SUCCESSION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES
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- Gabrielle Alarie
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1 Arrêt du 31 janvier 2001, P 4/99 Résumé protégé par le droit d auteur SUCCESSION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES Type de procédure : contrôle abstrait, question préjudicielle Initiateurs : Défenseur des droits civiques, Tribunal de district d Olsztyn, Tribunal de district de Kędzierzyn-Koźle, Tribunal de district de Włocławek Corps statuant : plein Opinions dissidentes : 0 Objet du contrôle Repère du contrôle Code civil : art. 1058, 1059, 1060, 1062, 1063, 1064, 1066, 1079, 1081, 1082, 1086, 1087 Règlement du Conseil des ministres du 12 décembre 1990 relatif aux conditions de la succession légale des exploitations agricoles Constitution : art. 21 al. 1, 31 al. 3, 32 al. 1 et 2, 37, 64, Protocole n o 1 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l Homme et des Libertés fondamentales : art. 1 Depuis 1963, sont en vigueur en Pologne des dispositions spéciales sur la succession des exploitations agricoles, modifiant les règles générales du Droit successoral. A dater de l'entrée en vigueur du Code civil de 1964, ces dispositions spéciales se trouvent réunies au titre X (art et suiv.) du quatrième livre du Code. Ces dispositions sont amendées (libéralisées en partie) par les amendements successifs du Code civil de 1971, de 1982 et de Les règles spéciales du Droit successoral ont pour objectif de limiter le partage des exploitations agricoles privées (paysannes) et les charges imputables à ces exploitations en raison des soultes à verser au profit des héritiers embauchés hors l'agriculture. Au fond de ces réglementations, jusqu'en 1982, se dessinait visiblement l'idée politique de réduire la part de la propriété privée dans l'agriculture polonaise. S'agissant de l'appel à succession (succession universelle), la régulation de la succession des exploitations agricoles reposait sur un concept de sélection des héritiers appelés à la succession d'une exploitation en fonction des conditions spéciales à remplir. Ces conditions étaient liées, d'une part, au travail de l'héritier dans l'exploitation ou au fait qu'il possédât une formation agricole, et, d'autre part pour des raisons sociales à sa minorité, à son éventuelle scolarité, ou à son incapacité permanente de travail (le devoir de préciser davantage les notions utilisées dans le code avait été délégué au Conseil des ministres tenu d'édicter un règlement approprié). Les héritiers ne remplissant pas les conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole n'avaient par principe aucuns droits à cette exploitation, au nombre desquels le droit à une compensation matérielle de la part des héritiers
2 2 succédant à l'exploitation. Avant l'entrée en vigueur de l'amendement de 1990, le principe de la sélection spéciale des héritiers appelés à la succession d'une exploitation agricole concernant aussi bien la succession légale que testamentaire. Seulement ledit amendement leva les restrictions dans la succession testamentaire. Jusqu'en 1982, à savoir avant l'entrée en vigueur d'un suivant amendement, c'était le Trésor d'etat qui héritait légalement une exploitation agricole dans les cas où : soit aucun des héritiers survivants, membre du cercle familial du de cujus ne remplissait aucune des conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole, soit ils étaient tous atteints d'incapacité permanente de travail (art du Code). Dans l'amendement de 1982 cette régulation avait été remplacée par un principe de la succession suivant les règles générales (sans sélection des héritiers). En 1989, après le renforcement des garanties constitutionnelles de la propriété privée et de la succession, des voix se firent de plus en plus fortes pour questionner la constitutionnalité de la procédure sélective des successibles à une exploitation agricole, conditionnée, préalablement à l'ouverture de la succession, à des règles légales rigides. Plusieurs notions déterminant le droit à la succession d'un immeuble rural (telles que «aptitudes requises pour gérer une exploitation», «formation professionnelle ou scolarité en cours», ou «incapacité permanente de travail») n'étaient pas définies directement par la loi, mais par un règlement du Conseil des ministres. Le Tribunal constitutionnel n'a eu l'occasion d'évaluer la constitutionnalité des conditions spéciales du droit successoral relatif aux exploitations agricoles que dans la présente affaire, en 2001, suite à la requête du Défenseur des droits civiques et à des questions juridiques des tribunaux. La sentence de l'arrêt en question (présentée sommairement ci-après en caractères gras) est particulièrement compliquée pour deux raisons. Premièrement, ceux qui engageaient une procédure devant le Tribunal constitutionnel mettaient en cause plusieurs dispositions qui évoluaient ; leurs objections concernaient donc des rédactions variables de ces dispositions en vigueur pendant différentes périodes et, de ce fait, ils adoptaient des fondements textuels différenciés en fonction des rédactions concernées. Au final, sont indiquées comme modèles de contrôle appropriés les dispositions suivantes de la Constitution de 1997 : art. 21 al. 1 (principe de la protection de la propriété et du droit successoral), art. 64 al. 1 (droit de toute personne à la propriété et à la succession), art. 64 al. 2 (protection de ce droit dans des conditions d'égalité), art. 64 al. 3 (défense de mettre des restrictions sur la propriété hors la loi et de porter atteinte à la nature du droit de propriété) et art. 31 al. 3 (principe de la proportionnalité), ainsi que, en plus, l'art. 1 du Protocole n o 1 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Deuxièmement, le Tribunal constitutionnel a observé que son verdict sur l'inconstitutionnalité des dispositions attaquées impliquant son action rétroactive (remontant aux périodes d'avant l'entrée en vigueur de sa décision), aurait pour effet une déchéance ou une restriction des droits déjà acquis par les héritiers privilégiés en vertu des dispositions mises en cause, fait qui serait en lui-même non conforme
3 3 à la Constitution. Il en résulte que le Tribunal a dû introduire un précédent en décidant d'une «répartition» de la force obligatoire de son jugement en constitutionnalité des dispositions vicieuses en fonction de la période où une disposition donnée était applicable. S'agissant des successions ouvertes avant l'entrée en vigueur du présent arrêt (le jour de sa publication au Journal des Lois), le Tribunal a décidé de reconnaître conformes à la Constitution les dispositions vicieuses, eu égard à la protection des droits acquis en vertu de celles-ci. Il en est autrement pour l'évaluation des dispositions dans la mesure où elles seraient applicables à l'avenir. Par voie d'exception, le Tribunal n'a pas abandonné l'attribution d'un effet rétroactif à la disposition visée au point 5 lettre a) du dispositif de son arrêt, c'est-à-dire relativement à la question de la succession d'une exploitation agricole par le Trésor d'etat - en période précédant l'entrée en vigueur de l'amendement de 1982 contre les intérêts de tous les héritiers légitimes en vie du de cujus; en ce point la force rétroactive de l'arrêt n'est pas en conflit avec l'intérêt des personnes privées. Le présent arrêt est au fond équivalent à une réforme du droit successoral rural supprimant une sélection des héritiers appelés en vertu de la loi à hériter une exploitation agricole L'arrêt ne viole par les dispositions réglementant de façon spéciale les legs testamentaires, le partage de la succession, en leur partie ayant trait à l'exploitation agricole, ainsi que la fixation de la réserve successorale d'une exploitation agricole, visant à limiter les partages des exploitations agricoles et les charges sur celles-ci impliquées par des soultes (cf. : art. 1067, 1070 et 1082 en rapport avec art et art du Code civil). AXES PRINCIPAUX DE LA DECISION DU TRIBUNAL 1. Art du Code civil (clause sur l'applicabilité des règles générales du droit successoral à la succession des exploitations agricoles sous réserve des dispositions spéciales du titre X du quatrième livre du Code) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 2. Art du Code civil (conditions spéciales à remplir par les héritiers légaux pour être appelés en vertu de la loi à la succession des exploitations agricoles) : en sa rédaction dans l'amendement de 1971 et en sa rédaction dans l'amendement du 28 juillet n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec art. 21 al. 1 et 31 al. 3 dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. 3. Art du Code civil en sa rédaction dans l'amendement du 28 juillet 1990 (succession légale d'une exploitation agricole par les petits-enfants du de cujus remplissant les conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole, lorsque leur père ou la mère ne peuvent être héritiers pour cause qu'ils ne remplissent pas ces conditions)
4 4 - n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec art. 21 al. 1 et 31 al. 3 de la Constitution dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. 4. Art du Code civil en sa rédaction dans l'amendement du 28 juillet 1990 (succession légale d'une exploitation agricole par les frères et soeurs du de cujus remplissant les conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole, pendant que les descendants du de cujus ne peuvent hériter pour cause qu'ils ne remplissent pas ces conditions) - n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec l'art. 21 al. 1 et à l'art. 31 al. 3 de la Constitution dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. 5. Art du Code civil : a) en sa rédaction publiée le 18 mai 1964, modifiée ensuite par l'amendement du 26 octobre 1971 restant en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de l'amendement du 26 mars 1982 (succession d'une exploitation agricole par le Trésor d'etat lorsque les héritiers légaux du cercle familial du de cujus ne remplissent pas les conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole ou lorsqu'ils remplissent ces conditions, mais ils sont tous atteints d'incapacité permanente de travail) n est pas conforme à l'art. 21 al. 1 et 2 ainsi qu'à l'art. 64 al. 1 et 3 en rapport avec l'art. 31 al. 3 de la Constitution ; b) en sa rédaction dans l'amendement du 26 mars 1982 (succession d'une exploitation agricole conformément aux règles générales du droit successoral, lorsqu'aucun des héritiers légaux ne remplit les conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole ou lorsqu'ils sont tous atteints d'incapacité permanente de travail) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 6. Art du Code civil en sa rédaction dans l'amendement du 28 juillet 1990 (délégation faite au Conseil des ministres de déterminer par son règlement certaines conditions légales de la succession légale d'une exploitation agricole) - n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec l'art. 21 al. 1 et l'art. 31 al. 3 de la Constitution dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. 7. Art du Code civil (structure bipartie de la juridiction compétente pour constater une acquisition de la succession dans le cas où une exploitation agricole fait partie de cette succession : faire indiquer, dans un premier temps, les héritiers ayants droit conformément aux règles générales et leurs parts respectives dans la succession et, ensuite, faire indiquer les héritiers qui succèdent à l'exploitation agricole et leurs parts respectives dans cette exploitation) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 8. Art du Code civil (principe selon lequel, dans le cadre du partage d'une succession, les parts des héritiers dans l'exploitation agricole sont intégralement
5 5 imputables sur leurs parts respectives dans l'ensemble de la succession) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 9. Art du Code civil (principes spéciaux de la responsabilité pour les dettes successorales liées à une exploitation agricole) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 10. Art du Code civil (obligation de prendre en compte des conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole lors de la fixation de la réserve) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 11. Art du Code civil (clause sur une application appropriée des conditions spéciales de la succession d'une exploitation agricole en cas de la succession d'un apport en fonds dans une coopérative agricole de production) ne viole pas les dispositions admises comme repère du contrôle. 12. Art du Code civil (les conditions spéciales de la succession de l'apport en fonds dans une coopérative agricole de production) - n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec l'art. 21 al. 1 et à l'art. 31 al. 3 de la Constitution dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. 13. Le règlement du Conseil des ministres du 12 décembre 1990 relatif aux conditions légales de la succession des exploitations agricoles - n est pas conforme à l'art. 64 al. 1 et 2 en rapport avec l'art. 21 al. 1 et l'art. 31 al. 3 de la Constitution dans la mesure où il concerne les successions ouvertes à partir de ce jour-là. THESES PRINCIPALES DE LA MOTIVATION 1. Dans le cas où en période de la force obligatoire d'une Constitution nouvelle, des dispositions concrètes restent applicables pour des autorités compétentes et, en particulier, continuent à servir de fondement pour les décisions juridictionnelles des tribunaux, il en demeure toujours une possibilité d'évaluer les dispositions provoquant des effets juridiques prévus du point de vue de leur conformité à cette nouvelle Constitution, même lorsque celle-ci n'était pas en vigueur en date de l'apparition de ces effets. 2. La perte de la force obligatoire d'une disposition en tant qu'une condition de fond pour classer la procédure devant le Tribunal constitutionnel (art. 39 al. 1 point 3 de la loi sur le TC) n'intervient qu'au moment où cette disposition n'est plus applicable à aucune situation de fait. En considérant si une disposition abrogée continue à être applicable, il faut suivre le contenu d'une règle du nature transitoire. 3. L'art. 64 al. 1 de la Constitution lu en contexte de l'art. 64 al. 2 et l'art. 21 al. 1, constitue une assise d'un droit subjectif public dont le contenu est une liberté, constitutionnellement garantie, de l'acquisition d'un bien, de sa détention et de sa disposition. Le pouvoir de
6 6 disposition d'un bien comporte en particulier, son aliénation (tout ou partie) par voie des actes de l'ayant droit entre vifs et à cause de mort. 4. Le droit subjectif constitutionnel considéré appartient à ces droits dont la mise en oeuvre suppose que la loi règle non seulement ses restrictions éventuelles (cf. : art. 31 al. 3 et art. 64 al. 3 de la Constitution), mais aussi, et avant toute lettre, le contenu dudit droit. 5. Il résulte de l'art. 20, art. 21 ainsi que de l'art. 64 al. 1 et 2 de la Constitution que le droit de succession constitue surtout une garantie pour laisser la propriété en mains privées. Le droit de propriété revenant à une personne physique ne peut s'éteindre au moment de son décès, mais il doit perdurer au-delà de celui-ci, ce qui suppose son transfert à une autre personne ou à d'autres personnes. Le droit de succession fait de la propriété privée une institution durable, à durée indéterminée. Par contre, d'autres droits patrimoniaux peuvent, sans le devoir, revêtir une forme de droits successoraux. 6. La notion constitutionnelle de succession (art. 21 et 64) est à comprendre dans un sens plus large que celui admis en dispositions du droit successoral. En particulier, la Constitution ne comporte pas l'obligation d'admettre, dans les dispositions légales, une construction de la succession conçue en tant qu'un ensemble des obligations et droits patrimoniaux faisant l'objet de la succession, sans déterminer non plus un mécanisme de subrogation par ses héritiers légaux dans les droits et obligations du défunt, présents au moment de sa mort. 7. L'art. 64 al. 1 de la Constitution implique pour le législateur une interdiction de priver de une quelconque catégorie de personnes de la capacité à hériter, c'est-à-dire d'une possibilité d'acquérir la propriété ou les autres droits patrimoniaux après la mort d'une personne titulaire de ces droits de son vivant. Cette disposition garantit seulement le droit de succession comprise de façon abstraite : il assure à chacun d'obtenir les droits patrimoniaux par voie de succession après un de cujus concret. 8. La relation liant la catégorie de propriété à celle de succession (aux termes de l'art. 21 al. 1 et de l'art. 64 al. 1 et 2 de la Constitution) justifie la force obligatoire d'un ordre imposé au législateur de tenir compte de la volonté du propriétaire en tant que facteur fondamental déterminant à qui doivent appartenir en cas de sa mort les objets composant son patrimoine. 9. Comme toutes les personnes physiques ne sont pas capables de disposer de leur patrimoine en cas de leur décès et comme elles ne le font pas toutes, le législateur est tenu de mettre en place une réglementation subsidiaire par rapport à la succession reposant sur la volonté du de cujus, permettant d'identifier, sans équivoque et selon des cas concrets, le cercle des héritiers. La Constitution, quoiqu'elle donne certaines directives au législateur concernant la régulation de la succession légale, ne formule pas (ni à ses art. 21 et 64, ni à l'art. 18 et 71) de règles précises et expresses permettant de cerner ce cercle, un ordre à l'appel à la succession ou des participations respectives des héritiers légaux. Le législateur est tenu de respecter en l'occurrence les valeurs constitutionnelles et de se faire guider par l'hypothèse d'avoir adopté un ordre à la succession conforme à la volonté supposée du de cujus. 10. Compte tenu de sa fonction de mise en ordre, l'institution de succession, le transfert de la propriété du défunt au Trésor d'etat ou à un autre organisme public n'est pas catégoriquement exclu, tout en ne restant envisageable que dans le cas où il n'est plus possible d'identifier des personnes physiques à un degré successible mieux fondé selon le lien qui les unit au défunt.
7 7 11. Attendu que le législateur lui-même détermine, en remplaçant dans une certaine mesure le de cujus, le cercle des successibles, il est habilité à exécuter à cette occasion d'autres dispositions, constitutionnellement justifiées, outre de la «découverte» de la volonté du défunt. L'étendue de la liberté du législateur, allant alors plus loin qu'en cas de la succession reposant sur la volonté du de cujus, admet aussi son ingérence en régime juridique des composants particuliers du patrimoine de la personne décédée. 12. Des modifications éventuelles des règles générales du droit successoral concernant les exploitations agricoles ne peuvent être arbitraires, mais elles doivent servir une mise en oeuvre dans la pratique du principe exprimé à l'art. 23 de la Constitution, conformément auquel «l'exploitation familiale est le fondement du système agricole national», sous réserve toutefois qu'une exploitation agricole familiale ne soit pas un objectif en ellemême, mais qu'elle doive jouer rôle d'une entreprise économiquement rentable. 13. La deuxième phrase de l'art. 23 de la Constitution implique une interdiction d'éliminer l'institution de succession de la réglementation sur la propriété des exploitations agricoles, ainsi que d'introduire à celle-ci des solutions qui excluraient une liberté de tester ou la protection des droits de tous les héritiers dans des conditions d'égalité. 14. Dans les cas de la succession des entreprises (les exploitations agricoles étant un genre spécifique de celles-ci) l'intérêt public visé à l'art. 22 de la Constitution peut tendre à favoriser une solution consistant à les laisser indivises sous le pouvoir d'une seule personne. 15. Le principe de la protection du droit de succession dans des conditions d'égalité de l'art. 64 al. 2 de la Constitution, consiste non seulement à assurer aux ayants droit les mesures juridiques de la protection dans le cas où plusieurs personnes ont vocation à la succession, mais il vise aussi le droit de toutes ces personnes d'avoir des conditions analogues pour obtenir une libéralité proportionnelle à leur participation dans la succession et à la valeur du patrimoine successoral. 16. Ce principe n'établit pas une égalité des droits de tous les héritiers et n'a pas de caractère absolu. Une différenciation peut résulter surtout d'une volonté du de cujus, ainsi que d'une impossibilité de fait ou juridique de leur garantir à tous les mêmes droits à tous les objets composant la succession. N'est pas non plus exclu, ni une limitation des soultes à la charge de l'héritier succédant à l'exploitation agricole suite au partage de la succession, ni leur répartition en échéances dans le cas où cela se justifie par un besoin de protection du caractère familial d'une exploitation donnée ou pour assurer sa gestion correcte et rationnelle. 17. Le seul fait que la loi appelle à la succession d'une exploitation agricole d'autres personnes qu'à la succession du reste du patrimoine successoral n'autorise pas d'y voir une violation de l'art. 64 al. 1 et de l'art. 21 al. 1 de la Constitution. Cependant, la régulation admise à l'art du Code civil en sa rédaction dans la loi d'amendement du 28 juillet 1990, combinée à l'art et 1062 du Cciv. et, par analogie, à l'art du Code civil (concernant les apports en fonds dans une coopérative agricole de production), ne remplit pas les exigences découlant de l'art. 64 al. 2 de la Constitution. 18. Les arguments militant en faveur de l'inconstitutionnalité des dispositions du Code civil, en leur rédaction en vigueur au jour où le présent arrêt est rendu, se rapportent davantage aux règles de la succession des exploitations agricoles en vigueur dans la période séparant l'entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 1971 modifiant le Code civil de l'entrée en vigueur de la loi d'amendement du 26 mars Le facteur déterminant en est que le
8 8 rétrécissement du cercle des successibles à une exploitation agricole a fait se multiplier les cas où l'exploitation agricole est succédée, en vertu de la loi (art Code civil en sa rédaction en vigueur à l'époque), par le Trésor d'etat. 19. Le principe de ne pas attribuer un effet rétroactif à la loi, quoique dépourvu de caractère absolu, fait partie des éléments fondamentaux du concept d'un Etat de droit admis à l'art. 2 de la Constitution. L'interdiction qui en résulte est adressée non seulement aux autorités à pouvoir législatif, mais elle l'est aussi au Tribunal constitutionnel qui a des compétences pour priver un acte entier, ou partie, de sa force obligatoire et faire modifier ainsi l'état de la législation. 20. En tranchant sur la conformité à la Constitution des dispositions qui sont mises en cause dans la présente affaire, le Tribunal constitutionnel doit tenir compte du fait qu'avoir soumis, à un état juridique modifié suite à son arrêt, les successions ouvertes avant que son arrêt ne soit publié au Journal des Lois mènerait à une collision avec les principes constitutionnels, ceux en particulier qui protègent la sécurité juridique et la confiance en la loi. C'est pourquoi le Tribunal a décidé de minimiser l'action de l'arrêt rendu dans cette affaire sur les rapports juridiques déjà formés, en admettant le jour de l'ouverture de la succession comme critère de répartition. 21. Une telle limitation de l'étendue temporelle de la non conformité à la Constitution constatée ne concerne pas l'art du Code civil en sa rédaction primitive, et complété ensuite par la loi d'amendement du 26 octobre 1971 (en vigueur jusqu'au 6 avril 1982), conformément auquel, dans des cas concrets, une exploitation agricole (ou un apport en fond) constituant la propriété d'une personne physique était attribuée au Trésor d'etat, bien qu'il n'ait pas vocation par la loi à hériter l'ensemble de la succession. Cette disposition avait pour objectif une reprise des immeubles ruraux par l'etat (une sorte d'expropriation), ce qui viole l'essence du droit de succession (cf. : la thèse 5). 22. L'art. 31 al. 3 de la Constitution permet de conclure qu'une formation d'un droit subjectif ayant une dimension constitutionnelle doit se faire directement par la loi; le transfert à un règlement des éléments essentiels d'une telle régulation est inadmissible. 23. La disposition de l'art du Code civil en sa rédaction dans la loi d'amendement du 28 juillet 1990 viole une relation constitutionnellement définie entre une loi et un acte du rang inférieur en domaine d'exercice des libertés et droits de l'homme et du Citoyen (art. 31 al. 1 de la Constitution) dans la mesure où une régulation prévue dans un règlement est déterminante; sans celle-ci il n'est nullement possible de bénéficier du droit de succession constitutionnellement garanti. 24. L'acte de faire priver de sa force obligatoire une disposition attribuant une délégation pour cause de sa non conformité à la Constitution entraîne inéluctablement la perte de la force obligatoire de tous les actes d'application édictés en vertu de cette disposition. 25. Il n'est possible de discerner qu'à l'art. XXIII des dispositions introduisant le Code civil une violation du principe de l'universalité d'usage des libertés et droits garantis par la Constitution, exprimé à l'art. 37 (en rapport avec l'art. 32 et art. 64 al. 2) ayant trait à la réglementation de la succession des exploitations agricoles. Le Tribunal constitutionnel étant lié par les limites de la question préjudicielle (art. 66 de la loi sur le Tribunal constitutionnel) ce problème doit rester en dehors de sa cognition. 26. L'institution de la réserve reste en rapport avec une obligation de protection du mariage, de la parenté et de la famille (art. 18 et 71 de la Constitution). Faisant la différence avec le droit de succession, la Constitution n'établit pas pourtant une garantie pour le droit de
9 9 réserve et, en particulier, elle n'impose pas de la mettre en place et, d'autant moins, elle ne détermine ni sa forme, ni le cercle des personnes ayants droit. La Constitution ne tranche pas non plus si le droit à la réserve doit concerner tout ou partie du patrimoine du de cujus. 27. Le contenu de l'art. 1 du Protocole n o 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit la protection du droit de chacun à disposer imperturbablement de son patrimoine; cette disposition n'est applicable qu'à la propriété qui appartient à une personne concrète à un moment donné, sans garantir pour autant le droit d'acquérir un bien tant par voie de succession que par d'autres moyens. La protection statuée par cet art. 1 s'étend sur la liberté de disposition de son propre patrimoine en cas de décès, personne par contre ne peut évoquer cette disposition en tant qu'un fondement de ses prétentions pour acquérir le patrimoine d'une personne décédée. 28. L'applicabilité directe de la Constitution (art. 8 al. 2 ne signifie pas une compétence de contrôle de la constitutionnalité de la législation en vigueur au niveau des tribunaux et autres autorités ayant vocation à appliquer la loi. L'art. 188 de la Constitution attribue une compétence exclusive au Tribunal constitutionnel sur les décisions en matières visées par cet article. 29. L'art. 178 al. 1 de la Constitution prévoyant la soumission des juges à la Constitution et aux lois complète la réglementation prévue à l'art. 193 de la Constitution ; il en résulte le devoir de bénéficier de l'opportunité accordée par l'art. 193 en chaque cas où un tribunal compétent arrive à la conclusion que la norme constituant le fondement de sa décision est non conforme à la Constitution. Une présomption sur la conformité de la loi à la Constitution n'est peut être renversée que par l'arrêt du Tribunal constitutionnel, de surcroît, la loi lie le juge aussi longtemps qu'elle a une force obligatoire. 30. Une élimination de l'ordre juridique des dispositions définies reconnues non conformes à la Constitution par le Tribunal constitutionnel peut provoquer que la force obligatoire de certaines régulations prévues en d'autres dispositions sera dépourvue de motifs. Toutefois, le constat fait qu'une disposition donnée devient inopérante suite à l'arrêt du Tribunal ne signifie pas en soi qu'elle est contraire à la Constitution. Constitution Les dispositions de la Constitution et de la loi sur le TC Art. 2. La République de Pologne est un Etat démocratique de droit mettant en oeuvre les principes de la justice sociale. Art. 8. [ ] 2. Les dispositions de la Constitution sont directement applicables, sauf dispositions constitutionnelles contraires. Art. 18. La République de Pologne sauvegarde et protège le mariage en tant qu'union de la femme et de l'homme, la famille, la maternité et la qualité de parents. Art. 20. L'économie sociale de marché fondée sur la liberté de l'activité économique, sur la propriété privée et la solidarité, le dialogue et la coopération entre les partenaires sociaux, constitue le fondement du système économique de la République de Pologne. Art La République de Pologne protège la propriété et le droit de succession. 2. L'expropriation n'est admissible que pour cause d'utilité publique et contre une équitable indemnité. Art. 22. La liberté d'exercer des activités écomiques ne peut être limitée qu'en vertu de la loi et uniquement au regard d'un intérêt public important. Art. 23. L'exploitation familiale est le fondement du système agricole national. Ce principe ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 21 et 22. Art. 31. [ ] 3. L'exercice des libertés et des droits constitutionnels ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi lorsqu'elles sont nécessaires, dans un Etat démocratique, à la sécurité ou à l'ordre public, à la protection de l'environnement, de la santé et de la moralité publiques ou des libertés et des droits d'autrui. Ces restrictions ne peuvent porter atteinte à l'essence des libertés et des droits.
10 10 Art Tous sont égaux devant la loi. Tous ont droit à un traitement égal par les pouvoirs publics. 2. Nul ne peut être discriminé dans la vie politique, sociale ou économique pour une raison quelconque. Art Tous ceux qui relèvent de la puissance de la République de Pologne bénéficient des libertés et des droits garantis par la Constitution. 2. Les exceptions à cette règle relatives aux étrangers, sont définies par la loi. Art Toute personne dispose du droit de propriété, et des autres droits patrimoniaux, ainsi que du droit de succession. 2. La propriété et autres droits patrimoniaux ainsi que le droit de succession sont juridiquement protégés, dans des conditions d'égalité. 3. La propriété ne peut faire l'objet de restrictions qu'en vertu de la loi, dans la mesure où celle-ci ne porte pas atteinte à la nature du droit de propriété. Art Mettant en oeuvre sa politique sociale et économique, l'etat prend en considération le bien de la famille. Les familles qui se trouvent dans une situation matérielle et sociale difficile, surtout les familles nombreuses et les mères ou les pères célibataires, ont droit à une assistance particulière de la part des pouvoirs publics. 2. La mère, avant et après la naissance de l'enfant, a droit à une assistance spéciale de la part des pouvoirs publics dont l'étendue est définie par la loi. Art Les juges sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions et ne sont soumis qu'à la Constitution et aux lois. Art Le Tribunal constitutionnel statue sur; 1) la conformité à la Constitution des lois et des traités, 2) la conformité des lois aux traités ratifiés dont la ratification exige l'autorisation préalable d'une loi, 3) la conformité des actes réglementaires émanant des autorités centrales de l'etat à la Constitution, aux traités ratifiés et aux lois, 4) la conformité à la Constitution des objectifs ou de l'activité des partis politiques, 5) la plainte portée devant ce Tribunal, visée au premier alinéa de l'article 79. Art Toute juridiction peut adresser au Tribunal constitutionnel une question juridique portant sur la conformité de l'acte normatif à la Constitution, aux traités ratifiés ou à une loi, lorsque de la réponse à cette question dépend la solution de l'affaire en instance. Loi sur le TC Art Le Tribunal classe en chambre du conseil la procédure : [ ] 3) si l acte normatif dans la mesure où il est contesté a cessé d être en vigueur avant que le Tribunal ait rendu son arrêt. Art. 66. En rendant l arrêt, le Tribunal est lié par les limites de la requête, de la question juridique [préjudicielle] ou de la plainte. Si vous avez des questions ou des remarques, vous pouvez nous écrire : summaries@trybunal.gov.pl
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