, devra être prise en compte pour faire évoluer leur classement en groupe à risque. Des approches différentes existent, ainsi, parmi les Laboratoires Nationaux de Contrôle de la Qualité des Médicaments certains font des contrôles pour tous les génériques importés (Niger), d autres uniquement pour les médicaments importés par le secteur public (Burkina Faso, Colombie).