Wolfgang Amadeus Mozart ( ) Adagio en si mineur K

Transcription

1 Samedi 14 mars h Strasbourg, Auditorium de la Cité de la musique et de la danse Cédric Tiberghien Wolfgang Amadeus Mozart ( ) Adagio en si mineur K Franz Schubert ( ) Sonate pour piano n 9 en si majeur op.147 D Allegro Andante Scherzo (allegretto) Allegro giusto Alban Berg ( ) Sonate pour piano op Wolfgang Amadeus Mozart ( ) Sonate en ut mineur K Allegro molto Adagio Allegro assai Ludwig van Beethoven ( ) Sonate pour piano en ut majeur n 21 op.53 Waldstein 25 Allegro con brio Introduzione. Molto adagio Rondo finale

2 Wolfgang Amadeus Mozart ( ) Adagio en si mineur K. 540 Achevé le 19 mars 1788, l Adagio en si mineur répondait à un besoin d argent urgent de Mozart. Un certain nombre de pièces de musique de chambre proposées par appel à la souscription n auraient guère suscité d intérêt et les concerts qui étaient programmés furent annulés. Dans un climat de guerre (en 1787 débute un nouveau conflit qui oppose l Empire ottoman à la Russie et l Autriche), le public avait déserté les salles de concerts. Par conséquent, Mozart composa très rapidement une série de partitions pour et avec le clavier : Concerto dit du Couronnement K. 537, mais aussi des trios avec piano, les trois dernières symphonies, etc. La composition de l Adagio en si mineur terminée, la pièce fut immédiatement publiée et mise en vente. L auditeur est surpris par la gravité des premières mesures, le caractère obsessionnel des tierces jouées à la main gauche et plus encore par les silences et une ligne de chant aussi épurée à la main droite. On imagine l accompagnement d un orchestre imaginaire. Plus encore, la tristesse de la première partie du morceau est accentuée par les deux codas qui imposent à l interprète d infimes variations afin de ne jamais enfermer la lecture dans la redite. Vis-à-vis des auditeurs, Mozart redoutait peut-être d avoir fait preuve de tant de gravité. Est-ce la raison pour laquelle il tira la conclusion vers un semblant de tonalité en mode majeur? Ce fut peine perdue. Franz Schubert ( ) Sonate pour piano n 9 en si majeur op.147 D. 575 Beaucoup d interprètes avouent préférer les pièces seules, ou pour quatre mains, voire le piano des lieder aux Sonates de Schubert. Il est vrai aussi que bien souvent, les pianistes ne donnent en concert que les trois dernières Sonates D.958, D.959 et D.960 composées au cours de la dernière année, Tout au long de sa production de sonates, Schubert tente d inventer une nouvelle forme, imagine une écriture qui traduise plus profondément ses sentiments, sur le modèle beethovénien. Naissent alors des sonates inachevées, des pièces qui débutent dans le style de Haydn pour s achever dans le pressentiment de Schumann D autres, également, annoncent des formes rythmiques inédites, une écriture fantasque dont l aspect juvénile cache des tensions abruptes. Il en va ainsi de la Sonate en si majeur D. 575 de 1817, dans laquelle surgissent des éléments rythmiques que l on retrouvera des décennies plus tard dans les symphonies d Anton Bruckner! La Sonate se compose de quatre mouvements. Sa dynamique est la marque, ici, des œuvres «heureuses» de Schubert. Elle s ouvre par un Allegro puissant, «beethovénien», dont la carrure va progressivement prendre les allures d une danse. Le second thème contient des éléments de marches et les multiples digressions créent un tissu sonore d autant plus complexe que Schubert s ingénie à changer de tonalités. Cette grande liberté d écriture se prolonge dans l Andante. Un seul thème y est développé, presque à la manière d une variation. L enrichissement permanent de celuici provoque parfois des contrastes inattendus et saisissants. Le Scherzo (allegretto) qui suit, offre lui aussi quelques surprises. Les brusques silences, les changements de tempos évoquent l esprit de la symphonie. Le finale, Allegro giusto présente deux thèmes, le premier à l allure fière et le second, plus dansant. De la sorte, Schubert renoue avec les climats du premier mouvement. L œuvre se conclut dans un optimisme sans faille et à la manière d une fantaisie. La Sonate fut publiée en 1844 par Diabelli.

3 Alban Berg ( ) Sonate pour piano op.1 L auteur des opéras Lulu et Wozzeck ne dédia que très peu de pièces au piano, la plupart étant considérées comme des essais de jeunesse. Cela explique que l influence de Brahms ait si profondément marqué ses premières partitions comme les Variations sur un thème original. La Sonate que Berg achève à l âge de vingt-trois ans n est, au départ, rien d autre qu un «exercice d école», réalisé à la demande du professeur, en l occurrence, Arnold Schoenberg. La forme sonate imposée doit être scrupuleusement respectée, même si le maître estime qu une pièce en un seul mouvement est suffisante pour que l on apprécie la qualité du travail. Par conséquent, la Sonate ne comporte qu un seul mouvement et c est ainsi qu elle est publiée, à compte d auteur, en Berg la juge suffisamment digne d intérêt pour lui attribuer le premier numéro d opus de son catalogue. Cet «exercice» marque toutefois une étape dans l histoire du piano moderne. Est-ce en raison de la tension exacerbée de la musique, ce concentré d inspiration qui repose sur un matériau fragmentaire? Ou bien, est-ce le contexte historique de l œuvre, «l apocalypse joyeuse» qui caractérise, selon les termes de l écrivain Hermann Broch ( ), la Vienne d avant la première guerre mondiale? L unique mouvement de la partition contient le matériau de la sonate traditionnelle avec l exposition du thème et sa reprise, le développement et la récapitulation. Quelques intervalles dissonants introduisent les premières mesures (modérément animé) et le thème de la Sonate. Un intervalle de quarte (sol-do), puis un second de quarte augmentée (trois tons entiers) et enfin une tierce descendante posent les fondations de l œuvre. De par sa structure, le premier thème est également un hommage au second thème de la Symphonie de chambre op.9 de Schoenberg. La Sonate se déploie avec une veine lyrique extraordinaire (du double piano puis au quadruple forte pour revenir au triple piano) sans pour autant franchir les frontières de la tonalité. Allant de la passion à la véhémence, la partition se referme comme un lied extatique, une rêverie. Toute la charge émotionnelle semble avoir été épuisée par un climat aussi fiévreux et dépressif. Les derniers feux du romantisme, l héritage de Schumann et de Brahms, mais aussi de Scriabine, de Wagner et de Strauss, se sont imprimés dans cette page que Schoenberg définit à juste titre comme une «tentative d émancipation de la dissonance». En ce printemps 1908, la Sonate inaugure le passage de l univers sonore du romantisme à une certaine modernité du XX e siècle. La partition fut créée, à Vienne, le 24 avril 1911, sous les doigts de la pianiste Etta Werndorff.

4 Wolfgang Amadeus Mozart ( ) Sonate en ut mineur n 14 K. 457 En son temps, Mozart ne disposait que du clavecin, voire de l un des admirables pianoforte que lui avait confiés Johann Andreas Stein ( ). Grâce à cet instrument, le musicien innove dans tous les registres : mélodique, dynamique, rythmique, harmonique Au fil des sonates, le nombre d octaves utilisées augmente et les dissonances ne sont plus épargnées aux oreilles chastes des mécènes princiers. La Sonate en ut mineur appartient à la série des cinq dernières sonates. Celle que nous entendons date d octobre Elle aurait été composée quelques jours après le Concerto pour piano n 18 K Contrairement à la sonate précédence, en fa majeur K. 322 datée de 1778, la Sonate en ut mineur est d un tempérament nostalgique, voire tragique. Dès les premiers accords impérieux de l Allegro molto, le décor est planté : nous sommes dans l inquiétude, le questionnement, puis l irrémédiable détermination. Quelle est cette peur vécue comme une course à l abîme? L Adagio porte une tristesse presque schubertienne. Une sorte de confidence que l on pourrait croire aimable. Mais là encore, les ornements si savants semblent dissimuler une narration empreinte d un douloureux regret. Le finale, Allegro assai, est l exact prolongement du premier mouvement. Après l exposition de l idée musicale, les à-coups se succèdent, brisés par des silences magistraux. Les cassures du récit font pressentir non plus Schubert, mais le premier Beethoven. Mozart dédia la Sonate à l une de ses élèves, Theresa von Trattner, l épouse d un éditeur. Ludwig van Beethoven ( ) Sonate pour piano en ut majeur n 21 op.53 Waldstein Surnommée Waldstein et parfois même en France, L Aurore, la Sonate en ut majeur op. 53 fut composée rapidement, entre décembre 1803 et janvier Chronologiquement, elle se situe à l époque de l écriture de la Troisième symphonie Héroïque. Par ailleurs, elle s inscrit dans une série de trois partitions pour le piano, aux côtés de la Sonate n 22 op.54 et de la célèbre Sonate n 23 op.57 dite Appassionata. Bien que Beethoven ait refusé qu elles paraissent simultanément ce qui explique les trois numéros d opus distincts elles se complètent par leur expression de puissance et de grandeur comparable. Les trois œuvres sont composées sur le même piano-forte, qui supporte une dynamique et des tensions rythmiques considérables. Beethoven se passionne pour les progrès de la facture instrumentale qui stimulent son travail. Au début du XIX e siècle, sa notoriété est déjà si grande que des firmes le sollicitent pour qu il essaie leurs nouveaux modèles. Il se fait donc livrer des piano-forte provenant de la célèbre marque Streicher mais aussi des ateliers de Sébastien Erard. Dans un tel contexte, la Sonate en ut majeur est une partition que l on qualifierait d expérimentale. La quantité impressionnante de ratures sur le manuscrit démontre que le travail fut long et fastidieux. Le compositeur invente un nouvel univers sonore dont les timbres parurent pour le moins étranges aux oreilles de ses contemporains. La forme classique de la sonate n y résiste pas. En apparence, l œuvre est construite en trois mouvements. En réalité, nous n entendons que deux immenses parties car le mouvement central n'est qu'une introduction au finale.

5 Comme souvent chez Beethoven, le matériau thématique peut sembler anodin. À défaut de superbes mélodies, l auditeur découvre des fragments de phrases, des motifs rythmiques. L Allegro con brio s ouvre sur un grondement sonore des basses. La répétition des accords, puis un tremolo font émerger le premier thème, en ut majeur, d une violence inouïe. Le second thème est un choral fluide et grandiose en mi majeur. Les deux idées musicales si étrangères l une à l autre se combattent et alimentent leur énergie en effectuant d'incessants retours à leurs sources. Beethoven utilise toutes les techniques de l écriture - répétitions, oppositions, résonances - pour assurer le développement le plus dynamique et original de l Allegro. La Sonate se métamorphose parfois jusqu à simuler la cadence d un immense concerto. Une Introduzione Molto adagio précède le Rondo finale. Cette page méditative conçue dans l esprit d une improvisation énigmatique repose sur une ligne mélodique d une grande simplicité. Le compositeur se serait inspiré d un lied de bateliers du Rhin, qu il développe par la suite sous forme de variations. Pour remplacer l andante traditionnel par cette Introduzione, Beethoven aurait suivi les conseils de l un de ses élèves, Ferdinand Ries, qui lui aurait fait remarquer que la sonate était déjà fort longue et qu elle risquait de lasser le public. Le Rondo est introduit par la nuance Attacca subito il Rondo. Pour autant, le piano fait une entrée discrète. Il présente tout d abord le thème par un Allegro moderato. La mélodie est jouée à plusieurs reprises, puis modulée et traitée sous les formes les plus contrastées. Cette amplification sonore permet au mouvement de passer d un Allegro moderato à un Attacca subito il Prestissimo conclusif. L'énergie se libère dans un sentiment d'exaltation. L œuvre est dédiée au comte Ferdinand Waldstein ( ) qui fut le premier mécène important de Beethoven. Il lui permit en effet de s installer à Vienne. La Sonate fut publiée avec le titre de «Grande Sonate». Discographie Wolfgang Amadeus Mozart Adagio en si mineur K. 540 Claudio ARRAU (Decca) Murray PERAHIA (Sony) Mitsuko UCHIDA (Decca) Franz Schubert Sonate pour piano n 9 en si majeur op.147 D. 575 Alfred BRENDEL (Decca) Wilhelm KEMPFF (Deutsche Grammophon) Christian ZACHARIAS (Warner Classics) Alban Berg Sonate pour piano op.1 Murray PERAHIA (Sony) Maurizio POLLINI (Deutsche Grammophon) Maria YUDINA (Melodiya) Wolfgang Amadeus Mozart Sonate en ut mineur n 14 K. 457 Catherine COLLARD (Lyrinx)

6 Walter GIESEKING (Warner Classics) Christian ZACHARIAS (Warner Classics) Ludwig van Beethoven Sonate pour piano en ut majeur n 21 op.53 Waldstein Claudio ARRAU (Decca) Alfred BRENDEL (Decca) Annie FISCHER (Warner Classics) Wilhelm KEMPFF (Deutsche Grammophon) Stephen KOVACEVICH (Warner Classics) Radu LUPU (Decca) Maurizio POLLI NI (Deutsche Grammophon) Artur SCHNABEL (Musical Concept) Rudolf SERKIN (Sony)