Blois, un château dans la ville. Dossier enseignant

Transcription

1 Blois, un château dans la ville Dossier enseignant La célèbre silhouette de l escalier François I er vaut au château de Blois une notoriété justifiée en tant que monument exemplaire de la première Renaissance française. Mais c est aussi l arbre qui cache la forêt du patrimoine blésois. Un patrimoine pluriel Blois, c est bien sûr un château qui ne se réduit pas à l aile François I er, car il offre un étonnant panorama de plusieurs siècles d architecture française, du Moyen Age à l époque classique. Le château de Blois, c est en fait quatre monuments en un : une grande salle exceptionnelle témoin de l architecture civile du XIIIe siècle ; l aile Louis XII, construite à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance ; le joyau de la Renaissance qu est l aile François I er, témoin de la vie de cour et d épisodes tragiques des guerres de Religion ; enfin une aile du XVIIe siècle bâtie pour le premier protecteur de Lully et de Molière, Gaston d Orléans. C est enfin un monument qui garde l empreinte des restaurateurs du XIXe siècle et que des restaurations en cours continuent de faire vivre. Moins connus sont les musées que le château abrite : un musée des Beaux-Arts, réunissant peintures et sculptures du XVIe au XIXe siècle, ainsi qu une exceptionnelle collection de ferronnerie ; un musée lapidaire, présentant les sculptures monumentales déposées au cours des restaurations successives du château ; enfin, des salles archéologiques et ethnologiques qui exposent par rotation des objets provenant de fouilles locales (d époque gallo-romaine ou carolingienne ) ou des collections extra-européennes (extrême-orientales ou africaines ). Blois, c est enfin une ville au riche patrimoine, membre du réseau national des Villes d art et d histoire, qui conserve une structure médiévale et dont l habitat témoigne de l essor urbain qui a accompagné la présence du roi au XVIe siècle. De grands monuments classiques et les aménagements industriels et urbanistiques du XIXe siècle ont aussi contribué à façonner la physionomie actuelle de la ville. La richesse de ce patrimoine permet donc la découverte privilégiée de l histoire et de l art de la Renaissance, mais aussi de bien d autres périodes. Afin de faciliter cette découverte, un programme d activités éducatives est édité chaque année par le service culturel et éducatif du château de Blois et par le service du patrimoine de la ville de Blois, dont les responsables se tiennent à la disposition des enseignants pour tout projet spécifique. Dossier élaboré par Françoise Beauger-Cornu, enseignante détachée Avec la participation de Cécile de Collasson, animatrice du patrimoine et de Pierre-Gilles Girault, responsable du service culturel du château et des musées Ville de Blois - Décembre 2004

2

3 Blois au Moyen Age L an mil Archéologie et histoire Les origines de la ville sont indissociables de la création d un franchissement de la Loire, qui explique la fondation à l époque gallo-romaine d une agglomération établie sur les berges du fleuve. Les fouilles archéologiques qui se sont déroulées de 1991 à 1999 sur le promontoire du château, site emblématique de la ville, mais aussi dans la ville basse, ont livré des données inédites qui renouvellent nos connaissances sur l histoire du site et l origine de la ville. Les mentions les plus anciennes remontent à l époque mérovingienne (sur des monnaies). La première mention du château de Blois apparaît en 834. La ville La puissance croissante des comtes de Blois, représentants de l autorité royale dans le courant du Xe siècle, a encouragé le dynamisme commercial de la ville et consolidé le pouvoir des communautés religieuses. Le comte marque alors sa présence et ses prétentions sur la ville en la dominant depuis son château installé sur le promontoire. Au haut Moyen Age, Blois est une bourgade relativement étendue de part et d autre de la Loire avec, comme pôles d occupation, le quartier Saint-Lubin, l abbaye de Saint-Lomer, l abbaye de Bourgmoyen, l église Saint-Solenne sur le plateau et le site castral. Les bâtiments sont rarement édifiés en pierres : ce matériau est réservé aux édifices religieux ou aux bâtiments à valeur symbolique élevée. La plupart des constructions sont alors en torchis ou en pisé (briques crues). La présence des artisans est attestée en ville ; les fouilles ont permis de connaître l existence, à proximité de Saint-Lomer, d un atelier de forgeron. Denier de Charles II le Chauve ( ) Au cœur de la pièce, le monogramme du nom du roi KAROLIS, formé d un O central entre les lettres K,R,L,S, entouré de la légende GRATIA DEI REX (Charles par la grâce de Dieu roi). Sur l autre face, une grande croix qui se trouve sur toutes les monnaies de France jusqu au XVIème siècle, entourée du nom de lieu, ici BLESIANIS CASTRO. Le castrum A partir du VIIIe siècle, le site accueille un domaine agricole ; ce complexe rural est sans doute fortifié dès le IXe et devient une résidence du comte de Blois. Au Xe siècle, une nouvelle enceinte est édifiée : elle comporte une assise imposante en calcaire maçonné et est munie d un parement en petit appareil sur sa partie supérieure. Un donjon et peut-être une motte destinée à le surélever sont entourés d un fossé. Ces aménagements sont effectués par Thibaud le Tricheur vers le milieu du siècle.

4 De la maison de Blois à la maison des Châtillon A la fin du XIe siècle, le comte Etienne et son épouse Adèle de Normandie, qui n est autre que la fille de Guillaume le Conquérant, font édifier, autour de la ville, une enceinte distincte de celle du château. Près du logis comtal est édifiée une chapelle dédiée à saint Calais. Au XIIe siècle, un autre établissement régulier, la collégiale de Saint-Sauveur, est élevé dans l avant-cour. Elle restera jusqu en 1793, date de sa démolition, l église paroissiale du château. Le promontoire au XIe-XIVe siècle, (d après le dossier pédagogique, Blois un château en l an mil) En contrebas, les grandes abbayes à leur apogée sont reconstruites. La première campagne d édification de Saint-Lomer, de 1138 à 1186, qui concerne le chevet, le transept et la première travée de la nef, intervient à une époque charnière de l évolution de l architecture religieuse : on peut lire dans cette architecture les recherches qui mènent progressivement à l élaboration d un premier art gothique, dans un édifice dont beaucoup d éléments, de structure ou de décor, restent d esprit roman. La nef et la façade, achevées à l issue d une seconde campagne dans le premier tiers du XIIIe siècle renvoient cette fois directement au modèle chartrain : la transition est achevée. Aux grandes abbayes bénédictines s ajoutent, à la fin du XIIIe siècle, les fondations mendiantes, avec l installation des Franciscains ou Cordeliers au nord de la ville, des Dominicains ou Jacobins au sud. Le développement du commerce et de l agglomération urbaine entraîne, en 1196, l octroi par le comte d une charte de libertés communales, suivie au XIIIe siècle par la reconstruction des remparts de la ville. Les fortifications plusieurs fois reprises marquent définitivement les limites urbaines et distinguent le centre des faubourgs. A l intérieur des murs, le tracé des rues n évoluera plus guère avant le XIXème siècle. La grand rue, actuelle rue du Commerce en constitue l axe principal, qui mène au pont médiéval mentionné dès 1089 et seul franchissement de la Loire.

5 Au XIIe siècle, les fortifications du château sont entièrement reprises. Trois tours de cette enceinte subsistent à l intérieur de l aile François Ier, ainsi que la courtine qui les relie. Une quatrième, dite tour du Foix, est préservée dans la partie sud de l enceinte. Enfin, une partie des murs et une tour sont conservés à l arrière de la maison de la Magie La grande salle de justice, maintenant dénommée salle des Etats, longue de trente mètres et large de dix-huit, est un témoin exceptionnellement bien conservé du château comtal du XIIIe siècle. Ses dimensions imposantes attestent la puissance des comtes de Blois qui y recevaient l hommage de leurs vassaux et y rendaient la justice. La salle est divisée en deux nefs séparées par une arcature retombant sur une file de colonnes surmontées de chapiteaux à crochets. Chaque nef est couverte d un lambris cintré dissimulant la charpente. La salle des Etats avant les restaurations de Félix Duban Vers 1220, le comté de Blois passe par mariage entre les mains des Châtillon, comtes de Saint-Pol. Le comte Jean de Châtillon est à l origine de la fondation d importantes abbayes à Blois et dans ses environs immédiats.

6 ZOOM sur SAINT-NICOLAS L église Saint-Nicolas est l ancienne église abbatiale Saint-Lomer Chapelles rayonnantes 924 : des religieux venus du Perche s installent avec les reliques de saint Lomer dans ce faubourg 1114 : l abbaye est détruite dans un incendie 1138 : la reconstruction de l abbaye débute grâce à Thibault IV comte de Blois 1186 : les reliques du saint sont transférées dans la nouvelle église début du XIIIe siècle : la seconde campagne de travaux concerne la nef et la façade ouest : l abbaye est integrée aux fortifications de la ville 1568 : elle est saccagée par les protestants, au terme d un siècle de déclin : les bénédictins réformés de Saint-Maur remettent l abbaye en état 1791 : après le départ des moines, l église abbatiale devient église paroissiale Chapelle axiale Déambulatoire CHOEUR TRANSEPT NEF Les débuts de l art gothique apparition de la voûte d ogives Charpente Arcs boutants Voûte utilisation de l arc-boutant Il permet de contrebuter le (de résister au) poids de la voûte qui pousse sur les côtés Nef Bas-côté évolution de la sculpture Les chapiteaux historiés laissent la place à des décors de feuillages.

7 Blois à la Renaissance Les ducs d Orléans Le comté de Blois est acquis en 1391 par Louis Ier, duc d Orléans et frère du roi Charles VI. Il épouse Valentine, fille de Gian-Galeazzo Visconti, duc de Milan. D importants travaux sont entrepris au château comme dans la ville. Charles d Orléans, fils de Louis Ier, installe sa cour à Blois à partir de Il enrichit la collection de manuscrits précieux hérités de ses parents et organise des concours de poésie où brille notamment François Villon. La mort brutale de Charles VIII à Amboise en avril 1498 permet au duc d Orléans, son cousin, fils de Charles d Orléans et de Marie de Clèves, d accéder au trône de France sous le nom de Louis XII. Blois devient désormais une résidence royale, étape privilégiée d une cour nomade jusqu à la fin du XVIe siècle. Blois, capitale du royaume Louis XII et Anne de Bretagne Louis XII fixe sa résidence principale à Blois et Anne de Bretagne qu il épouse en 1499 s y installe avec lui. Leurs armoiries et emblèmes respectifs, porc-épic et l hermine, se multiplient dans le décor du château. Le porc-épic, vitrail de la salle des Etats : le grand-père de Louis XII, Louis Ier d Orléans, avait institué en 1393 un ordre de chevalerie dit du «Porc-épic» accompagné de la devise «de près et de loin». D après la légende, le porc-épic, protégé par ses piquants, se servait de ceux-ci comme de flèches pour se défendre contre ses ennemis. L hermine, vitrail de la salle des Etats : l emblème du duché de Bretagne. C est un petit animal au pelage d une blancheur éclatante en hiver. Les rois utilisaient sa fourrure pour doubler leur manteau. Anne de Bretagne l avait choisie comme emblème pour sa pureté. Le château est rénové et modernisé en conséquence : trois nouvelles ailes sont construites, à l emplacement de la forteresse médiévale. Il n en subsiste aujourd hui que le logis d entrée connu sous le nom d aile Louis XII et une partie de l aile en retour (galerie et chapelle Saint- Calais). Elles s inscrivent dans la tradition franco-flamande du XVe siècle : polychromie des matériaux, pierre et ardoise, pente raide des hautes toitures, tours hors œuvre des escaliers.

8 L entrée du logis royal est traitée avec magnificence : la large baie en anse de panier est surmontée d une niche à hauts gâbles qui abritait la statue équestre de Louis XII (remplacée depuis la révolution par un pastiche de Seurre). La façade sur cour de l aile Louis XII s appuie sur une galerie ouverte par une file d arcades, encadrée par deux tours d escaliers de plan carré. Le répertoire décoratif des escaliers, fenêtres et lucarnes, reste basé sur des scènes anecdotiques, grivoises et animalières, mais les piles des arcades font alterner des fûts losangés timbrés d hermines et de fleurs de lys avec des supports à tables bombées sculptées d un tout nouveau motif italianisant : le candélabre chargé de rinceaux et de putti (enfants figurant des génies, utilisés dans la sculpture romaine). Eléments d architecture sur la façade Louis XII, côté cour. Lucarne Corniche Cul de lampe Colonne Pilier A l aplomb de l aile François 1 er actuelle, fut réalisé un vaste ensemble de jardins, répartis sur trois niveaux de terrasses. Elévation de tous les bastiments de Blois avec les jardins, par Jacques 1 er Androuet Du Cerceau, dessin v (Londres, British Muséum). Le jardin du Roi était organisé en parterres réguliers autour d un pavillon de charpente couvrant une fontaine de marbre et bordé de galeries surmontées de berceaux de treillage. Il

9 dominait le jardin de la Reine, dont il ne subsiste plus que le petit pavillon d Anne de Bretagne, flanqué de l ancienne orangerie. Aménagé sur une terrasse supérieure, le jardin haut semble avoir été utilisé comme potager. Une galerie couverte, dénommée galerie des Cerfs en raison des trophées de chasse qui l ornaient, permettait l accès au jardin depuis l aile de fond de cour, en franchissant les fossés du château. La ville en 1500 Le statut de capitale du royaume sous Louis XII, la présence de la cour et de l administration royale qu il faut nourrir et loger, entraînent de profondes modifications de la physionomie urbaine de Blois. Derrière les remparts, le tracé des rues et même le parcellaire évoluent peu, mais le modèle royal mis en oeuvre dans la construction urbaine renouvelle complètement le décor des maisons et surtout des hôtels particuliers qui font leur apparition. Les rues du quartier du Puits Châtel conservent de nombreux hôtels (Sardini, Vareilles, Jassaud...) qui témoignent de l introduction des modèles de la Renaissance, qu on lit également sur les façades des maisons (maisons à pans de bois de la rue du Commerce). L hôtel d Alluye construit pour Florimond Robertet, le trésorier du roi, en est un exemple particulièrement précoce avec ses galeries ornées de médaillons à l antique. Les premiers édifices publics sont élevés, poissonnerie, boucherie, maison de ville ainsi qu un réseau d adduction d eau moderne qui alimente les fontaines, dont certaines sont encore en place (fontaines Louis XII, Saint-Jacques ). Des témoins des constructions du XVIe siècle sont à découvrir dans le dépôt lapidaire de la ville, installé en Vienne dans le cimetière à galerie de Saint-Saturnin, qui présente des vestiges de décor sculpté des monuments disparus sous les bombardements de François Ier François d Angoulême, gendre et cousin de Louis XII, devient roi en 1515, sous le nom de François Ier. Il affirme le caractère moderne et victorieux de son jeune règne tourné vers l Italie par la mise en chantier de l aile du château occupée par le logis royal (aile nord). L existence de l enceinte du XIIIe siècle et de constructions antérieures oblige l architecte du roi (resté inconnu à ce jour) à édifier deux bâtiments adossés de part et d autre de l enceinte. Regardant les jardins, la façade des Loges est la plus influencée par le modèle italien et fait écho aux Loges du palais du Vatican. Elle comporte deux étages de loggias surmontés d une galerie ouverte. On peut noter aussi l alternance de pilastres redoublés avec des arcs donnant sur des balcons et la présence des reliefs de l histoire d Hercule, inspirés de modèles italiens, sculptés sur les allèges des échauguettes. Elévation du château de Blois, côté façade des Loges, par Jacques 1 er Androuet Du Cerceau, v.1575 (Londres, British Muséum). Hercule et Cacus, relief déposé, façade des Loges

10 La façade sur cour de l aile François Ier est un monument capital de l histoire de l architecture de la Renaissance française. La superposition des pilastres confrontés aux moulures horizontales crée une sorte de quadrillage où alternent fenêtres à meneaux et parties pleines ornées de la salamandre royale. L escalier monumental reprend la tradition française de la vis hors œuvre avec un décor Renaissance : rinceaux, oves, cornes d abondance, putti qui se mêlent à la salamandre royale. Construit pour magnifier les cérémonies et notamment les cortèges de la cour, il est entièrement percé de baies s ouvrant sur les balcons, qui permettent à la fois de voir et d être vu. Lucarne Corniche Escalier hors-oeuvre Pilastre Fenêtre à meneaux Façade François 1 er côté cour Décor emblématique de l aile François Ier

11 Les derniers Valois Tout au long du XVIe siècle, le roi et la cour font de fréquents séjours au château de Blois : sous Henri II, François II, la régence de Catherine de Médicis L assassinat du duc de Guise à Blois est l événement le plus célèbre du château. Alors que le royaume est déchiré entre catholiques et protestants, la mort du duc d Anjou, frère d Henri III, le 10 juin 1584, provoque une grave crise dynastique, Henri III n ayant pas d enfant. Craignant l éventuelle accession au trône d Henri de Navarre, héritier présomptif de la couronne et chef du parti protestant, la Ligue catholique, avec à sa tête Henri, duc de Guise, se réorganise. Chassé de Paris par les émeutes de la «journée des barricades», le 12 mai 1588, le roi se réfugie à Blois. Convaincu que le duc allait le déposséder de son pouvoir, Henri III le fait exécuter ainsi que son frère, le cardinal de Guise, respectivement les 23 et 24 décembre 1588, lors de la seconde réunion des Etats Généraux à Blois. L assassinat du duc de Guise, par Paul Delaroche, huile sur toile, La salle des Guise est consacrée aux tableaux historicistes du XIXe siècle inspirés par l assassinat du Duc de Guise. Les fréquents mais courts séjours de Henri IV permettent le maintien du château en état de résidence royale. Louis XIII et Anne d Autriche y logent en 1616 et cette dernière y demeure entre 1617 et C est en 1619 que se déroule la pittoresque évasion de Marie de Médicis, assignée à résidence par son fils. Marie de Médicis et le dauphin, par Charles Martin, huile sur toile, 1603.

12 ZOOM sur la Renaissance La richesse et la diversité des œuvres de la Renaissance italienne et française présentées par le musée de Beaux-Arts du château de Blois permettent d aborder les transformations mais aussi les continuités propres à la peinture des XVe et XVIe siècles comme : - Le maintien de l importance des sujets religieux avec l apparition de sujets inspirés de l Antiquité, - L extension d une technique nouvelle : la peinture à l huile sur bois puis sur toile, - Des couleurs plus nombreuses, mieux maîtrisées, des détails rendus avec davantage de précision, - L invention de la perspective qui passe par un travail d organisation autour d un point de fuite et par le jeu sur la taille des personnages, - La représentation du paysage comme élément de mise en scène ou dans une «fenêtre» du tableau, - L individualisation des personnages : l homme devient singulier. La Vierge à l Enfant Huile sur bois, inv , attribuée à Francesco Menzocchi, Le jeune saint Jean-Baptiste est en prière devant l Enfant Jésus, lequel debout et soutenu par la Vierge, le bénit. Le Baptiste est clairement identifiable grâce à sa robe de poil de chameau et à la croix de bois autour de laquelle est enroulé un phylactère avec l inscription «Ecce Agnus Dei». Les tons verts et bleus dominent cette composition. Dans une «fenêtre» du tableau, une ville se distingue au milieu d un paysage verdoyant. La simplicité et la gravité des personnages rappellent l œuvre de Raphaël à l atelier duquel cette œuvre a été longtemps attribuée. L enlèvement d Europe Huile sur bois, inv , attribuée à Jean Cousin le fils, Ce panneau ornait à l origine une cheminée de l hôtel de la Poste à Blois, détruit en L épisode mythologique de l enlèvement de la fille d Agénor par Jupiter, transformé en taureau, qui la transporte jusqu en Crète, est assez souvent représenté dans la peinture de la Renaissance. Le paysage à l arrière plan (arbres, rochers couverts de végétation, monuments inspirés de l antique) reflète une réelle mise en scène et rattache cette peinture à l Ecole de Fontainebleau. Les putti plus musclés que potelés semblent davantage influencés par la peinture nordique.

13 Blois aux XVIIe et XVIIIe siècles Gaston d Orléans, frère de Louis XIII, reçoit le duché d Orléans et le comté de Blois à l occasion de son mariage avec Mademoiselle de Montpensier. Le prince, héritier de la couronne de France décide en 1634 de résider à Blois et de s y faire édifier un château entièrement neuf. Il en confie la conception à François Mansart qui entame une première tranche de travaux destinée à élever un corps de logis en fond de cour. Un palais princier Un ensemble de quatre dessins suggère un projet très ambitieux de reconstruction de la totalité du château y compris de ses abords. Les travaux sont activement menés jusqu en 1638 mais la naissance de Louis XIV, qui prive Gaston de son statut d héritier présomptif, entraîne l abandon des travaux. L absence de raccordement entre les bâtiments et l inachèvement des décors sculptés témoignent de cette brutale interruption. L aile étant inhabitable, Gaston d Orléans occupe les appartements de l aile François I er, où il meurt le 2 février 1660, léguant à Louis XIV ses importantes collections d histoire naturelle, d antiques et de médailles. Composée de deux pavillons encadrant un corps de bâtiment animé par un avant-corps central, la façade classique de l aile Gaston d Orléans est élevée sur trois niveaux identifiables par la superposition des ordres classiques de l architecture dorique, ionique et corinthien, qui renforce l impression de grandeur. La façade est aussi rythmée par la répétition de différents éléments d architecture : fenêtres, moulures, pilastres. Les allégories sculptées et le buste qui surmontent les armoiries du fronton exaltent les vertus de Gaston d Orléans. Une cage d escalier monumentale occupe toute la hauteur du bâtiment. Elle est surmontée d une coupole emboîtée et d une charpente à comble brisée. Le décor sculpté inachevé évoque la valeur militaire de Gaston d Orléans, selon le modèle inspiré de la Rome antique et considérablement développé plus tard à Versailles.

14 La ville à l âge classique En ville les principaux aménagements urbains sont dus à l intense activité constructrice qui accompagne la Contre Réforme, dans une région où la présence protestante a été forte. Elle permet le rétablissement des abbayes et églises paroissiales dévastées par les mises à sac de 1562 et 1568 mais surtout l installation de six nouveaux ordres religieux en quarante ans. Minimes, Jésuites Capucins, Ursulines, Visitandines et Carmélites s établissent en périphérie, ceinturant la ville de nouvelles constructions et de vastes jardins. La plupart ont disparu, exceptés le couvent des Visitandines au nord de la ville qui abrite aujourd hui le conseil général et surtout la chapelle Saint-Louis du collège des Jésuites, actuellement église paroissiale Saint-Vincent. Ce magnifique témoin de l architecture de la Contre Réforme a été construit sur les plans de Martellange, grand bâtisseur de la compagnie de Jésus puis du frère Turmel qui prend sa suite. Il illustre avec sa façade plate à trois registres superposés les canons de cette architecture qui trouve son origine dans le Gesù de Rome et s importe en France avec les grandes réalisations parisiennes du noviciat et de la maison professe des Jésuites (actuellement Saint-Paul Saint-Louis dans le Marais). En 1697, Louis XIV décide, fait rare à cette époque, la fondation d un diocèse à Blois, aux dépends de celui de Chartres. L ancienne église Saint-Solenne est choisie pour devenir cathédrale, sous le vocable de Saint-Louis, et le premier évêque Monseigneur de Bertier fait bâtir entre 1700 et 1703 un évêché accompagné de somptueux jardins : accrochés au coteau, ils apparaissaient dans le paysage blésois comme un contrepoint au château. Cette grande construction classique nécessite la destruction des remparts et marque ainsi le signal de l ouverture de la ville. La reconstruction du pont, emporté par une débâcle en 1716, confié à Jacques V Gabriel, contribue à cette ouverture en entraînant la disparition des remparts sud et l aménagement des quais.

15 ZOOM sur Nini et le portrait sculpté au XVIIIe siècle Jean-Baptiste Nini ( ) est un sculpteur, originaire d Italie, engagé en 1772 par le propriétaire du château de Chaumont-sur-Loire pour réaliser des portraits en médaillon de terre cuite. Par le matériau, la technique et les dimensions des œuvres supérieures aux médailles du même type de cette époque, l art du portrait chez Nini est très caractéristique et original. Le choix des personnages très varié ne correspond à aucun système et s explique plutôt par les relations privilégiées et les rencontres de l artiste. Les portraits officiels, souvent réalisés d après des dessins et des gravures ou des médailles existantes, imposent une vision vivante et réaliste du portrait officiel diffusé en série. La terre cuite modelée, moulée, sculptée et incisée leur confère une incroyable vivacité (grands portraits de Catherine II de Russie, les souverains Louis XV et Louis XVI, le groupe des portraits de Benjamin Franklin ). Les profils résument la personnalité du personnage représenté ou quelquefois son élégance. Jean-Baptiste Nini, Catherine II de Russie, terre cuite. La couronne impériale posée sur la tête, la robe précieuse, caractérisent ce portrait de la souveraine russe, représentée selon une iconographie ultérieure, fort connue à travers les gravures et les médailles. L image de la souveraine est néanmoins interprétée par Nini sur un mode vivant et naturel. Jean-Baptiste Nini, Benjamin Franklin américain, terre cuite. Il s agit du célèbre Franklin au bonnet de fourrure, le plus répandu des médaillons de Nini. Ce portrait a été réalisé d après un croquis du fils du banquier anglais, Thomas Walpole. Aux portraits officiels s opposent les portraits d après nature où l on sent la connivence de l artiste avec ses modèles. Jean-Baptiste Nini, Jacques Donatien Leray de Chaumont, terre cuite. Rien dans la physionomie de l Intendant des Invalides et grand maître des Eaux et Forêts ne révèle le niveau social et les fonctions du personnage. En le représentant au naturel, tête nue et sans attributs, Nini réussit un portrait familier d une grande souplesse expressive. Les cheveux bouclés viennent accentuer le caractère enfantin du profil de ce grand propriétaire, bourgeois bienveillant, époux et père de famille nombreuse, ouvert aux idées nouvelles, qui a installé l artiste près de lui, dans son château de Chaumont.

16 Les mutations au XIXe siècle Le château Du château à la caserne Abandonné par les rois de France, le château est transformé en caserne en La Révolution fait disparaître la statue équestre de Louis XII ainsi que la quasi totalité des armoiries, chiffres et emblèmes royaux. Le château devient, par décret du 10 août 1810, propriété de la ville de Blois. L armée y établit alors dortoirs et casernements, non seulement dans l aile Louis XII, dont elle supprime les cheminées, mais aussi dans la chapelle et l aile Gaston d Orléans. Les restaurations de Duban Les écrivains romantiques Balzac et Victor Hugo s indignent des dégradations et des mutilations que subit l édifice, à un moment où le patrimoine jouit d une considération nouvelle. Le château est classé Monument Historique dès A l initiative de Prosper Mérimée, la restauration intérieure et extérieure de l aile François 1 er est confiée à Félix Duban à partir de Secondé par l architecte Jules de la Morandière, Duban s appuie sur des estampages (moulages) de décors anciens, des relevés d exemples de style comparable pour restituer le décor. Dans les appartements royaux, faute de document concernant leur aspect d origine, Duban fait œuvre de pionnier en créant un décor dans le style de la Renaissance. Il s inspire des motifs textiles en usage au XVIe siècle et des décors polychromes de la Renaissance italienne. Le départ définitif des militaires permet, sous le Second Empire, la restauration de l aile Louis XII, de la chapelle Saint-Calais et de la salle des Etats. Aile François Ier, façade sur cour, relevés de F. Duban, aquarelle, 1844 (Paris, Médiathèque de l architecture et du patrimoine)

17 La ville Les premières transformations de la ville au XIXe siècle interviennent au nord, sur le plateau, avec la création d un quartier administratif, autour de la Préfecture, puis d un palais de Justice et de la Halle aux Grains. La création de monuments publics correspond au lendemain de la Révolution à la nouvelle réalité politique et administrative du pays et les bâtiments ont un rôle symbolique à jouer. Le site choisi marque par ailleurs le coup d envoi du développement de la ville hors de son emprise traditionnelle, sur le plateau. Cette tendance est confirmée avec l arrivée du chemin de fer en 1846 et la construction de la gare actuelle en 1893 qui attire l activité vers les hauteurs, au nord ouest de la ville. L économie de Blois qui était alors conditionnée par le commerce de la vigne et la présence de la Loire comme voie de communication s oriente vers de nouvelles activités : la Révolution industrielle est ici marquée par la présence de deux grandes entreprises, celle de la chaussure et surtout la chocolaterie Poulain qui s installe à proximité de la gare. Jules Arnout, Blois en ballon, vue prise au-dessus de l évêché, A droite, la place de la République en cours de création et la préfecture. Dans le centre, les même préoccupations nouvelles de circulation, d hygiène et de salubrité publique qui guident les grands travaux du baron Haussmann à Paris conduisent le maire Eugène Riffault à décider d une grande percée centrale bordée d immeubles de rapport dans l axe du pont. La proximité du coteau oblige la municipalité à choisir une solution traditionnelle à Blois pour relier ville haute et basse avec la création d un grand escalier dont le rôle est avant tout de créer une vaste perspective sur la Loire. Les styles de la construction blésoise dans la seconde moitié du siècle, classicisme romantique puis éclectisme sont dominés par l image du château. Au rythme des restaurations de Duban, les architectes blésois reprennent les motifs décoratifs de la Renaissance pour les intégrer, parfois de façon originale, à leurs créations. L effet le plus pittoresque est donné par l imitation du décor de brique polychrome de l aile Louis XII que l on retrouve aussi bien à la Halle aux Grains de Jules de la Morandière, élève de Duban, que dans l actuelle maison de la Magie, face au château. Eugène Gervais, percement de la rue du Prince-Impérial et création de l escalier Denis Papin, détails, 1865.

18 ZOOM sur POULAIN au XIXe siècle De l artisanat à l entreprise industrielle Auguste Poulain est né près de Pontlevoy en 1825 dans une famille pauvre d agriculteurs solognots, qu il quitte dès l âge de 9 ans pour travailler chez un épicier puis chez un confiseur parisien. En 1847, Auguste Poulain s installe à son compte comme confiseur-chocolatier à Blois, 68 Grande Rue. Il existe une tradition du chocolat bien ancrée à Blois mais Poulain fait rapidement la différence en lançant en 1848 sa propre marque et en mécanisant rapidement la production, pour aboutir à la création de l usine de la Villette. Auguste Poulain fait désormais partie des notables blésois et assure même la fonction de maire au moment de la guerre de Son fils, qui reprend la direction de l usine en 1880, agrandit à nouveau l usine : de 1863 à 1893 la société passe de 22 à 240 ouvriers. A cette dernière date, Poulain perd son caractère familial pour devenir société anonyme. Le processus conduit en 1988 au rachat par Cadbury puis au déménagement en 1991 dans une nouvelle unité de production implantée à Villebarou, au nord de la ville. Un quartier neuf Auguste Poulain, en créant son usine de la Villette à proximité de la gare, participe à l émergence de la première zone industrielle de Blois. L ancien cimetière qui est repoussé de l autre côté des rails en 1857 libère un vaste espace, bien desservi par le chemin de fer inauguré en 1846, qui supplante alors la navigation sur Loire. Suivront dans le même quartier l usine de chaussure Rousset et l usine à gaz puis la minoterie «les Grands Moulins» avant que les pouvoirs publics ne prennent en main l aménagement du quartier : après l ouverture de l avenue de l Embarcadère, c est le lotissement de la Banque qui débute en L architecture industrielle Les grands espaces de production sont soignés et utilisent des techniques d avant-garde, voir des expériences curieuses (les poteaux en «clous» de l usine Beauséjour). Le château La Villette, symbole même de l omniprésence du chef d entreprise dans son usine, utilise un vocabulaire néo-historique qui renvoie au modèle du château. Gustave Poupard, Château de La Villette, façade sur le jardin, élévation, Archives Départementales de Loir-et-Cher

19 Blois aujourd hui Les travaux du XXe siècle au château L escalier de l aile Gaston d Orléans est réalisé en 1932, sur le modèle de celui de Maisons- Laffitte, construit par Mansart. Le château est touché par les bombardements de 1940 et surtout d août 1944 au cours desquels la chapelle perd ses vitraux du XIXe siècle, remplacés en 1957 par des créations de Max Ingrand. Sous l impulsion de Jack Lang, alors maire de Blois et ministre de la culture, un exceptionnel programme de rénovation voit l ensemble des façades nettoyées, les décors polychromes des loges restaurés, la cour du château pavée, les sols des appartements royaux remplacés. Des fouilles archéologiques conduites pendant les travaux ont permis de mieux connaître l histoire de la ville et du château. Les décors peints des salles de l aile François Ier sont aujourd hui en cours de restauration. La ville au XXe siècle Avant la Seconde Guerre mondiale, la ville qui compte alors habitants évolue peu. Les bombardements de 1940 qui touchent les quartiers aux abords du pont mais épargnent heureusement l habitat ancien sur les pentes du coteau et le château puis le plan de reconstruction mis à exécution dans les années 50 modifient en profondeur l image de la ville. Volumétrie et matériaux respectent cependant la construction locale et aménagent de belles perspectives sur la cathédrale et le château. Au lendemain de la guerre, le mouvement d expansion urbaine qui caractérise la France des années est d autant plus ample à Blois que la décentralisation industrielle permet l arrivée d une cinquantaine d industries nouvelles. On construit alors sur le plateau un grand ensemble de tours, barres et places fermées tandis que des zones plus résidentielles se bâtissent autour de la ville. Ces zones nouvelles, qui accueillent aujourd hui un tiers des habitants de la ville, font actuellement l objet de procédures de requalification. Dans le centre ancien, un Secteur Sauvegardé permet de préserver et mettre en valeur l héritage des siècles précédents. La ville conserve quelques heureuses créations de ce siècle avec en particulier la basilique de la Trinité, vaste vaisseau de béton qui témoigne du renouveau des arts décoratifs des années 30 en réunissant architecte, sculpteurs, verriers autour d un projet d une grande cohérence. Les verriers de la Trinité seront suivis de beaucoup d autres puisque Blois se révèle être, à la faveur des commandes et des événements historiques, une ville d expérimentation en matière de vitrail, depuis les restaurations d après guerre à la chapelle Saint- Calais jusqu à la création contemporaine de Jan Dibbets pour la cathédrale. Gloria in excelsis Deo, Jan Dibbets, Cathédrale Saint-Louis de Blois.

20 Orientation bibliographique Un premier panorama : Blois, une cité sur la Loire, Dossiers de l art, n 97, juillet Sur le château : Blois, un château en l an mil, catalogue d exposition, Château et Musée de Blois, Paris : Somogy, CREPIN-LEBLOND Thierry, Le Château de Blois, Paris : Editions du patrimoine, 2002 (Itinéraires du patrimoine). CREPIN-LEBLOND Thierry, Château de Blois : musée des Beaux-Arts, Paris : Réunion des Musées Nationaux, 2003 (Albums). LESUEUR Frédéric, Le château de Blois, Paris : Picard, Dossiers pédagogiques édités par le service éducatif : - La vie quotidienne à la Renaissance - Le musée lapidaire du château de Blois Sur la ville : Blois, un amphithéâtre sur la Loire, catalogue d exposition, Château et Musée de Blois, Paris : Adam Biro, COSPEREC Annie, Blois, la forme d une ville, Paris : Imprimerie Nationale, 1994 (Cahiers du patrimoine ; 35). Congrès Archéologique de France 139 e session, Blésois et Vendômois, 1981, Paris : Société Française d Archéologie, Histoire de Blois et de sa région, sous la direction de Yves Denis, Toulouse : Privat, LESUEUR Frédéric, Les églises de Loir-et-Cher, Paris : Picard, 1969 (Dictionnaires des églises de France). Ouvrages pour la jeunesse sur le château et la ville de Blois : GUILLOU Jean-Claude, Les grands châteaux de la Loire, Blois et Chambord, Paris : Deux coqs d or, LEGENDRE-KVATER Philippe, L horloger du roi, Paris : Epigones, 1997 (Mille regards).