Les rendez-vous de la com n 4 - Au TARMAC à Paris avec Pascal Colrat et Pierre Van Eechaute

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1 29/11/13 Les rendez-vous de la com n 4 - Au TARMAC à Paris avec Pascal Colrat et Pierre Van Eechaute On se souvient tous de l affiche du spectacle «Bambi, elle est noire, mais elle est belle»* sur les murs de Paris ou d Avignon, n est-ce pas? De ce portrait sur fond rouge d une jeune femme noire, magnifique, sérieuse, sexy, à la joue mystérieusement griffée, qui vous regardait droit dans les yeux? C était une affiche signée du «photo-graphiste» - comme il aime à s appeler lui-même - Pascal Colrat, pour le TARMAC de la Villette. Il y en a eu beaucoup d autres, - elles sont d ailleurs toutes exposées au 1er étage du théâtre - et j ai eu envie de retracer leur histoire pour un 4ème entretien de la com. Le Théâtre du TARMAC, scène internationale francophone, tel que nous le connaissons aujourd hui, sis au 159 avenue Gambetta, dans le 20ème arrondissement de Paris, est né de la fusion du TARMAC de la Villette et du TEP en Valérie Baran le dirige depuis 2005, elle était donc dans un premier temps à la Villette. L ancien nom du lieu était, souvenez-vous, le TILF Théâtre International de Langue Française, mais elle a souhaité le renommer «le TARMAC», du nom du premier lieu que l on foule en descendant d un avion, qu on soit touriste, explorateur, artiste en tournée ou immigré. Valérie Baran y mène un projet artistique dédié à la création contemporaine francophone, et, par ses choix de programmation, nous invite constamment au voyage, au déplacement, celui de nos corps, mais aussi de nos certitudes, de nos visions souvent raccourcies et figées, de nos préjugés. Au bout de ce voyage, il y a la rencontre avec l autre et l ailleurs. Un projet défendu haut et fort par toute une équipe. Questions à l un d entre eux, Pierre Van Eechaute, responsable de la communication du TARMAC. Dorothée Burillon - Le TARMAC collabore avec Pascal Colrat depuis quelques années. Comment s est fait le choix de ce graphiste, et de cette ligne graphique? Quelles étaient les problématiques et les pistes sur lesquelles il a travaillé pour vous faire cette proposition? Pierre Van Eechaute : - Je suis arrivé au TARMAC en 2007 et cette ligne était donc lancée. C est Valérie Baran qui a choisi Pascal Colrat

2 à son arrivée à la direction du TARMAC. Le théâtre était alors en plein cœur du Parc de la Villette. Il lui fallait une ligne graphique forte afin d être repéré dans cet espace très identifié. Lorsqu une télévision ou un journal parlait de nous, il disait «A la Villette» et ne donnait pas le nom du théâtre. Pascal Colrat travaillait alors avec le Syndeac sur la communication autour du statut d intermittent, et on a conseillé à Valérie Baran de le rencontrer. Valérie et lui se sont tout de suite entendus sur le fond, et se sont trouvés de nombreux points communs sur leur POUVONS-NOUS ÉCHAPPER AU VERTIGE? QUI OSERAIT PRÉTENDRE QUE LE VERTIGE NE HANTE PAS TOUTE EXISTENCE? CRÉATION / THÉÂTRE LES DAMNÉS DE LA TERRE Frantz Fanon, Les Damnés de la terre cartepostale-novdec-def01-prepa.indd 1 24/10/13 11:40

3 vision du rapport à l autre, du voyage. Cette collaboration sur l image du TARMAC est donc au départ une aventure humaine. Pascal Colrat est un artiste avant tout, et il est devenu en quelque sorte le premier «artiste associé» du théâtre. Ses affiches représentent un énorme travail et sont tout sauf un montage «photoshop». Pour chaque personne ou objet photographié, il y a en amont toute une recherche plastique ; il construit par exemple lui-même les objets qu il photographie ; les temps de pose des modèles pour la photo sont longs ; suivis d un important travail de post-production. On peut d ailleurs visionner un making off des affiches sur le site de Pascal Colrat. Pour cette ligne graphique du TARMAC de la Villette, la demande à Pascal était donc une ligne graphique forte, grâce à laquelle on identifie immédiatement ce théâtre, où l humain est au cœur du projet, ainsi que l altérité et le rapport à l autre dans sa différence. Sa réponse a été ces portraits, - chaque fois une personne, un acteur ou un modèle - sur un fond de couleur. Peu à peu, ces visuels ont marqué les esprits, au point qu on peut presque dire que le public connait plus nos affiches que notre programmation. L affiche du spectacle «Bambi elle est noire, mais elle est belle» a été la plus remarquée et la plus commentée. Les gens barraient le «mais» au crayon sur les affiches, nous téléphonaient pour nous questionner sur ce titre. C est une pièce dont le thème a une vraie résonnance actuellement, puisqu il s agit d une africaine qui épouse un français, et que sa belle-mère reçoit à coups de bananes à son arrivée en France. DB - Comment cette ligne graphique a-t-elle évolué? PVE : - Sur les 4 premières années, nous n avons pas voulu faire évoluer la ligne, afin que le public identifie parfaitement le Tarmac. Certaines évolutions ont été volontaires, d autres se sont imposées à nous pour des raisons économiques, concurrentielles En 2010, par exemple, un premier changement s opère, et on passe sur fond blanc. Pourquoi? Pascal Colrat entame une collaboration avec la Théâtre de l Aquarium. Et la ligne graphique qu il développe pour ce théâtre s avère trop proche de la nôtre. Ni le graphiste, ni nos deux institutions n avaient vu cela. Ce retour est venu du public qui, en recevant la brochure de l Aquarium en septembre, a cru recevoir la nôtre. Pourtant la proposition était différente, Pascal travaillait pour l Aquarium sur des objets, des montages, et non des portraits, mais les fonds de couleur portaient à équivoque. Nous avons donc opté de notre côté pour des fonds blancs. En fin de saison dernière, nous avons également opèré un changement, après une enquête que nous avons voulu mener auprès de notre public. Il en ressortait tout d abord que celui-ci n avait pas perçu notre changement d adresse, de la Villette à l avenue Gambetta. Puis, que le public pensait que nous étions sur des formes de spectacles presque exclusivement de type «solos». Cela venait de notre précédente pro-

4 grammation à la Villette, où la scène, très petite, ne permettait pas de distribution importante, et du fait que nos affiches ne présentaient que des portraits d une seule personne. Enfin, le public faisait trop directement le lien entre l origine du personnage sur l affiche et celle du spectacle ; par exemple, il y a un africain sur l affiche, il doit donc s agir d un spectacle africain. Après réflexion, après des réunions avec Pascal, nous prenons le parti d évacuer la notion de race, en peignant les modèles, puis d apporter le nombre dans les affiches : avec des photos représentant 2, 3, voire 4 personnes. C est ainsi que nous avons lancé cette première affiche de saison avec un personnage peint en bleu. Pour des raisons financières notamment, la périodidicté de notre communication a elle aussi évolué : nous avons souhaité communiquer par un affichage bimestriel, et non plus par spectacle. Il a donc fallu trouver le moyen de présenter plusieurs spectacles sur une seule affiche. La réponse du graphiste a été d avoir des affiches doubles : avec un visuel sur la «valeur» du TARMAC (fraternité, altérité ) et une affiche «texte» avec la liste des spectacles de la période. Ces affiches «textes» laissent ainsi plus d espace pour inscrire les distributions complètes

5 des spectacles et montrer que nous n étions pas seulement sur des monologues. Auparavant, nous ne pouvions pas mettre les distributions sur les cartouches des affiches spectacles. Ainsi, nous parvenons à montrer la dimension du projet. DB : - Sur quels supports déclinez-vous ces images? PVE : - Les affiches sont déclinées en format 40*60, Colonne Morris, et Métro. Nous avons développé cette saison l affichage dans le Métro, que nous avions réduit durant les 2 dernières saisons au profit d un affichage de proximité dans les boutiques. Nous pensons ainsi faire connaître le projet du TARMAC plus largement dans Paris. Nous avons aussi d autres outils de communication : - Les plaquettes de saison : Le format A5 nous semble le plus pratique, car nous pouvons y faire figurer de nombreuses informations. De plus, c est un format standard pour le publipostage. En 2010, nous avons dû en changer. En effet, suite à une baisse de subvention, nous avons été contraints d arrêter toute la communication papier cetet année-là, en dehors de cette plaquette de saison qui a pris la forme d un dépliant plus petit, plus léger, composé de cartes postales avec les visuels de chaque spectacle. Nous n avons communiqué que sur internet cette saison-là. - Les flyers des spectacles : Nous déclinons les visuels en flyers format carte postale pour chaque spectacle. Nous avons besoin de ce flyer, afin de cibler davantage nos envois, nos distributions... Avec notre nouvelle périodicité, nous avons dû réfléchir à la conception des images de ces flyers, puisque nous n avons plus un visuel par spectacle, mais par période. Ainsi, pour «les Damnés de la terre», de Jacques Allaire, d après Frantz Fanon**, nous avons eu envie de faire connaître et rayonner la pensée de Frantz Fanon, au travers d une série de 4 cartes postales avec 4 citations de Fanon. Sa pensée est tellement d actualité. Par exemple, «ce qui compte aujourd hui, le problème qui barre l horizon, c est la nécessité d une redistribution des richesses» : cette citation date de la Guerre d Algérie, mais reste tout à fait d actualité. Lorsque le spectacle n est pas basé sur un texte, nous avons opté pour un visuel lié au shooting du visuel de la période. - Les Carnets du TARMAC : il s agissait au départ d un journal, car nous voulions aller plus loin que le simple programme de salle et transmettre d autres informations sur nos spectacles. Nous sommes sur des problématiques sociétales, géographiques, humaines à développer, et à partager avec notre public. Nous l avons maintenu même en 2010, année de difficultés budgétaires, car nous tenions à le proposer à nos spectateurs. Il est juste passé alors en noir et blanc. Depuis cette année, il s intitule «les Carnets du TARMAC» et prend d autres formes. Par exemple, au moment des Printemps arabes, nous avons souhaité questionner cette notion et cette formulation, somme oute très française, et avons demandé à une cinquantaine d auteurs d écrire un texte sur ce que leur inspirait cette notion. Nous l avons distribué aux spectateurs. Ce numéro est

6 devenu un livre, publié aux Editions Elisades, avec ces textes enrichis de caricatures ou de dessins. Cette année, leur format a changé, car nous ne le trouvions pas pratique et nous le proposons en format A5, ce qui donne aussi une unité dans les documents. Nous avons fait un numéro spécial de ces Carnets consacré à Jacques Allaire et à son diptyque («Les Damnés de la Terre» et «Je suis encore en vie»***, 2 textes lauréats de l Aide à la création du CnT -NDA). Nous y avons inserré un carnet de croquis, car pour ces spectacles, Jacques Allaire travaille à partir de dessins. Ils représentent le point de départ de sa mise en scène. - Nous avons aussi de nombreux supports internet, et pour «Les Damnés de la Terre», par exemple, nous avons proposé un «journal de création» du spectacle où Jacques venait partager les étapes de sa création. Le public a adoré. Questionné sur le public du TARMAC, Pierre m explique qu il est à l image de la programmation, très diversifié, très mixte, et aussi très hétérogène socialement. C est cette ouverture que l équipe recherche, pour répondre au projet artistique. Les valeurs humanistes guident tous les choix : de programmation, de communication et de relations publiques. «Pour travailler ici, car il faut partager ces valeurs», conclue-t-il. Pour revenir sur les futures évolutions de cette ligne graphique, Pierre nous annonce en janvier/février 2014 un visuel autour du thème des Trois grâces, avec des personnages peints en jaune. A suivre donc dans l espace public parisien, et même, grande première, sur les panneaux numériques du Métro. Nouvelle possibilité de déclinaison des affiches, qui, du coup, se mettent en mouvement, au grand plaisir des graphistes, qui explorent une nouvelle manière de travailler, et du public. Rendez-vous donc en janvier pour découvrir cette nouvelle création de Pascal Colrat pour le TARMAC! * «Elle est noire, mais elle est belle» de Maïmouna Gueye, mise en scène Jacques Allaire **«Les Damnés de la Terre» : A voir jusqu au 6 décembre 2013 au TAR- MAC ***«Je suis encore en vie» de Jacques Allaire : du 14 au 24 janvier 2014 au TARMAC Réservez sans plus attendre :