Article paru dans la Lettre d'information tef n 3/99 Le bilan social : une nouvelle source d informations sur l emploi Esteban Martinez TEF-ULB L établissement par les entreprises d un bilan social est prévu par la loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter le plan pluriannuel pour l emploi. L arrêté royal du 4 août 1996 règle toutes les modalités concrètes relatives au bilan social. Une partie des entreprises est tenue de rentrer les données selon un schéma complet, les plus petites selon un schéma abrégé. Les dispositions de cet arrêté sont d application pour les exercices comptables prenant cours après le 31 décembre 1995. L exercice 1996 est donc la première année pour laquelle, les entreprises ont dû fournir des statistiques relatives au bilan social. La Centrale des Bilans de la BNB est chargée de recueillir les bilans sociaux et de fournir les données statistiques qui en résultent. Contenu du bilan social Les données extraites des " bilans sociaux " permettent de considérer l entreprise du point de vue de son emploi interne (salariés inscrits au registre du personnel) et externe (mise à disposition de personnel externe, principalement intérimaire). Le personnel interne est ventilé notamment selon le régime de travail (temps plein ou temps partiel), la catégorie socioprofessionnelle et, ce qui est inédit, selon le type de contrat (temporaire ou à durée indéterminée). Ces variables ainsi que le niveau d études et les motifs de fin de contrat sont également disponibles pour les mouvements de personnel (personnel entrant et sortant au cours de l exercice). Les bilans sociaux contiennent également des informations sur l effort de formation consenti par les entreprises et sur l utilisation des mesures d aide à l emploi. Toutes ces données ne sont toutefois pas fournies dans le schéma abrégé. On ne dispose pas dans ce cas des informations sur le personnel mis à disposition, ni des caractéristiques des mouvements de
personnel. Champ d application Toutes les entreprises qui doivent rédiger des comptes annuels sont tenues de déposer un bilan social. Mais sont également concernées, les grandes entreprises publiques, les banques et compagnies d assurances, les hôpitaux et toutes les personnes morales de droit privé comptant au moins 100 travailleurs. Par contre, les services publics, les établissements d enseignement et de manière générale les plus petites entreprises ne doivent pas rédiger de bilan social. Au total, pour les secteurs concernés, l emploi répertorié dans les bilans sociaux représente, en moyenne, 60 % de l emploi dénombré par l ONSS. La représentativité est plus faible (inférieure à 50 %) pour certains secteurs tels que l agriculture, l horeca ou les services aux personnes. Le tableau suivant indique, pour l exercice 1996, le nombre d entreprises ayant déposé un bilan social et l emploi concerné. Nombre d entreprises ayant déposé un bilan social complet abrégé Total Effectifs occupés en ETP (en milliers) complet abrégé Total 10.883 71.903 82.786 1.145,5 362,6 1.508,1 Présentation de quelques résultats Le tableau suivant présente quelques résultats tirés des bilans sociaux pour l exercice 1996, ventilés selon les secteurs d activité. Mouvements de personnel Emploi féminin (3) Emploi ouvrier (4) Temps partiel Emploi temporaire(7) Emploi externe(8)
Entrée Sortie H F (1) (2) (5) (6) Papier, ind. graphiques 21,3 20,4 30,1 56,4 2,3 17,0 2,7 3,3 Secteur primaire 81,6 72,9 26,7 80,8 16,5 60,0 7,9 3,3 Industries 14,9 27,7 7,2 73,6 1,1 28,5 4,4 4,3 extractives Total industries 17,5 17,8 21,7 68,4 1,5 17,6 4,2 3,9 Industries 28,7 27,1 29,9 67,4 3,7 27,3 4,2 6,9 alimentaires Textilehabillement 15,4 18,4 54,3 84,0 1,7 9,3 2,1 2,5 Industries du bois 22,3 21,1 12,1 81,5 2,7 24,5 2,2 4,3 Chimie, raff. 13,0 14,1 21,0 44,8 1,0 19,9 5,1 3,6 Nucléaire Caoutchouc et 20,1 20,4 20,3 72,1 0,9 15,5 3,2 6,1 plastiques Non métalliques 15,8 14,1 10,5 76,3 1,0 18,1 4,8 3,9 Métallurgie 14,6 14,8 13,3 72,1 1,1 17,0 4,8 3,2 Autres 19,7 20,9 22,1 81,8 1,7 16,7 2,9 4,3 industries Eau, gaz, 8,4 8,9 12,8 8,6 1,0 29,1 5,1 31,1 électricité Construction 30,3 27,5 5,7 82,3 1,4 37,8 2,9 1,9 Commerce 37,7 34,6 42,4 32,1 7,1 46,3 4,4 3,2 Horeca 112,5 102,9 47,4 85,1 54,2 67,0 6,0 2,8 Transportcommunication 22,3 19,2 23,0 45,2 6,4 28,2 4,8 4,2 Activités 15,6 14,3 44,1 3,9 3,6 34,5 5,4 1,0 financières Services aux 53,2 45,5 42,0 43,4 10,3 48,5 5,4 1,0 entreprises Santé et action 25,1 22,4 78,1 29,1 14,3 52,8 10,9 1,4 sociale Services aux 63,4 55,7 44,4 64,3 22,4 37,2 8,2 5,1 personnes Total entreprises 29,6 27,2 35,3 48,8 6,0 41,1 5,5 3,1 (1)(2) Nombre de personnes entrant dans l'entreprise ou la quittant au cours de l'année rapporté au volume moyen de l'emploi (3) (4) Parts de l'emploi féminin ou ouvrier dans l'emploi interne (5) (6) Parts de l'emploi à temps partiel féminin et masculin dans l'emploi interne
(7) Part de l'emploi temporaire (contrat à durée déterminée, de remplacement, pour un travail nettement défini) dans l'emploi interne. (8) Nombre de personnes mises à disposition (en ETP) par rapport à l'emploi interne (en ETP) Note : L'information relative au travail intérimaire est prise en compte au niveau des secteurs utilisateurs. Pour éviter toute confusion, les données relatives à l'emploi répertorié dans le secteur employeur du personnel intérimaire ont été retranchées du secteur des services aux entreprises. Ces données mettent en évidence le caractère structurant des modes sectoriels de gestion de l emploi. La comparaison des proportions d emploi temporaire interne et d emploi externe (intérim) met en évidence la complémentarité des modes de flexibilité. L intérim représente, globalement, un apport supplémentaire de personnel évalué à 3,1 % de l emploi interne. Cette forme de mobilisation de la main-d œuvre est traditionnellement plus fréquente dans l industrie. On peut cependant observer l hétérogénéité des pratiques au sein des grands secteurs que constituent l industrie et les services. Le recours au personnel externe apparaît, par exemple, important dans le secteur des services aux personnes alors qu il est faible dans la chimie. De même, il est peu fréquent, tout comme l emploi temporaire, dans les secteurs recourant traditionnellement à cette autre forme de flexibilité que constitue le chômage partiel (dans le textile-habillement et la construction). Le travail temporaire interne (à durée déterminée, de remplacement, pour un travail nettement défini) n est pas, d une manière générale, fortement utilisé (5,5 % de l emploi total), sauf dans quelques secteurs des services (santé et action sociale, services aux entreprises) et dans le secteur primaire. Cependant, d après des données non reprises dans le tableau, il ressort que les proportions de contrats temporaires sont plus importantes, d une part, parmi les salariés occupés à temps partiel (9,1 % de l emploi total à temps partiel) et, d autre part, parmi le personnel engagé au cours de l exercice (47,3 %). Si nous soulignons comme variables déterminant les modalités de gestion de l emploi, les parts d emplois féminins et d emplois ouvriers, l examen des résultats révèle des pratiques plus nuancées. Concernant le travail à temps partiel, les données des bilans sociaux confirment le clivage industrieservices et son importance dans l emploi féminin. Mais, dans les secteurs où le temps partiel est fortement implanté, ce régime de travail est également appliqué au personnel masculin, dans une moindre mesure cependant. C est le cas notamment des secteurs où l emploi est particulièrement mobile comme l horeca, les services collectifs, sociaux et personnels ou l agriculture. En revanche, le temps partiel ne paraît pas entrer dans les logiques de fonctionnement du textile et de l habillement, secteurs très féminisés. Ces données conduisent à un constat apparemment paradoxal : les mouvements très importants de personnel que connaissent certains secteurs du tertiaire (horeca, sercices aux personnes, services aux entreprises), l agriculture et un peu moins la construction, le commerce et l industrie alimentaire, ne se traduisent pas dans l emploi interne par des proportions significativement plus importantes de
contrats temporaires. C est parfois même l inverse : dans le secteur de la santé-action sociale, le taux de contrats temporaires est assez élevé mais les mouvements de personnel relativement contenus. Par contre, les secteurs marqués par les plus fortes mobilités affichent les proportions les plus élevées de temps partiel. Ce constat nous invite à reconsidérer la relation entre précarisation de l emploi, contrats temporaires et temps partiel. Les données du bilan social permettent donc de dresser une typologie sectorielle des modes de gestion de l emploi, faisant intervenir les mouvements de personnel, l emploi à temps partiel, temporaire ou mis à disposition. La prise en compte de l emploi salarié manquant, notamment celui occupé dans les plus petites entreprises, permettrait d améliorer l analyse et de confronter ces données avec celles de l ONSS, par exemple, sur le travail à temps partiel et le chômage temporaire.