L INNOVATION DISRUPTIVE DANS LES SYSTEMES DE SANTE

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1 L INNOVATION DISRUPTIVE DANS LES SYSTEMES DE SANTE Mémoire de fin d études EXECUTIVE MBA EM LYON Sous la direction de Philippe RIOT EM Lyon : Référent n 1 Gérard De POUVOURVILLE ESSEC Santé : Référent n 2 Caryn MATHY 10/10/2011

2 Remerciements Je profite de l occasion qui m est donnée pour remercier quelques personnes pour leur aide, soutien ou contribution. A ce titre, c est à Philippe RIOT que je rends hommage au travers ce mémoire. Grâce à ces immenses qualités pédagogiques et humaines, je lui dois une vraie passion pour la stratégie, tout économiste de la santé que je sois! C est ensuite à Gérard de Pouvourville que je dois mes remerciements les plus sincères car il a accepté de jouer le jeu du second référent, acceptant pour se faire de consacrer son temps précieux à la lecture de ce mémoire, de se déplacer et surtout d apporter sa contribution à cette réflexion encore naissante, alors qu il avait déjà été sollicité dans le cadre de ma thèse de Doctorat, 13 ans plus tôt. Je ne saurai dire aussi toute ma reconnaissance à Laurent, mon compagnon, qui a joué de nombreux rôles dans la rédaction de ce mémoire. D abord en faisant preuve de détachement par rapport à mes indisponibilités récurrentes tout au long de ce MBA mais aussi pendant la rédaction de ce mémoire, ensuite en m aidant à éclaircir mes idées qu il a patiemment écoutées ou en jouant les contradicteurs, en trouvant parfois le bon mot qui se refusait à moi et surtout, surtout, en me soutenant dans ce projet et celui plus global de recommencer à publier des articles de recherche. Je remercie également mes «bonnes âmes» (Claire et Geneviève) pour leur aide à la correction orthographique et grammaticale qui m est essentielle puisque ma propension à progresser en la matière s avère limitée, et ce depuis toujours. De même, je remercie mes parents (Danielle et Jean-Pierre) qui m ont également servi de correcteurs ; ils doivent espérer que j en finisse enfin (!) de mes études car ils avaient déjà subis les affres de la thèse de doctorat et de ces quelques 400 pages. Enfin, je souhaite également dire mes remerciements à quelques professeurs de l EM de Lyon qui ont apporté de l eau à mon moulin par leurs conseils et recommandations de lecture diverses, leur écoute - Frédéric Delmar, Paul Millier, Brice Dattee, Philippe Silberhan - ainsi qu à Chantal Poty et Muriel Chaumat pour l énergie, la patience et le soutien dont elles abreuvent les executives MBA. Caryn MATHY 2

3 Résumé L accroissement du rythme des dépenses de santé au-delà de celui du PIB de nos sociétés développées pose le problème de leurs financements et/ ou de la solvabilité des systèmes de protection socialisée à court, moyen et long termes. Cela n est certes pas nouveau mais dans un contexte de ralentissement économique général des pays développés et de dette croissante, les réformes structurelles de nos systèmes de santé apparaissent désormais inéluctables. Au-delà de ces aspects financiers, il apparaît de plus que ces systèmes de santé sont loin d être toujours efficients au regard des résultats sanitaires attendus. Nonobstant les réformes qui se sont enchainées depuis la fin des 30 glorieuses, la croissance des dépenses n est pas maitrisée et tout laisse à penser qu elle va croître fortement dans les 40 prochaines années. Par ailleurs, si l amélioration de l état de santé de nos populations développées est indéniable, il existe de nombreuses sources d inefficacité dans l offre de soins et sa gestion. Les solutions traditionnellement préconisées (baisse des remboursements, hausse des cotisations, dérégulation, maitrise médicalisées, etc..) sont certes intéressantes et utiles mais jusqu à un certain niveau et il est aujourd hui vraisemblable que celles-ci ne permettront pas de garantir, à termes, une offre sanitaire de qualité et financièrement accessible à tous. Le déficit de la branche maladie de la sécurité sociale en France est pour moitié structurel. Dans ce tableau particulièrement noir, on note toutefois une analyse atypique de la situation et surtout des solutions innovantes pour résoudre ce nœud gordien. Il s agit de la théorie de l innovation disruptive, développée principalement par Christensen. Cette théorie vient en outre d un courant de pensée peu commun des analyses du champ sanitaire, initialement investi par les économistes, puisqu il s agit de l analyse stratégique des changements organisationnels et du paysage compétitif de l industrie. Cette théorie s appuie sur les travaux de Schumpeter (1942) et le concept de destruction créatrice qui met en exergue la question de l innovation comme moteur de changement structurel et de croissance économique. Selon l auteur, la croissance économique émerge via une destruction créatrice, où le «vieux» est détruit de manière continue permettant ainsi de libérer de nouvelles ressources pour le «nouveau». Cette théorie suggère donc que les entreprises (ou les systèmes) seraient inévitablement confrontées à des changements discontinus et permanents qui rendraient alors leurs compétences d origine (ou leur fonctionnement) obsolètes. Leur position dominante serait alors affaiblie, voire gommée, et expliquerait les changements permanents du paysage compétitif. L accumulation de changements discontinus pourrait être à l origine de la notion d innovation disruptive 1, qui peut être définie comme une technologie qui a été jugée sous performante par les consommateurs traditionnels mais portant en elle de nouvelles performances, intéressant de nouveaux acteurs. Ces nouvelles performances seraient alors susceptibles de bouleverser radicalement le paysage compétitif et le système économique d une sphère donnée dans la mesure où ces innovations conduisent à remplacer les produits, services, technologies, process, ou 1 Nous expliquons le choix de ce vocable dans le cœur du mémoire, sachant que Christensen utilise le terme anglo-saxon de «disruptive innovation» Caryn MATHY 3

4 encore systèmes, complexes et coûteux en d autres, moins complexes et moins coûteux, qui, à termes, envahissent le marché traditionnel, rejetant de fait les firmes antérieurement dominantes. Ces innovations disruptives sont à distinguer des innovations radicales ou incrémentales. Elles sont distinctes également des innovations qualifiées de «sustaining» car elles répondent à la demande d un autre réseau de valeur que celui constitué des clients existants. De multiples travaux de recherche ont été conduits sur le concept de l innovation disruptive et ont donnée lieux à de nombreuses controverses et amendements, sans que toutes les zones d ombre et les questions que pose cette théorie soient totalement éclaircies. Il s agit en particulier de la question des segments de marché sur lesquels s ancre l innovation disruptive, celle des marchés ciblés, celle du réseau de valeur sous-jacent sur lequel l innovation s appuie et, enfin, celle des business modèles des entreprises innovantes. En dépit de ces questions, il n en demeure pas moins que la théorie de l innovation disruptive, appliquée au champ de la santé, donne un éclairage tout à fait nouveau sur les réponses qui pourrait être envisagées pour aboutir à un système de santé moins coûteux et donc accessible à une plus large proportion de la population tout en étant de meilleure qualité. Dans le champ de la santé, comme dans n importe quel secteur industriel, l innovation disruptive repose sur trois éléments: 1) un déclencheur technologique, 2) un business modèle innovant, 3) un nouveau réseau de valeur. Or ces éléments sont disponibles dans le secteur sanitaire. En particulier, le formidable développement des connaissances dans le domaine médical permet aujourd hui de faire appel à une médecine de précision, dans la majorité des pathologies et non plus à une médecine intuitive, principalement administrée par des médecins, experts dont la formation est longue et dont le travail repose principalement sur le diagnostic intuitif et la reconnaissance de phénomènestypes, amélioré par les années de pratique. Cette évolution (progressive) entraîne deux changements importants. Le premier est une simplification des traitements: des affections traitées par des spécialistes au stade intuitif peuvent être prises en charge par des généralistes au stade empirique, puis par des infirmières, voire les patients eux-mêmes, au stade de la précision. Le second changement est la conséquence du premier : le coût induit par la prise en charge s abaisse continuellement ; il est moins cher de faire soigner par une infirmière avec des médicaments de précision que de mobiliser un spécialiste dans un hôpital. Si la simplification et l abaissement des coûts ne se sont pas encore réalisés, cela tient au fait que la prise en charge des patients est restée figée dans un système basé sur deux modèles économiques: l hôpital et le cabinet de médecine, ayant été inventés il y a un siècle lorsque la médecine relevait exclusivement d un raisonnement intuitif. Or Christensen estime qu on peut distinguer trois business modèles possibles en santé comme dans n importe quelle industrie: le magasin de solutions, le process à valeur ajoutée, et le réseau facilitateur. Magasin de solutions: les fournisseurs de solutions sont formés et structurés pour diagnostiquer et résoudre des problèmes uniques et complexes. Ce sont par exemple les consultants, avocats, etc. Les hôpitaux et les médecins ont émergé historiquement comme des fournisseurs de solutions, en cohérence avec l aspect intuitif de la médecine. Typiquement, les fournisseurs de Caryn MATHY 4

5 solutions s engagent sur les moyens, non les résultats, et sont donc payés en honoraires. Process à valeur ajoutée: un modèle de process à valeur ajoutée consiste à transformer un actif en un actif ayant une valeur supérieure. Ce sont par exemple les restaurants, fabricants de voitures, etc. Dans le domaine médical, c est l exemple de certaines cliniques américaines spécialisées dans le traitement de pathologies dont le protocole de prise en charge est ultrastandardisé. Ces établissements accueillent le patient dès lors que le diagnostic est établi et le prennent en charge de manière rapide et efficace : le coût et le taux d insatisfaction ou de non-guérison sont substantiellement plus bas que ceux des hôpitaux. Typiquement, les acteurs qui réalisent des process à valeur ajoutée s engagent sur le résultat, et non pas sur les seuls moyens, car leur approche industrielle leur permet de garantir celui-ci. Réseau facilitateur: un réseau facilitateur organise l échange entre participants en créant de la valeur à partir de la notion de mutualisation, comme les assurances santé aux Etats-Unis ou certaines mutuelles en France. Il se rémunère la plupart du temps sous forme de cotisations payées par les membres du réseau. Ce type d acteur est particulièrement adapté à des patients atteint de maladies chroniques qui peuvent s échanger des informations entre eux ou des savoir-faire/savoir-être. La raison d être de ces réseaux peut également être de promouvoir la «bonne santé» ou le «bon comportement» de leurs membres afin de diminuer les coûts induits par la maladie. Le troisième élément de rupture est la création d un nouveau réseau de valeur autour des trois modèles économiques précédemment décrits. Les recherches de Christensen ont montré depuis longtemps que la principale difficulté des innovateurs est qu ils tentent souvent d inscrire leur innovation dans un réseau de valeur existant qui inévitablement l absorbe et la transforme. Au contraire, les innovateurs qui réussissent créent, ou contribuent à créer, un nouveau réseau de valeur. Il s agit d un écosystème de sociétés ou d individus interconnectés les uns avec les autres, dont les business modèles sont cohérents entre eux et divergent des précédents. Imaginer que l innovation disruptive puisse changer le système de santé nécessite en conséquence de changer le réseau de valeur actuellement organisé autour de deux acteurs principaux: l hôpital et le cabinet de médecine, auxquels s ajoute les tutelles et/ou système de protection. Cela passe par l inclusion de nouveaux acteurs et par la redéfinition du rôle des acteurs existants en plus de la présence d une technologie disruptive, comme par exemple celle sous-jacente au dossier médical informatisé. Dans ce cas, la technologie permet de créer un nouveau réseau de valeur qui fait intervenir les trois types d acteurs: magasin de solutions, process à valeur ajoutée, et réseaux facilitateurs. La création de cet écosystème nécessite toutefois un appuie des tutelles sous la forme d amendement de la législation ou la mise en place de standard technologiques, comme l interopérabilité des systèmes d information. Sans cette intervention, l innovation disruptive sera, au mieux, repoussée dans le temps et au pire annihilée. Compte tenu de ces éléments, et de l urgence à résoudre le problème de la solvabilité du système de santé français, nous avons examiné quelle était sa capacité à opérer un changement disruptif au travers plusieurs exemples actuels : celui de la chirurgie ambulatoire comme process à valeur ajoutée susceptible d être une solution disruptive à l hospitalisation traditionnelle que l on peut assimiler au magasin de Caryn MATHY 5

6 solutions, celui des technologies de l information et de la communication (TIC) en santé et de la télémédecine, assimilés à un réseau facilitateur comme solution disruptive aux deux autres business modèles ainsi que celui des réseaux d accompagnement des patients et du transfert de compétences qui fonctionnent selon une même logique que celle des TIC en santé. Dans ces quatre cas, on constate que si des avancées ont été faites et que les technologies sont suffisamment matures pour opérer un changement disruptif dans notre système de santé, les obstacles sont encore nombreux. Ils sont liés principalement au régulateur qui tarde à mettre en place les conditions nécessaires à ces avancées : l écosystème. Les freins sont législatifs, réglementaires, financiers mais peut être et surtout politiques, syndicalistes, corporatistes, etc. De telles modifications impliquent nécessairement une destruction de compétences/ressources antérieures qui ne peuvent laissés indemnes les acteurs actuels du système de santé. Ces problèmes renvoient en conséquence à la question de «comment faciliter l acquisition de compétences/ressources nouvelles pour faire en sorte de limiter les obstacles à ces changements». Les réponses seront sans aucun doute complexes et longues à mettre en œuvre, sans parler du fait qu il est rarement dans les préoccupations immédiates du régulateur de s investir dans ce champ de réflexion. Pourtant l urgence est là! Enfin, il faut mentionner que si la question de la destruction des ressources/compétences se pose cruellement dans nos systèmes de santé de pays développés, elle est probablement plus limitée dans le contexte des pays émergents ou pauvres. Leurs systèmes de santé étant vierges ou peu avancés, les technologies disruptives devraient pouvoir leur apporter une solution efficace et peu coûteuse quant à la mise en place de leurs systèmes. Mais cette thématique nécessiterait sans doute à elle seule un autre mémoire. Caryn MATHY 6

7 TABLE DES MATIERES 1 INTRODUCTION SANTE, DEPENSES ET REGULATION Evolution des dépenses et projections : toujours en hausse Crise économique et dépenses de santé : le cas du déficit français Régulation du système de santé : des réponses limitées INNOVATION ET CHANGEMENT ECONOMIQUE Innovation discontinue : définition, conséquences et origine Définition Conséquences pour la firme Raisons internes de l échec des firmes dominantes Raisons externes de l échec des firmes dominantes Théorie de l innovation disruptive Technologie et innovation disruptives Sustaining, disruptive, radical, incremental innovation Segments bas et nouveaux marchés : les cibles des innovations disruptives Value network Raisons de l échec des firmes dominantes à développer des innovations disruptives Compléments, amendements et controverses sur la théorie des innovations disruptives Segment haut et marché existant Marché et diffusion Business modèle, réseau, valeur et réseau de valeur Business modèle Réseau et valeur Réseau de valeur Réseau de valeur nouveau versus existant Résumé des controverses et amendements INNOVATIONS DISRUPTIVES DANS LA SANTE The Innovator s Prescription : l innovation disruptive appliquée à la santé Problèmes de la santé et réponse de Christensen Eléments constitutifs des innovations disruptives Applications dans le champ de la santé Déclencheur technologique en santé Business modèles innovants en santé Business modèle de type magasin de solutions dans la santé Business modèle de type process à valeur ajoutée (VAP) dans la santé Business modèle de type réseaux facilitateurs dans la santé Articulation des business modèles entre eux Le réseau de valeur disruptif Conséquences sur les systèmes de santé Régulation Technologies de l information et les réseaux facilitateurs Industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux Changements dans la formation médicale et la structure des offreurs de soins 47 Caryn MATHY 7

8 4.2 Etat du changement disruptif du système de santé français? Chirurgie ambulatoire et business modèle VAP La mixité des business modèles : l exemple des CHU Historique et définition de la chirurgie ambulatoire Evolution de la chirurgie ambulatoire en France et comparaisons Explications du retard français Aspects culturels Aspects organisationnels Les aspects structurels Aspects financiers Politique et stratégie institutionnelles Etat disruptif de la chirurgie ambulatoire en France? TIC en santé et télémédecine en France TIC en santé Problématiques et polémiques Quelques chiffres Création de valeur Pour qui? Télémédecine en France : des avancées à petits pas pour de grands enjeux Définitions Expérimentations plus ou moins significatives Qui devrait permettre un déploiement de la télémédecine d ici 1 à 3 ans Réseaux d accompagnement des patients Rappel sur les ALD Sophia : un exemple Résultats de Sophia et perspectives Coopération entre professionnels et délégation de tâches Coopération entre professionnels de santé Protocole de transfert d actes : le début d une longue histoire Nouveaux métiers : contexte, enjeux et perspectives Ophtalmologie en France et ailleurs : un exemple CONCLUSION GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE ANNEXES Annexe 1 : La tablette en passe de supplanter le PC Annexe 2 : Dépêches APM sur la télémédecine en France Caryn MATHY 8

9 L INNOVATION DISRUPTIVE DANS LES SYSTEMES DE SANTE MEMOIRE DE FIN D ETUDE "We can't solve problems by using the same kind of thinking we used when we created them." Albert Einstein 1 INTRODUCTION Selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l Evaluation et des Statistiques (DREES) du Ministère de la Santé français, en 2010, le montant des dépenses courantes de santé s élève à 234,1 milliards d euros, soit 12,1 % du produit intérieur brut (PIB) (Fenina, et al., 2011). La Consommation de Soins et de Biens Médicaux (CSBM), qui est l un des principaux agrégats utilisés pour comptabiliser la consommation de santé, atteint 175 milliards d euros, soit 9% du Produit Intérieur Brut (PIB). Elle a progressé en valeur moins rapidement qu en 2009 (+2.3 % après +3.2 %). Par ailleurs, fin juillet, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 a révisé le déficit de l'assurance maladie, tous régimes confondus, à -10,2 milliards d'euros pour Le déficit de la sécurité sociale dans son ensemble est révisé à - 19,5 milliards d'euros, après 23,1 milliards en La loi confirme par ailleurs une progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 167,1 milliards d'euros (+2,9%) pour 2011 et une progression fixée à 2,8% en 2012, 2013 et Entre 2003 et 2010, le déficit cumulé de la branche maladie de la sécurité social atteindrait 67,7 Md. De ces quelques chiffres, il en découle un constat sans appel concernant les dépenses et la consommation de santé en France : celles-ci ne cessent de progresser, elles ne sont pas (ou difficilement) maîtrisées et évoluent plus rapidement que le PIB. De plus, au-delà d un effet conjoncturel négatif (la crise), le déficit de l assurance maladie est structurel. Du reste, ce constat est largement partagé par les pays développés et laisse entrevoir des difficultés financières quasi-insurmontables pour les pays émergents (et à fortiori pauvres) qui souhaitent mettre en place un système de santé performant, en terme de santé publique, si celui-ci doit être structuré à l image de celui des pays développés. Au-delà de ces dérapages budgétaires, ces dépenses de santé ne sont, de plus, pas efficientes comme le rappelait Jean-Philippe Vinquant, secrétaire général du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance Maladie (HCAAM), lors des premières universités d'été de la performance en santé organisées par l'agence Nationale d'appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) les 19 et 20 septembre derniers. Ce constat est partagé par de nombreux chercheurs ou Caryn MATHY 9

10 organisations internationales et vient, du reste, de faire l objet d une étude comparative par des chercheurs britanniques classant le système de santé français au 13 ème rang des 19 pays développés étudiés (Prittchard, et al., 2011). Cela pose donc la question de «comment parvenir à un système de santé à la foi efficient en terme de dépenses mais également en termes d outcome sanitaire. En conséquence, la solution ne saurait résider en une «simple» réduction des remboursements et/ou une augmentation des cotisations. Conférences, études et bien sûr ouvrages se multiplient sur la question. Paru en 2010 aux États-Unis, l un d entre eux est cependant particulièrement marquant. Il s agit de du livre de Clayton Christensen, Jerome Grossman et Jason Hwang : «The Innovator s prescription» (Christensen, et al., 2010). Christensen est un spécialiste mondialement reconnu de l innovation (Christensen, et al., 2008, 2004, 1997) et ces deux co-auteurs sont médecins. Les auteurs partent de deux observations qu ils font. La première est que la santé subit une transformation profonde, et que le mécanisme qui en est la cause est le même (n en déplaise aux spécialistes du secteur sanitaire qui considèrent que la santé est un monde à part) que celui qui a transformé d autres industries avant: c est le mécanisme de l innovation disruptive. La seconde observation est que la limite des tentatives de réforme du secteur de santé provient de ce que le problème est mal posé et que le débat porte principalement sur l opposition entre une solution publique versus privée. Or là n est pas la question selon les auteurs. Il s agit, pour eux, de savoir comment il est possible d accéder à des soins de qualité à un coût abordable. La solution qu ils proposent est celle d utiliser, l innovation disruptive comme agent de transformation vertueux du système de santé. Cette vision tout à fait innovante mérite d être exposée, analysée et discutée dans un contexte spécifique : celui de la France. La suite de ce mémoire s organisera de la manière suivante : après avoir rappelé l état des dépenses de santé françaises, leurs évolutions et leurs perspectives dans la partie n 2, nous exposerons la théorie de l innovation disruptive de Christensen, de manière générale ainsi que ces prémices et verrons les questions soulevées par celleci, dans partie n 3. Dans la partie n 4, nous verrons enfin comment elle peut s appliquer au champ de la santé, quels sont les mécanismes et les conditions qui permettraient d aboutir à un changement disruptif des systèmes de santé et en particulier si le système de santé français est susceptible d utiliser l innovation disruptive pour offrir des soins de qualité à un coût socialement acceptable, à quelles conditions et à quel horizon de temps. Pour se faire nous prendrons plusieurs exemples spécifiques français. Caryn MATHY 10

11 2 SANTE, DEPENSES ET REGULATION Entre 1960 et 2008, la santé de la population des pays de l OCDE a fait des progrès majeurs (OCDE, 2010). Ainsi l espérance de vie à 65 ans est aujourd hui de 20 ans pour les femmes et de 17 ans pour les hommes. Bien que des inégalités socioéconomiques persistent, l amélioration de la santé se poursuit de manière régulière. Ces bons résultats tiennent à l élévation des niveaux de revenu, de l instruction et à l amélioration des soins de santé eux-mêmes. La qualité et l efficacité (à soigner) des systèmes de soins ainsi que leur accessibilité n ont jamais été aussi bonnes. Par ailleurs, de nombreux pays ont lancé récemment des réformes qui devraient permettre d assurer une couverture aux personnes les plus démunies ou non assurées (Mexique, Turquie, USA). Les pays de l OCDE sont plus proches que jamais d une couverture maladie universelle pour un ensemble de services de soins basiques. Ces réformes sont importantes car, en période de crise financière, des populations importantes se retrouvent démunies face aux coûts liés à un mauvais état de santé. Cette crise économique est par ailleurs lourde de conséquences pour les états et leurs finances dans la mesure où ce sont les premiers contributeurs (même indirects) aux dépenses de santé : voir graphique ci-dessous (DREES, 2010). En tout état de cause, ce sont bien les états qui gèrent les difficultés budgétaires de nos systèmes de santé et leurs déficits (voir graphique ci-dessous (DREES, 2010). Caryn MATHY 11

12 Dans cette partie, nous verrons donc 1) quelle est précisément l évolution des dépenses de santé mais aussi quelles en sont les perspectives, 2) quel est l impact de la crise économique sur ces dépenses et en particulier en France et, enfin, 3) si les instruments de la régulation des dépenses de santé peuvent inverser la tendance haussière observée jusqu à présent. 2.1 Evolution des dépenses et projections : toujours en hausse D après l OCDE, l activité économique dans les pays membres a progressé moins rapidement que leurs dépenses totales de santé 2. Ainsi, au cours de l année 2008, les Etats membres ont en moyenne consacré 9 % de leur PIB à la santé, contre 7,8 % en 2000 (OCDE, 2010). La France consacrait 11.2% de son PIB à la santé en 2008, soit 2,2 points au-dessus de la moyenne (DREES, 2010). Elle est donc le pays ayant enregistré le plus de progression en termes de dépenses attribuées à la santé après les Etats-Unis, puisque ces derniers avaient alloué 16 % de leur PIB à la santé. La France se plaçait ainsi à un niveau légèrement supérieur à celui de la Suisse (10,7 %) et de l Allemagne (10,5 %). Pour l Irlande, cette part a évolué de 1,2 point, passant de 7,5 % en 2000 à 8,7 % en Quant à l Espagne, cette part était de 9 % en 2008 contre 7,5 % en La dépense totale de santé (DTS) est le principal agrégat utilisé pour les comparaisons internationales entre les pays de l OCDE, de la communauté européenne (Eurostat) et de l'organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis Caryn MATHY 12

13 Ainsi, dans le détail, les dépenses annuelles de santé des pays de l OCDE s élèvent en moyenne à dollars par habitant. Aux Etats-Unis, ces dépenses se chiffrent à dollars par habitant pour l année 2008, soit plus du double de la moyenne des pays de l OCDE. La France est audessus de cette moyenne en termes de dépenses de santé, avec dollars par habitant. La Suisse et la Norvège ont également alloué une grande partie de leur budget à la santé, avec des dépenses supérieures de 50 % à la moyenne enregistrée par l OCDE. En général, les Etats membres de l OCDE ont consacré 16 % de leurs dépenses publiques à la santé, contre 12 % en Les facteurs d augmentation (progrès technologiques, attentes de la population, accroissement des revenus et vieillissement démographique) vont continuer d orienter les dépenses de santé à la hausse. D après les projections de l OCDE, selon les hypothèses retenues, les dépenses publiques de santé pourraient croître de 50 à 90% d ici Ainsi, les dépenses publiques de santé et de soins de longue durée pourraient atteindre 13% du PIB en 2050 (contre 7% en moyenne en 2005). Evidemment cette moyenne occulte de très fortes variations entre les pays, en particulier liées à la structure démographique de leur population. Caryn MATHY 13

14 2.2 Crise économique et dépenses de santé : le cas du déficit français Selon les études menées par la DRESS (Simon, et al., 2010), lors des périodes de conjoncture dégradée, un décrochage entre les dépenses de santé et le PIB apparaît. Les dépenses de santé continuent de s accroître alors que le PIB ralentit, voire se replie. Ainsi, en France en 1993, la chute de l activité immobilière et les attaques de change contre le Franc ont conduit à une année de stabilisation du PIB tandis que les dépenses de santé ont continué à croître à un rythme comparable aux années précédentes. Toutefois, alors que la dépense de santé continue de croître nettement plus vite que le PIB l année de la crise, la reprise économique lors des années suivantes s accompagne généralement d une moindre hausse par rapport au PIB des dépenses de santé. Ce mécanisme confirme le décalage de l évolution de la dépense de santé par rapport à celle du PIB en période de difficultés économiques. Ces décrochages en période de conjoncture dégradée entre l activité économique et les dépenses de santé se traduisent par des évolutions marquées de la part des dépenses de santé dans le PIB. L année où un pays connaît un ralentissement économique ou une récession, la part des dépenses de santé dans le PIB va croître fortement. Puis, dans les années qui suivent, le poids des dépenses de santé dans la richesse nationale va se replier ou se stabiliser selon l ampleur des mécanismes de réajustements opérés. Comme le souligne le rapport de la Caisse Nationale Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) de 2011, la crise économique mondiale qui s est déclenchée en 2008 a généré une récession sans précédent en France, avec un recul du PIB de -2,6% en volume en Elle a entraîné pour l assurance maladie, comme pour l ensemble des finances publiques, une perte de recettes massive liée à la montée du chômage et à la contraction de la masse salariale : celles-ci ont baissé de près de 1%, ce qui ce qui n était jamais arrivé depuis la création de la sécurité sociale (CNAMTS, 7 juillet, 2011). Le redressement progressif des comptes, avec un déficit ramené de 11,8 milliards d euros en 2004 à 4,4 milliards d euros en 2008, a été ainsi brutalement interrompu, le déficit ayant plus que doublé en 2009 pour atteindre 10,6 milliards d euros. Le retour à la croissance en 2010 a permis de limiter la dégradation du déficit du régime général à 11,6 MD, et les perspectives économiques de 2011 permettent d anticiper une situation meilleure que celle qui avait été prévue par la loi de financement de la sécurité sociale. Le Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale (PLFSS) rectificatif table sur un déficit de 10,3 milliards d euros, inférieur de 1,2 milliard aux prévisions initiales, du fait d une révision à la hausse de l hypothèse d évolution de la masse salariale du secteur privé (de 2,9% à 3,2%). Caryn MATHY 14

15 Au regard de l ampleur sans précédent de la crise que la France a traversée, la situation financière en sortie de crise apparaît finalement relativement maîtrisée pour la CNAMTS. Le déficit 2010 est de même niveau, en euros courants, que celui de 2004, alors que la situation économique n a rien de comparable. La différence vient de ce que les dépenses de santé ont parallèlement accéléré au début des années 2000, créant un effet de ciseaux avec les recettes. A l inverse, l effort continu de maîtrise des dépenses qui s est poursuivi depuis a contribué à limiter le déficit. Si l on raisonne d ailleurs non pas en euros courants, mais en euros constants, ou en pourcentage par rapport à l ONDAM ou au PIB, les déficits actuels sont inférieurs aux niveaux atteints en 2003 et 2004, comme l a souligné le HCAAM dans son dernier rapport annuel (HCAAM, 2010). Toutefois, ce déficit, qui s inscrit dans un contexte plus général de besoins de financement des administrations publiques élevés, conduit à reporter sur les générations futures des dépenses de soins qui devraient être financées dans l année, majorant ainsi l endettement public. Par ailleurs, au-delà d une conjoncture économique dégradée, le déficit de la CNAMTS a une composante structurelle qui contribue pour près de 50% aux 10,3 MD de déficit prévus en Le déficit structurel est lié au fait que tendanciellement, les dépenses d assurance maladie augmentent plus rapidement que le PIB, qui retrace à long terme les évolutions des recettes. A niveau de prélèvement donné, il y a donc un écart entre les dépenses et les recettes, et le déficit s accroit d année en année à hauteur de cet écart. Le HCAAM a analysé les voies d un redressement du déficit structurel et appelle avant tout à mener des actions en profondeur pour rendre le système plus efficient : «efforts résolus sur la maîtrise des dépenses injustifiées et l optimisation de l offre de soins, seuls à même de desserrer l étau financier et d apporter des solutions durables à l équilibre du système». 2.3 Régulation du système de santé : des réponses limitées Dans la mesure où les dépenses de santé en France sont plus ou moins «co-pilotées» par l Etat et l assurance maladie, l allocation des ressources et l efficience des dépenses arrivent au premier plan de leurs préoccupations. Plus particulièrement, l hôpital au sens large 3, qui représente un peu plus de 46% de la Consommation de soins et de Biens Médicaux 4 (CSBM), selon les comptes 3 L hôpital est ici entendu dans un sens générique, comme tout au long de ce mémoire. Il recouvre donc les structures publiques, ESPIC et privés à but lucratif, sauf mention spécifique. Notons que pour ce qui concerne la CSBM, les dépenses des honoraires des médecins et chirurgiens libéraux Caryn MATHY 15

16 nationaux de la santé de 2010, fait l objet d une attention particulière sans être néanmoins le seul visé (voir tableau ci-dessous) (Fenina, et al., 2011). Les plans de maîtrise des dépenses de santé se sont succédés aux cours de ces 40 dernières années sans toutefois donner les résultats escomptés comme nous l avons vu précédemment. La France se situerait cependant parmi les pays qui maîtrisent le mieux leurs dépenses sur la période 2004 à 2008 (CNAMTS, 7 juillet, 2011). Cela s expliquerait par les nombreuses mesures sur la décélération des soins ambulatoires et des médicaments ainsi que des gains obtenus dans la délivrance des soins : ajustement des tarifs et des niveaux de remboursement, développement des génériques et maîtrise des volumes, mise en place de la tarification à l activité (T2A), convergence tarifaire des hôpitaux et cliniques, développement de la chirurgie ambulatoire, développement des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge, etc. Si l assurance maladie identifie encore un grand nombre de sujets qui pourraient être sources d efficience tant en termes de santé publique qu en termes financiers, il n en demeure pas moins que la France, comme tous les pays développés, est confrontée à un déficit structurel de ses dépenses de santé. A propos de la sécurité sociale, notons intervenants dans les cliniques privées ne sont pas comptabilisées dans les «soins hospitaliers» mais dans les «soins ambulatoires» sous la ligne «médecins». 4 La CSBM est l un des principaux agrégats relatant de la consommation de soins en France ; l autre agrégat qui est couramment utilisé est la «dépense courante de santé» (DCS). Outre les postes inclus dans la CSBM, la DCS comprend les soins aux personnes âgées en établissement, les indemnités journalières versées par l assurance maladie, les subventions reçues par le système de santé (c est-àdire les prises en charge par l assurance maladie de certaines cotisations sociales des professionnels de santé), les dépenses de prévention organisée (individuelles ou collectives), de recherche et de formation médicales ainsi que les coûts de gestion de la santé. Caryn MATHY 16

17 que dans son rapport de septembre 2011, La Cours des Comptes note que : «Jamais le déficit de la sécurité sociale n a atteint un niveau aussi élevé qu en A -29,8 Md, le déficit cumulé des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a un caractère historique. Il a plus que triplé en deux ans (- 8,9 Md en 2008). Le niveau exceptionnellement élevé des déficits ne s explique que partiellement par la crise économique. Moins de la moitié de celui du régime général provient de la faiblesse de la conjoncture : les facteurs structurels expliquent environ 0,7 point d un déficit qui a représenté 1,2 point de PIB en » (Cours des comptes, 2011, p.3). Et d ajouter : «Revenir à l équilibre des comptes sociaux est ainsi un impératif premier et essentiel» (Cours des Comptes, 2011). Concernant les dépenses de santé, La Cours des Comptes mentionne que : «L effort accru de rétablissement des comptes doit par priorité concerner l assurance maladie, dont le déficit représente près de la moitié de celui du régime général. Certes l ONDAM a été respecté en 2010, pour la deuxième fois seulement depuis son institution. Ce résultat en soi positif, s il est dû à un pilotage plus fin et plus ferme de la dépense, est aussi lié à des facteurs circonstanciels. La tenue dans la durée d un ONDAM resserré nécessite d amplifier considérablement les efforts et de mobiliser avec constance toutes les marges d efficience possibles.» (Cours des Comptes, 2011, p.4) De toute évidence, la solution n est pas simple. Les économistes de la santé débattent du sujet depuis plusieurs décennies : les uns prônant une libéralisation du système tandis que les autres, au contraire, une décentralisation, en passant bien évidemment par la dérégulation sous toutes ses formes. Pourtant, une solution innovante est apparue depuis peu : celle de l innovation disruptive 6 qui pourrait être à l origine d un changement de paradigme des systèmes de santé. C est cette théorie et ses implications, que nous exposons et analysons dans la partie suivante. 5 La cours de comptes poursuit par : «Leur accumulation entretient une spirale d accroissement de la dette sociale : l endettement du régime général préfinancé par l agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a doublé d une année sur l autre pour atteindre 49,5 Md et celui porté par la caisse d amortissement de la dette sociale (CADES) est de 86,7 Md, soit un total de 136,2 Md fin Comme l a déjà exprimé la Cour, notamment dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier, la dette sociale constitue en elle-même une anomalie. Aucun de nos grands voisins européens n accepte des déséquilibres durables de sa protection sociale.» 6 Nous expliquons dans la partie suivante le choix de ce vocabulaire. Caryn MATHY 17

18 3 INNOVATION ET CHANGEMENT ECONOMIQUE Comme nous l avons vu précédemment, les systèmes de santé des pays développés, dont celui de la France, sont globalement confrontés à une augmentation de leurs dépenses qui est supérieure à celle de leurs recettes. Le déficit généré est d autant plus grave qu il est structurel, au-delà des effets amplificateurs négatifs de phénomènes économiques comme la crise que nous traversons depuis Malgré les innombrables réformes visant à réduire les coûts et/ou à augmenter les recettes, il semble que la solution de long terme ne se situe pas à ce niveau mais à un autre, plus structurel et systémique. Les travaux de Schumpeter (Schumpeter, 1942) et le concept de destruction créatrice (creative destruction) ont donné lieu à de multiples développements et en particulier sur la question de l innovation comme moteur de changement structurel et de croissance économique. Selon l auteur : «Le capitalisme (..) constitue, de par sa nature, un type ou une méthode de transformation économique et, non seulement il n'est jamais stationnaire, mais il ne pourrait jamais le devenir. Or, ce caractère évolutionniste du processus capitaliste ne tient pas seulement au fait que la vie économique s'écoule dans un cadre social et naturel qui se transforme incessamment et dont les transformations modifient les données de l'action économique : certes, ce facteur est important, mais, bien que de telles transformations (guerres, révolutions, etc.) conditionnent fréquemment les mutations industrielles, elles n'en constituent pas les moteurs primordiaux. Le caractère évolutionniste du régime ne tient pas davantage à un accroissement quasi- automatique de la population et du capital, ni aux caprices des systèmes monétaires - car ces facteurs, eux aussi, constituent des conditions et non des causes premières. En fait, l'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. ( ) depuis le four à charbon de bois jusqu'à nos hauts fourneaux contemporains, ou de l'histoire de l'équipement productif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbine moderne, ou de l'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique qui révolutionne incessamment 7 de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter» (Schumpeter, 1942, p.93). 7 A strictement parler, ces révolutions ne sont pas incessantes : elles se réalisent par poussées disjointes, séparées les unes des autres par des périodes de calme relatif. Néanmoins, le processus dans son ensemble agit sans interruption, en ce sens qu'à tout moment ou bien une révolution se produit ou bien les résultats d'une révolution sont assimilés. Caryn MATHY 18

19 En d autres termes, la croissance économique émerge via une destruction créatrice, où le «vieux» est détruit de manière continue permettant ainsi de libérer de nouvelles ressources pour le «nouveau», finalement de manière assez proche du principe de Lavoisier qui veut que «rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme». D un point de vue économique, cette théorie conduit à dire que les entreprises (ou les systèmes) sont inévitablement confrontées à des changements discontinus et permanents qui rendent alors leurs compétences d origine (ou leur fonctionnement) obsolètes, selon un processus discontinu. Leur position dominante serait alors affaiblie, voire gommée, (Tushman, et al., 1986)) et expliquerait donc les changements permanent du paysage compétitif. Ce raisonnement vaut de fait pour une organisation au sens large, comme celle du système de santé. L accumulation de changements discontinus pourrait alors être à l origine de la notion d innovation disruptive 8 (disruptive innovation) qui peut être définie comme une technologie qui a été jugée sous performante par les consommateurs traditionnels mais portant en elle de nouvelles performances. Ces nouvelles performances seraient alors susceptibles de bouleverser radicalement le paysage compétitif et le système économique d une sphère donnée, comme le mentionne la définition qui en est donnée par Christensen (2010, p.3), qui est le chercheur ayant développé la théorie de l innovation disruptive : The disruptive innovation theory explains the process by which complicated, expenses products and services are transformed into simple affordable ones. It also shows why it is so difficult for the leading companies or institutions in an industry to succeed at disruption. Historically, it is almost always new companies or totally independent business units of existing firms that succeed in disrupting an industry Aussi, dans ce chapitre, nous passerons en revue 1) les concepts clés de l innovation au sens large et plus précisément 2) celle qui peut être qualifiée de disruptive ainsi que ses implications. Pour ce faire, nous nous appuierons plus particulièrement sur les travaux de Christensen (Christensen, 1997) (Christensen, et al., 2008) (Christensen, et al., 2010), et ceux de Sandström (Sandström, 2010) qui a exploré ce sujet dans sa thèse. Soulignons toutefois que si la plupart des théories sont directement appliquée aux entreprises, le même raisonnement peut être fait pour ce qui concerne une organisation ou un système au sens large. 3.1 Innovation discontinue : définition, conséquences et origine Avant de définir l innovation disruptive, il convient de revenir rapidement sur 1) ce qu est l innovation au sens plus large et en particulier sur le fait qu elle intervient de 8 Le teme anglo-saxon utilisé est celui «disruptive innovation». Il ne nous est pas paru souhaitable de traduire celui-ci en «innovation de rupture» pour plusieurs raisons. En particulier, Christensen a utilisé ce terme et non celui de «rupture». Ensuite, l innovation de rupture est un terme couramment utilisé au quotidien et qui semble avoir perdu, de ce fait, sa spécificité. Par ailleurs, l adjectif français «disruptif» existe. Selon le dictionnaire français, il vient du latin disruptum et signifie «qui sert à rompre, briser en morceaux, faire éclater. Son application à l électricité signifie : qui transperce un isolant en désorganisant sa structure mécanique et chimique, momentanément ou définitivement». Caryn MATHY 19

20 manière récurrente mais également discontinue, 2) les changements qu elle génère dans le paysage compétitif et, en particulier, 3) l échec des firmes dominantes à faire face à ces changements et enfin, 4) quel rôle joue l environnement dans cet échec Définition Une innovation discontinue (discontinuous innovation) peut être définie comme une innovation qui crée de manière ponctuelle et momentanée un changement ou un déplacement des compétences de base de la firme. Un tel changement peut être dû à une nouvelle technologie, un nouveau business modèle ou à des modifications réglementaires. Sur le plan technologique, une innovation discontinue est, par exemple, une technologie de substitution comme l image digitale (versus l image analogique) ; mais cela peut tout autant concerner un produit ou un process Conséquences pour la firme De nombreux travaux ont permis de montrer que si les firmes dominantes sont capables d innover dans un environnement stable et régulier, elles sont moins performantes que de nouveaux entrants pour innover de manière significative lorsque des changements brutaux de technologies ou de business modèles apparaissent (Henderson, 1993). Elles ne parviendraient pas à gérer de manière optimale les changements majeurs ce qui les conduiraient à la perte de parts de marchés, voire à leur disparition (Utterback, 1994) Raisons internes de l échec des firmes dominantes Diverses explications ont été proposées par les chercheurs. On notera en particulier la théorie du chemin de dépendance (path dependency) ; Selon cette théorie, les firmes, rencontrent des difficultés à modifier leur trajectoire qui est dépendante du chemin qu elles ont suivi en développant des compétences liées à leur business modèle. Dès lors, elles deviendraient vulnérables à tous changements technologiques qui ne correspondraient pas à leurs compétences intrinsèques. Comme nous l avions mentionné dans un travail précédent (Mathy, 2000), dans une conception dynamique, les notions de compétences et d apprentissage deviennent des vecteurs d auto-renforcement. L apprentissage est alors à la base d effets d irréversibilité puisqu il renforce la spécificité des compétences détenues par les acteurs et limite leur capacité à en apprendre de nouvelles 9. Dosi (Dosi, 1988) et Dosi et al. (Dosi, et al., 1990) concluent à l épuisement graduel des opportunités technologiques le long de la trajectoire particulière de la firme. Les compétences guident les actions et la plupart du temps les individus et les organisations agissent d une certaine manière parce qu ils ont les compétences pour le faire et ne choisissent pas ce qu il faut faire pour constituer ensuite la compétence requise (Marengo, 1995). Qu ils s agissent de routines, de technologies, d apprentissage, cette analyse largement inspirée des théories évolutionnistes et appliquée aux phénomènes organisationnels met en évidence l existence de mécanismes d autorenforcement qui expliqueraient l enfermement des agents dans un modèle alors 9 Cette théorie se situe évidemment dans un environnement où la rationalité est limitée. Caryn MATHY 20

21 même que celui-ci connait d importants dysfonctionnements (Brousseau, et al., 1995). Les firmes avanceraient donc sur une trajectoire et se contraindraient toujours davantage jusqu à épuiser le potentiel du paradigme dans lequel leurs choix économiques s inscrivent. Pour certains chercheurs, les conséquences d innovations discontinues sur le chemin de dépendance doivent être analysées de deux points de vue : d une part, en interne, au sein de la firme avec ses compétences et ses ressources ; et, d autre part, en externe, sur le marché et l environnement. Concernant les aspects internes de la firme, les modifications introduites par les innovations seraient mal gérées en raison de l organisation de la firme, qui au travers sa recherche d efficience, serait de plus en plus hiérarchisée et «mécanisée», au fur et à mesure de sa croissance. Cette organisation ultra-structurée aurait toutefois comme inconvénient de limiter ses capacités et son efficacité à intégrer les innovations, y compris les siennes. Il y aurait là un dilemme majeur entre d un côté la nécessité de la firme à se structurer pour être efficiente et, de l autre, à garder suffisamment de souplesse pour s adapter aux évolutions et intégrer l innovation, afin de survivre à long terme (Abernathy, et al., 1978). Le paradoxe auquel les firmes seraient donc confrontées est celui d être capable à la fois de développer de nouveaux produits ou process sur la base de leur corps de compétences pour générer un avantage compétitif sans laisser toutefois celui-ci engendrer des rigidités. D autres explications ou précisions sur ce dilemme ont été apportées par les chercheurs. Par exemple, pour Henderson et Clark (Henderson, et al., 1990), la raison de la perte de compétitivité dans un environnement changeant serait due avant tout à l inertie organisationnelle et à la rationalité limitée des agents. Teece (Teece, 1986) note toutefois que ce dilemme peut être atténué grâce aux actifs complémentaires (par exemple, circuits de distribution, organisation de services associés, relations dans la chaîne de valeur, marques, produits ou technologies complémentaires). Il s agit de ressources ou capacités qui permettraient aux firmes dominantes de limiter l impact de changements technologiques, par un effet d amortisseur, en leur donnant le temps nécessaire pour renouveler leur cœur de compétences et leurs capacités. Enfin, les économistes néoclassiques considèrent (Arrow, 1962) que si les firmes dominantes perdent leur position, cela tient au fait qu elles n ont pas d incitations à investir dans des innovations, compte tenu de leur position dominante et du fait que cela reviendrait pour elles à cannibaliser leurs revenus existants et à investir dans des domaines incertains Raisons externes de l échec des firmes dominantes Au-delà de la firme elle-même, l innovation peut avoir un impact négatif sur les clients ou les autres acteurs de son réseau, en remettant en cause leurs intérêts (Afuah, et al., 1995). Dès lors, pour la firme innovante, il s agit d être attentive aux implications que ses innovations peuvent avoir pour l ensemble de son environnement ; des liens étroits avec son réseau externe et une étude approfondie des intérêts réciproques des différents acteurs de la chaine est alors nécessaire pour Caryn MATHY 21

22 maîtriser les implications des changements technologiques. Ce sujet est au centre des réflexions des théories du changement stratégique organisationnel (Balogum, et al., 2008). Un exemple de la difficulté des firmes à introduire une innovation est celui des montres digitales. Cette innovation aurait dû, a priori, remplacer rapidement la montre traditionnelle. Toutefois, cela n a pas été le cas car le réseau de distribution d origine n a pas réagi selon le schéma envisagé. L explication tient à ce que les distributeurs visés (des magasins d horlogerie et de bijouterie traditionnels) réalisaient des profits substantiels avec la vente de montres traditionnelles qui, de plus, nécessitaient un entretien régulier et des réparations, faits par eux. La montre digitale étant un produit moins cher (impliquant une plus faible marge par vente) et ne nécessitant pas de réparation (perte de chiffre d affaire), le réseau de distribution n avait pas intérêt à opérer la substitution des produits. En conséquence, il a réagi froidement à l arrivée de cette innovation (Glasmeier, 1991). 3.2 Théorie de l innovation disruptive Les recherches ont donc mis en exergue l importance des frontières de la firme et du marché pour comprendre les difficultés induites par l innovation discontinue. Sur ce sujet, les travaux de Christensen sont une référence. Dans une série d articles et de recherches, il a développé la théorie du dilemme de l innovateur (the Innovator s Dilemma, (Christensen, 1997)) et le concept d innovation disruptive. A l origine de ce concept, Christensen a étudié le marché du disque dur (et des technologies précédentes : lecteur de disquette et CD) entre 1970 et Il a ainsi noté que si de nombreux changements technologiques avaient eu lieu durant cette période, la position des firmes dominantes avait basculé en raison de l émergence de lecteurs moins chers, de taille réduite et plus simple d utilisation, ayant même une capacité de stockage initialement réduite. Chistensen résume ainsi la théorie de l innovation disruptive : The disruptive innovation theory explains the process by which complicated, expenses products and services are transformed into simple affordable ones. It also shows why it is so difficult for the leading companies or institutions in an industry to succeed at disruption. Historically, it is almost always new companies or totally independent business units of existing firms that succeed in disrupting an industry (Christensen, 2010, p3). Dans la suite de cette partie nous expliciterons donc les principaux éléments de la théorie de l innovation disruptive, à commencer par 1) ce qu est exactement l innovation disruptive, 2) en quoi elle se distingue d autres types d innovations, 3) quels marchés elle vise, 4) l importance de l environnement et en particulier du réseau de valeur existant (value network) et enfin 5) les raisons de l échec des firmes dominantes à développer des innovations disruptives Technologie et innovation disruptives Christensen (1997) défini les technologies «disruptive» de la manière suivante : «Generally, disruptive technologies underperform established products in mainstream markets. But they have other features that a few fringe (and generally Caryn MATHY 22

23 new) customers value. Products based upon disruptive technologies are typically cheaper, simpler, smaller, and, frequently, more convenient to use (p. 18). Progressivement, suite à ces réflexions sur la diffusion des technologies disruptives, les auteurs ont tenté d élargir le champ de cette théorie à celui des services. Dans les travaux les plus récents de Christensen, il est de fait question tantôt d innovation disruptive et tantôt de technologie disruptive (Christensen, 2006). Selon Christensen, le terme de technologie disruptive a été source de confusion pour des raisons de sémantique ou de connotation technologique. Il apporte donc une précision dans son dernier ouvrage (Christensen et al., 2010, p.1) : disruption is an innovation that makes things simpler and more affordable, and technology is a way of combining inputs of materials, components, information, labor, and energy into outpouts of greater value Sustaining, disruptive, radical, incremental innovation La difficulté des firmes dominantes est donc à la fois d adresser leurs clients existants avec de nouvelles technologies et dans le même temps de développer des innovations qui sont en dehors du marché existant. Christensen explique l échec des entreprises dominantes en faisant la distinction entre les technologies qu il qualifie de «sustaining» et de «disruptive». Les technologies qualifiées de «sustaining» ont en commun le fait d améliorer la performance des produits existants, sur la base des critères des clients existants. Les technologies qualifiées de «disruptive» sont en revanche de faible performance, selon les critères des clients existants mais disposent de nouvelles fonctionnalités ou attributs. Elles sont plus simples et moins chères que les technologies dites «sustaining». Il différentie également les innovations sustaining et disruptive de celles qui sont incremental et radical par le fait que la terminologie qu il utilise est en relation avec ce qui fait la valeur de la technologie au regard du réseau de valeur (value network) des clients existants. En conséquence une innovation dite «radicale» peut être qualifiée de «sustaining» et une innovation «incrementale» peut être qualifiée de «disruptive». Innovations that drive companies up the trajectory of performance improvement, with success measured along dimensions historically valued by their customers, are said to be sustaining innovations. Some of these improvements are dramatic breakthrough, while others are routine and incremental. (Christensen et al. 2010, p.4). Et plus loin de préciser : A disruptive innovation is not a breakthrough improvement. Instead of sustaining the trajectory of improvement in the original plane of competition, the disruptor brings to market a product or a service that is actually not as good as those that the leading companies have been selling in their market. Because it is not as good as what customers in the original market or plane of competition are already using, a disruptive product does not appeal to them. (Christensen et al., 2010, p.5) Caryn MATHY 23

24 3.2.3 Segments bas et nouveaux marchés : les cibles des innovations disruptives Dans ces travaux plus récents, Christensen a développé l idée que les innovations disruptives émergeaient dans un segment précis du marché ou bien dans un nouveau marché. Il a ainsi notamment distingué les technologies disruptives qui adressaient le niveau inférieur du marché (low-end) et celles qui adressait un nouveau marché (new-market) (Christensen, et al., 2003). Selon lui, les innovations disruptives qui apparaissent dans le segment bas du marché sont celles qui permettent aux entreprises ayant un business modèle adéquat, d offrir des produits moins chers, ayant une performance inférieure ; les magasins discount sont un bon exemple de ce type de stratégie. En revanche, il existe, selon lui, des innovations disruptives qui adressent un nouveau marché ; l ordinateur personnel est l exemple le plus représentatif de ce sujet :, though they don t perform as well as the original products or services, disruptive innovations are simpler and more affordable. This allows them to take root in a simple, undemanding application, targeting customers who were previously non consumers because they had lacked the money or skill to buy and use the products sold in the original plane of competition. By competing on the basis of simplicity, affordability, and accessibility, these disruptions are able to establish a base of customers in an entirely different plane of competition. In contrast to traditional customers, these new users tend to be quite happy to have a product with limited capability or performance because it is infinitely better than their only alternative, which is nothing at all (Christensen et al., 2010, p.6) Suite à ces controverses et évolutions, d autres auteurs avaient proposé en leur temps une nouvelle définition de l innovation disruptive, qui a été reconnue par Christensen lui-même et qui est plus complète. Elle serait alors «an innovation which introduces a different set of features, performance and price attributes relative to the existing product, an unattractive combination for mainstream customers at the time of product introduction because of inferior performance on the attributes these customers value and/or a high price although a different customer segment may value the new attributes» (Govindarajan, et al., 2006) Value network Christensen considère que l environnement (et en particulier ses clients) contraint l entreprise, même indirectement, et l amène à des prises de décisions dans l allocation de ses ressources internes qui lui font délaisser ou ne pas intégrer l innovation disruptive (Christensen, et al., 1995). Il ancre cette réflexion dans le concept de réseau de valeur : «the value network is the context within which the firm identifies and responds to customers s needs, procures inputs and reacts to competitors» (Christensen et Rosenbloom, 1995, p. 234). L historique du marché du disque dur relève, selon Christensen (1997), de cette problématique : initialement de nouvelles entreprises ont introduit des disques durs à faible capacité de stockage qui n intéressaient qu un marché de niche, de petite taille et à faible marges. Les firmes dominantes se sont désintéressées de ce type de produit (moins cher) et de ces micro-segments de marché et ont continué à développer des disques à forte capacité de stockage, allant même d ailleurs au-delà Caryn MATHY 24

25 de la demande des clients. Les avancées technologiques des firmes dominantes ont cependant permis aux nouveaux entrants d intégrer progressivement des capacités supérieures dans leurs propres produits et d atteindre des performance suffisantes pour un marché plus large. Les firmes dominantes, suivant les demandes de leurs clients les plus exigeants et les plus profitables, ont continué à élever le niveau technologique. Elles n ont toutefois pas réalisé que cette demande correspondait au segment haut du marché alors que dans le même temps la technologie disruptive avait atteint un niveau satisfaisant pour pendre le plus segment intermédiaire du marché (le plus volumineux). Elles ont alors perdu des parts de marché au profit des nouveaux entrants qui s étaient construit un nouveau réseau de valeur, avec de nouveaux clients Raisons de l échec des firmes dominantes à développer des innovations disruptives Christensen montre que les firmes dominantes gagnent généralement la bataille des technologies qualifiées de «sustaining» tandis que les nouveaux entrants gagnent celles des technologies disruptive. L explication tient au fait que les firmes dominantes restent captives de leurs investisseurs/financeurs et principaux clients. En conséquence, les ressources internes de l entreprise ne sont pas allouées sur des projets d innovation qui, dans un premier temps, seraient moins profitables. During the years in which a commitment to succeed with a new innovation needs to be made, disruptions are unattractive to industry leaders because their best customers can t use them and they are financially less attractive to incumbents than sustaining innovations. In a company s resource allocation process, proposals to invest in disruptive innovations almost always get trumped by next-generation sustaining innovations simply because innovations that can be sold to a firm s best customers for higher prices invariably appear more attractive than disruptive innovations that promise lower margins and can t be used by those customers (Christensen et al., 2010, p.8). The companies that had successfully sold their products or services, often dominating industries for decades, almost always died after being disrupted. Despite their stellar record of success in developing sustaining innovations, the incumbent leaders in an industry just could not find a way to maintain their industry leadership when confronted with disruptive innovations. The reason, again, is not that they lack resources such as money or technological expertise. Rather, they lack the motivation to focus sufficient resources on the disruption. (Christensen et al., 2010, p.7) Christensen identifie également un problème managérial expliquant ces choix : le développement d innovations disruptives nécessite des compétences et capacités spécifiques que n ont pas ou, surtout, n exploitent pas, les firmes dominantes. Selon lui, la solution pour que les firmes dominantes réussissent à développer des technologies disruptives serait alors de les externaliser, par des spin-off 10. Cela permettrait ainsi à la nouvelle structure de procéder sereinement à une série d essaiserreur sans pression du réseau de valeur existant de la firme dominante car celle-ci ne peut le faire compte tenu de l incertitude des résultats du développement des technologies disruptives. 10 Une spin-off est une entreprise nouvelle créée à partir de la scission d'une organisation plus grande. Caryn MATHY 25

26 3.3 Compléments, amendements et controverses sur la théorie des innovations disruptives Les travaux de Christensen ont donné lieux à de nombreuses recherches et parfois à des controverses ; des amendements ont également été faits par Christensen luimême. Différentes thématiques peuvent ainsi être passées en revue car elles conduisent à préciser -ou à laisser en suspens!- ce que sont exactement les innovations disruptives et quelles en sont les caractéristiques. Ainsi nous reviendrons sur 1) la question des segments de marché, 2) de la diffusion de l innovation sur les marchés et, enfin, sur 3) l importance du réseau de valeur et les concepts qui l entourent comme celui de réseau, de valeur et du business modèle Segment haut et marché existant Utterbacck et al. ont noté que de nombreuses technologies innovantes avaient percé alors même qu elles n étaient pas moins chères ou plus simple d utilisation que celles qu elles avaient remplacées et qu elles étaient apparues dans le tiers supérieur du marché (high end segment) (Utterback, et al., 2005). Ces innovations étaient caractérisées par leurs performances auxiliaires (ancillary performance). Les auteurs ont notés que ces technologies étaient tout aussi problématiques pour les firmes dominantes car les clients traditionnels n étaient pas demandeurs de ces nouveaux attributs et performances. Le téléphone mobile est notamment cité en exemple : celui-ci a émergé dans les années 80 au sein d une population spécifique -les cadresqui étaient prête à payer un prix élevé alors même que les qualités sonores étaient moindres que celles des téléphones filaires ; mais dans la mesure où ils étaient «portables», cela représentait pour cette clientèle un attribut important. De fait, les clients historiques qui n appréciaient pas cette fonctionnalité ont continué à bouder cette innovation jusqu à ce que les qualités sonores s améliorent et que les prix diminuent (Govindarajan, et al., 2006). L exemple du réseau sans fil versus le réseau filaire pour les PC donne encore à réfléchir sur la définition des innovations disruptives : dans ce cas précis, les performances de vitesse sont inférieures mais le PC portable permet bien d introduire une connexion à distance comme nouvelle performance (Sandström, 2010). Toutefois, contrairement au cas précédemment exposé, il s adresse à un segment de marché déjà existant, ce qui n est pas initialement envisagé par Christensen Marché et diffusion La diffusion sur le marché d innovations disruptives a également donné lieu à des développements. En effet, comme vu précédemment, Christensen (1997) considère que la diffusion des technologies disruptives se fait essentiellement sur les segments bas du marché ou sur de nouveaux marchés, avant d envahir ultérieurement le marché d origine. Pour certains chercheurs, la question importante ne porte pas sur ce sujet mais plutôt sur la stratégie marketing utilisée. Adner (Adner, 2002) considère qu il convient de comprendre précisément la structure de la demande et voir en quoi l innovation disruptive l impacte. Il identifie en particulier différents seuils de performances Caryn MATHY 26

27 critiques qui doivent être atteints successivement. Ceux-ci correspondent à une performance minimale que le consommateur peut tolérer associée à une utilité nette, intégrant le prix. Il considère en effet que le changement technologique est induit par l utilité marginale décroissante des modifications apportées aux technologies existantes. D autres chercheurs considèrent que les difficultés de diffusion d une innovation disruptive pourraient être amoindries si les firmes étaient capables de développer une «compétence client» accrue (customer competence) ou qu elles étaient plus attentives aux besoins de leurs clients. Christensen et al. (2003) identifient d ailleurs que les firmes devraient se focaliser non pas sur la performance de leur technologie mais sur ce que leurs clients cherchent à faire ; autrement dit sur le résultat qu ils cherchent à obtenir et non pas sur les moyens qu ils emploient pour y arriver. Il l exprime de la manière suivante : «A business model innovation is the creation of a new set of boxes, coherently established to deliver a new value proposition. Because the value proposition is the starting point for every business model ( ) we take you on a deep dive into the concept of helping customers do more effectively, conveniently, and affordably a job they ve been trying to do. Understing the job that customers are trying to do is critical to successful innovation. (Christensen et al., 2010, p.9). Il critique ainsi fortement les segmentations traditionnelles faites par les équipes marketing qu il juge inefficace 11 : «the problem with segmentation schemes such as these is that this is not at all what world looks like to customers. Stuff just happens to customers. Jobs arise in their lives that they need to do, and they hire products or services to do these jobs. Marketers who seel to connect with their customers need to see the world through their eyes to understand the jobs that arise in customers lives for which their products might be hired. The job and not the customer or the product, should be the fundamental unit of marketing analysis (Christensen et al., 2010, p.11) Business modèle, réseau, valeur et réseau de valeur Dans les travaux de Christensen, l introduction d innovations disruptives crée un problème pour les firmes dominantes et les conduit souvent à un échec car celles-ci ne correspondent pas à une demande de leur réseau de valeur existant. En effet, l introduction d une innovation disruptive au sein d une firme existante modifie son business modèle. Or dans la mesure où l entreprise est en quelque sorte captive de ses clients, ceux-ci induisent un certain type d allocation des ressources internes qui ne va pas dans le sens de l innovation disruptive. Dans ce cas, la problématique des firmes est donc de trouver une logique financière alternative permettant d introduire une technologie disruptive où leurs clients d origine ne sont pas demandeurs et qui, en conséquence offrira des profits plus réduits. Toutefois, pour Sandström (2010), les recherches se sont trop focalisées sur un seul des aspects du business modèle et selon une conception restrictive de celui-ci. Selon l auteur, la notion de réseau de valeur n a pas été assez creusée alors qu elle est un déterminant clé de l échec/succès des firmes dominantes. Il lui apparait donc utile de préciser ces notions, ce en quoi nous le suivrons. 11 Il mentionne les segments de type : haut/medium/bas revenus ou encore grandes/ moyennes/ petites entreprises ou, pour les véhicules : compacte/ intermédiaire/ berline, etc Caryn MATHY 27

28 Business modèle Comme vu précédemment, la notion de business modèle est devenue plus prégnante au fil des travaux de Christensen, permettant ainsi d adopter un point de vue holistique et une perspective systémique de l innovation disruptive. Or, le concept de business modèle reste assez flou bien qu il fasse toujours référence à «comment les firmes créent et capturent la valeur» (Chesbrough, et al., 2002). Zott et Amit (Zott, et al., 2009) définissent celui-ci comme «a system of interdependent activities that transcends the focal firm and spans its boundaries». D autres chercheurs mettent en lumière le fait qu il y a nécessairement deux composants majeurs dans un business modèle : un «business system» et un «profit model» (Itami, et al., 2010). Pour Sandström (2010, p.15), le concept de business model est plus large encore : «Business models are generally concerned with how firms create and appropriate value by interacting with their environnement». En conséquence, selon lui, les notions de valeur et de réseau sont deux composants essentiels. En d autres termes, pour l auteur, et par rapport aux travaux de Christensen, le business modèle d une firme ne se résume pas au seul client mais concerne aussi la proposition de valeur (value proposition) de la firme, son modèle d efficacité financière (revenu model), sa stratégie clients (the way to reach the customers), mais également son environnement, au sens large du terme. Christensen et al. (2010, p.9) dans son dernier ouvrage donne une définition du business modèle comportant quatre éléments qui rejoint celle de Sandröm sur certains éléments mais qui renvoie aussi à la théorie de la création de ressources : «The starting point in the creation of any successful business model is its value proposition a product or service that can help targeted customers do more effectively, conveniently, and affordably a job that they ve been trying to do. Managers then typically need to put in place a set of resources including people, products, intellectual property, supplies, equipment, facilities, cash, and so onrequired to deliver that value proposition to the targeted customers. In repeatedly working toward that goal, processes coalesce. Processes are habitual ways of working together that emerge as employees address recurrent tasks repeatedly and successfully. These processes define how resources are combined to deliver the value proposition. A profit formula then materializes. This defines the required price, markups, gross and net profit margins, asset turns, and volumes necessary to cover profitably the costs of the resources and processes that are required to deliver the value proposition. Poursuivant sa réflexion sur l environnement, Sandström (2010) a étudié les implications du changement de business modèle en termes de complexité managériale. En effet, il s agit de savoir comment les firmes doivent gérer leurs transformations organisationnelles internes pour introduire l innovation disruptive mais aussi de comprendre comment elles doivent manager l environnement, pour que celui-ci converge avec leur business modèle. Sur ce dernier point peu de choses ont été dites. En effet, dans le cas simple d une firme fortement intégrée verticalement, contrôlant l ensemble de sa supply chain, l introduction d une innovation disruptive doit pouvoir être gérée du seul point de vu interne à l entreprise, au travers ces capacités organisationnelles. Mais lorsque la firme interagit avec un large réseau externe d acteurs, la solution adéquate doit être totalement différente. Cela n a en fait Caryn MATHY 28

29 pas échappé à Christensen qui reconnaît qu il conviendrait de creuser la question de «comment les firmes interagissent avec leur environnement» Réseau.. Au-delà de l environnement, la théorie de l innovation disruptive met l accent sur le réseau de valeur de l entreprise. Si Christensen n est pas toujours parfaitement clair sur ce qu il entend par ce terme, il est possible de convenir que l entreprise interagit au sein d un réseau qui comprend de nombreux acteurs, et pas seulement les clients. Or le concept du réseau non seulement est complexe et connaît de multiples définitions et applications mais il a des caractéristiques qui en font un objet conceptuel à part entière et sur lequel une digression est intéressante (Mathy, 2000). Nombreuses sont les disciplines qui ont recours au concept du réseau : physique, sociologie, économie, etc.. Par ailleurs, au sein même de l économie, cette notion est appliquée à des domaines variés tels que les réseaux de services, de distribution, de soins En fait, derrière cette diversité se cache celle de la conception même du réseau : celui-ci est tantôt entendu au sens organisationnel, technique, social, etc... De manière générale, les réseaux peuvent être définis comme «a set of ties (relations) among nodes (actors)». Les nœuds peuvent être des types d organisations, des individus ou des groupes. Selon la terminologie utilisée par Callon (Callon, 1992), il s agit donc d une «forme émergente» d organisation des activités économiques dont la définition minimale renvoie à l existence d entités et de relations entre ces entités sans que celles-ci soient précisément qualifiées. Les réseaux peuvent donc être analysés à différents niveaux. Pour les économistes, ce terme renvoie à un concept dont l objet est de décrire une nouvelle modalité de coordination qui va au-delà de la dichotomie traditionnelle coordination marchande versus hiérarchique. En d autres termes, les réseaux peuvent être considérés comme une forme hybride entre le marché et la hiérarchie. La théorie des coûts de transaction développée par Williamson avait fait les premiers pas en ce sens, considérant que selon le niveau des coûts de transaction, la firme avait intérêt à internaliser (hiérarchie) ou à externaliser (marché) ses actifs, ce qui était susceptible de modifier profondément les frontières de la firme (Williamson, 1975). Les réseaux peuvent alors être identifiés comme une forme hybride de la firme. D autres développements sur le réseau ont porté sur les réseaux sociaux, basés à la fois sur la théorie industrielle des réseaux et la théorie ANT (Actor Network Theory) (Latour, 1987). Pour les premiers, le réseau doit être vu non seulement du point de vue des utilisateurs mais aussi du point de vue de tous les acteurs, au travers les ressources qu ils contrôlent et les activités qu ils développent. Pour les tenants de la théorie ANT, il convient de considérer également les technologies comme acteurs du réseau car celles-ci interfèrent avec les humains ; Latour (Latour, 1993) insiste sur le fait que si une séparation est faite entre l humain et les machines/technologies, il y a des interférences permanentes entre les uns et les autres ; ce phénomène nécessite d être analysé. Suivant cette conception, ces réseaux vont alors bien au-delà des firmes, et intègrent également les équipements, la culture, etc... ; L ensemble de l environnement a un impact sur le réseau. Dès lors modifier ou construire un réseau Caryn MATHY 29

30 d acteurs est une question de management de conflits, de pouvoirs et de forces de résistance au changement, etc 12. Les caractéristiques des activités de réseau sont aussi importantes ; il s agit des externalités directes que l on appelle également effet «club» et des externalités indirectes. Les effets de réseaux directs, notamment analysés par Katz et Shapiro (Katz, et al., 1985) (Katz, et al., 1986), sont rattachés à l existence d effets «club» : en deçà d un éventuel seuil de congestion, chaque utilisateur voit sa satisfaction augmenter avec le nombre d utilisateurs du même bien ou service que lui. L effet de réseau apparait alors comme une externalité de demande qui s exerce entre les usagers d un ensemble de produits ou de services compatibles. Des effets indirects se dégagent également de la mise en réseau (Chou, et al., 1990). Dans ce cas, les consommateurs ne bénéficient pas directement du nombre total de consommateurs mais du fait que celui-ci induit un accroissement des services offerts, liés à l accroissement des consommateurs. Il s agit donc d une externalité de l offre (Perrot, 1995). L exemple le plus simple est celui du téléphone. L externalité directe (l effet club) permet aux utilisateurs d accroitre leur satisfaction avec l augmentation du nombre d utilisateurs (ils peuvent ainsi communiquer avec un nombre croissant de personnes). En outre, leur satisfaction est accrue de manière indirecte car les entreprises de télécommunication offre davantage de services (formules d abonnements différentes, développement de services de messagerie, etc.). Ces théories sont de fait intéressantes si l on considère l importance du réseau de valeur dans la théorie de l innovation disruptive. En effet, les ressources que possèdent et transforment les firmes représentent une valeur pour leur réseau et en conséquence, les firmes sont dépendantes du réseau. Plus précisément, toutes les interactions ont une importance dans le réseau et les firmes doivent donc constamment s adapter à leur environnement. A ce propos, Christensen et al. (2010) souligne que si l essentiel de la littérature économique concernant les externalités de réseau a porté sur la taille du réseau, il considère que la question de la compatibilité des membres qui le constituent est encore plus importante et valeur La notion de valeur a aussi été largement commentée par les chercheurs car elle est au cœur de la demande du réseau de valeur, qui, finalement, pourrait être moins homogène qu initialement envisagé. Cela n est donc pas sans conséquence sur l analyse. A ce propos, on peut utilement rappelé qu en économie néoclassique, la notion d utilité est utilisée pour appréhender celle de la valeur. Ainsi, l'utilité d'un bien quelconque mesure la satisfaction globale que l'individu retire de ce bien 13. Le niveau d'utilité totale dépend de la quantité du bien et l'utilité marginale d'un bien 12 Suivant la théorie ANT, il est permis de penser qu il y a une résistance au changement voulue et une autre subie : l une est liée à la perte de pouvoir d individus qui ont donc une incitation à résister car le changement va à l encontre de leur intérêt et, l autre, celle qui est subie, est liée aux équipements qui ne peuvent pas être remplacés dans l instant (en raison de modifications importantes et nécessitant du temps, en raison de délais d attentes pour accéder à l innovation, ou encore en raison de ressources financières insuffisantes). 13 Définition sur le site de «La Documentation Française» (consulté le 10/08/2011) : Caryn MATHY 30

31 imparfaitement divisible est la variation de l'utilité totale induite par une unité supplémentaire de ce bien. L'utilité marginale d'un bien (parfaitement divisible) est donc la variation de l'utilité totale pour une variation infinitésimale de la quantité consommée. Enfin, la valeur d un bien est la qualité d'un bien fondée sur son utilité (on parle alors de valeur d'usage) ou sur sa capacité d'être échangé (on parle alors de valeur d'échange), en référence au prix demandé/offert. La microéconomie utilise également le concept de propension à payer (willingness to pay). Il désigne la somme qu'un consommateur donné est prêt à payer pour acquérir et consommer un bien ou un service donné 14. La valeur est donc une notion subjective, dépendante de l individu. Cette subjectivité est également soulignée par les théories du marketing où finalement la valeur apparaît comme dépendante du contexte, créée et déterminée à différents niveaux, tant au sein de la firme qu à l extérieur Réseau de valeur La définition du réseau de valeur donnée par Christensen a été largement critiquée car très orientée vers les clients et, pour de nombreux chercheurs, Christensen ne tient pas compte du fait que le réseau dans lequel interagit une firme est une sorte d écosystème qui, dès lors qu un élément est modifié, se modifie lui-même 15. Il semble toutefois que sa vision ai évolué car il en donne une définition assez élargie dans son dernier ouvrage : A value network is the context within which a firm establishes its business model, and how it works with suppliers and channel partners or distributors so that together they can respond profitably to the common needs of a class of customers. The business model of each of the firms in the value network tend to be consistent with those of the other firms in the system firms from whom they buy and to whom they sell. Together, their business model determine their perceptions of the economic value of various innovations, shaping the rewards and the threats they expect to experience through disruptive and sustaining innovations (Christensen et al., 2010, p.184). Pour illustrer ce que représente un réseau de valeur, Christensen et al. (2010) donne l exemple de l apparition des écrans LCD (à cristaux liquides) dans les télévisions, introduit par Sony, en concurrence avec la technologie d origine des tubes cathodiques. Cette innovation disruptive (moins chère, plus simple, permettant de faire des produits moins encombrants mais de moindre qualité à ces débuts) a connu des difficultés en termes de diffusion car les distributeurs-réparateurs n étaient pas intéressés par ces nouveaux appareils. En effet, cette technologie, contrairement à la précédente, ne donnait pas lieu à des réparations, qui constituaient finalement l essentiel du business modèle des distributeurs. Par ailleurs, Sony réalisant de faibles marges par appareil et le réseau de distribution étant très morcelé, la distribution d appareil par le réseau existant, sur un territoire immense, n était pas rentable. Ce qui a finalement permis à Sony de connaître le succès, c est le fait que dans le même temps, des discounters tels que Kmart et Wall-Mart sont apparus, 14 La différence entre le prix effectivement payé et la propension à payer forme le surplus du consommateur. 15 Christensen utilise bien le terme d écosystème mais souvent au travers l expression de «commercial ecosystem», (Christensen et al. 2010, p. xxxii) Caryn MATHY 31

32 ciblant les produits moins chers (ils ne vendaient pas de télévisions à tube cathodique, trop couteuses pour leur clientèle), avec pas ou peu de service aprèsvente et utilisant toute la chaîne du «low-cost». Comme le souligne finalement Christensen, ce n est pas Sony qui a gagné la bataille de la technologie disruptive mais l ensemble du réseau de valeur allant des fabricants de composant, en passant par les distributeurs, jusqu aux clients. Il ajoute sur ce sujet : each of these value networks was internally coherent in terms of technologies and business models. You couldn t just do a single-point hot-swap of Sony for RCA 16 into the original value network, because of the technological and economic interdependence that spanned the materials and components suppliers, designers, assemblers, distributors, and retailers in the original system. (Christensen et al., 2010, p.186). De toute évidence, Christensen met bien ici en en avant cette notion d écosystème. On peut d ailleurs à ce propos mentionner qu un écosystème désigne (en biologie 17 ) l'ensemble formé par une association ou communauté d être vivants et son environnement biologique, géologique, hydrologique, climatique, etc. (le biotope). Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d'échanges d'énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la vie. Il existe entre les différents éléments d'un écosystème des relations d interdépendance. Le biotope et la biocénose (ensemble des êtres vivants) forment alors un système indissociable en équilibre instable, mais qui est capable d'évoluer et de s'adapter au contexte écologique. Une modification rapide d un ou plusieurs paramètres d'un écosystème conduit à une rupture dans l équilibre écologique. A la suite de cette définition, on peut donc dire que les firmes évoluent bien dans un écosystème (leur réseau de valeur) et que l introduction d une innovation modifie l équilibre existant, d autant plus fortement que l innovation est justement disruptive Réseau de valeur nouveau versus existant Christensen considère que les innovations disruptives émergent dans un nouveau réseau de valeur. Toutefois, Sandström (2010) considère que tel n est pas le cas car les firmes n opèrent pas toutes sur les mêmes segments de marché ; il serait alors étonnant que l un d entre eux ne corresponde pas à celui sur lequel est introduite l innovation disruptive. On retrouve donc dans la réflexion de Sandström (2010) la problématique de la valeur qui peut être différente d un individu à l autre et en conséquence sur le marché, dès lors que l on cesse de considérer celui-ci comme une «boîte noire», selon le terme couramment utilisé par les économistes. Il donne à ce propos l exemple de l image digitale et de la vidéo-surveillance (digitale). Selon lui, l installation simplifiée et les moindres coûts de maintenance de ces systèmes ont compensé les prix plus élevés et la moindre qualité initiale des images. A la suite d Adner (2002), il considère que le seuil d utilité d une innovation disruptive peut parfois être inférieur dans les segments hauts ou intermédiaires du marché si cette innovation permet de réduire les coûts totaux de l entreprise cliente. Dans le cas du IP vidéo 18, bien que le prix soit plus haut et que la technologie soit 16 RCA : Radio Corporation of America 17 Etymologie : Terme forgé par le botaniste anglais George Tansley en 1935, du grec Oikos, maison et systema, réunion en un corps de plusieurs choses ou parties, ensemble. 18 Diffusée sur un réseau utilisant le protocole IP (internet protocol). Caryn MATHY 32

33 inférieure, ses attributs complémentaires ont été source de valeur pour les clients. Cet exemple met également en lumière le fait que le seuil d utilité est perçu différemment selon que l on cible certains acteurs ou d autre, au sein d une organisation. Ainsi, l utilité d une innovation concernant la surveillance concerne traditionnellement les départements sécurité des entreprises. Toutefois, en s adressant directement aux services IT (Information Technology) des mêmes sociétés, et non plus à celui chargé de la sécurité, il est apparu que l utilité de l innovation était différente selon le service considéré. Il note d ailleurs à ce propos que les sociétés IT offreuses sont devenues de plus en plus présentes sur le marché de la vidéo-surveillance par rapport aux sociétés traditionnelles qui utilisaient des caméras analogiques. L exemple de l image numérique dans la photo est du même ordre. Cette innovation permet de prendre de multiples images (à un coût très bas), de visualiser instantanément le résultat, de les répliquer, de les envoyer, de les manipuler et de manière simple. En dépit de la mauvaise qualité photographique du numérique à l origine (4 mégapixels contre 36 pour un appareil photographique argentique), cette innovation s est diffusée dans le segment haut du marché, chez les professionnels de la photographie, qui étaient prêts à payer très cher le nouveau produit car les attributs complémentaires de cette technologie leur permettaient des gains de temps considérables (plus d attente de développement, capacité maximum à manipuler les photographies, à les éditer, etc..). Finalement, pour suivre l analyse de Sandström (2010) et Adner 19 (2002), la question ne porterait donc pas nécessairement sur la «hauteur» du segment du marché (et donc du prix) dans lequel est introduit l innovation mais bien sur celle de l utilité/valeur qu elle apporte au segment considéré. Il semble que si l image numérique ai été introduite dans le segment haut du marché, à un prix facial en conséquence très élevé, ce soit parce que, pour ce segment, l innovation avait la capacité de réduire le coût total de la firme : en compensant très largement le temps passé par les professionnels qu impliquait l utilisation d appareils traditionnels. D une certaine manière, ce n est pas tant le prix d achat qui est considéré par le client que le coût complet de son activité, dans lequel s inscrit l innovation. Dans l exemple de l appareil numérique, celui-ci représentait inversement un rapport coût/utilité trop important pour que le photographe occasionnel investisse dans cette innovation ; ça n est que lorsque que le prix de celle-ci a diminué que le rapport est devenu intéressant et que l innovation s est introduite dans les autres segments du marché. En fait la difficulté de l analyse à cette étape est celle de la mesure de l utilité/valeur qui se traduit de multiples manières, y compris de façon intangible, et qui est donc souvent difficilement mesurable 20. L exemple de l e-book est selon nous également très intéressant 21. Il concerne un marché existant (les lecteurs), avec une technologie (l e-book) dont le prix d achat 19 Adner ajoute également la notion de baisse de l utilité marginale aux améliorations de la technologie existante comme critère de choix de substitution, ce qui, à notre sens, est tout à fait pertinent. 20 On peut rappeler à ce sujet qu il existe des analyses coût/utilité et coût/bénéfice ; la première exprime un ratio concernant l utilité sous forme «physique», tandis que la seconde l exprime sous forme monétaire. Les économistes de la santé utilisent régulièrement ces analyses qui comportent toutefois de nombreux biais de mesure (Drummond, et al., 2004). 21 On aurait tout aussi bien pu parler des tablettes qui sont en train de cannibaliser les PC : voir 8.1 Caryn MATHY 33

34 est élevé par rapport à un livre papier standard : aujourd hui encore, le prix de vente moyen en grande surface est d environ En termes de confort de lecture qui est un élément majeur pour un lecteur, ses caractéristiques intrinsèques sont assez moyennes, voire faibles, bien que s améliorant progressivement. Toutefois, ebook a des attributs que n a pas le livre traditionnel : il permet de stoker de très nombreux ouvrages dans un «lieu» extrêmement réduit c est une bibliothèque transportable- (économie de superficie), de se transporter plus aisément que son équivalent en «livres» et de pouvoir s enrichir de nouveaux ouvrages quel que soit l isolement du lieu où se trouve le lecteur (dès lors qu une connexion internet est possible!). Selon le rapport de l Association of American Publishers (AAP) qui représente les 260 plus importantes sociétés américaines, l année 2010 aura définitivement marqué l explosion du livre numérique sur le marché américain. En effet, l AAP met en avant un chiffre impressionnant : le marché de l ebook aurait, en 2010, augmenté de plus de 164% en comparaison de 2009 et de 623% comparé à 2008, il correspondrait à 9% des ventes totales en 2010 contre 3% en De même, pour Amazon, les ventes de livres numériques dépassaient celles du livre papier en Les chiffres sont éloquents : 143 exemplaires contre 100 pour les 3 derniers mois, et 180 contre 100 en décembre. Toutefois, notons que ces chiffres n'incluent que les "hardcover books", c'est-à-dire les livres hors version de poche (mais la culture du livre de poche outre-atlantique est différente de celle de la France par exemple). Par ailleurs, dans le même temps, le prix des e-book baissait fortement Résumé des controverses et amendements Finalement, à la suite de ses controverses et amendements, l identité précise d une innovation disruptive nous semble encore floue même si des éléments majeurs ont été dégagés. Ainsi, les innovations disruptives pourraient également émerger dans des marchés existants ou sur des segments hauts du marché. La question sous-jacente est celle de la mesure de l utilité d une part et du coût (facial versus complet) d autre part. les innovations disruptives créent de très nombreuses distorsions au sein de l entreprise mais également au sein de son réseau externe car celui-ci est un nœud d interdépendances. Les conséquences sont nombreuses. En particulier, certaines des ressources préalablement utilisées et valorisées perdent de leurs valeurs ; les innovations disruptives sont donc bien «competence-destroying» (terme utilisé par Tushman et al., 1986) dans ce sens. un réseau est une somme d intérêts mutuels captifs qui est donc caractérisé par des incitations divergentes et convergentes. Dès lors que l innovation disruptive impacte sur ce réseau, elle se heurte à la résistance de certains acteurs : ceux qui perdent leurs pouvoirs. Dans tous les cas, l innovation disruptive va modifier le schéma existant, y compris architectural, des liaisons entre les différents composants (Henderson et al., 1990). Il convient donc de s intéresser aux conséquences des changements sur chacun, à la valeur créée pour les uns et détruite pour les autres, à la modification de la distribution de la valeur entre les acteurs et en conséquences aux barrières qui se dressent pour l adoption de 22 Prix affiché sur le site de Darty. Com, consulté le 9 septembre 2011, concernant 20 articles différents. Caryn MATHY 34

35 l innovation (barrières technologiques ou incitatives). Finalement la question est donc de savoir comment les firmes vont gérer leur process interne d allocation des ressources ET de savoir comment elles vont gérer leur environnement Si on considère que le réseau est une collection d acteurs différents avec des préférences (et des valeurs attribuées à), des ressources, des activités différentes, il est alors clair que la firme n exercera qu un niveau limité de contrôle sur son environnement ; Toutefois, et par réciprocité, elle doit être capable d influencer une (petite) partie de son environnement. o En se focalisant davantage sur la notion de valeur que peut représenter l innovation pour un client plutôt que sur celle de performances (technologiques?), les firmes devraient être capables d accroître l adoption de leurs innovations, en ciblant précisément les «bons» acteurs. Des stratégies marketing adaptées, permettant d influencer la perception (et donc la valeur) des clients ou acteurs du réseau doivent pouvoir être mises en place utilement. Si on suit l idée que l adoption d une innovation disruptive est pour chaque acteur fonction de son incitation et de ses compétences, on peut procéder à des stratégies d identification de la position des acteurs clés du réseau. On peut donner l exemple de stratégie de communication, via des leaders d opinion qui peuvent persuader d autres utilisateurs potentiels des bénéfices d adopter l innovation. Toujours en stratégie de communication, il peut être utile de communiquer différemment sur l innovation selon que l on s adresse à certains types d acteurs plutôt qu à d autres, considérant le fait que ce qui fait la valeur de l innovation n est pas la même chose selon les types d acteurs. Il s agit donc de réaliser une analyse du réseau de valeur, comme développé par Peppard et Rylander (Peppard, et al.). This approach aim to describe how value is created and distributed in a network, how a firm s activities impact on it, and how other actors will behave, ce qui diffère de l analyse de Porter (Porter, 1985) qui a tendance à analyser l environnement selon une perspective adverse. o On peut également mettre en œuvre des stratégies pour faire évoluer la position d origine des opposants potentiels, en les aidant à se former, par exemple puisque l innovation a pu détruire leur compétences d origine ; il faut donc que l entrant, assez contre intuitivement, facilite le process de «competence destroyoing».. mais en le remplaçant! Les nouveaux entrants seraient mieux à même d introduire une innovation disruptive car ils n ont pas un réseau bien établi, contrairement aux firmes établies qui ont développé des relations fortes au fil du temps qui leur procurent d ailleurs un avantage compétitif (sur la technologie établie). En revanche, ce réseau existant, ces interrelations créées de longue date sont autant d éléments de rigidité (Leonard-Barton, 1992), de même que leur proposition de valeur et leur business modèle. Les recherches sur ces sujets font d ailleurs mention de cette recherche de flexibilité comme déterminant clé de succès pour les firmes établies. Les firmes entrantes sont par définition moins interconnectées et donc leur business modèle est plus adaptable ; elles peuvent plus facilement mettre en œuvre une approche d essai-erreur pour trouver le business modèle optimal. Notons toutefois que les exemples de l ebook et de la tablette PC distribués majoritairement par les grandes firmes de l informatique laisseraient à penser que ces entreprises ont réussi le pari de la flexibilité et ont tordu le cou aux Caryn MATHY 35

36 prédictions des chercheurs, sous réserves que ces innovations soient bien de nature disruptives et non pas radicales, au sens de Christensen. Finalement, ni les clients ni la firme ne contrôlent l ensemble des éléments ; il y a plutôt des interrelations entre différents acteurs au sein d un réseau qui, en retour, imposent des contraintes à la firme. Les acteurs, leur pouvoir, les activités existantes, les ressources utilisées influent tous sur le business modèle des firmes. Donc une innovation disruptive peut être vu comme un changement de business modèle systémique dès lors qu elle distord le réseau et ses interconnections et les interdépendances de tous les business modèles. Il s agit bien d un écosystème de business modèles, qui, à l apparition d une innovation disruptive, se trouve déséquilibré et qui va devoir se modifier dans son ensemble pour retrouver un nouvel équilibre. Si différents points de la théorie avancée par Christensen peuvent encore être discutés, il n en demeure pas moins que cette théorie ouvre des perspectives intéressantes pour voir dans quelle mesure un changement disruptif est possible, à quelles conditions et quelles en sont les conséquences. Le point essentiel selon nous est que les implications de cette théorie vont bien au-delà de la firme directement concernée par l innovation disruptive. Elles concernent tout un écosystème et ses interconnexions qui ne peut se comprendre que dans sa globalité. Appliquée au champ de la santé, cette théorie laisse entrevoir une nouvelle manière de lire l avenir de nos systèmes de santé, malades (!), comme nous l avons vu dans le chapitre précédent. Caryn MATHY 36

37 4 INNOVATIONS DISRUPTIVES DANS LA SANTE La théorie de l innovation disruptive est particulièrement riche et elle amène naturellement des réflexions sur un champ particulier : la santé. En effet, comme le souligne Christensen lui-même, la santé est très largement considérée comme un sujet très spécifique sans doute parce qu elle est à l intersection de plusieurs domaines : la santé (médecine au sens large du terme, biologie), l humain (et la sociologie), l économie, l innovation, etc Par ailleurs, comme nous l avons souligné dans la première partie, son coût ne cesse de croître sans que des solutions efficaces permettant de garantir un accès à la santé d une population aient été trouvées. Les économistes disent même (de manière un peu humoristique) que la santé est «un marché parfaitement imparfait». Ces spécificités ont amené Christensen à s intéresser spécifiquement à ce domaine puisqu il y a consacré son dernier ouvrage, avec le support de deux médecins : «The innovator s Prescription» (Christensen, et al., 2010). Dans ce chapitre nous verrons donc 1) les principales réflexions de Christensen sur ce sujet, 2) à quel état de «disruption» est le système de santé français. 4.1 The Innovator s Prescription : l innovation disruptive appliquée à la santé Le dernier ouvrage de Christensen mérite sans aucun doute une attention particulière dans la mesure où la théorie de l innovation disruptive est appliquée au champ de la santé. Nous verrons donc dans cette partie 1) quelle est l analyse que fait Christensen des dysfonctionnements du système de santé américain (laquelle peut très largement être transposée au système français) et quelles sont les réponses qu il y apporte, 2) nous reviendrons brièvement sur les principaux éléments constitutifs de l innovation disruptive, pour enfin, 3) voir comme celle-ci s ancre dans le champ sanitaire Problèmes de la santé et réponse de Christensen Pour Christensen, l essentiel du débat politique actuel concernant la santé traite de la question de «comment payer le coût de la santé dans le futur». Pour sa part, il considère qu il s agit d une mauvaise question et il propose de répondre au pendant de cette dernière, à savoir : «comment innover dans la réduction des coûts tout en améliorant la qualité et l accessibilité aux soins». Il précise que la question n est pas tant de trouver une solution financière pour couvrir les coûts (toujours plus hauts) mais bien de trouver une solution pour rendre la santé plus accessible, considérant que les soins peuvent être moins couteux et de meilleure qualité. Pour ce faire, il propose d utiliser la théorie de l innovation disruptive qui a été appliquée avec succès à des domaines aussi variés que la défense nationale, les services financiers, les télécommunications, le hardware (matériel) et le software (logiciel) informatique, l éducation publique, etc En effet, selon lui, le problème auquel est confronté la santé n est pas unique, c est au contraire le même que celui rencontré dans la plupart des industries où les produits et services sont devenus si complexes et couteux que seul une minorité d individus ayant un fort pouvoir d achat peut y accéder et où seule une minorité d experts peut les utiliser. Ces industries, aussi diverses soient-elles, se sont pourtant bien transformées et sont Caryn MATHY 37

38 parvenues à offrir des produits ou services moins chers et plus accessibles à une population plus large et moins experte. L agent de transformation qui a permis ce changement est l innovation disruptive dont il expose les éléments constitutifs Eléments constitutifs des innovations disruptives Pour Christensen, dont nous respecterons autant que possible la terminologie, au-delà des controverses évoquées dans la partie précédente, il y a trois éléments constitutifs à l innovation disruptive comme agent de transformation d un système : 1. Un déclencheur 23 technologique (technological enabler). Typiquement, une technologie sophistiquée dont l objectif est de simplifier, «routiniser» les solutions à des problèmes qui précédemment nécessitaient un process de résolution intuitif complexe ; 2. Un business modèle innovant (business model innovation) qui permet de générer ces solutions simplifiées pour les clients, de manière simple et accessible financièrement ; 3. Un réseau de valeur (value network) ; une infrastructure commerciale constituée d entreprises disruptives qui s auto-renforcent par leurs interactions. En plus de ces 3 éléments, Christensen en ajoute un quatrième, au centre de ceux-ci, qui a un rôle particulier, de facilitateur d interactions entre les participants, un «lubrifiant», au sein de cette nouvelle industrie disruptive et qui regroupe le régulateur et les standards industriels. Il en donne la représentation suivante : 1 Sophisticated technology that simplifies 2 low cost innovative business models Regulations and standards that facilitate change 3 economically coherent value network Elements of disruptive innovation Source : Christensen et al., 2010, p. xx 23 Le terme utilisé par Christensen est celui de «enablers» pour lequel diverses traductions peuvent être données comme catalyseur, activateur, facilitateur. Il vient du verbe «enable» dont la définition est : «donner l opportunité ou permettre à quelqu un de faire quelque chose». Caryn MATHY 38

39 4.1.3 Applications dans le champ de la santé Appliqués au champ de la santé, les éléments constitutifs de l innovation disruptive peuvent se décliner de la manière suivante Déclencheur technologique en santé Le déclencheur technologique qui aurait la capacité de modifier le système de santé est celui qui fournirait la capacité de diagnostiquer précisément les causes de la maladie et non pas seulement d identifier des symptômes. Ces technologies disruptives en santé sont par exemple le diagnostic moléculaire, notamment par imagerie et la télémédecine. En effet, Christensen souligne que nous sommes relativement démunis pour identifier une maladie si ce n est par les symptômes qu elle génère. Or ceux-ci sont communs à plusieurs maladies ; ils ne sont qu une manifestation de l une d entreelles ce qui induit des erreurs de diagnostic et donc des prises en charge inopportunes. Lorsqu un diagnostic précis n est pas possible alors la prise en charge est faite grâce à une médecine qu il qualifie d intuitive, pratiquée par des professionnels hautement qualifiés (et donc payés très chers) qui procèdent selon une logique d essais-erreurs. Grâce à l expérience et à la répétition de celles-ci, la médecine est devenue empirique : les pathologies sont prises en charge selon des protocoles, grâce aux études cliniques qui ont été faites et aux données collectées. Ces protocoles permettent de soigner «correctement» un patient, dès lors qu il correspond bien à la moyenne des patients qui ont été observés comme réagissant bien à cette prise en charge. C est toutefois seulement lorsqu on est capable d identifier précisément le diagnostic que la prise en charge peut être faite efficacement pour chaque patient, avec leurs différences intrinsèques, et qu il est possible de mettre en place une prise en charge adaptée et standardisée. C est alors une médecine qualifiée de précision. Christensen mentionne le fait que la progression d un côté à l autre du spectre de la médecine est incrémentale. La prise en charge médicale aujourd hui a considérablement progressé de la médecine intuitive à celle dite empirique et se rapproche fortement de la médecine de précision. Il ne resterait plus que 16 à 20% des patients qui nécessiteraient une médecine dite intuitive. Cette évolution permet aujourd hui à des infirmières de prendre en charge de nombreuses maladies infectieuses et les patients n ont plus besoin d être hospitalisés. Les technologies du diagnostic permettent des transformations similaires, maladie par maladie, ou par famille de pathologies complexes telles que le cancer, l hypertension, le diabète de type II, l asthme, etc Business modèles innovants en santé En santé, de nombreuses innovations technologiques disruptives n ont pas donné lieu à une diminution des coûts, une meilleure qualité des soins ou une meilleure accessibilité aux services. La raison invoquée par Christensen est que le mode de délivrance des soins a été figé dans le temps, au travers de deux business modèles : celui de l hôpital et celui de la médecine de ville qui ont tous deux été mis en place il Caryn MATHY 39

40 y a un siècle, lorsque la médecine était intuitive. Ce manque d innovation - largement dû à la régulation centralisée - est la raison du coût élevé de la santé. Or, pour l auteur, de manière générique, il y a trois types de business modèles distincts : 1) le magasin de solutions (solution shop), 2) les process à valeur ajoutée (value adding process VAP- businesses) et 3) les réseaux facilitateurs (facilitated networks). Les deux fournisseurs de soins de santé traditionnels, à savoir l hôpital et la médecine de ville, ont un modèle d origine de type «magasin de solutions». Toutefois, au fil du temps, ils ont progressivement glissé aussi vers celui de VAP et de réseaux facilitateurs. La conséquence est qu aujourd hui ces institutions sont devenues particulièrement complexes à gérer et coûteuses en raison de leurs frais généraux. Pour contrer cet état de fait, il conviendrait de revenir autant que possible à des types de business modèles génériques, pour ne plus mélanger les genres et générer des économies Business modèle de type magasin de solutions dans la santé Le business modèle du magasin de solutions 24 est fait pour diagnostiquer des problèmes médicaux complexes, non structurés. Les sociétés de consulting, les agences de publicité, les organisations de R&D et les cabinets d avocats font partie de cette catégorie. Les magasins de solutions apportent de la valeur au travers des personnes qu ils emploient des personnes qui utilisent leurs intuitions, leurs capacités de raisonnement pour diagnostiquer les causes des problèmes soumis et trouver les réponses adéquates. Ce sont donc des experts qui sont, en conséquence, payé chers. Le travail réalisé dans les hôpitaux par des spécialistes est de cette nature. Il s agit d experts hautement qualifiés qui vont intuitivement développer des hypothèses sur les causes des symptômes des patients, les tester et utiliser les meilleures thérapies disponibles pour traiter les patients. Si le patient répond positivement, les hypothèses sont vérifiées et sinon, les experts doivent reformuler d autres hypothèses, les tester de nouveau, etc.. jusqu à trouver la meilleure réponse possible pour le patient. Pour visualiser cela de manière humoristique, nous sommes dans le monde du Dr House 25! Le système de rémunération des business modèles de type magasin de solutions est en général celui de l honoraire, parfois en partie basé sur les résultats. Mais cela est rarement le cas car justement le résultat dépend de nombreux facteurs hautement incertains et il peut donc être rarement garanti. 24 Notons que dans un article récent, il est fait mention pour la même chose du «customized job shop» (Kaplan, et al., 2011). 25 Il s agit d une série télévisuelle américaine qui est diffusée en France depuis 3 ans (et qui connait un immense succès). Le Dr. House est un spécialiste de la médecine interne dit «interniste». Les internistes sont les héritiers de la médecine globale et ils traitent donc le patient dans son ensemble. Les domaines d activité de l interniste sont donc vastes. L interniste est à la fois un touche à tout qui a des connaissances approfondies dans toutes les spécialités médicales et la personne qui va faire la synthèse devant des problèmes compliqués. C est le spécialiste du diagnostic, appellé «diagnostician» aux Etas-Unis. Caryn MATHY 40

41 Business modèle de type process à valeur ajoutée (VAP) dans la santé Comme son nom l indique les organisations qui ont un business modèle de type process à valeur ajoutée utilisent des produits ou services bruts qu elles transforment en d autres produits ou services plus élaborés. Typiquement il s agit des restaurants, des fabricants automobile, des raffineries de pétrole ou encore des organismes d éducation. De nombreuses procédures médicales sont réalisées selon un process de valeur ajoutée, après que le diagnostic définitif ait été posé. C est l exemple des infirmières qui vont fournir des soins en post opératoire (pour une hernie, une chirurgie de la cataracte, et ). Ce type de prise en charge à valeur ajoutée intervient toujours en second temps, lorsque le diagnostic a été réalisé, bien souvent dans un magasin de solutions. Si ces prises en charge sont réalisées dans un business modèle où il n y a que du VAP, elles coûtent généralement moitié moins cher que lorsqu elles sont réalisées dans une organisation qui mixte le VAP et le magasin de solutions (typiquement les services hospitaliers traditionnels). Les cliniques ambulatoires pour la chirurgie ophtalmique, l orthopédie, la cardiologie sont également de bons exemples de VAP 26. Les organisations de type VAP sont généralement payées par rapport à l output de leur process tandis que les magasins de solutions sont normalement payés en fonction des coûts de leurs inputs. Par ailleurs, la plupart d entre elles garantissent le résultat grâce à leur expérience, à la répétition des process qui deviennent ultra standardisés, à l environnement adéquat, etc. qui leur permettent de délivrer le résultat attendu. La plupart des fabricants détermine ainsi leurs tarifs en amont de la vente et garantisse leurs produits ou services pour une période déterminée. Dès lors que l on considère que la médecine est de type empirique ou de précision, on est alors dans un business modèle de type VAP. Ainsi aux Etats Unis, il est possible de voir les «MinuteClinic» afficher leurs prix pour chaque procédure, de même que les centres de chirurgie ophtalmique qui n hésitent d ailleurs pas à en faire de la publicité. Un autre exemple, atypique, est celui de Johnson & Johnson qui a conclu un accord avec plusieurs gouvernements européens, garantissant l efficacité d une molécule (Velcade ) traitant des myélomes multiples 27 qui peuvent être diagnostiqués avec un marqueur spécifique, sous peine de rembourser le traitement total du patient. Christensen mentionne le fait que beaucoup considère que la valeur des services de santé apportée par les médecins ou les hôpitaux ne peut pas être mesurée. Mais il considère cette affirmation comme fausse, elle ne peut actuellement pas être mesurée 26 Notons qu en France, il n existe qu un petit nombre d établissements de ce type ; jusqu à peu, ils n étaient pas même autorisés car le législateur n a pas souhaité développer ce type d établissement. Des évolutions sont cependant en cours depuis que le développement de la chirurgie ambulatoire a été identifié comme une priorité par les pouvoirs publics. 27 Le myélome multiple des os (connu sous le nom de maladie de Kahler, ou, simplement, myélome) est un cancer hématologique (signifiant qu'il se développe à partir des cellules de l'hématopoïèse, celles-là même qui sont à l'origine des cellules du sang, formées dans la moelle osseuse). Caryn MATHY 41

42 parce qu il y a confusion des genres entre la valeur produite, les indicateurs, et les paiements qui sont incompatibles les uns avec les autres Business modèle de type réseaux facilitateurs dans la santé Il s agit d entreprises ou d organisations qui permettent à leurs utilisateurs d échanger entres eux : par exemple, des sociétés d assurances mutualistes, des réseaux d échanges sur internet (type ebay), etc.. Ce type d organisation peut également être un business modèle dans la santé, en particulier pour les maladies chroniques où les modifications des connaissances et des comportements des patients ont des impacts importants sur leur santé. Christensen donne à ce propos plusieurs exemples tels que dlife (réseaux de diabète), Waterfront Media et WebMD. En exploitant les données-patients, ils offrent la possibilité au patient de trouver «quelqu un comme lui» et de comparer le progrès dans le traitement de sa maladie avec d autres patients, en communiquant et en apprenant par leur intermédiaire. Dans ce cas, l accessibilité est simple, rapide, ne demande pas de savoir expert et est très peu coûteuse. Christensen souligne que ce type de business modèle a des caractéristiques particulières car il intervient en général dans un second temps d un changement disruptif. Selon lui, il y a, en effet, deux niveaux de transformation disruptive : le premier est celui où la transformation disruptive vient de sociétés qui émergent par le bas du marché avec des applications simples et remontent graduellement les segments du marché. A ce niveau de transformation, les nouveaux entrants et les anciens ont un business modèle identique, il s agit en général d un type VAP. le second niveau de transformation disruptive vient quand il ne s agit plus seulement d acheter et d utiliser des produits simples et peu coûteux mais lorsque le développement de ces produits ou services ne coûte presque plus rien et est simple à réaliser. Lorsque cela arrive, les business modèles sont alors tout à fait distincts des précédents ; ils ne relèvent ni d un type «magasin de solutions», ni d un type de VAP mais du type «réseaux facilitateurs». c est l exemple de la vente de musique, passant du support disque vinyle (business modèle de type VAP) au CD (type VAP également) puis enfin au MP3 (business modèle de type réseau facilitateur). YouTube est un bon exemple de changement disruptif de second niveau dans le développement et la distribution des vidéos : maintenant, toute personne équipée d une webcam peut faire de la vidéo ; dans ces deux industries (CD et vidéo), des réseaux facilitateurs ont émergé et les participants ont pu échanger des éléments ou des contenus de valeur entre eux par ce que le coût de développement est quasi-nul. A ce titre, il considère que les business modèles actuels de la prise en charge des maladies chroniques (magasins de solutions ou VAP) sont en décalage complet avec ce type de maladie car ils amènent le système à faire gagner de l argent à des professionnels avec des patients malades (qui ont une incitation à les prendre en 28 Soulignons que Kaplan et Porter ont également souligné ce problème dans un article récent bien que l article traite plus globalement du problème de la mesure du coût de l outcome en santé (Kaplan, et al., 2011). Caryn MATHY 42

43 charge de manière curative et non pas préventive) alors que les réseaux facilitateurs permettent de les soigner à un coût très faible Articulation des business modèles entre eux Christensen considère que l innovation disruptive peut jouer son rôle d agent transformateur selon un schéma en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il propose de spécifier les différents business modèles des institutions, sur la base de leurs ressources, process et modèles financiers, afin qu ils soient compatibles avec la nature et le degré de précision de la maladie qu ils prennent en charge. Les magasins de solutions doivent se focaliser pour délivrer les soins correspondant à une médecine intuitive, aux coûts correspondants. Des hôpitaux de type VAP doivent réaliser les procédures de prise en charge bien définies et protocolisées, après que le diagnostic ait été parfaitement défini. Et les réseaux facilitateurs doivent être développés pour prendre en charge les pathologies chroniques, particulièrement sensibles aux comportements et connaissances des patients. Il prône cette distinction assez restrictive, comme il en convient, entre les business modèles car elle doit permettre, selon lui, d améliorer la mesure ou la détermination de la valeur, des coûts, des tarifs, et des marges réalisées sur chaque pathologie. Notons que les magasins de solution et les modèles VAP peuvent être créés à l intérieur d un même hôpital mais à condition que la distinction soit clairement faite. Une seconde vague de business modèles disruptifs pourra ensuite émerger à l intérieur même des trois types de business modèles identifiés. Ainsi, les outils internet existants devraient permettre aux médecins généralistes de se substituer aux spécialistes en trouvant eux même les diagnostiques précis des patients, grâce à des process d interprétation de symptômes qui les guident pour la réalisation d hypothèses et de tests. Cela devrait permettre d aboutir à des soins primaires moins coûteux, tout en accédant à l expertise des spécialistes qui font de la médecine intuitive. De la même manière, les centres d ambulatoire de type VAP devraient se substituer 29 aux hôpitaux de type magasin de solutions. Et ces mêmes centres d ambulatoire devraient d ailleurs progressivement remplacer une partie de leurs médecins spécialistes par des infirmières spécialistes, etc Le réseau de valeur disruptif Le troisième élément disruptif de la théorie de Christensen est celui d un réseau de valeur qui permet de connecter 30 les différents business modèles disruptifs de la santé. Comme le souligne l auteur, les innovations disruptives sont rarement compatibles avec les anciens business modèles. L erreur généralement faite par les innovateurs est celle de croire qu il serait plus rapide et moins couteux d utiliser les 29 Substituer n est sans doute pas le meilleur terme car l idée sous-jacente est bien celle d un mouvement disruptif mais dans la mesure où il n existe pas de verbe correspondant à l adjectif «disruptif», ni de nom, nous prenons le parti d utiliser le verbe substituer. 30 Le terme utilisé dans le texte est «coalescence» qui existe également en français mais se rapporte à la chimie, la biologie ou la médecine, au sens de : souder. Caryn MATHY 43

44 réseaux existants pour diffuser leur innovation. Dans ce cas, invariablement, cela conduit à un échec : le réseau existant fini par tuer l innovation ou bien la transformer de telle manière à ce qu elle puisse s intégrer dans le réseau existant. L inverse n est jamais vrai! Cette règle s applique bien évidemment au système de santé. Christensen présente donc la différence entre le réseau de valeur existant et celui qui serait nécessaire à la réalisation d un modèle disruptif en santé (voir schéma ci-dessous ; source : Christensen et al., 2010, p. xxix). Il reconnait que cela implique de très nombreuses modifications, à commencer par la disponibilité d un dossier médical individuel électronique (l équivalent de Dossier Médical Personalisé DMP- en France) et une réforme générale du système de remboursement et d assurance maladie car ils permettront de connecter les offreurs de soins et joueront ainsi le rôle du lubrifiant du système Conséquences sur les systèmes de santé L introduction d innovations disruptives dans le système de santé nécessite des modifications en termes de régulation ou d environnement et aura pour conséquences de changer le paysage sanitaire Régulation Le premier changement qui s impose est celui du système de remboursement. Comme le note Christensen, la plupart des discussions concernant les réformes des systèmes de santé s arrêtent rapidement dès lors que les participants réalisent que le système de remboursement ne permet pas d envisager ces changements. Prenant Caryn MATHY 44

45 l exemple du système américain 31, il souligne la perversité macro et microéconomique des incitations données par le système de remboursement qui conduit les acteurs à aller vers ce qui est plus profitable plutôt que vers ce qui ne l est pas. L exemple du paiement à l acte est l un des pires selon Christensen, car son modèle incitatif est simple : il incite clairement les offreurs de soin à multiplier les actes et si possible à des prix élevés ; cela revient, selon lui à jeter de l huile sur le feu des coûts explosifs du système de santé! Il n hésite pas non plus à qualifier le système de prix administrés par Medicare ou les assurances de santé de «système communiste». Une réponse serait, selon lui de coupler un système de bonus d assurance patient du côté de la demande, à un système de business modèles disruptif du côté de l offre, permettant ainsi au gouvernement et aux patients d obtenir des soins de meilleure qualité et financièrement plus accessibles ; il souligne que sauf à ce que cette réforme soit menée simultanément des deux côtés, cela n apportera pas les gains escomptés. Un système de paiement/remboursement qui alignerait les incitations des patients (financières mais également comportementales) avec celles des offreurs de soins leur donnerait la liberté de participer directement à leur santé et réduirait les coûts Technologies de l information et les réseaux facilitateurs Les technologies de l information sont amenées à jouer un double rôle, crucial, car facilitant l émergence de business modèles disruptifs. Ainsi, l IT devrait faciliter les échanges et transformer les magasins de solutions en réseaux facilitateurs. Il permettra aux médecins, infirmières et aux patients de s interconnecter et de s apporter mutuellement. De plus, cela permettra aux médecins généralistes de se substituer aux spécialistes et aux infirmières de se substituer aux généralistes. Ensuite, ces systèmes permettront de passer du modèle «papier-crayon» à un modèle de coordination entre offreurs de soins ; cela permettra d éviter des erreurs coûteuses 32 et impliquera davantage les patients quant à leur santé. Internet permet l émergence de réseaux facilitateurs selon ce schéma. Par exemple en permettant à des patients atteints de maladie de se mettre en contact les uns avec les autres, pour les médecins, de partager des études cliniques, pour les généralistes d avoir des avis d experts ou d utiliser, au travers des systèmes experts, des connaissances et compétences préalablement du seul domaine des spécialistes, et de la même manière pour les assistants vis-à-vis des généralistes, etc... Au fur et à mesure que ces systèmes se développeront, le business modèle de prise en charge des maladies chroniques évoluera du magasin de solutions à celui des réseaux facilitateurs. 31 Même s il existe des différences notables dans l organisation des systèmes de santé (et en particulier dans leurs modes de régulation), il est possible de considérer que les raisonnements qui valent pour le système américain valent pour la plupart des systèmes de santé des pays développés. 32 Selon l'organisation mondiale de la santé (OMS), "plus de patients décèdent chaque année d'accidents médicaux en France". Selon la deuxième étude ENEIS (Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins), à EIG (événements indésirables graves) surviendraient chaque année dans les hôpitaux et cliniques français, soit environ neuf cents EIG par jour. Près de 380 seraient évitables car liés à des erreurs médicales. Caryn MATHY 45

46 Le second rôle des IT est de transformer le coût et la qualité des soins grâce à l enregistrement des données médicales, via un dossier médical personnalisé ouvert à tous les professionnels de santé et aux patients eux-mêmes Industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux Christensen voit plusieurs changements à venir pour ces industries. Pour l essentiel, l explication vient du développement de la médecine de précision. Cette évolution nécessiterait d investir non plus dans les thérapeutiques mais davantage dans le diagnostic. Or les grandes firmes pharmaceutiques sont focalisées sur les thérapeutiques qui leur apportaient, jusqu à présent, une forte rentabilité. Le développement de la médecine de précision (et donc du diagnostic) devrait conduire à invalider une large partie des thérapeutiques existantes ou, tout du moins, à resserrer très nettement le marché de chacune d entre-elles. Les firmes devront alors fragmenter leur offre mais cela ne correspondra plus à leur business modèle, reposant essentiellement sur celui des «blockbusters». Par ailleurs, Christensen observe que les grandes firmes de l industrie pharmaceutiques opèrent un mouvement, lent mais certain, de désintégration, et choisissent d externaliser leur R&D, la réalisation de leurs essais cliniques et même la fabrication de leurs produits ce qui est cohérent avec leur recherche de profit et leur business modèle. Elles conservent, de manière cohérente avec ce qui a fait leur force jusqu à présent, le marketing et les ventes. Toutefois, avec le développement du diagnostic de précision, de l IT et des réseaux facilitateurs, le marketing et la vente de ces grandes entreprises vont devenir obsolètes. Ils étaient composés d experts, parlant à des experts (médecins) ; ce ne sera plus le cas demain. Au contraire, le marketing pharmaceutique devient un marketing de masse, s adressant de plus en plus directement au patient, en mettant au service de celui-ci des outils performants d autodiagnostic et les informations sur les thérapeutiques adaptées 33. Que ce soit pour les médecins ou les patients, la précision du diagnostic et de l information vont leur permettre de pouvoir faire leurs choix eux-mêmes dans de nombreux cas ; l intervention de force de vente-expertes spécifiques est condamnée à disparaître. Finalement, ce qui était une épine dans le pied des grandes firmes pharmaceutiques, à savoir leur R&D et la réalisation des essais cliniques, va devenir ce qui est réellement profitable dans la chaîne de valeur de l industrie pharmaceutique. Or c est justement ces fonctions qu elles externalisent de plus en plus. Pour Christensen, les grandes entreprises de la pharmacie prennent la mauvaise option et délaissent la partie la plus rentable dans leur futur business aux nouveaux entrants que sont les CRO (Contract Research Organisation). En conservant le marketing et les ventes qui sont en train de devenir des marchés de masse, non spécifiques, ou la concurrence de nouveaux entrants est donc plus facile, ils scient eux-mêmes la branche de l arbre sur laquelle ils sont assis. Enfin, les grandes sociétés de la pharmacie sont par ailleurs de plus en plus concurrencées par les fabricants de génériques qui développent leurs propres princeps grâce à un business modèle «low cost». Christensen prédit ainsi la disparition des plus grandes firmes pharmaceutiques. Concernant le marché des dispositifs médicaux, celui-ci devrait également évoluer dans la mesure où les équipements deviennent de plus en plus petits et transportables. 33 Voir la société Medco ; site internet : Caryn MATHY 46

47 Si ces équipements ont été centralisés dans des sites spécifiques (généralement des hôpitaux) dans un premier temps, car coûteux, encombrants et nécessitant des compétences d experts pour être utilisés, ils devraient progressivement pouvoir être décentralisés, car de taille réduite, moins coûteux et plus simples d utilisation. Le prochain stade de décentralisation devrait donc permettre à ses équipements de se situer dans le cabinet des généralistes ou au domicile du patient. En outre, le développement des technologies associées aux dispositifs médicaux devrait également changer l expertise requise pour de nombreuses prises en charge. La radiologie interventionnelle est un exemple de ces changements : aujourd hui, les radiologistes et d autres personnels (non chirurgiens) interviennent dans le guidage de dispositifs médicaux mini-invasif. En conséquence, la procédure chirurgicale devient plus simple à réaliser. A terme, certaines interventions devraient pouvoir être réalisées par des non-experts du domaine d origine. Par exemple, les hystérectomies, réalisées par les gynécologues, sont de plus en plus pratiquées par des radiologistes interventionnels utilisant des techniques d ablation des fibromes utérins, remplaçant l hystérectomie totale. Globalement, il est permis de considérer que le développement des équipements et des dispositifs médicaux devrait permettre de diminuer le niveau de compétences requises, comme c est le cas aujourd hui en ophtalmologie, où progressivement la machine remplace l essentiel des compétences et de l expérience requises par le chirurgien. La procédure est maintenant réalisée en 10 à 15 minutes de manière quasi-automatique Changements dans la formation médicale et la structure des offreurs de soins En raison de tous les changements mentionnés précédemment, Christensen souligne le fait que de plus en plus de prises en charge seront confiées soit à d autres disciplines que la discipline d origine (exemple des radiologistes interventionnels par rapport aux gynécologues), soit à des médecins généralistes, soit à des assistants cliniciens ou à des personnels non médicaux, comme des infirmières ou des ostéopathes dont les qualification d origine sont moindres que celles des médecins. Il y a donc un besoin urgent de revoir la structure des offreurs de soins et d élaborer les formations adéquates, y compris dans l apprentissage de la connexion entre eux. Si le besoin de spécialistes, d experts, hautement qualifiés, exerçant dans des magasins de solutions existera toujours (ne serait-ce qu en raison de l émergence de nouvelles maladies 34 ), ces professionnels devraient toutefois se préparer à une pratique plus collective et non plus individuelle comme c était le cas jusqu à présent. L augmentation des pathologies chroniques va de pair avec les pathologies plurielles et complexes, nécessitant de dépasser les frontières des domaines médicaux telles qu elles sont définies à ce jour. 34 Les maladies émergentes constituent l'un des volets du premier plan d'adaptation au changement climatique pour , présenté le 20 juillet 2011 par Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. En effet, outre la multiplication des événements caniculaires, le réchauffement climatique facilite l'implantation et l'extension d'espèces susceptibles d'affecter la santé humaine (insectes vecteurs, production de pollens, etc.). Par ailleurs, le réchauffement des eaux de surface augmentera les risques de prolifération de microorganismes, producteurs de toxines avec des effets directs (baignades, plein air) ou indirects (consommation de poissons, crustacés ou mollusques contaminés) sur la santé. De nouveaux microorganismes à risques commencent à être décelés sur les côtes françaises. Caryn MATHY 47

48 Enfin, une grande partie des médecins du futur devront consacrer une part importante de leur activité à des suivis de protocoles de prises en charge ou à la gestion de réseaux de soins. A ce titre, il leur sera demandé d être capables d améliorer ces process, de manager des organisations et des humains ce qui ne relève guère aujourd hui de leurs compétences. 4.2 Etat du changement disruptif du système de santé français? L innovation disruptive existe tout autant dans le système de santé français que dans le système de santé américain. On peut toutefois s interroger sur son niveau de développement et les raisons qui peuvent expliquer ce constat au travers de plusieurs exemples que l on pourra passer en revue dans cette partie. Il va de soi que les exemples sont extrêmement nombreux et que nous ne pourrons ici mettre en lumière que certains d entre eux. Nous avons choisis ceux-ci pour illustrer, d une part, la substitution du modèle de type magasin de solutions en VAP avec 1) l exemple de la chirurgie ambulatoire et, d autre part, la substitution de business modèles de type magasin de solutions ou VAP en réseaux facilitateurs, qui sont probablement les plus à même de réduire les coûts de la santé et d assurer une meilleure accessibilité aux soins, au travers de l exemple 2) des TIC en santé, 3) des réseaux d accompagnement des patients et 4) de la délégation de tâches entres professionnels Chirurgie ambulatoire et business modèle VAP L exemple du faible développement de la chirurgie ambulatoire 35 en France est probablement à la fois l un des plus simples à comprendre et l un des meilleurs pour identifier les problématiques du système hospitalier à évoluer vers un système disruptif. En effet, le système hospitalier français de 2011 relève d un business modèle de type magasin de solutions, plus ou moins mixé, avec un business modèle de type VAP. Ce mélange des genres est coûteux surtout au regard de son efficacité en termes de qualité des soins mais aussi de recherche et formation médicale si on prend l exemple des Centres Hospitalier (Régionaux) Universitaires (CHRU ou CHU). A l extrême inverse du CHU, se trouve le centre autonome de chirurgie ambulatoire dédié uniquement à cette activité, ouvert seulement la journée et hors week-end. Ce business modèle de type VAP est un exemple de ce que pourrait développer la France pour réduire les coûts hospitaliers (qui représentent environ 46% de la CSBM), sans que cela soit malheureusement le cas aujourd hui. On reviendra donc dans cette partie sur les principaux éléments qui la caractérisent et les explications de son faible développement en France. 35 Il ne faut pas confondre la chirurgie ambulatoire avec la médecine ambulatoire. La première est une pratique réalisée à l hôpital ou dans un établissement de soins tandis que la seconde correspond à ce que l on appelle communément la médecine de ville. Nous attirons l attention du lecteur non spécialiste sur le fait que communément, il est couramment fait mention de «l ambulatoire», selon le contexte, cela renvoie donc soit la à la chirurgie soit à la médecine de ville. Dans un souci de simplification du texte nous ne parlerons ici que d ambulatoire, au sens de la chirurgie ambulatoire, sans jamais faire référence à la médecine de ville. Caryn MATHY 48

49 La mixité des business modèles : l exemple des CHU Rappelons que le système hospitalier français est très différent de celui des autres pays développés. Il comprend des établissements publics, privés à caractère collectif (ESPIC) et des établissements privés à but lucratif. La quasi-totalité du financement est cependant assurée par la sécurité sociale (le reste à charge moyen des patients est inférieur à 5% pour les soins hospitaliers). La diversité de taille, d activité, d organisation, de fonctionnement et de financement est également particulièrement importante. Si on considère le champ de la Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO), aux deux extrêmes des modèles hospitaliers se trouvent le CHU et le centre autonome de chirurgie ambulatoire. Si le second à l intérêt de la simplicité, conformément à son business modèle de type VAP, le premier est un conglomérat de business modèles de type magasin de solutions et VAP. Rappelons que les CHU sont en charge à la fois de l enseignement, de la recherche, et de la prise en charge de pathologies lourdes et légères. En 2009, les 29 CHU représentent 33,3 % des dépenses hospitalières remboursées par l assurance maladie pour l activité effectuée en MCO (16,6 Md sur 49,7 Md ). Or, comme le souligne la Cours de Comptes dans son dernier rapport (2011), ces établissements rencontrent des difficultés financières importantes, au point que le montant de leur déficit en 2009 (422 M ) représentait plus de 81 % de celui constaté dans les cent autres centres hospitaliers les plus importants. Les CHU ont toujours argué du fait qu ils avaient des spécificités très fortes et que cela expliquait les coûts supérieurs qu ils subissaient, et donc leurs déficits récurrents, voire structurels. Toutefois, les études menées sur leurs spécificités montrent que les actes pratiqués uniquement dans les CHU représentent seulement 5,5 % des séjours et 14,5 % des journées effectués en MCO en Pour la Cours des Comptes, à propos des CHU, «( ) s ils se différencient à l évidence par leur statut universitaire, ils sont en revanche très semblables aux autres établissements de santé par leur activité de soins : ils prennent en charge majoritairement des patients légers et des affections courantes, les cas les plus graves étant minoritaires.» (Cours des Comptes, 2011, p.256) En plus des forfaits de la T2A pour leur activité MCO, les CHU sont les premiers bénéficiaires de la dotation «Mission d Intérêt Générale et Aide à la Contractualisation» (MIGAC) versée aux hôpitaux publics en 2009 qui s élevait à 7,5 Md. Les 29 CHU en perçoivent 4,1 Md soit 54,4 %. Indépendamment des MERRI qui financent leur mission spécifique d enseignement et de recherche, ils reçoivent 1,8 Md au titre des autres MIGAC, soit 38 % de la dotation équivalente versée dans les hôpitaux en France entière (4,9 Md ). Ils ont perçu près de 40% de l augmentation de ces crédits sur la période Ceci est dû à la progression très forte des AC qui leur ont été accordées. La Cours des Comptes conclue sur les CHU que : «Dans une situation initiale fragile du fait d une insuffisante productivité, les CHU ont en effet globalement bénéficié des évolutions du modèle T2A qui ont tenu compte de leur spécificité (MERRI) ou de leurs difficultés à s adapter à la réforme (aides à la contractualisation) alors que leur spécificité en matière de soins est limitée. L augmentation des aides ponctuelles, dont ils bénéficient davantage que les autres hôpitaux, a été ciblée sur ceux d entre eux qui avaient le plus de difficultés financières. Ce soutien ne les a pas incités à prendre rapidement les mesures nécessaires pour rendre leur organisation plus efficiente et notamment pour maîtriser l évolution de leur masse salariale qui Caryn MATHY 49

50 représente 65 % de leurs dépenses. Après l achèvement de la convergence intra sectorielle (secteur public) et dans la perspective de l accélération de la convergence intersectorielle (secteurs public et privé), les CHU, confrontés à une situation plus fragile et à une décélération des aides, doivent désormais encore davantage que les autres hôpitaux intensifier les efforts récemment engagés (..)» (Cours de Comptes, 2011, p.257). Il ressort de cette analyse que l efficience économique des CHU n est clairement pas optimale. Au-delà de l analyse des incitations et contre-incitations de la diversité des modes de financement dont bénéficient les CHU (Mathy, et al., 2010) qui peut expliquer cette lenteur d évolution, tout laisse à penser que la mixité des business modèles des CHU est contreproductive. A l opposé du modèle des CHU, les centres autonomes de chirurgie ambulatoire semblent être un modèle d efficacité, sans pour autant avoir été privilégiés par la tutelle française qui peine même à soutenir le développement de la chirurgie ambulatoire, qu elle soit réalisée en centres autonomes ou à l intérieur des établissements de soins, comme nous le verrons dans la suite de cette partie Historique et définition de la chirurgie ambulatoire Née il y a un siècle, la chirurgie ambulatoire a du mal à se développer en France où trois interventions sur dix seulement sont réalisées avec ce type de prise en charge alors que 7 à 8 sur 10 le sont en Europe et aux Etats-Unis. Pourtant, la chirurgie ambulatoire associe qualité, sécurité, réduction des délais et optimisation de l organisation des soins, mais aussi la réduction du taux des infections nosocomiales, la satisfaction des patients, tout en réduisant les coûts, comme le mentionne, à juste titre l Association Française de Chirurgie Ambulatoire (AFCA). Elle a de fait toutes les caractéristiques d une innovation disruptive dans la pratique et la prise en charge médicale. La définition communément admise de la chirurgie ambulatoire est qu il s agit d une chirurgie «qui comprend les actes chirurgicaux et/ou d exploitation programmés et réalisés dans les conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d un bloc opératoire, sous anesthésie de mode variable, et suivi d une surveillance postopératoire prolongée, permettant, sans risque majoré, la sortie du patient le jour même de son admission.» (Conférence de Consensus de 1993) Evolution de la chirurgie ambulatoire en France et comparaisons Les données, issues de la DREES du Ministère de la Santé, montrent un accroissement important du nombre de places 36 et de séjours en ambulatoire versus en hospitalisation complète 37. Ainsi, si entre 2002 et 2008, le nombre des séjours en chirurgie traditionnelle (i.e. > 1 jour) reste quasi stable, en revanche le nombre des séjours ambulatoires (i.e. < 1jour) augmente de 49 % (cf. figure ci-dessous). 36 On utilise le terme de «place» lorsqu il s agit d ambulatoire et de «lit» lorsqu il s agit d hospitalisation complète. 37 On appelle hospitalisation complète (ou traditionnelle) une hospitalisation dont la durée de séjour est supérieure à 24H00 (comprenant 1 nuit), par opposition à l ambulatoire. Caryn MATHY 50

51 nombre de séjours Entre 2002 et 2008, le nombre de séjours en chirurgie ambulatoire augmente de séjours, tous types d établissement confondus, tandis que la chirurgie en hospitalisation complète en perd Si en 2002, la chirurgie ambulatoire ne représentait que 28% des séjours de chirurgie, en 2008, sa part s élevait à 36%, soit un gain de 8 points en 6 ans. Evolution du nombre de séjours de chirurgie (établissements publics et privés) hosp. > 1 jour hosp. < 1 jour On constate que la croissance de ce type de prise en charge est bien réelle mais, comparée aux autres pays développés, la France accuse un retard important, comme le montre le graphique ci-dessous. Pourcentage de prise en charge en ambulatoire selon les pays, pour plusieurs pathologies Intervention réparatrice pour hernie Sweden Cholycystectomie Spain Italy Germany France Amygdalectomie Finland England Denmark Dilatation + curetage Belgium Caryn MATHY 51

52 Explications du retard français Les explications de ce retard sont plurifactorielles et en particulier culturelles, organisationnelles, structurelles, financières, politiques, etc Aspects culturels Comme l a souligné Christensen, le corps médical dans sa globalité est formé au sein des plus importants hôpitaux de France : les CHU. Typiquement ces hôpitaux relèvent d un business modèle de type magasin de solutions où on apprend et on forme les futurs médecins à une médecine intuitive ; l objectif (et la consécration) pour un certain nombre d entre eux est d ailleurs de devenir Praticien Hospitalier Professeur des Universités (PU-PH), sous-entendant ainsi qu ils partagent leur temps entre la recherche médicale 38 et la pratique clinique. Il est en conséquence évident que la médecine qui est promue dans ce cadre n est pas celle des process ou protocoles de prise en charge standardisés, s appliquant à des pathologies bien maîtrisées et/ou à des patients peu complexes. Il en résulte pour une grande partie des médecins formés en France une large méconnaissance de la chirurgie ambulatoire, voire un désintérêt à pratiquer ce type de prise en charge, même si les mentalités évoluent (lentement) Aspects organisationnels La seconde explication de son faible développement vient de ce que la prise en charge ambulatoire nécessite, pour être de bonne qualité, une rigueur organisationnelle, ce qui la rend finalement relativement contraignante, comme tout modèle VAP. La difficulté majeure semble se situer sur la mise en place d un circuit patient bien établi et qui ne peut souffrir d une défaillance quelconque sous peine de devoir renoncer à une prise en charge ambulatoire et de revenir à l hospitalisation complète. L organisation de la chirurgie ambulatoire nécessite en effet d optimiser l occupation des places et donc l organisation des prises en charge, avant, pendant et après l intervention proprement dite. Il faut donc que l occupation des blocs opératoires soit cadrée et respectée par toute l équipe chirurgicale et que la prise en charge des patients en dehors du bloc opératoire «entrée prise en charge - sortie» soit optimale. Cela nécessite donc : o Que le patient ait été correctement informé sur les conditions de la chirurgie ambulatoire, arrive à l heure, dispose des documents nécessaires à sa prise en charge et ai suivi le protocole thérapeutique (arrivée à jeun) ou médicamenteux en pré hospitalisation, etc ; o Que le médecin/anesthésiste soit disponible post intervention pour la signature de l autorisation de sortie faut de quoi le patient ne peut quitter l établissement ; o Que le patient ait bien mis en place les conditions de son retour à domicile (accompagnement) ; o Que le suivi post-interventionnel ait été prévu de manière efficace en cas de difficultés : numéro d appel en cas d urgence, visite d une infirmière, etc 38 Notons que ce statut implique pour les PU-PH un double rattachement/paiement, à la fois à l hôpital (sous tutelle du Ministère de la santé) et à la fois à l Université (sous-tutelle du Ministère de l éducation). Caryn MATHY 52

53 nombre de séjours Ces thèmes ont fait l objet de nombreux travaux et expériences en France, sous la conduite de la Mission d Expertise et d Audit Hospitalier (MEAH) 39, devenue l ANAP Les aspects structurels Si la chirurgie ambulatoire se développe lentement en France, il faut aussi y voir une conséquence de la structure hospitalière traditionnelle : basée sur la chirurgie en hospitalisation complète. Aujourd hui encore, l essentiel de l ambulatoire est réalisé dans les cliniques privés même si les ESPIC (privés à but non lucratif dans le graphique ci-dessous) et publics rattrapent leur retard comme le montre la figure et les données ci-dessous. Evolution du nombre de séjours ambulatoires en chirurgie entre 2002 et Public Privé non lucratif Privé Cet état de fait tient à ce que, jusqu à peu, les établissements publics n étaient pas ou peu incités à respecter leurs budgets. En conséquence, ils ne sont pas restructurés ou très peu, en comparaison des cliniques. Ces dernières, dans un contexte de tension budgétaire plus fort, ont opéré elles-mêmes ce mouvement puisqu elles ont rapidement compris que la prise en charge ambulatoire permettait de limiter des coûts «fixes» importants : celui du personnel, en particulier de nuit et durant le week-end Aspects financiers Comme mentionné au paragraphe précédent, la non-incitation financière n est pas étrangère au faible développement de l ambulatoire en France et en particulier dans le secteur public et ESPIC. 39 Voir le site internet : Caryn MATHY 53

54 Des changements sont toutefois apparus à un double niveau : celui du mode de financement des établissements et celui spécifique aux procédures de prises en charge en ambulatoire. Pour mémoire, jusqu en 2004, les hôpitaux publics étaient financés sur la base d un budget global annuel, sans lien avec l activité de l établissement. La mise en place de la T2A en , a mis en exergue des dotations financières sur ou sous-évaluées selon les établissements. Ceux qui sont apparus comme sur-dotés ont vu leurs recettes diminuer 41 et ce d autant que les déficits budgétaires, jusqu alors largement tolérés et couverts par les tutelles, ont été pointés du doigt et ont donné lieu, le cas échéant, à des plans de redressements financiers. Au niveau de la tarification des séjours ambulatoires, le Ministère de la santé a évolué progressivement. Le paiement d origine (en 2004) correspondait à un tarif traditionnel simplement divisé par deux, compte tenu du fait que le séjour est au moins deux fois plus court qu un séjour d hospitalisation complète. Toutefois, il était généralement sous-évalué 42 et cela incitait (de manière perverse) les établissements à garder leur patient en hospitalisation traditionnelle pour pouvoir bénéficier d un tarif supérieur. Le Ministère a ensuite, d une part, élevé le niveau des tarifs d ambulatoire mais il a, d autre part, mis en place une politique financièrement incitative pour une quinzaine de procédures, en alignant les tarifs de l ambulatoire avec ceux de la chirurgie traditionnelle 43. C est donc seulement à partir de ce moment-là (2008) que l intérêt financier à réaliser les prises en charges en ambulatoire a été réel pour les procédures ciblées. On peut cependant regretter que cela ne soit réalisé que sur la quinzaine de pathologies ciblées Politique et stratégie institutionnelles La politique visant à promouvoir la chirurgie ambulatoire a été renforcée année après année, avec plusieurs dispositifs, notamment à partir de En plus de l incitatif financier, des taux cibles d ambulatoire nationaux et régionaux ont été mis en place pour chacune des 15 procédures ciblées. 44 Ces taux cibles sont déclinés dans chaque établissement concerné au travers de son contrat pluriannuel d objectifs et de moyens (CPOM) qu il signe avec sa tutelle (l Agence Régionale de Santé ARS) 40 Notons que le même mode de financement a été mis en place pour les cliniques privées en 2005, avec toutefois des niveaux de tarifs différents. 41 Avec la T2A tous les établissements reçoivent un tarif spécifique à chaque séjour hospitalier (Groupe homogène de séjour ou GHS). Toutefois, jusqu en 2012, un système d indice convergent, défini pour chaque établissement, permet de moduler le GHS effectivement perçu par l établissement. Les sur-ou sous-dotations seront donc annulées à l issue de ce processus de convergence (dit intrasectorielle). 42 Cela ne tient pas compte du fait que la prise en charge complète (tous les actes) est faite sur 1 journée et que la seule économie réalisée est donc celle de la «nuit». 43 Pour la chirurgie traditionnelle, les tarifs sont scindés en 4 niveaux de sévérité (croissant), par type de séjour. L alignement du tarif de l ambulatoire a été fait avec le niveau 1 de sévérité. 44 Il s agit de procédures très standardisées : canal carpien, amygdalectomie, ligature de veine, hernie, cristallin, la main, arthroscopie, circoncision, dilatation et curetage, oreilles décollées, etc Caryn MATHY 54

55 En cas de non-respect avéré de ces taux cibles, l établissement peut être soumis à une procédure d accord préalable avec l assurance maladie s il souhaite prendre en charge le patient en hospitalisation complète. S il réalise la prise en charge en hospitalisation complète sans accord préalable alors il ne peut facturer le séjour à l assurance maladie (ni au patient!). Enfin, chaque région doit désormais décliner l organisation et la quantification de la chirurgie au sein de sa région, avec des projets spécifiques sur le thème de la chirurgie ambulatoire. En d autres termes, les prochains Schémas Régionaux d Organisation des Soins (SROS) devraient donc comprendre un volet spécifique à la chirurgie ambulatoire Etat disruptif de la chirurgie ambulatoire en France? Dans le dernier rapport disponible sur l état de développement de la chirurgie ambulatoire 45, il est mentionné que la progression des procédures ciblées est bonne. Toutefois, cette politique ne porte finalement que sur 8.9% des séjours en France, qui représentent un volume financier de 5% de l hospitalisation en MCO 46. La politique incitative menée par le Ministère de la santé est donc d ampleur particulièrement réduite. Or d après les estimations de l ANAP 47, 80% 48 des gestes chirurgicaux devraient pouvoir être réalisés en ambulatoire et 20% en hospitalisation complète. Cela représente un potentiel de 2 millions de séjours à substituer. Cette évolution pose la question du dimensionnement hospitalier optimal et celle de son impact financier. Ce sont à terme plus de lits de chirurgie excédentaires en France dont la reconversion générerait des marges de manœuvre considérables. Ces marges financières pourraient contribuer à l efficience du système et par conséquent à la réduction de ses déficits. Elles pourraient aussi être redéployées pour mieux prendre en charge le développement des pathologies chroniques liées au vieillissement, comme le diabète, les cancers, les maladies cardiovasculaires ou psychiatriques ou financer le progrès lié aux nouvelles technologies ou aux nouveaux médicaments. Ensuite, bien que la chirurgie ambulatoire soit, à l étranger, couramment réalisée dans des centres autonomes, spécifiques de chirurgie ambulatoire, cela n est pas le cas en France. En effet, la législation sur le sujet n étant pas claire, les promoteurs (essentiellement privés) ont été très peu nombreux à créer ce type d établissements. A quelques rares exceptions, ceux qui ont tenté de créer ce type de structure se sont heurtés à leur tutelle régionale (Agence Régionale de l Hospitalisation ARH-, 45 ATIH Rapport sur «les réalisations de la campagne budgétaire publié le 29/07/2011 sur le site internet : 46 Il s agit donc de ce que l on nomme les soins aigus, ou le court séjour, par opposition au moyen séjour, également appelé soins de suite et de réadaptation (SSR). 47 Présentation faite par le Dr Gilles Bontemps «La chirurgie ambulatoire : enjeux et perspective ; Etat des lieux en France» ; Colloque Assemblée Nationale 16 décembre 2009 ; voir site internet de l ANAP : 48 Aux Etats Unis, en 2006, 83% de la chirurgie était faite en ambulatoire : voir présentation de Pr Beverly K. Philip, Professor of Anaesthesia - Harvard Medical School faite au Colloque Assemblée Nationale 16 décembre 2009 ; site internet de l ANAP : Caryn MATHY 55

56 devenue ARS) qui leur a refusé l autorisation de créer ce type de structure 49. Un décret sur la chirurgie, visant notamment à clarifier ce sujet, avait été annoncé mais cela fait maintenant 3 ans qu il est attendu. A ce propos, on notera d ailleurs que l assurance maladie propose d adapter la législation pour donner un statut juridique aux centres autonomes ambulatoires permettant de leur délivrer l autorisation de chirurgie ambulatoire (CNAMTS, 7 juillet, 2011). Elle souhaite qu un statut intermédiaire entre cabinet médical et établissements de santé soit créé, avec des contraintes de gestion plus souples tout en maintenant le niveau de qualité et de sécurité des soins. Ces centres bénéficieraient de tarifs à définir, mais inférieurs aux tarifs actuellement appliqués en chirurgie ambulatoire. Elle propose également que soit lancée, dès la fin de l année 2011, une première expérimentation pour la chirurgie de la cataracte dans des établissements ayant une structure indépendante, ou dans des cabinets 50. Elle rappelle que interventions de la cataracte sont réalisées chaque année : si la moitié l était en centre autonome, au tarif de 900 (soit une économie théorique de 400 par intervention), 12 millions d euros pourraient être économisés sur un an. Le suivi du développement de la chirurgie ambulatoire implique aussi de repenser la formation (faculté de médecine, école d infirmière ). Il s agirait alors de traduire cet enjeu dans des actions d enseignement prenant en compte l amélioration des pratiques professionnelles et l optimisation des organisations. Enfin, si les tutelles (Ministère de la santé, ANAP, Haute Autorité de Santé - HAS) et l AFCA ont clairement communiqué leur volonté de promouvoir globalement la chirurgie ambulatoire, au travers un colloque en novembre , en considérant que cela constituait un «véritable changement de paradigme», force est de constater, qu à ce jour, il n y a pas eu de mesures prises en la matière (ou bien très peu au regard du retard constaté). Pour conclure, il apparait clairement que cette pratique de la médecine est loin d avoir aujourd hui atteint le seuil requis pour permettre au système de soins français de réaliser le bond disruptif que l on peut attendre de lui. Si l état des connaissances est bien présent, en revanche le régulateur n a pas mis en place les incitations nécessaires à sa réalisation TIC en santé et télémédecine en France Les technologies de l information et de la communication en santé, communément appelé TIC, sont incontestablement un des sujets les plus «chaud» de l évolution du système de santé français actuel. Le débat le plus ancien touche l informatisation des hôpitaux. Cependant, progressivement, le sujet s est élargi, au fur et à mesure que la technologie évoluait, permettant ainsi de développer la connexion tant à l intérieur de l hôpital qu à l extérieur et entre organisations de santé. Aujourd hui, le sujet le plus souvent abordé est celui de la télémédecine car ce mode d exercice laisse espérer un changement disruptif du système de santé, susceptible non seulement d améliorer la 49 Rappelons que la création d un établissement de santé (public ou privé) ou l implantation de lits ou places au sein d un établissement de santé existant est soumis à autorisation de la tutelle régionale, en France. 50 De nombreux actes de chirurgie ambulatoire sont également réalisés en cabinet médical à l étranger mais c est une réponse qui a été clairement rejetée par la tutelle française à ce jour ; 51 Voir site Internet de l ANAP : «8 constats partagés par la puissance publique». Caryn MATHY 56

57 qualité des soins, de les rendre plus accessibles d un point de vue géographique mais également de diminuer les coûts de la santé. Au travers ce sujet, on retrouve les réflexions de Christensen qui met en évidence la nécessité de disposer de ces technologies, relevant d un business modèle de type «réseaux facilitateurs». Dans la suite de cette partie, nous verrons où en sont les réflexions des pouvoirs publics français sur le sujet, tant sur les TIC que sur la question plus précise de la télémédecine TIC en santé A notre connaissance, le dernier état des lieux réalisé en France sur les TIC et leur impact dans le domaine de la santé a été réalisé par l ANAP (Alain, et al., 2010). Ce document présente l état des connaissances sur la création de valeur des TIC ainsi qu un focus sur leurs applications au champ de la santé Problématiques et polémiques Les auteurs partent tout d abord des questions récurrentes et polémiques du sujet, à savoir : quel niveau d investissement dans les TIC devrait être réalisé et surtout quelle est l efficacité de cet investissement. En France, depuis 2003, la puissance publique a appuyé l investissement dans ce domaine au travers, notamment, des plans «Hôpital 2007» et «Hôpital 2012» 52. Toutefois les demandes et les financements octroyés suscitent de nombreuses interrogations, tant par les promoteurs que par les tutelles. Et pour cause, globalement les investissements dans ce domaine posent les questions suivantes. 1. Les financeurs du système de santé, ainsi que les tutelles des établissements, se posent la question de la rentabilité, voire de l utilité de la dépense dans les TIC. Finance-t-on de l innovation, avec des retours directs versus indirects, à court versus moyen terme? Comment vérifier que les financements ont le rendement 52 Pour mémoire, le «Hôpital 2012» annoncé en 2007 pour faire suite au plan quinquennal précédent, vise à poursuivre la dynamique d'investissement et de modernisation des établissements hospitaliers. Son objectif est d'apporter des aides d'etat pour co-financer des projets de modernisation d'hôpitaux, à hauteur de 50% en moyenne. Il s'agit notamment de rénover les bâtiments, de favoriser des regroupements d'établissements ou de services et de moderniser l'informatique. Ce plan à 5 objectifs : Objectif n 1 : maintenir un haut niveau d investissement, soit au niveau national, 10 milliards d euros sur 5 ans, concernant à la fois les établissements de santé publics et privés. Objectif n 2 : soutenir la mise en œuvre des schémas régionaux d organisation des soins (SROS). Il s agit d accompagner les recompositions hospitalières, les regroupements de plateaux techniques, les partenariats entre établissements publics et privés et les recompositions internes. Objectif n 3 : soutenir les opérations répondant aux critères d efficience, afin de garantir la soutenabilité et la viabilité économique et financière des opérations immobilières. Objectif n 4 : développer les systèmes d information hospitaliers, qui représentent 15% du montant des enveloppes régionales du plan Hôpital La logique de regroupement des projets et de la mutualisation a été largement encouragée par le volet "système d information" du plan Hôpital Objectif n 5 : assurer les mises aux normes de sécurité à caractère exceptionnel, en particulier les normes antisismiques (Martinique et Guadeloupe) et les opérations de désamiantage. Caryn MATHY 57

58 attendu? Comment engager un dialogue de gestion avec les organisations de santé dans cet objectif? Quelles devraient être les priorités ciblées? 2. Les organisations de santé, qui doivent procéder à des arbitrages complexes au sujet de leurs priorités d investissement, dans un environnement budgétaire de plus en plus contraint, s interrogent sur le potentiel de création de valeur porté par les TIC, mais également sur les moyens d atteindre cette création de valeur. Pour résumer de façon un peu triviale le questionnement d un directeur d établissement lambda : pourquoi mettre de l argent dans l informatique plutôt qu ailleurs et en particulier dans l immobilier qui «se voit» et qui satisfera tout autant les patients que le personnel hospitalier? À quelles conditions un investissement en TIC est-il créateur de valeur? Quels bénéfices en attendre, pour qui et en combien de temps? 3. Enfin, les offreurs de technologie restent dubitatifs quant à la profitabilité du développement des produits et services qu ils pourraient offrir car celle-ci dépend fortement du niveau d investissement global dans ce secteur qui se traduit clairement par : quel est le niveau d investissement (de dépense) que l on peut attendre? Quelle est la rentabilité du marché? Quelques chiffres Les auteurs du rapport de l ANAP partent également d un certain nombre de données qui doivent être prises en considération pour juger de l état du développement des TIC dans le domaine sanitaire. Ainsi, en 2004, 29 % des hôpitaux européens consacraient moins de 1 % de leur budget aux dépenses informatiques. En termes de niveau d informatisation, si près de 99 % des hôpitaux avaient mis en place la gestion administrative des patients, environ 2 % disposaient d une prescription électronique ou d un outil d aide à la décision clinique. Pour la France, ce chiffre était de 0,75 %. Les États-Unis étaient, à cette date, dans une situation semblable. En France, la dépense informatique dans le domaine de la santé reste faible : en 2006, elle représentait 2,1 % de la dépense hospitalière, soit environ 1,3 Mds. Pourtant, près de 70 % des décideurs hospitaliers européens déclaraient à la même époque que les TIC en santé auraient un impact positif sur l efficience du processus de soins, 73 % sur l organisation interne, près de 30 % sur l augmentation des revenus Ce décalage entre le potentiel perçu et le faible déploiement des TIC en santé est mis en évidence dans toutes les études. Une dernière série de chiffres est particulièrement importante pour appréhender la problématique des TIC en santé : 74 % des projets TIC en 2008 ont dépassé les délais et/ou les budgets prévus et près du tiers des projets ont été abandonnés. Ces chiffres peuvent probablement expliquer l aversion au risque des investisseurs qui n est donc pas dénuée de rationalité Création de valeur. La revue de littérature faite par les auteurs met en évidence que la théorie économique et en stratégie (notamment l approche organisationnelle et la théorie des ressources) montrent que les TIC ont un impact net, direct et indirect, sur la performance des entreprises. Cet impact est largement déterminé par la capacité des organisations à se transformer sous l action de l introduction des TIC. En effet, les TIC ne s inscrivent pas simplement dans une logique d automatisation de l existant Caryn MATHY 58

59 mais leur mise en œuvre s accompagne le plus souvent d un projet de mutation radicale des modes de fonctionnement en vigueur. Finalement, les TIC contribuent à créer un nouvel actif pour les entreprises, résumé sous le terme de capital (ou ressource) immatériel. Les TIC contribueraient donc à créer de la valeur en participant à la constitution d un capital immatériel, qu il s agisse de connaissances ou qu il s ancre dans l organisationnel. Cet élément doit être particulièrement pris en considération car le secteur de la santé est d abord une industrie de main d œuvre et il prend en charge des humains. Dans le domaine de la santé, les TIC ont globalement démontré leur impact positif, même si de très nombreuses études contradictoires posent encore question. En effet, si la nature des gains qualitatifs et d efficience organisationnelle est identifiée, la rentabilité économique n a pas fait l objet d études suffisamment robustes, comme on pourra le voir à propos de la télémédecine, dans le paragraphe suivant. Une des explications vient de ce que les méthodologies utilisées sont non seulement variables mais aussi parfois inopportunes. Par exemple, les études basées sur les outils financiers traditionnels (ROI, VAN, TRI, etc.) souffrent de leur incapacité à mesurer efficacement les gains indirects et les gains intangibles. La rentabilité serait démontrée à condition que l on considère l ensemble des gains internes et externes. En conséquence, l évaluation de la répartition des gains sur l ensemble des bénéficiaires est une question cruciale dans les stratégies d investissement et d implémentation des TIC en santé. Enfin, la temporalité constitue une troisième dimension importante, souvent négligée, bien que particulièrement déterminante pour capturer la valeur et conserver un alignement fort des projets avec les objectifs stratégiques des parties concernées. Les travaux de la Commission Européenne sont, sur ce sujet, tout à fait éclairants (Commission Européenne, 2008) : «Benefits from ehealth have three components. Financial savings arise from direct improvements in cash flow, such as those resulting from better data used to increase billing, or reductions in outgoings by reduced stock holding and consumption of drugs. These financial savings range from 0% to over 50% of benefits, but are mostly concentrated towards the bottom end of the range. The other two types of benefits are redeployed resources and intangible benefits, described as non-financial. Redeployed resources usually arise from time-savings that are individually minimal, but occur with a high frequency, creating a significant value. The challenge is to manage the reallocation of time in a way improving productivity and thus converting this redeployed resource into financial benefit. Intangible benefits include mainly reductions in exposure to risk of avoidable errors and consequent complaints and law suits. (.) When the cash flow of the initial ehealth investment hump is included, the impact on cash flow is usually negative over a ten-year period: ehealth is usually a net investment, with a negative financial return. Where the cash generated is a significant proportion of the investment, the investment often bundles clinical and administrative/managerial components with the latter being responsible for the generation, or saving, of extra cash. The challenge is to ensure that the total investment matches an appropriate total economic benefit. In this respect, it is important to treat ehealth investment in the same way as other new investments in healthcare, such as new drugs and surgical techniques. It should not be a means of saving money and improving overall cash flow, but an investment in better healthcare. A recent report by the US Congressional Budget Office supports this conclusion. Caryn MATHY 59

60 Sustainable ehealth investment requires that all decision takers and financial stakeholders are clear about the distinction between economic benefits and financial savings, and the impact of each ehealth investment on future cash flows when decisions are taken (Commission Européenne, 2008, p. 57). Ce constat est également partagé par le Congrès Américain (Congessional Budget Office, 2008): Estimating the impact of some potential sources of savings, especially those arising from greater exchange of information among providers, insurers, and patients, is especially difficult because health IT networks are in an early stage of development. Furthermore, health care providers and hospitals that were early adopters of health IT may have been motivated by particular characteristics of their organizations or operations that made them more likely than nonadopters to achieve benefits from health IT in which case the outcomes they have seen might not be generalizable. Evidence of savings in the health care sector as a whole from adopting health IT is also limited. (Congressional Budget Office, 2008, p.10) Pour qui? Comme l a souligné la Commission Européenne, la question de la création de la valeur globale ne fait pas débat. En revanche, le problème vient davantage de «qui paye» et «qui en obtient le bénéfice». Le bénéfice de l implantation de TIC pourrait bénéficier aux offreurs de TIC (bénéfice interne) et/ou à leurs utilisateurs (bénéfice externe). Sur ce sujet, les travaux du Congrès Américain sont clairs : Wider adoption of health IT has the potential to generate both internal and external savings: Internal savings are those that can be captured by the provider or hospital that purchases the system; they are most likely to be in the form of reductions in the cost of providing health care that is, improvements in the efficiency with which providers and hospitals deliver care. External savings are those that the provider or hospital that purchases the system cannot realize but that accrue to another such provider or perhaps the relevant health insurance plan or even the patient. Such savings might arise, for example, from the newfound ability of participants in the health care sector to exchange information more efficiently (Congressional Budget Office, 2008, p.7) Le problème vient de ce que la partie qui supporte le coût n est pas celle qui en tire le plus de bénéfices : Many, if not most, providers would like to make more use of health IT in their practices, recognizing the technology s potential to improve the quality of the care they provide, increase convenience for their patients, and perhaps reduce costs in their office. But many of those benefits accrue to others rather than to the providers who purchase the health IT system. As a result, many providers cannot generate the additional income necessary to justify the significant investment in time and money that the adoption of such a system would require. Some benefits to be derived from health IT increase in value as the network of those using the technology expands that is, as other providers also purchase health IT systems. Providers who can perform functions electronically (such as communicating with each other, sending and receiving medical records, prescribing medications electronically, and ordering laboratory and imaging procedures) gain when other providers develop similar electronic capabilities. For example, the cost to a primary care physician of Caryn MATHY 60

61 sending medical data to a consulting specialist is far lower with a health IT system as long as the consulting specialist has an interoperable system that can receive the data electronically. However, some so-called network benefits accrue mainly to patients or health insurance plans and only indirectly to providers Congressional Budget Office, 2008, p.207). Comme le souligne les auteurs du rapport de l ANAP (Alain, et al., 2010), la présence d externalités positives générées par les TIC en santé, parce qu ils ont cette capacité d être des réseaux facilitateurs, conduit les acteurs de santé qui devraient investir à se désengager ou à les limiter. Ce point est déterminant si on s interroge sur le rôle que doit jouer l Etat dans le développement des TIC en santé. Toutefois, le Congrès Américain est quant à lui assez clair sur le sujet : dans la mesure où finalement les TIC en santé ont les caractéristiques d un bien public, la puissance publique se doit d intervenir directement (ou indirectement) en soutenant les investissements. Son rôle, comme on l a vu au niveau du plan «Hôpital 2012» pourrait être d aider à l investissement mais encore faut-il que les incitatifs financiers du système de santé ne soit pas contradictoires. Christensen mentionne à ce propos que l un des principaux problèmes de la diffusion de l innovation disruptive vient du régulateur. Dans un certain nombre de cas, il peut en effet être contre-incitatif pour l offreur de mettre en place les TIC, compte tenu du mode de paiement sur lequel il est rémunéré. Assez généralement les modes de paiement à l acte (ou à la pathologie) incite l offreur de soins à multiplier les actes ; or les TIC permettent d une part d identifier les abus mais induisent surtout, à l inverse, une diminution des actes de prise en charge (curatifs). Mentionnons toutefois que les travaux du Congrès Américain sur les incitations financières à mettre en place promeuvent un système de bonus-malus des professionnels adoptant versus pas les TIC Télémédecine en France : des avancées à petits pas pour de grands enjeux La télémédecine aujourd hui en France à ceci de particulier que si tous les acteurs appellent de leurs vœux son déploiement, celui-ci est toujours en suspens alors que la question se pose depuis plus d une dizaine d année. Comme le mentionne la note de cadrage de l HAS (HAS, 2011), on dénombre plus de dix rapports élaborés à la demande des pouvoirs publics au cours de la dernière décennie, sans compter ceux de la Commission Européenne mentionnée précédemment. Le prochain en date, annoncé pour la fin 2011, viendra de l HAS chargée, par le Ministère de la santé en début d année, de proposer des outils d évaluation médico-économiques de la télémédecine. Les enjeux de la télémédecine sont pourtant multiples et importants, ils comprennent : Des enjeux d organisation des soins, en tant que levier pour conduire la restructuration de l offre et garantir l accès aux soins sur l ensemble du territoire, répondre aux évolutions démographiques concernant les ressources médicales et techniques et à la spécialisation de la médecine. Des enjeux pour les patients et usagers du système de santé : améliorer la qualité et la sécurité des soins, garantir leur accessibilité ainsi que leur permanence, Caryn MATHY 61

62 assurer un plus grand confort dans la prise en charge dans le respect d une qualité de vie optimale, améliorer l accès à l information. Des enjeux économiques liés au développement de nouveaux modes d organisation des soins plus efficients. Des enjeux professionnels en termes de management et d accompagnement du changement, d information et une meilleure visibilité des différents acteurs dans le déploiement des projets et expérimentations de télémédecine. Des enjeux industriels, en termes de structuration et de croissance du marché Définitions La télémédecine a véritablement fait son entrée dans le champ sanitaire à l occasion de la loi Hôpital-Patient-Santé-Territoires (HPST) votée en juillet Mais la télémédecine est un nom générique qui cache plusieurs utilisations des TIC en santé; celles-ci ont été précisées via le décret du 19 octobre 2010 pris en application de la loi HPST. Parmi les actes médicaux réalisés à distance au moyen d un dispositif utilisant les TIC qui relèvent de la télémédecine, se trouve : La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation ( ). La téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l avis d un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d un patient. La télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé. La téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d un acte ; La réponse médicale qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale des urgences ou de la permanence des soins. Si la loi HPST et le décret d application constituent une étape structurante pour le développement de la télémédecine, un certain nombre de points sont encore à préciser : en particulier, la responsabilité médicale, la question de la prescription, les conséquences en termes de compétences des professionnels de santé et de coopérations entre les professions de santé ainsi que le cadre de financement et de rémunération de l activité de télémédecine Expérimentations plus ou moins significatives On peut s étonner du chemin restant à faire par les pouvoirs publics pour la mise en œuvre d une télémédecine permettant d aboutir à un changement disruptif du système de santé. En effet, les expérimentations fondées sur la pratique médicale à distance se sont démultipliées. Le plus important état des lieux du développement de Caryn MATHY 62

63 la télémédecine en France a été réalisé en 2008 ( (Simon, et al., 2008). Il reprend les différents types d applications qui pouvaient déjà être observés à ce moment-là: Téléconsultation : L expérience pilote de la région Midi-Pyrénées avec la mise en place d un groupement d intérêt public pour le réseau télémédecine régional Midi-Pyrénées situé au CHU de Toulouse, est considérée comme la plus ancienne et la plus importante expérience française en télémédecine. L accent a été mis sur le suivi du nombre de téléconsultations effectuées avec une évaluation de l impact sur la pratique, notamment de la cancérologie, la radiologie et la cardiologie. D autres expériences de téléconsultation existent mais leur organisation est plus récente et leur évaluation limitée : téléconsultation spécialisée (gériatrie, psychiatrie, etc.), projets mis en place pour faciliter l accès aux soins à des territoires isolés (région montagneuse, conditions climatiques difficiles, DOM ), pour améliorer la continuité de la prise en charge dans des lieux contraints (prison) ou pour des populations âgées et porteuses de maladies chroniques (exemple de la néphrologie), innovations récentes en cours d expérimentation (neurologie, cardiologie). Téléexpertise : Les expérimentations développées répondent à l évolution des pratiques caractérisée par une plus grande mutualisation des connaissances, une nouvelle répartition des tâches et la nécessité de prendre des décisions rapides ou collégiales (urgences, radiologie, neurochirurgie, périnatalité, cancérologie). Pour certaines expérimentations, l impact économique est mis en avant, en particulier, les bénéfices liés à la réduction des transferts de patients et des déplacements des praticiens. Télésurveillance : Les domaines de la santé, où la surveillance d indicateurs pertinents offre l opportunité de favoriser le maintien à domicile de personnes âgées, handicapées ou atteintes de maladies chroniques sont de plus en plus nombreux. Les exemples d expériences de télésurveillance sont l hypertension artérielle, l insuffisance rénale, les maladies cardiaques, les maladies respiratoires, le diabète, la maladie d Alzheimer, les traitements des maladies chroniques (traitement anticoagulant, traitement anti-rejets, anti-hypertenseurs, etc.). L exemple de la télésurveillance des grossesses à risque (hypertension artérielle en particulier) est également cité. Enfin, dans certaines expérimentations, la télésurveillance rejoint la téléassistance pour le maintien des patients en perte d autonomie à domicile ou bien encore la gestion des situations d urgence dans des territoires isolés (zones insulaires). Téléassistance Quatre expériences d applications de téléassistance sont identifiées : la téléassistance en chirurgie, en imagerie, pour le médecin généraliste et dans des situations d urgence. Depuis, cet état des lieux, on observe un fourmillement de projets locaux, généralement de niveau local, souvent portés par la pugnacité de quelques pionniers (professionnels de santé, acteurs économiques ou décideurs de proximité), comme on peut le constater dans l Annexe 2 : Dépêches APM sur la télémédecine en France qui regroupe des dépêches de l Agence de Presse Médicale (APM) consacrées à la télémédecine en France. Ceci témoigne d un secteur encore très largement émergeant. Caryn MATHY 63

64 Par ailleurs, peu de projets ont fait l objet d une médico-économique (HAS, 2011). L hétérogénéité dans le degré de maturité des projets est donc grande. En effet, la majorité de ces derniers est restée au stade expérimental par manque de structuration, d abandons d applications, mais aussi et surtout de financements non pérennes. Comme le souligne J.Y. Robin, Directeur de l Agence des Systèmes d Information Partagés en santé 53 (ASIP), les modèles économiques appliqués à la télémédecine doivent être conçus sur le long terme. Toutefois, on peut noter que si le décret télémédecine de 2010, et la base légale que la loi confère désormais aux activités de télémédecine, peut permettre d installer ces modèles économiques, cela dépend encore largement de la définition d une politique tarifaire par les pouvoirs publics (Robin, 2010). Une fois de plus, le régulateur apparaît bien comme l un des principaux freins aux développements des innovations disruptives Qui devrait permettre un déploiement de la télémédecine d ici 1 à 3 ans L enjeu des trois prochaines années est désormais le passage d une télémédecine encore majoritairement expérimentale à la généralisation des nouvelles pratiques de soins et de prévention qu elle permet. C est à cette condition que la télémédecine apportera une contribution significative à la santé publique et qu elle constituera un levier de transformation disruptif du système de santé en France. Dans cette perspective, le Ministère de la santé avait annoncé, en décembre 2010, la mise en œuvre d un plan triennal de déploiement de la télémédecine (cf. annexe n 2) dès Il devait s accompagner de la publication au premier trimestre 2011 d un guide méthodologique destiné à aiguiller les futurs programmes régionaux de télémédecine, des ARS. Toutefois à ce jour, aucun des éléments attendus n a été mis en place et le questionnement de la politique tarifaire reste entier, dans l attente des conclusions de l HAS. Les déclarations politiques s enchaînent mais beaucoup reste à faire. Parallèlement, les ARS vont cependant devoir lancer leurs projets régionaux, dans les tous prochains mois, avant même de disposer d un cadre complet sur la télémédecine. En effet, elles ont été désignées pour le déploiement de la télémédecine et ont reçu des instructions et des crédits qu elles escomptent bien utiliser (sous peine de les perdre). Espérons que le travail qui aura été réalisé en région n aura pas à être défait d ici deux à trois ans Réseaux d accompagnement des patients L implication des patients fait également partie des sujets polémiques de notre système de santé. Les raisons en sont sans aucun doute multiples, à commencer par le fait que le patient, face à son médecin, est en asymétrie d information, selon le terme utilisé par les économistes de la santé. Le patient, dans le cadre de sa maladie, doit confier celle-ci à un expert (le médecin) car il n est pas en mesure de se prendre 53 L ASIP santé a été créée le 16 juillet Cette nouvelle agence d Etat se voit attribuer de larges missions, de la conception et du déploiement de systèmes d information partagés de santé, tels le DMP, à la production et la promotion de référentiels nationaux et internationaux, notamment en matière d interopérabilité, en passant par le développement des usages des systèmes d information dans les secteurs de la santé et du médico social. Caryn MATHY 64

65 en charge lui-même faute de savoirs. Il est en conséquence incapable (ou peu) de juger réellement les choix qui sont faits pour son bien être par les professionnels du système de santé. Cette problématique et son pendant, celui du droit des malades, est probablement plus prégnant dans notre système de santé que dans d autres, comme celui des Etats- Unis où le patient doit réaliser, bon gré mal gré, certains arbitrages, en raison du coût qu il supporte plus lourdement et directement que dans un système de santé socialisé. Par ailleurs, nombreuses sont les questions qui persistent sur l efficacité du parcours de soins que doit suivre le patient dans notre système de santé et en particulier lorsqu il souffre d une affection de longue durée dites ALD telles que le diabète, le cancer, l hypertension, etc De nombreux acteurs, dont la sphère publique, cherchent donc à trouver des solutions pour optimiser l efficacité sanitaire de la prise en charge mais également le coût de celle-ci. Outre le développement des réseaux de santé (qui par nature sont des réseaux facilitateurs), il est de plus en plus question d impliquer le patient dans la prise en charge de sa maladie grâce à une amélioration de l information le concernant ou de celle de sa maladie. Evidemment, dans ce cadre l e-santé intervient en première ligne. Sans s attarder sur les innombrables retards du dossier médical personnalisé (DMP), qui semble être pourtant la base minimale d une grande partie des progrès à venir, on peut développer l idée que l information doit servir au patient à s éduquer. C est l objectif de plusieurs programmes de l assurance maladie, dont le programme Sophia, destiné aux diabétiques, représentant une part importante des ALD Rappel sur les ALD En 2002, les dépenses liées aux ALD représentaient près de 44 % des dépenses de santé. Elles pesaient, fin 2009, 59 % de ces dépenses soit 78 milliards d euros. Les ALD concernent désormais 15 % de la population (HCAAM, 2010). La hausse s explique à la fois par des raisons épidémiologiques (augmentation des pathologies sévères en lien par exemple, avec l obésité), démographiques (vieillissement), mais aussi par des programmes de dépistages qui permettent de détecter plus précocement certaines pathologies graves On comptait 62 % de patients diabétiques pris en charge en ALD en Ils sont maintenant 80 %. En 2009, toutes pathologies confondues, 1,25 million de nouveaux malades sont entrés en ALD, soit une augmentation de 6,6 % de leur nombre. Depuis des années, assurance maladie et gouvernement tentent de freiner un phénomène qui représente désormais près de 60 % de la totalité des dépenses de santé. Dans le cadre de la LFSS 2011, quelques dispositions mineures concernant les ALD ont été prises. Mais, globalement, les gouvernements restent frileux concernant ce dossier sensible car il renvoie au possible bouclier sanitaire, ayant pour objectif d'instituer un plafond des restes à charge supportés par tous les patients sur la dépense remboursable. Assez pessimiste sur l efficacité à moyen terme des recettes habituelles pour maîtriser les dépenses, le HCAAM (2010) plaide pour une réforme structurelle, en évoquant un «juste recours» à l hôpital et l amélioration du parcours de soins des malades chroniques, grâce à qui un volume conséquent d économies d effet durable pourrait être dégagé, sans porter atteinte à la qualité des soins et même en l améliorant. Caryn MATHY 65

66 Sophia : un exemple Sophia est une expérimentation en cours de généralisation. Il s agit d un service d accompagnement de l assurance maladie pour les malades chroniques et plus particulièrement pour les personnes diabétiques prises en charge dans le cadre d une ALD. Il s adresse à patients et médecins installés dans l un des 19 départements où le service est expérimenté. Son objectif est d être le relai du médecin traitant en proposant des conseils et des informations adaptés à la situation de chaque personne, permettant ainsi de limiter les risques de complications liées au diabète ou à son aggravation. Le système s articule autour de 3 éléments : des infirmiers - conseillers en santé appellent -ou sont joignables- les patients et les aident à trouver des réponses concrètes pour mieux vivre au quotidien avec le diabète. Il n y a pas de rendez-vous au domicile du patient. de l information envoyée régulièrement pour rappeler aux patients comment agir sur leur maladie, limiter les risques de complications ou leurs aggravations ou pour partager des témoignages de patients : journal, outils pratiques, etc un espace d'information réservé aux adhérents du programme, validé par les médecins de l assurance maladie Les patients concernés sont directement contactés par l assurance maladie et, s ils acceptent, remplissent et renvoient un bulletin d'inscription. Sophia est un service gratuit qui n a pas d incidence sur le niveau de remboursement des patients ; le patient a la liberté de rejoindre ou de quitter le service, à tout moment, sur simple demande Résultats de Sophia et perspectives Selon le bilan de la CNAMTS de mars 2011, diabétiques avaient adhéré au dispositif Sophia qui s appuyait, à cette date, sur 78 infirmiers-conseillers en santé. Après une année d'observation, la CNAMTS estime que le dispositif fournit des résultats médico-économiques encourageants car ils confirmeraient l'efficacité du programme et montreraient un effet positif dans le suivi des examens, l'évolution de leur état de santé et de leurs dépenses hospitalières. En effet, les adhérents réaliseraient plus fréquemment les examens recommandés dans le suivi du diabète: consultation ophtalmologique, électrocardiogramme, dosages sanguins... Compte tenu de ces résultats, la CNAMTS devrait généraliser le dispositif à la France entière d'ici à En 2012, l assurance maladie proposera également d étendre le champ des pathologies ouvertes par Sophia : les patients diabétiques adhérents au service Sophia se verront ainsi proposer un accompagnement pour certaines de leurs comorbidités par exemple l insuffisance cardiaque, les suites des accidents vasculaires cérébraux, la néphropathie diabétique En outre, à l instar de ce qui a été fait pour le diabète, Sophia sera proposé de manière expérimentale aux patients asthmatiques dans les 19 départements pilotes. Notons cependant que si les déclarations de l assurance maladie quant à l efficacité du programme se veulent rassurantes, elles font l objet de critiques ; il semble en effet que les résultats avancés n aient pas fait l objet d une étude rigoureuse. Par ailleurs, le Syndicat national des spécialistes en endocrinologie, diabète, maladies métaboliques et nutrition (Sedmen) s est indigné du fait qu il n ait pas été associé au programme ; cela est d autant plus singulier que l assurance maladie incite les Caryn MATHY 66

67 professionnels de santé à s investir dans la prévention à travers les engagements conventionnels sur des objectifs de santé publique. Au-delà des polémiques sur le dispositif Sophia, l assurance maladie a clairement investi le champ du développement des connaissances-patients et de leur accompagnement. A ce propos, elle fait deux propositions (CNAMTS, 7 juillet, 2011): Proposition 1 : Enrichir les sources d informations mises à la disposition des assurés. Dans cette perspective, elle complètera en septembre 2011 le site qui intégrera progressivement des informations sur 185 maladies graves ou bénignes. Son objectif est de répondre aux principales préoccupations de santé des internautes et de leur proposer des conseils pratiques pour préparer leur consultation avec leur médecin, mieux vivre avec leur maladie ou adopter des mesures préventives. Le site proposera également les offres de prévention de l Assurance Maladie, des services interactifs et personnalisés. Proposition 2 : Mettre en place un programme de «santé-active». Le programme «santé-active» devrait être constitué de conseils, de coaching ou d éducation à la santé. Il a déjà fait l objet d une expérimentation dans la Sarthe et d une évaluation qui conclut à une baisse de la consommation chez certains groupes de personnes, en particulier celles de 40 à 60 ans sans ALD, sur des prestations telles que les arrêts de travail, les médicaments (analgésiques, IPP et psychotropes en particulier), les soins de médecins généralistes et de masseurs kinésithérapeutes. L assurance maladie propose d expérimenter ce programme dans deux autres départements en 2011 avant de l étendre à dix départements supplémentaires en Ce programme s articulerait autour des trois axes suivants : o le coaching : Il s agit de programmes d accompagnement personnalisés, destinés à des assurés ciblés, sur trois thèmes : santé du cœur, santé du dos et alimentation. Cet accompagnement viserait à favoriser des changements de comportement et de modes de vie, en complémentarité avec la relation médecin patient sur le champ des soins. Cet accompagnement a été expérimenté sous forme d ateliers de groupe et l assurance maladie devrait étudier également une offre de coaching par internet ; o l information sur le coût des soins : les assurés recevraient un profil personnalisé sur leur consommation de soins, par grands types d actes, de médicaments consommés, en comparaison avec la moyenne des assurés de la même tranche d âge, du même sexe. Ils pourraient ainsi mesurer le coût des soins et évaluer l évolution de leur consommation de soins en lien avec leur suivi du programme ; o des réunions d échange sur des thèmes de santé représentant des points forts ou faibles du secteur, basées sur une cartographie précise des consommations de soins Coopération entre professionnels et délégation de tâches Christensen a largement souligné dans son dernier ouvrage qu avec la médecine de précision et l évolution des technologies, les innovations disruptives permettaient de simplifier la prise en charge des patients. Dès lors, ce qui relevait d une prise en charge d experts pouvait être confié à des «moins spécialistes», à des généralistes mais également à des professions para-médicales, à des techniciens, etc.. Caryn MATHY 67

68 Les pouvoirs publics sont en fait impliqués dans cette réflexion depuis quelques années, non pas pour des raisons financières mais parce qu ils sont confrontés à plusieurs défis qui remettent en cause le principe d accessibilité aux soins d une partie de la population. En fait l organisation sanitaire est contrainte par : l émergence des pathologies liées au vieillissement, avec en corollaire celles inhérentes à la dépendance, le développement des maladies chroniques et la santé mentale entre autres, qui réclament que se développent de nouvelles prises en charge plus graduées et mieux coordonnées entre la ville et l hôpital. des professionnels de santé qui sont inégalement répartis en termes géographiques et dont certains ont une démographie qui s annonce inquiétante. Face à ces enjeux, l Etat a inscrit la coopération entre professionnels de santé dans la loi HPST, notamment au travers du transfert d actes, et a entamé une réflexion sur les «nouveaux métiers» de la santé (Hénart, et al., 2010). Cette réflexion pourrait s avérer utile pour de nombreuses disciplines cliniques et en particulier celle de l ophtalmologie, comme nous le verrons Coopération entre professionnels de santé La loi HPST a inscrit la coopération entre professionnels de santé dans le cœur de son texte aux travers de trois mesures phare : 1. elle crée de nouvelles démarches de coopération (Communauté Hospitalière de Territoire, Groupement de Coopération Sanitaire-établissement de santé, maison de santé, etc. ; 2. elle modernise l'existant (Groupement de Coopération Sanitaire de moyens); 3. elle crée ou renforce les compétences des directeurs généraux d'ars, qui peuvent, par exemple, imposer la mise en œuvre de mesures de coopération aux établissements de santé lors de la délivrance d autorisations d activité de soins. L objectif de la coopération est de mettre en œuvre une stratégie commune et de gérer en commun certaines fonctions et activités grâce à la mutualisation de moyens, à des délégations ou des transferts de compétences entre établissements. La coopération s entend désormais également dans un autre sens, celui de la coopération entre professionnels de santé. Ainsi, la loi HPST a créé un nouveau chapitre dans le code de la santé publique, intitulé «Coopération entre professionnels de santé». La démarche de coopération concerne tous les professionnels de santé et quel que soit le secteur et le cadre d exercice (libéral, salarié en établissements de santé public ou privé, centres de santé, cabinet libéral, maison de santé pluridisciplinaire ). Au cœur de cette démarche se trouvent les problèmes de démographie et la coopération entre professionnel de santé a pour objet principal d'y remédier. L'objectif est également de favoriser de nouvelles organisations des soins ou des modes d'exercice partagé qui répondent à des besoins de santé et de faciliter l émergence de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé et ainsi faire évoluer les progrès technologiques médicaux au bénéfice du patient. Caryn MATHY 68

69 Jusqu'alors, seules des expérimentations de transferts de compétences entre catégories professionnelles de soignants étaient possibles. Le texte permettant l'expérimentation a été abrogé et la démarche sort désormais du cadre expérimental. Elle est généralisée à tous les acteurs de santé et à toutes les spécialités. Les transferts se font dans les limites des connaissances et de l'expérience des professionnels concernés. Elle est volontaire et fait intervenir les ARS et l HAS. Un protocole de coopération est soumis par les professionnels impliqués à l'ars, qui vérifie la correspondance du projet avec un besoin de santé. Le protocole contient l'objet et la nature de la coopération, notamment les disciplines et les pathologies concernées, le lieu et le champ d'intervention des professionnels concernés. Il est ensuite soumis à la HAS. Les professionnels doivent s engager pendant douze mois à suivre la mise en œuvre du protocole et à mettre en place l information du patient sur ce sujet. La HAS peut également étendre un protocole de coopération à tout le territoire national. Dans ce cas, l ARS autorise sa mise en œuvre territoriale par arrêté Protocole de transfert d actes : le début d une longue histoire A titre d exemple, on peut citer le premier protocole de transfert d actes signé le 13 juillet dernier en PACA par le Directeur de l ARS. Né à l'initiative des professionnels travaillant à l'institut Paoli-Calmettes et validé par la HAS, ce protocole concerne la pratique de myélogrammes (prélèvement et examen de la moelle osseuse) par des infirmiers formés. Ces infirmiers pourront ainsi, par dérogation aux conditions légales d'exercice, pratiquer cet acte au même titre que les oncologues jusqu alors seuls habilités. Cette formation, ouverte aux infirmiers qui ont déjà trois ans de pratique en oncohématologie, commencera en septembre 2011 avec cinq d'entre eux et se déroulera sur deux ans avec, notamment, un compagnonnage avec un médecin hématologiste référent. Ce protocole, conformément à la loi, est "de portée nationale", c'est-à-dire qu'il peut être repris par d'autres équipes mais uniquement sur la base d'un arrêté d'autorisation de leur directeur d'ars. L HAS aurait par ailleurs rendu des avis favorables sur deux autres projets de protocole, dont un qui concerne le suivi de patients atteints d'une hépatite C chronique en Rhône-Alpes. Toutefois, la lourdeur de la procédure fait s élever de nombreuses voix dont celle de la Fédération de l Hospitalisation Public (FHF). En effet, il aura fallu 2 années après la promulgation de la loi pour enfin voir validé un protocole. Si l HAS reconnait qu elle doit améliorer l ensemble du circuit de traitement des demandes, il n en demeure pas moins que sa faible réactivité est problématique pour de très nombreux acteurs de santé régionaux Nouveaux métiers : contexte, enjeux et perspectives Les changements de l environnement des professionnels de santé se sont accélérés dans la dernière décennie et les professionnels de santé sont aujourd hui confrontés à des évolutions de fond d une ampleur probablement inégalée. Les réformes institutionnelles, la réingénierie des formations, les nombreuses politiques de santé publique ont toutes pour objectif d ajuster au mieux le système de santé aux besoins de la population ; les professionnels de santé se situent à l épicentre de ces transformations. La question des nouveaux métiers en santé est en réflexion et en Caryn MATHY 69

70 débat depuis plusieurs années. Quelques exemples étrangers démontrent que la France a pris un certain retard sur la question. Le contexte est celui d une relative inégalité persistante d accès aux soins pour la population, en particulier pour les soins de premier recours mais pas seulement. La tension sur la démographie des médecins mais aussi la tendance, qui se confirme, d une diminution «du temps médical» se conjuguent avec les fortes évolutions des besoins en santé et des demandes de la population. Celle-ci augmente et vieillit. A cet égard, le processus du vieillissement présente un double aspect : quantitatif - le nombre de personnes âgées s accroît considérablement - et qualitatif la durée de vie des personnes âgées s allonge. L impact croissant des pathologies chroniques - certaines d entre elles telles que le cancer ou les pathologies cardio-neuro-vasculaires, qui n entraient pas dans cette catégorie, se sont chronicisées en lien avec les progrès de la médecine et le développement du secteur ambulatoire (diminution de la durée des séjours hospitaliers) façonnent différemment les besoins de santé. Le parcours de soins se complexifie, devant prendre en compte à la fois l hyper technicité, la nécessaire globalité et le continuum de la prise en charge des personnes. Les évolutions de la société agissent également sur l organisation des soins et l environnement des professions de santé. Les français veulent être bien soignés et bien pris en charge quel que soit l endroit où ils résident. L augmentation des dépenses de santé pose la question de leur solvabilité. Par ailleurs, un champ nouveau, dont la portée est peut-être encore mal cernée, se développe aux côtés de la médecine telle que nous la connaissons depuis plusieurs décennies. Les avancées techniques (techniques médicales et techniques de la communication, télé médecine, télé santé) et technologiques, par exemple dans le domaine de la génétique, impactent l exercice médical et la relation médecin/patient. De surcroît, la médecine classique, encore largement curative, va de plus en plus intégrer, sous la pression de l évolution des sociétés, la dimension «médecine des bien portants». La demande sociale, consistant à se prémunir de la maladie, se renforce. Les notions d indicateurs potentiels de maladie, de susceptibilité ou probabilité de développer une maladie, d entretien de la santé voire du «vivre mieux», vont conduire à une forte évolution culturelle de la médecine, du métier de médecin et des métiers de la santé. La loi HPST comporte de nombreuses dispositions ayant une influence sur les professions de santé. En particulier, elle pose les bases de l éducation thérapeutique du patient (et conduit donc à s interroger sur les moyens humains et les organisations nécessaires pour y répondre efficacement). Elle vise à faire évoluer les modalités d exercice et de rémunération et rénove le cadre des coopérations entre les professionnels de santé. L article 51 de la loi HPST agit sur les missions des professionnels de santé, modifie le partage des rôles et les modalités d exercice. Les incidences de cet article sont fortes sur les ressources humaines en santé. Dès lors que les tâches sont réparties autrement, les contours des métiers sont appelés à être confirmés ou à évoluer. Des métiers nouveaux, notamment à l interface des métiers médicaux et paramédicaux, vont apparaître à partir de compétences élargies et les formations et qualifications doivent être revisitées. Suite à ce constat, le rapport de la mission présidée par le député Laurent Hénart (UMP, Meurthe-et-Moselle) sur les métiers en santé de niveau intermédiaire, suggère de créer rapidement la profession de "paramédical praticien", intervenant en seconde Caryn MATHY 70

71 intention en relais du médecin, pouvant se décliner pour chacune des catégories de professionnels paramédicaux, pour réaliser des activités de diagnostic, de consultation, de prescription", réalisées "dans le cadre d'un travail en équipe en libéral ou en établissement (Hénart, et al., 2010). Parmi les pathologies qui semblent prioritaires, le rapport cite le suivi du diabète, des hépatopathies, des maladies respiratoires chroniques, des patients transplantés (dont le suivi est parfaitement codifié), des patients présentant des troubles cognitifs, de pathologies entrant dans le cadre du vieillissement et de la dépendance ou les malades atteints de pathologies cancéreuses. Les activités spécifiques de diagnostic, de consultation, et de prescription effectuées par les paramédicaux praticiens pourraient correspondre aux "pratiques avancées", transposées à partir d'expériences conduites à l'étranger (infirmières praticiennes aux Etats-Unis, consultations infirmières de première ligne au Royaume-Uni, prescriptions des infirmiers dans les centres de soins de santé primaire en Finlande, etc.) Ophtalmologie en France et ailleurs : un exemple Les exemples de transfert de tâche entre professionnels de la santé sont nombreux mais l ophtalmologie est sans doute l un des meilleurs en France car il illustre particulièrement bien le degré d urgence, en termes de santé publique, et l optimisation de la prise en charge qui pourrait être attendue. Les derniers travaux concernant l évolution du nombre d ophtalmologues en France font état d une baisse de leur nombre d environ 35.5% entre 2006 et 2030, selon les hypothèses médianes réalisées (voir scénario tendanciel et autres variantes dans le graphique ci-dessous) (Attal - Toubert, et al., 2009). Or la demande de consultations et d actes chirurgicaux augmentent en particulier avec le vieillissement de la population et le meilleur dépistage des pathologies ophtalmologiques (cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire). Cette demande croissante de prise en charge est déjà problématique dans de nombreuses zones du territoire puisqu il faut attendre 3, 6 voire 12 mois pour obtenir une consultation, lorsque la demande du patient n est pas purement et simplement déboutée. Caryn MATHY 71

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