Trois compositeurs d aujourd hui :

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1 Fondateurs : Jacques Decour ( ), fusillé par les nazis, et Jean Paulhan ( ). Directeurs : Louis Aragon ( ), Jean Ristat. Trois compositeurs d aujourd hui : Bernard Cavanna, Thierry Pécou, Yves Prin par Emmanuel Conquer Politique et amitié de Jacques Derrida par J.-O. Bégot Brancusi photographe par F. Delorieux D R Opéra, collage de Tamara Adloff, Les Lettres françaises du 1 er septembre Nouvelle série n 85

2 MUSIQUE Emmanuel Conquer, violoniste et chef d orchstre, présente trois compositeur d aujourd hui : Yves Prin, Thierry Pécou, Bernard Cavanna. C est un choix qu il assume parmi les nombreux compositeurs qui font l originalité de la musique française actuelle. Trois compositeurs d aujourd hui : Yves Prin, Thierry Pécou, Bernard Cavanna «L a vérité de l œuvre est dans l œuvre», martelait Pierre Boulez en réponse à une question sur la nécessité de connaître, chez un compositeur, sa biographie et tout son environnement pour accéder au sens de son œuvre. En tant qu interprète, on a même envie de suggérer que la vérité est en nous, et sous la forme que nous lui attribuons. Suivons l exemple de Léonard Bernstein qui déclarait : «Je fais ce début de la 5 e de Beethoven ainsi, non pas seulement parce que ça me plaît comme ça, mais parce que c est ce que je pense qu il voulait!» (extrait d une vidéo avec l Orchestre philharmonique de Vienne). Les multiples sens du verbe composer donnent un éclairage particulier sur l activité en question. On «compose» un bouquet de fleurs, en associant des éléments complémentaires, on «compose» avec certaines personnes, comme on dit «faire avec» des éléments contradictoires, voire défavorables. On «compose» en éliminant telle ou telle partie d un tout hétérogène. On élabore un «composé» en allant du simple au multiple. Composer tient donc de l action de trier, de restituer, de mettre en perspective, tout autant que de l invention. L intérêt d un événement musical dépend de l utilisation personnelle de ses différentes caractéristiques sonores. C est ensuite dans l agencement des événements, dans les enchaînements et les ruptures, dans le sens des proportions que se dévoile une composition. L organisation engendre ainsi pour chaque instant un «avant» et un «après» dont la succession est le temps musical, qui, libre de contraintes, ouvre la porte de l infini. Les trois compositeurs dont il est question ici font entendre que la musique n est pas affaire de sons mais de rapports entre les sons, et qu inventer des rapports crée du sens, des formes. «Le vase donne une forme au vide et la musique au silence,» écrivait Georges Braque, dans le Jour et la Nuit. Leurs œuvres confirment que le «contemporain» n est pas une sous-division subventionnée de la musique mais bien sa part vivante et chargée d espoir. À mille miles de toute terre habitée, là où se sont posés les poètes et les compositeurs, vous pourrez toujours rencontrer un Petit Prince en quête de sons et de musique S il vous demande «dessine-moi ton monde», faites-lui écouter Cavanna et il entendra dans sa musique la frénésie urbaine, l urgence des désirs et des relations humaines. S il vous demande «dessine-moi tes rêves», alors il s échappera dans des voyages inouïs vers les lointains qui chantent. Et si, poursuivant sa route, notre Petit Prince demande «dessine-moi nos traces», c est avec Pécou qu il pourra s interroger sur l humanité et sur ce qu elle laissera dans la nature et le temps. Emmanuel Conquer Détails sur leurs sites respectifs : Yves Prin et la force de nos rêves «D une imagination raffinée, créative, servie par une exécution virtuose, résulte une expérience mémorable ( ) Tout comme il intègre des langages qui diffèrent entre eux, les techniques instrumentales qu il utilise, bien que peu orthodoxes, ne sonnent jamais empruntées ou racoleuses (particulièrement les sons sifflés et les bruits de clés de la flûte solo dans le Souffle d Iris), mais complètement naturelles.» Gramophone (revue musicale anglaise). Le langage harmonique de Prin pourrait se définir comme la juxtaposition ou superposition d éléments a priori distincts, voire hétérogènes, auxquels un trajet commun dessine un avenir. Ces éléments se métamorphosent, finissent par se rejoindre et deviennent compatibles. En somme, une forme très personnelle du principe de «tension-résolution». Il affirme de façon originale la fonction expressive de l harmonie. La conjugaison de cet aspect vertical et de l horizontalité des très identifiables mouvements linéaires rapides qui parcourent l écriture de Prin semble indiquer une «ligne d échappée au monde». L exemple le plus évident en est son concerto pour piano Éloge de la fuite (1998). Ici, l énergie des lignes guide une progression du fragment vers le tout. Prin renforce les moments de tension en intégrant batterie jazz, synthétiseur et guitare basse à l orchestre symphonique. Dans le 2 e mouvement, où planent le rêve, le repos, il dissimule des hommages musicaux à son maître, le pianiste Yves Nat. Le discours volubile du 3 e mouvement suggère une ligne de fuite à travers souvenirs et agitation. Le bourgeonnement des cellules musicales dans la cadence que constitue le 4 e mouvement prend le sens d un accomplissement vital. Ce qui n empêchera pas le 5 e mouvement de s achever, entre sections de cuivres éclatantes et cloches énigmatiques, sur une éternelle question. Je tiens Hymnus 68 pour une œuvre fascinante, quoi qu en pense le compositeur L utilisation du système sériel ne s entend pas comme fin en soi, mais comme structure du lyrisme et efficacité expressive. Conçue en 1969, elle ne pouvait être imaginée en dehors des grands courants de pensée qui secouaient l époque, ni en marge des épisodes tragiques ou réconfortants qui illustraient les mouvements en cours. Œuvre totale, avec chœur, orchestre, solistes et projections d images des événements de Mai 68, elle fait entendre des textes de l Apocalypse de saint Jean, de Martin Luther King, une déploration sur la mort de Jan Palach à Prague, et la fameuse rêverie solitaire, traduite en latin, de l astronaute Frank Borman en orbite autour de la Lune. Point de circonstanciel ou d illustration anecdotique dans cet hommage à l idéal et aux aspirations humaines. Dans cette intensité sonore et cette intemporalité, on entendrait aussi bien le message du Printemps arabe actuel et l évocation de ses martyrs immolés, comme le Tunisien Bouazizi ou le jeune Syrien Hamza Ali Al Khatib. L auteur de l argument et des textes, Pierre Host, terminait ainsi sa présentation : «Quoiqu investi de la puissance inventive de ce siècle, c est l homme simple, qui retrouve avec une pureté enfantine l éblouissement de l amour éternel, qui part à la recherche d un idéal perdu.» Prin, fidèle à son imaginaire, rejoint ici Martin Luther King, l auteur de «I had a dream» Le Concerto pour tuba, commandé par l Orchestre de Lille en 1993 et sa version pour tuba et percussions, Niebelungen (2004) paye un somptueux tribut à Wagner dans la glorification plutôt rare de cet instrument comme soliste. Dioscures (1984), pour orchestre, d après Vendredi ou les limbes du Pacifique, de Michel Tournier, est une œuvre majeure à laquelle l écrivain lui-même rendait hommage : «La désincarnation opérée par la musique n est pas ici appauvrissement, elle est achèvement.» La Barque, quatuor à cordes (1993), nous emmène vers l île des morts, dans la barque de Charon. L œuvre la plus sombre de Prin, certainement. La composition est ici dans l élimination des éléments superflus. Reste le dynamisme entre des tenues horizontales intenses et des ponctuations interrogatives de pizzicati, la vitesse des traits instrumentaux, des figures fuyantes, conférant un sentiment d urgence. Toujours en quête de rêve, les archets font entendre «le dernier son d une corde d amour qui ne cesserait jamais de vibrer». (Christian Bobin, les Ruines du ciel.) En contraste, la réjouissante légèreté et virtuosité du duo voix (avec petites percussions) et clarinette de Sirandanes évoque des îles lointaines et heureuses. Prin s est emparé de la poésie déjà très musicale de Jean-Pierre Siméon, dont les phrases longues et denses ne laisseraient a priori que peu de place à la musique ; ici, composer, c est «faire avec». Les compositeurs investissent plus volontiers l espace laissé libre par les vers courts et elliptiques d un René Char ou d un André du Bouchet. Dans le cycle les Amants (1999), dès Le soleil est une brebis sur la pente du ciel, son langage harmonique scintillant fait merveille et se range toujours au service de la poésie et du lyrisme. Et dans Jeunesse, quelle étonnante agitation instrumentale qui va jusqu à l épuisement! La poésie hispanique tient une grande place chez Prin. Sans doute l appel d un ailleurs dans cette langue espagnole, véhicule de passions et d extrêmes. Le cycle De Amor desperado (1996), sur des poèmes de Silvina Ocampo, est saisissant par son chatoiement instrumental. Notamment Injusticia, dont la lancinante déploration chromatique sera développée dans le final de l opéra Soie. L atmosphère du tango innerve le cycle Cuatro Sonetos de amor (2004), poèmes de Pablo Neruda, et lui donne une fougue toute «portena», sans jamais cependant basculer dans la carte postale sonore. Le paysage harmonique mouvant, les superpositions rythmiques fournissent un cadre légèrement flouté, désaxé et donc ouvert. Avec le tango, Prin parvient à ce que Ravel faisait de la valse : s approprier un genre d origine populaire (après les Bourrées, et autres Gavottes de Bach ou les Ländler chez Brahms) et lui conférer toutes les qualités d une musique élaborée et luxuriante. Le 4 e soneto, No te quiero, et le Tango-Fusion pour clavecin et bandonéon sont l esprit même du tango : tension entre les êtres, et passion qui, seules, donnent un sens à la vie. On peut enfin affirmer que musique savante ne signifie pas musique élitiste. E. C. Le Souffle d Iris, concerto pour flûte ; Éphémères, concerto pour violon ; Dioscures. Orchestre philharmonique de Radio France, CD Naxos. Tango-Fusion par Élisabeth Chojnacka, clavecin, CD Opus 111. Extrait vidéo de l opéra Soie, sur le site. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). II

3 MUSIQUE L impulsion du choc émotif Quel regard portez-vous sur votre parcours? quel moteur vous met en mouvement? Yves Prin. J ai toujours avancé sous l impulsion de chocs émotionnels. Pour moi qui viens du monde de Schubert, de Ravel, de Stravinsky, il y a d abord Année décisive, effervescence de Darmstadt, et rencontre avec Bruno Maderna dont l empreinte a été essentielle ; il me redonne envie de reprendre la composition dite «sérieuse» après des années d écriture «alimentaire» pour la radio et la télévision (série les Compagnons de Jéhu, indicatif de la radio scolaire). Jusqu en 1973, ce sera ma première période, à tendance sérielle avec l oratorio Hymnus 68, la série des Mobiles, et Éphémères, capriccio pour violon et orchestre de chambre. Je n utilise pas alors le sérialisme de façon systématique, mais plutôt pour m affranchir de la tonalité et de la polytonalité. Puis, après quelques années où la direction d orchestre prend le pas sur la composition, j écris Dioscures (1977), d après un texte de Michel Tournier. Le besoin de sortir du sérialisme et une profonde attraction pour un «lyrisme pointilliste» marquent le début de ma deuxième période. La recherche d une dramaturgie en musique est liée au choc émotionnel que produit un argument littéraire, générateur pour moi de support formel. J écris le Souffle d Iris, concerto pour flûte (1986), la Barque, quatuor à cordes (1993), In Praise of Flight, concerto pour piano (1997) d après l Éloge de la fuite, d Henri Laborit. Ma troisième période, à partir de 1998, affirme la prépondérance du lyrisme dramatique et de la voix. Mon affinité avec les poètes, Jean-Pierre Siméon, Pablo Neruda, Silvina Ocampo, Paul Claudel, donne naissance aux cycles de mélodies pour soprano, mezzo, contralto, baryton, avec piano ou ensemble instrumental. Votre carrière de chef vous a mené de la création de l Orchestre philharmonique des Pays de la Loire à des engagements réguliers avec les orchestres français, néerlandais et allemands ; quelle incidence cela a-t-il eu sur la composition? Yves Prin. L idée de composer et de diriger ses propres œuvres faisait alors fureur, et la pensée musicale, imprégnée de contemporanéité, n est plus axée sur la musique du passé comme auparavant. J inclus toujours une œuvre d un compositeur vivant dans mes programmes et la maîtrise de la direction de ces œuvres m apprend beaucoup, notamment sur l orchestration. Cependant, la prédominance d un genre d écriture, le sérialisme, m empêche probablement d approfondir sérieusement mon «gène compositionnel». Je me sens donc moins proche de mes œuvres de cette période. À part, peut-être, les Mobiles. Le changement allait se faire sentir beaucoup plus tard, dans ma deuxième période, celle du lyrisme pointilliste. Je sortirai finalement enrichi d avoir trempé dans la marmite du sérialisme. Vous avez écrit dans le même temps un opéra et la musique de Par-dessus bord, de Vinaver, celle de l Annonce faite à Marie, de Claudel (productions TNP Villeurbanne), des petites pièces pédagogiques pour violon et piano et de nombreuses chansons, ainsi que des arrangements pour les spectacles à succès d Hélène Delavault, des Études très virtuoses pour violon Comment expliquez-vous cette disponibilité intellectuelle, et quelle unité peut-on y trouver? Yves Prin. Depuis mes années à la direction musicale de l Atelier lyrique de Colmar, je puise des forces dans l émulation collective, dans l admiration pour les intelligences poétiques. À partir de 2003, la composition de mon opéra Soie, d après Alessandro Baricco, est une étape privilégiée. Le roman m avait séduit par sa poésie, son rythme, et par sa structure étonnamment musicale. Sa présentation au Théâtre du Rond-Point en juin 2010 avec l aide de l association Beaumarchais a été un moment fort. Si j ai pu commettre des œuvres dans des registres si différents, c est l intensité du choc émotif qui en est la cause : des petites phrases sur un carnet d enfant, des rencontres passionnantes avec un metteur en scène, la force des écritures littéraires proposées Si l on cherche une unité, dans un langage qui semble multiple, c est bien dans le voyage intérieur, aliment sans fin de mes rêves et qu un travail incessant transforme en une réalité. Entretien réalisé par E. C. L œuvre originale de Thierry Pécou pourrait tout entière être présente dans ce poème d Antonio Machado : «Marcheur, ce sont tes traces / Ce chemin, et rien de plus / Marcheur, il n y a pas de chemin/le chemin se construit en marchant. En marchant se construit le chemin / Et en regardant en arrière/on voit la sente que jamais / On ne foulera à nouveau / Marcheur, il n y a pas de chemin / Seulement des sillages sur la mer.» (Traduction de José Parets-LLorca, Chant XXIX Proverbios y cantarès, Campos de Castilla, 1917.) Toujours identifié comme «musicien voyageur», Pécou a la particularité de se plonger régulièrement dans les cultures extra-européennes. Il en revient avec des partitions chargées de mythes, de mystères et de sons inouïs. Comment une musique un peu vite taxée d exotique atteint-elle notre part d universel? Comment dépasset-elle les étiquettes d ethnomusicologies? Question de point de vue : lorsque l Occidental désigne une musique comme porteuse d un «ailleurs», il se pose déjà comme si le «centre» se devait d être ici ; en se déplaçant, comme Pécou le propose, il suggère qu ici, en fait, nous sommes ailleurs! Et quand un univers sonore comme celui-ci apparaît, c est avec la force de son étrangeté qu il impose les conditions mêmes de son acceptation. Dans l abondant catalogue de Pécou, deux œuvres symphoniques sont particulièrement marquantes : la Symphonie du jaguar, fondée sur des textes de rituels chamaniques mayas évoquant la course cyclique du temps, et Vague de pierre, qui s inspire de textes et dessins sur la Chine ancienne. Thierry Pécou : le son de nos traces La première œuvre fait entendre un univers à la fois étrange et connu. Connu parce que le médium utilisé pour le rendre est notre orchestre symphonique, avec chœur et solistes, et tout ce que cela comporte de références historiques, de sonorités attendues. Étrange cependant, car dans cette prolifération d éléments sonores hétérogènes, la logique de succession des événements nous captive et nous entraîne. C est la force de l évidence, mue par une irrésistible énergie rythmique. Le 2 e mouvement est une expérience saisissante : l effondrement tellurique des cuivres graves annonce l énonciation des mystères, de l énigme : «Il n y avait pas de parole dans le ciel / Pas de pierres, ni d arbres / Ce fut alors la naissance de la parole.» Le 3 e mouvement, Fête dans l inframonde, est une véritable pièce de virtuosité instrumentale, à laquelle le son puissant et souterrain des conchas (trompes coquillages) donne une auréole de mystère. Ces cultures anciennes justifiaient les sacrifices, parfois humains, par la nécessité vitale d alimenter le Soleil en énergie. Les Mayas affirmaient ainsi leur fascination pour le déroulement du temps, une constante de toute construction musicale. Le compositeur réussit à créer un lien avec cet Autre si éloigné et qui nous paraît alors si proche. Cet Autre, c est sans doute aussi une part de nous-même. Sa musique fait autant pour la connaissance intime et le partage de ces richesses oubliées que la retranscription de leurs mythes par les Mayas alphabétisés au début de la Conquista. Vague de pierre (shitao) est d une sonorité toute différente, annoncée par des accords hiératiques, grands appuis verticaux homogènes. Nourrie des écrits de François Cheng et de François Julien, l écriture baigne dans l atmosphère de la Chine ancienne, tout en évitant l écueil anecdotique et décoratif. Pécou maintient l intérêt grâce à une science tout aussi vive du temps et de l organisation des événements sonores. Parmi les citations qui éclairent l œuvre, celle de François Julien «comme le cri, d un moment à l autre fait entendre le silence alentour» révèle exactement le principe musical de la durée, de la vie d un événement par rapport à son contraire ou à son double. La séquence finale de l œuvre affirme la transformation constante du vivant : effacement progressif des événements, variété des sonorités sur les reprises des mêmes accords, des mêmes notes fondamentales, ascension éthérée des vents, puis disparition dans un roulement de grosse caisse. L attention de l écoute vient de la maîtrise du temps par le compositeur. Susciter les émotions sans les confiner dans leur contexte rappelle que là aussi, la composition est avant tout affaire de sélection d éléments. Le bouleversant Outre-mémoire, grande œuvre de 70 minutes, a valu à Pécou d être nommé compositeur de l année aux victoires de la musique classique Récit sonore du drame de la traite des esclaves, il est écrit pour piano, flûte, clarinette et violoncelle, et utilise des petites percussions, bruits de chaînettes, d eau, en plus de la grande variété de sons originaux produits sur les instruments eux-mêmes. Pécou donne toute latitude à la méditation poétique (plainte des vents, appels nerveux du piano, suspension du temps) et semble, dans des mouvements comme Tracemémoire, poser inlassablement la question lancinante : «Que reste-t-il de cela?» La distance prise par rapport à une transcription illustrative permet à la musique d accéder au rang de porte-parole de l histoire. L Oiseau innumérable, concerto pour piano et orchestre, est un exemple impressionnant d organisation et de libération d énergie. Entre frémissement d Amazonie sonore et transe de la cadence du piano, entre suspension magique de restes sonores où subsiste une fragile pulsation cardiaque et tension de fauve aux aguets, jusqu à la fuite éperdue dans une épaisseur orchestrale maximale, l œuvre contient des forces primitives et hypnotisantes. Ne terminons pas ce survol sans mentionner Passeurs d eau, dont les chants à base de cris, onomatopées, tremblements vocaux constituent un véritable théâtre, ni sans un mot sur des pages comme Quelqu un parle au tango, et Salsa d Élissa. Elles ont le niveau d un tango revu par Stravinsky, mais encore plus décalé, plus riche en sonorités originales. Et, surtout, la version Brèves du jaguar pour voix et ensemble, sur ces mêmes textes mythiques consacrés au Temps, dont les sonorités insolites semblent pourtant familières, que ce soit les voix de femmes-oiseaux, la samba échevelée ou la déclamation quasiment grégorienne. Pécou : une œuvre comme «réminiscence pour demain», peut-être, de la possible disparition programmée de nos rituels? E. C. Symphonie du jaguar et Vague de pierre, CD Harmonia Mundi. Outre-mémoire, Alexandre Tharaud et Ensemble Zellig, CD Harmonia Mundi. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). III

4 MUSIQUE / LETTRES Bernard Cavanna : un pessimisme joyeux Le Petit Prince a trouvé à qui parler : «Sur terre, pour résister, déclare Cavanna, il faut constituer, créer des liens.» Voilà qui éclaire une œuvre forte, attachante, et singulièrement ancrée dans un réel social. Directeur de conservatoire de musique, en plus de ses activités de compositeur, il est en prise avec un réel rude mais gratifiant. Il fait partie de ceux qui croient toujours que l on peut apporter la culture au plus grand nombre sans démagogie politique. Expliquer que les choses belles sont difficiles lui est familier. La Messe pour un jour ordinaire, objet d une commande finalement abandonnée par le compositeur du festival Art sacré 1994, est fondée sur plusieurs paroles contrastées : le rituel ordinaire de la messe, les appels à l aide d une jeune femme à la dérive (extraits d un documentaire, Galères de femmes, de Jean- Michel Carré), un poème apocryphe de saint Augustin traduit en allemand, une phrase, la seule, lâchée par Klaus Barbie lors de son procès et un poème de Nathalie Méfano. En plus du grand orchestre, de l orgue, des voix solistes et du chœur, la Messe fait appel à trois accordéons et à un ensemble de sons hétéroclites ; c est qu il s agit de canaliser la rumeur sonore, d organiser le chaos! Dans cette œuvre, l ambition du compositeur était de «faire chanter le monde souterrain». C est toute la douleur du monde que l on y entend, mélange de sons de sirènes portuaires, de solos stratosphériques de violon, d interrogations planantes de trompettes. Dans le traitement vocal, Cavanna élargit les tessitures, donne du relief par une accentuation originale du français. Les mots rebondissent comme des balles, et leur sens premier trouve de nouveaux relais : ainsi «eleison ça sonne» ou «Jesu rex rex roi-roi» qui finit en aboiement délirant «wraa-wrra»! Le sens perçu est finalement plus fort que ce qui est proclamé. Avec ce découpage syntaxique, renforcé par les valeurs sonores, on doit bien admettre que nos vocables convenus ne produisent un sens précis qu à un moment assez précaire de Le Flâneur de l autre rive, de Gilles Lapouge, André Versaille éditeur, 280 pages, 17,90 euros. Avec le Dictionnaire amoureux du Brésil, publié au printemps, Gilles Lapouge a découvert la forme de l abécédaire, et s est rendu compte qu elle lui offrait une totale liberté de création, lui permettait, comme dans nombre de ses livres, de mêler brefs récits anecdotiques qui sont autant de nouvelles, réflexions historiques et géographiques, fragments d autobiographie. Cet écrivain majeur qui a toujours revendiqué l étiquette de «journaliste» et il ne s agit ni d un excès d humilité ni d une fausse modestie qui ne siérait plus à son âge ni à l importance de son œuvre, mais d un simple constat à propos d un métier qu il exerce depuis plus de soixante ans emprunte à nouveau cette forme d entrées alphabétiques pour parler de lui. Enfin, de lui, c est un bien grand mot : pudique il est, pudique il reste, et il faut savoir lire entre les lignes pour découvrir, sous la distance amusée, sous le charme apparemment facile d une prose si maîtrisée qu elle paraît couler de source, les confidences à propos de bonheurs que le temps passé a rendu mélancoliques car il n y a rien d aussi mélancolique que des souvenirs heureux. Eugène Ionesco avait intitulé un volume autobiographique, Journal en miettes, et Jacques Laurent, Moments particuliers, un étrange recueil de souvenirs paru deux ans avant sa mort. Avec le Flâneur de l autre rive, Lapouge s inscrit aujourd hui dans cette lignée : il ne raconte pas sa vie, il en cueille des moments, des émotions. Flâneur il a été, flâneur il reste, qu il évoque l Algérie de son enfance, le Digne de son adolescence, le Brésil où il a vécu, ou sa découverte fascinée de l Islande. Dans ces pages qui ne sont pas une galerie de portraits, on croise cependant Nicolas Bouvier, que Lapouge fut un des premiers à faire connaître en France, ou Jorge Amado, enfermé dans un sinistre appartement parisien de Bercy où il se protégeait de la fête et de l exubérance brésiliennes. Ou encore Arthur Adamov en butte à des journalistes trop insistants, et Jacques Lacan, son manteau de vigogne trempé de pluie, dînant au champagne dans un restaurant des Arts et Métiers. leur existence. Et le «Heiliger Geist» augustinien devient une profération sinistre, «Heil», lorsque la profondeur de cathédrale des trombones fait entendre sa dimension totalitaire. Karl Koop Konzert, intitulé comédie pompière, sociale et réaliste, est réjouissant de frénésie vitale. L ensemble est absolument cohérent entre ses mouvements : rugissements de cuivres du premier, contraste de genres entre le deuxième suspendu et le troisièm e entraînant puis tendre nostalgie de Fin de bal dans le quatrièm e. Le mariage jubilatoire entre accordéon soliste, orchestre, clavecin, biniou, sirènes et autres cloches fait danser la réalité. Fruit du plus grand savoir-faire compositionnel, cela relève aussi d une compréhension sensible du monde. C est en faisant entendre le côté grinçant du réel que Cavanna en révèle les contradictions. Il affirme là, à mon avis, un humanisme réaliste, un pessimisme joyeux. L accordéon occupe une place particulière dans l univers de Cavanna. Des souvenirs d enfance ont noué cette affection, mais l intérêt est aussi musical et social : voilà un instrument populaire, souvent regardé avec condescendance, promu au rang noble du violon. Les Trios pour accordéon, violon et violoncelle confirment cette réussite. Dans le second trio, on entrevoit les solitudes urbaines et glacées des tableaux d Edward Hopper entre le vivo d une frénésie toute citadine et le second mouvement, horizontal, figé, aux tenues tendues, aux suspensions inquiètes. Entre musique populaire et savante, c est une vieille histoire, comme en témoigne à son tour la transcription réalisée pour voix, violon, violoncelle et accordéon de douze Lieder de Schubert, dont la Jeune Nonne. Le lied populaire, porté aux cimes de la musique classique par le génie de Schubert, retrouve avec Cavanna des couleurs premières au son de cet instrument. Dans un langage totalement différent, les Trois Strophes sur le nom de Patrice Lumumba, pour alto et ensemble instrumental, traduisent aussi une forte conscience au monde. Comme le héros africain assassiné qu il célèbre, le compositeur affirme qu on ne Les souvenirs de Gilles Lapouge Lapouge parle de neige (la grande passion de sa vie), de vents, de points cardinaux : avec lui la géographie devient le terrain de la plus authentique poésie, et l érudition est prétexte à la rêverie. La liste des «entrées» de cet abécédaire est à elle seule un inventaire cocasse : «Les fous rires d Adamov», «À la recherche des bouts du monde», «Café arabica ou café robusta?», «Lacan, quelque part», «Les pirates à l école», «Ma carrière d acteur», «Quand j étais chasseur de lapins», «Le grand reporter et les bruits de couloir», «Froid» Mais, au-delà de l allégresse des récits, du plaisir de nager dans sa prose, d un goût discret de l autodérision, Lapouge, dans ce livre, dit beaucoup de choses sur luimême, sur sa passion des autres (il est particulièrement doué pour l amitié), sur la douleur du temps qui passe, et des séparations. Le texte qu il consacre à sa sœur aînée, sa complice d enfance, disparue l an dernier, est magnifique de retenue, d émotion, d amour. «Quand mes parents sont morts, mon père d abord, ma mère, ma peine a été terrible. La mort d une sœur est différente. ( ) Une sœur ou un frère sont emmêlés avec vous. Notre vie est la leur. Vous avez connu leurs amis, leurs déboires, leurs espérances, leurs vanités. ( ) Il y a des choses de vous que vous ne savez plus et qu ils ont conservées à votre place, comme on met une vieille table dans un garde-meubles. Ils ont donné abri à vos souvenirs.» Les souvenirs c est le mot-clef de ce livre, qui est une longue rêverie sur les souvenirs réels, les souvenirs oubliés, les souvenirs empruntés, les souvenirs inventés, les souvenirs nés d un hasard, ou les souvenirs puisés dans un livre. De ces textes souvent nimbés de tristesse se dégage une grande sérénité : la seule vérité, la seule réalité d une vie, ce sont les images qu elle laisse à l heure où, peu à peu, tout s éteint. Pour une fois, on ne mentira pas en reprenant une tarte-à-la-crème des fins d articles : ce Flâneur est sans doute le meilleur moyen de se glisser dans une œuvre importante, indémodable et diverse : on y retrouve, comme des échantillons, des pépites, toutes les facettes de Lapouge, prestidigitateur des mots. Christophe Mercier En compagnie des femmes Embrasez-moi, d Éric Holder, Éditions Le Dilettante, 192 pages, 17 euros. Dans cent ou deux cents ans, un adolescent plus curieux et plus chanceux que les autres tombera sur le dernier livre d Eric Holder. Le nom ne lui dira rien. Mais il sera intrigué par le titre : Embrasez-moi, par la couleur rose de la couverture où deux pommes d amour se taquinent et coulent de bonheur. Le livre sera devenu un objet rare. Il le retournera comme le pithécanthrope, jadis, retournait un caillou. Au milieu de la quatrième de couverture où le rose sera resté roi, il verra un minuscule trou de serrure, ultime invitation aux transgressions des paradis. Il ouvrira le livre comme on ouvre une jupe ou un corsage. Il découvrira, incrédule, des phrases aussi insolites que celles-là : «On atteignait le milieu du mois d août, quand les framboisiers, après avoir donné une première fois, en juin, offrent un regain de fruits plus petits, plus sucrés. J en remplis un saladier que je glissai sous mon bras avant d emprunter la piste, de couper à travers prés, de franchir la nationale.» S il est plus patient et plus sensible que les autres, moins soumis aux écrans trompeurs, il commencera à effeuiller chaque nouvelle. Il les lira peut-être à haute voix comme on faisait jadis dans les premiers émois goulus des lectures. Il sera récompensé. Les mots d Holder lui ouvriront l horizon du verger défendu. Il deviendra Adam et, pour lascive punition, recommencera sept fois l histoire éternelle des hommes et des femmes, une histoire simple de rencontres inattendues où les épidermes se frottent et où les corps s oublient les uns dans les autres. Il voyagera dans la France amoureuse, à l ombre des cathédrales, d Amiens à Saint-Raphaël, du quartier Saint-Michel aux souterrains de peut pas vivre sa vie d artiste dans le calme ; «pour trouver le vrai, il faut y laisser sa peau». L énergie rythmique initiale, sa direction implacable, chemine vers la désolation, la solitude et s éteint dans les battements de cœur épuisé des percussions. C est l aveu de sa «violence intérieure exprimée dans la musique» qu on entend ici. Le Concerto pour violon et le Double Concerto pour violon et violoncelle illustrent son «idée du soliste écrasé par la masse orchestrale, à la différence du soliste triomphant chez Beethoven». Un héros tragique, donc, plus que romantique. Le soliste est non pas un dominateur, mais un individu intégré, assumant sa solitude. Dans le premier mouvement du Concerto pour violon, le soliste est dans son rôle de guide, de phare, indiquant avec ses notes aiguës le plafond indépassable pour le reste de l orchestre. Le contraste entre la pureté solitaire et la foule active, volubile, est souligné par l opposition des élans ascensionnels répétés et des sons urbains suivis de l effondrement sur des graves de trombones. La musique de Cavanna affirme que «notre monde» est possible, ici et maintenant, et pas «un autre». Elle incarne avec poésie et conviction ce que Christian Bobin appelle «l étonnement enjoué de vivre» (les Ruines du ciel). Conversant avec Henri Dutilleux, Cavanna soutenait que «l œuvre doit dire quelque chose, faire entendre la polyphonie du réel», ce à quoi l illustre aîné, amoureux de la vie et de l existence, citant les lettres de Delacroix et de Van Gogh, lui répondait «Enivrez-vous!» E. C. Karl Koop Konzert, Shangaï Concerto, Trois Strophes, coffret comportant également de l excellent et émouvant DVD La Peau sur la table, réalisé par Delphine de Blic, dont sont extraites les citations de Bernard Cavanna. CD Æon. Trio avec accordéon, Messe pour un jour ordinaire, Fauve CD Musique française d aujourd hui-radio France. Roissy, d Aix à Ramatuelle. Il se glissera dans les dortoirs de lycées, dans des appartements de parents en vadrouille livrés aux plaisirs de lolitas, dans des garçonnières et des chambres d amis sous les toits, dans les lieux secrets des aéroports, dans des cafés à pêcheurs et à pastis. Il imaginera la sculpturale Cathy nue sous ses pulls de grosse laine, il verra Aurore naître au désir, Blandine belle comme un dessin de Chardin, Pauline aux yeux pers, Marie «sans chemise» et l incandescente Laetitia allumer Virgile et la Seineet-Marne. Comme on ne peut pas toujours jouir sans entraves, jardin des délices peut aussi devenir jardin des supplices : Farid, le cafetier d Aix, subit les poings de deux colosses autrichiens tout un symbole pour avoir goûté à Birgit insensé fruit défendu. Le livre d Holder raconte la fraîcheur d une époque engloutie. Ses nouvelles sont toutes écrites au passé. Si elles s aventurent sur le terrain de la mécanique des chairs, des amours buissonnières, furtives ou tarifées, elles brillent surtout par la reconstitution d un monde effondré, celui des transistors, des journées de lessive, des cafetières qui frémissent sur le Godin, des jambes dorées d hôtesses de Caravelle, des éternités passées en terrasses où des étudiants pas encore appareillés ni aliénés aux portables «avaient l air de conspirateurs russes». Holder a cinquante ans. Comme il croquait la vie au temps béni de la Belle Jardinière, il se retourne aujourd hui sur la queue mythique des Trente Glorieuses et en détache des épisodes d une brûlante beauté biblique. Dans l espace qui a toujours été le sien, le microcosme de la nouvelle et de l infini au creux de la main, il ravive le souvenir de ce monde où les intellectuels, las des universités et des vieux papiers, rêvaient de devenir plombiers, bergers ou jardiniers. Et, parfois, le devenaient. Jean-François Nivet L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). IV

5 LETTRES L échec d Henry James Les deux derniers tomes des nouvelles d Henry James dans la bibliothèque de la Pléiade offrent la possibilité de prendre la mesure du génie de l écrivain américain. C est aussi la possibilité de comprendre l évolution de sa prose. Les excellentes présentations d Annick Duperray et d Evelyne Labbé font comprendre que l auteur a suivi plusieurs fils d Ariane pour mener à bien son œuvre, non sans mille dilemmes. Henry James né américain (New York, 1843) est mort anglais (Chelsea, 1915). Il a choisi de se fixer dans la capitale du Royaume-Uni après avoir fait un séjour d un an à Paris (1875), ville qu il avait visitée pendant sa jeunesse et où il était retourné plusieurs fois. Né dans une famille aisée, il a pu abandonner ses études de droit pour se consacrer à sa seule et unique passion, la littérature, sans avoir peur du lendemain. Après avoir produit un nombre considérable de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, d essais, d articles, il a commencé à se consacrer à la préparation de ses œuvres complètes en Cette édition, dite de New York, est imprimée par Scribner. Il a décidé d emblée qu elle comprendrait vingt-trois volumes, comme la Comédie humaine de Balzac. Elle est achevée quatre ans plus tard. Les avanies se sont multipliées. Il a même été nécessaire d ajouter un vingt-quatrième volume alors que l auteur a renoncé à y insérer plusieurs de ses fictions américaines : les Bostoniennes, Washington Square, les Européens et à presque toutes les nouvelles liées à son pays d origine que La Différence nous propose aujourd hui en un volume dans une belle collection en quatre parties classées par pays (l Italie, la France, l Angleterre, les États-Unis). James a d ailleurs rangé ses œuvres selon un ordre thématique plus que chronologique. La raison de ce renoncement qui ampute singulièrement son projet titanesque À LIRE La Ville d ambre, de José Carlos Llop, traduit de l espagnol par Edmond Raillard. Éditions Jacqueline Chambon, 174 pages, 18 euros. Ce livre fait partie de ces créations littéraires qui consistent à faire du cheminement labyrinthique de l écriture son véritable sujet. La trame, assez mystérieuse, n est qu un prétexte : la mort d un oncle du narrateur le conduit à revisiter l existence de ce dernier qui avait été un grand collectionneur et un homme sortant de l ordinaire par sa manière d être et ses connaissances très hétéroclites. C est aussi un moyen pour dépeindre la Barcelone du passé récent, une cité qui a disparu n ayant laissé que ses monuments et ses façades somptueuses et d un baroque art nouveau. Le narrateur se replonge dans son enfance et ne nous en rapporte que des brides, mais qui peu à peu reconstituent ce qu il a été et est devenu. Ce roman repose sur des mécanismes et des subterfuges : c est un univers d illusions dans un théâtre de la mémoire volontairement corrompu. Mais c est une œuvre attachante, même si on est parfois las de ces ellipses et de ces élisions qui rendent le récit aussi tortueux. José Carlos Llop est un écrivain qui mérite qu on s y arrête, sa Ville d ambre est un livre dont, tout agaçant qu il soit, on ne peut se détacher! Son corps extrême, de Régine Detambel. Éditions Actes Sud, 158 pages, 17 euros. Toute l œuvre de Régine Detambel, qu elle soit romanesque ou critique (je songe à son Petit éloge de la peau, paru en Folio) repose sur une obsession du corps. Dans ce nouveau roman, elle imagine une femme victime d un accident grave. Il y a une mince intrigue (son mariage, son divorce, son fils avec lequel elle ne s entend guère, comme enracinement dans une mémoire et dans une réalité sociale et affective), mais l essentiel de l affaire est le lent, douloureux, exténuant cheminement vers la guérison, qui passe par une reconstruction de la machine organique. Tout cela est dépeint avec beaucoup d intensité et une précision chirurgicale. On a l impression que les exercices spirituels sont remplacés et dépassés par les exercices corporels. C est une fiction qui est passionnante en dépit de son absence de romanesque ou parce que les semaines passées à l hôpital ou dans un centre de rééducation se métamorphosent en un roman. Je préfère de loin d autres écrits d elle (par exemple, la Ligne âpre, publiée par Christian Bourgois). On sent qu elle a voulu jouer la carte des conventions régissant la fiction de bon aloi. En dépit de cela, son Corps extrême est un ouvrage digne d être lu car l expérience le légitimant est narrée avec un art consommé. G.-G. L. tient au fait qu il a voulu réviser ses textes les corrections qu il a voulu faire lui ont demandé un travail écrasant. En ce qui concerne l Amérique, il a abandonné devant l immensité de la tâche : il est convaincu que les Bostoniennes exigeraient «un grand nombre de révisions artistiques» et «je n ai maintenant ni le courage ni le temps d entreprendre une chose aussi formidable que de corriger et de recorriger ce roman». Ces amendements ne le satisfont jamais. Et il va jusqu à changer de style dans ses écrits les plus anciens au nom d une «pure et impérieuse nécessité». Il s acharne à refondre en profondeur Un portrait de femme, au point de changer la personnalité de ses protagonistes. Sa révision d Un Américain est encore plus radicale. L acharnement de James d élever sa prose à un niveau d excellence ressemble beaucoup aux efforts d un vieillard qui sent le temps lui manquer pour engendrer l œuvre suprême dans l Age mûr. Et, en plus, il éprouve le besoin de rédiger dix-huit préfaces pour expliquer sa méthode de travail et ses intentions. Il y émet aussi des critiques à l encontre de ses productions livresques. Le délicieux Max Beerbohm met en scène Henry James affrontant le vaste problème de la correction de ses ouvrages dans une caricature révélatrice de ses atermoiements. Ces préfaces représentent les plus beaux documents sur l art de l écriture rédigés au XIX e siècle parce qu il y expose en détail les circonstances qui l ont amené à traiter un sujet, à développer une intrigue, à révéler quelles ont été ses difficultés et ses impossibilités, les erreurs qu il a commises. Quand il parle des Ailes de la colombe, il est convaincu que la seconde partie devrait d être l objet d un examen critique. S il prend plaisir à écrire ces commentaires et à livrer au public les sentiments partagés qu il éprouve devant ses créations devant chaque fois être remodelées avec un art Une éblouissante démonstration Le Lecteur inconstant suivi de Vie du corbeau blanc, de Carlos Liscano, Belfond Éditeur. 372 pages, 21 euros. L e Lecteur inconstant, de Carlos Liscano, est la très exacte suite de l Écrivain et l Autre, superbe ouvrage paru en France au tout début de Pourquoi non, puisque les deux livres sont pour ainsi dire des journaux intimes dans lesquels l auteur s acharne avec une méticuleuse précision à dire et à décrire l impossibilité d écrire? Son impossibilité d écrire et son incapacité nouvelle de faire une quelconque œuvre de fiction : «Je crois que mon aptitude à écrire de la fiction est épuisée, si tant est que je l ai jamais eue.» Et un peu plus loin, pour aller plus avant encore dans son analyse : «Je n écris pas de fiction pour deux raisons. La première est que je n ai rien à dire. La seconde est que je ne suis plus capable de croire à l histoire que je raconte.» À partir de ces données son autoportrait qu il esquisse est impitoyable. Impitoyable jusqu à devenir brillantissime, un peu trop même. Car, au bout du compte, le lecteur et lui-même, c est tout un il y a toujours cet «autre» que le titre du premier ouvrage met en exergue, se trouvent pris au piège. On se dit que la démonstration est trop forte et subtile pour être tout à fait vraie : Carlos Liscano s acharne jusqu au ressassement à nous démontrer qu il n a rien à dire, que «tout écrivain est une invention», et qu au bout du compte, «le problème ce n est pas la littérature. C est la vie». Sur ce plan, on ne saurait le contredire. C est, en effet, en prison, où il est resté treize ans, condamné par le régime militaire uruguayen au début des années 1970, que Carlos Liscano a commencé à écrire, de manière mentale tout d abord puisqu il n avait ni papier, ni probablement de stylo. C est là, le 1 er février 1981, très exactement, il s en souvient parfaitement, qu il s est transformé en écrivain, qu il s est inventé écrivain. Et c est un autre, un Liscano inventé donc, qui, des années plus tard, sortira de prison : «Je me suis déclaré écrivain et j ai déliré pendant presque cinq ans sur cette nouvelle vie. Dans ce délire, j ai construit un autre individu, celui qui écrit.» Il y a dans ces pages d une sincérité et d une lucidité extrêmes quelque chose d effrayant et de fascinant tout à la fois, et ce n est certainement pas un hasard si l on pense à Kafka que Liscano se plaît d ailleurs à citer, avouant qu il «a des dettes envers lui». C est le moins que l on puisse dire. Mais Kafka est loin d être le seul auteur que Liscano cite et lit au moment même où il écrit le Lecteur inconstant, dont le titre est on ne peut plus parlant. Car nous sommes, avec ce livre, passés de la description de l état de l écrivain à celui de lecteur, pour finir avec Vie du corbeau blanc à une symbiose des deux fonctions. C est bien là toute la magnifique majeur, il est pris de vertige : «Ma terreur de ne pas parvenir jusqu au bout de ce travail que je dois assumer m a tellement paralysé j ai ressenti une véritable peur panique.» Dès 1908, l édition n étant pas encore menée à son terme, il se rend compte que le succès n est pas au rendez-vous. Il éprouve «une déception plus grande que celle à laquelle je m attendais». La mélancolie a marqué ses dernières années, même s il est entouré et célébré (ses amis s activent pour lui obtenir le prix Nobel). Et la minceur de ses revenus lui prouve que son ambition a été mise échec et mat. S il écrit encore des pièces qu il espère toujours voir triompher sur une scène, s il a la force de concevoir un chef-d œuvre la Tour d ivoire, il n est sauvé que par l intervention de son amie Édith Warthon qui demande à Scribner de lui verser une grosse avance de huit mille dollars pour un livre futur sans dévoiler sa réelle provenance. L auteur d une somme immense qui possède l ampleur de la Comédie humaine et la sophistication esthétique d  la recherche du temps perdu expire sans qu on ait reconnu son génie. Les semaines qui précèdent son trépas, il demande ses lunettes et du papier et fait semblant d écrire. Gérard-Georges Lemaire Nouvelles complètes, III, Édition dirigée par Annick Duperray, «Bibliothèque de la Pléiade», Gallimard. Nouvelles complètes, IV, d Henry James, édition dirigée par Évelyne Labbé, «Bibliothèque de la Pléiade», édition Gallimard. Une tournée de visites, d Henry James, traduit et présenté par Jean Pavans, «Minos», Édition La Différence, 480 pages, 16 euros. Le Siège de Londres, Henry James, traduit et présenté par Jean Pavans, «Minos», La Différence, 600 pages, 18 euros. beauté de cet ouvrage : d avoir accolé au Lecteur inconstant, journal dans lequel Liscano explique qu il est en train d écrire cette fameuse Vie du corbeau blanc, de nous donner à l apprécier dans son superbe développement. Et c est bien là le moindre des paradoxes de ce dernier texte : de contredire, tout en les étayant, les propos tenus dans la première partie du livre. Dans le Lecteur inconstant, je l ai dit, Liscano finit par évoquer le problème de la lecture, de sa propre lecture des chefs-d œuvre de la littérature. Écrivain ou lecteur, c est tout un : Liscano se retrouve dans le tourbillon et le chaos des mots. Avec, au bout du chemin, «le néant, le vide, le zéro». Pour nourrir son fameux corbeau, sorti tout droit de l imagination de Tolstoï un corbeau se peint en blanc pour aller se nourrir chez les pigeons, démasqué il est chassé ; de retour chez les corbeaux, il n est pas reconnu et ces derniers ne veulent plus de lui, Liscano lit et relit encore, car son projet, à l instar d un Borges, est de faire une apologie du plagiat, ou, pour le dire plus noblement, de traduire ou de réécrire en toute liberté des histoires inventées par d autres : Borges, Buzzati, Beckett, Melville, Homère, et tant d autres encore. Voilà qui donne un incroyable récit, d une verve inouïe, un véritable feu d artifice, le corbeau menteur de Liscano passant son temps à raconter des histoires. Paradoxe, parce qu avec ces récits Liscano fait montre d une incroyable faculté d invention, démentant ainsi les propos qu il tenait dans le Lecteur inconstant pour notre plus grand bonheur, et alors même que tout au long de son «journal» il nous tient au courant du développement de son écriture du texte et des réflexions qu elle suscite chez lui. Jean-Pierre Han D. R. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). V

6 LETTRES LA CHRONIQUE POÉSIE DE FRANÇOISE HAN Une poésie dans le siècle L édition originale de Chicago Poems a paru en 1916, à New York. Son auteur, Carl Sandburg, était né en 1878 de parents suédois immigrés aux États-Unis. Il tient une place à part entre ses contemporains, Ezra Pound, E. E. Cummings, Marianne Moore, T. S. Eliot, Wallace Stevens. Il est à l écoute du petit peuple, auquel il appartient. Il recueillera les ballades folkloriques des chemineaux dont il a été, il en fera une anthologie. Il dira dans des vers libres, sans afféteries, empreints de parler populaire, la condition ouvrière aux États-Unis en ce début du XX e siècle et aussi la vie des fermiers de l Ouest américain. Publiciste, journaliste, organisateur du parti social-démocrate du Wisconsin et secrétaire du maire socialiste de Milwaukee, de 1910 à 1912, il ne reniera jamais un engagement politique à gauche, dépourvu de dogme. Il collaborera trois ans à l International Socialist Review, périodique révolutionnaire que le gouvernement fera fermer. Il sera toujours opposé à la peine de mort. Il aura fallu quatre-vingt-quinze ans pour que soit publiée une traduction française intégrale de l ouvrage qui le rendit célèbre. Décédé en 1967 dans sa ferme de Caroline du Nord, où il élevait des chèvres, il aura reçu trois fois le prix Pulitzer : pour le recueil Cornhuskers (égreneurs de maïs), pour une monumentale biographie d Abraham Lincoln, pour son œuvre poétique complète. Il aura été aussi critique de cinéma, ami de Charlie Chaplin. Le président Roosevelt l aura reçu personnellement à la Maison-Blanche. En 1914, Chicago est un centre littéraire en même temps qu une ville connue au plan international pour ses abattoirs et pour ses gangsters. D une telle cité, Carl Sandburg chante la jeunesse, la force, il dit aussi «la Misère, des millions de Pauvres, patients et travaillant dur ; plus patients que les rochers, les marées et les étoiles ; innombrables, aussi patients que les ténèbres de la nuit et tous étaient brisés, humbles ruines des nations». Le «je» de bien des poèmes est celui des malheureux à qui il donne la parole. Les États- Unis rejoindront les Alliés dans la guerre mondiale en 1917, mais dès sa déclaration, en août 1914, Carl Sandburg entend résonner les mâchoires de la mort. Les Poèmes de guerre, , pleurent les seize millions d hommes qui tuent et se font tuer. Scandalisé par l exploitation sans merci des ouvriers, singulièrement des immigrés, le poète n abandonne pas le rêve, le chant de la nature, l évocation du pouvoir de la musique. Il peut crier haut et fort, lancer à la face du monde de longs poèmes, il peut aussi, dans de brèves notations, faire se lever une lumière blanche ou dire à la disparue Emily Dickinson : «Tu nous as donné le bourdon qui a une âme.» Il est «le chaînon manquant entre Whitman et la Beat generation», selon le traducteur, Thierry Gillybœuf, dont la présentation retrace la biographie passionnante de celui qui a écrit : «Je suis allé en enfer et j en suis revenu maintes fois. ( ) Mon nom est Vérité et je suis le plus insaisissable captif de l univers.» Brèves Chez le même éditeur, il faudra revenir ultérieurement à un choix de poèmes de Maïakovski, traduits et présentés par Henry Deluy, sous le titre l Amour, la Poésie, la Révolution. Des haïkus sélectionnés dans la revue Ashibi, fondée en 1928, sont directement publiés en format poche, la Lune et Moi (en bilingue, l original japonais étant donné à la fois en idéogrammes et en alphabet latin). Dans leur intemporalité même, ils demeurent contemporains et nécessaires, dit le préfacier, Olivier Adam. Le Centre culturel français de Milan contribue activement à la diffusion de la poésie. Une preuve récente en est la publication, suivie d une table ronde, de Nuovi Poete Francese, qui présente au lecteur italien, dans les deux langues, vingt poètes français apparus dans les années 1960 et 1970, parmi lesquels Mathieu Bénézet, Antoine Emaz, Gérard Noiret, Jean-Baptiste Para, Valérie Rouzeau, Alain Veinstein, André Velter. Revues Po&sie ouvre sur deux articles, l un d Auxeméry, l autre de Martha C. Nussbaum, qui étudient le sens de la démocratie chez Walt Whitman, et un troisième de Jean-Luc Nancy, «Être-avec et démocratie». Viennent ensuite la réponse à Ossip Mandelstam de Marina Tsvetaeva, un poème de Paul Celan, traduit et commenté par Jean-Pierre Lefebvre, des poèmes de Petr Král, «Comme si», de Giorgos Veltsos, «Se dévastant», de Laurent Zimmermann, puis un dossier sur les lettres et la musique, enfin une nouvelle de Johan Bikene. Début 2011, Po&sie a ouvert, à la Maison de l Amérique latine, une série d entretiens que présentent l éditorial et «le Débat» de Michel Deguy. Action poétique, après un Poème de La Havane, de Bernard Noël, aborde les révolutions de Tunisie et d Égypte. Puis sont présentés dix nouveaux poètes du Brésil cinq femmes, cinq hommes, tous inédits en français, traduits par Inês Oseki-Dépré, avec introduction et notices. Ils sont suivis de cinq poètes de langue française et des chroniques habituelles. Phœnix consacre son dossier, établi par Jean Poncet, à Bernard Mazo : entretien avec Jean Orizet, études, inédits. D autres poètes sont réunis dans la séquence «Partage des voix». Il est rendu hommage à Robert Marteau, décédé cette année. La «Voix d ailleurs» est celle, britannique, de Billy Childish, elle est radicale : «C est comme ça et je vous emmerde», ainsi s intitule un ensemble de poèmes traduits par Jean-Claude Poncet et présentés en bilingue. Critique théâtrale et nombreuses notes de lecture terminent la livraison. Chicago Poems, de Carl Sandburg, traduit et présenté par Thierry Gillybœuf, édition bilingue. Le Temps des cerises, pages, 15 euros. L Amour, la Poésie, la Révolution, de Vladimir Maïakovski, collages d Alexandre Rodtchenko. Le Temps des cerises, pages, 22 euros. La Lune et Moi, traduits et adaptés du japonais par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku, préface d Olivier Adam, édition du Seuil. «Collection Points», pages, 6,50 euros. Nuovi Poeti Francesi, a cura di Fabio Scotto, Giulio Einaudi, Turin, pages, 16 euros. Po&sie nº 135, 1 er trimestre Éditions Belin, 142 pages, 20 euros. Action poétique, nº 204, juin Diffusion Les Belles Lettres. 142 pages, 13,50 euros. Phœnix, nº 3, juillet Distribution Calibre, 27, rue Bourgon, Paris, 158 pages, 16 euros. Le complot de l ordre noir reprend en partie les thèmes déjà abordés par Philippe Pivion dans La mort est sans scrupule, qui s attachait à l extrême droite française. Plus resserré dans la période choisie (l année 1934, en France), ce nouveau roman associe de façon fort réussie les matériaux historiques à la texture romanesque. Il remet en question, courageusement, la thèse de la cécité des milieux politiques français face au danger nazi, montrant qu il s agit d une politique délibérée. C est un des mérites de ce roman que de présenter la lutte solitaire et héroïque de Louis Barthou, académicien et ministre des Affaires étrangères, dont la dernière ambition est de mettre hors d état de nuire ce qui lui apparaît Le dernier combat de Louis Barthou comme la menace majeure pour la civilisation. Il y a de la grandeur dans ces combats disproportionnés, menés grâce à l intelligence, au talent, à l acharnement. Philippe Pivion donne le portrait fin et contrasté d un homme aimant la vie et ses plaisirs, que ses convictions font passer en quelques mois du statut d homme politique à celui d homme d État. Le point de départ est la tentative de Barthou de changer la politique française à l endroit de l Allemagne. Ce qui va lui coûter la vie. Se rendant compte de l extrême brutalité du régime nazi et du danger militaire qu il représente, il veut contrer sa montée en puissance. Barthou est donc conduit à procéder à des réajustements, vis-à-vis notamment de Appel pour les Lettres françaises Je soutiens l association les Amis des Lettres françaises Je verse : Nom : Prénom : Adresse : Tél. : courriel : Chèque à libeller à l ordre de l association Les Amis des Lettres françaises et à envoyer aux Lettres françaises 164, rue Ambroise-Croizat, Saint-Denis Cedex l URSS et de l Angleterre. Homme de droite, il n a guère de sympathie pour les communistes qu il a, sans états d âme, envoyés en prison quand il était ministre de la Justice, mais il juge que l alliance soviétique est désormais indispensable. Par ailleurs, connaissant le poids déterminant de l Angleterre, il veut lui faire abandonner sa politique d apaisement à l égard de l Allemagne, qui vise à pousser Hitler contre l URSS tout en espérant rester hégémonique. C est donc en montrant que c est un leurre que Barthou espère infléchir la politique britannique. Finalement, le vrai problème, le seul qu il ne mesurera pas correctement, réside dans la puissance de certains milieux français liés à l extrême droite, ellemême connectée aux nazis. Quelques noms en sont le symbole : Pétain et Weygand, Laval qui attend son heure, avec en arrière-fond Deloncle et sa Cagoule, Chiappe, préfet de police jusqu en février 1934, et la pègre qui fournit les hommes de main. Le lecteur sait que Hitler a gagné contre Barthou, mais il est pris par les rebondissements d une intrigue qui se déroule dans l enchevêtrement de divers milieux : le Quai d Orsay en partie gangrené par les factieux, la pègre corse et marseillaise et ses trafics, les activistes nazis qui ont fait leur nid en France, la police plus ou moins habile à démêler toutes ces affaires. Le secrétaire de Barthou constitue un élément essentiel du roman : par sa liaison avec une belle de nuit protégée par le truand Carbone, il se trouve au centre de ces sombres intrigues, sans pour autant bien les mesurer. Mais, ayant été à Berlin en relations amicales avec des membres du KPD, il a une fine connaissance du régime nazi dans ses débuts sanglants et sa dévotion à Barthou est à la mesure de ce qu il a vu. On retrouve aussi Charles Lesquineur, personnage principal de La mort est sans scrupule, cette fois impliqué dans l assassinat de Barthou. Contrairement à certains romans noirs qui croient avoir besoin d éléments sensationnels, le Complot de l ordre noir n utilise que des matériaux vérifiés. Sa réussite tient à la qualité de leur assemblage. En même temps, et c est un aspect important du roman, il montre que «le choix de la défaite» de 1940 était considéré par la droite française, extrême ou pas, comme nécessaire à une remise en ordre de la société française menacée par le communisme. La mort d un des siens, en l occurrence Barthou, ne pesant rien ou presque dans cette affaire. François Eychart Le Complot de l ordre noir, de Philippe Pivion, Le Cherche-Midi éditeur, 446 pages, 19,50 euros. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). VI

7 SAVOIRS Derrida Marx : une stratégie du contretemps Politique et amitié. Entretiens avec Michael Sprinkler sur Marx et Althusser, de Jacques Derrida. Éditions Galilée, 126 pages, 23 euros. Pour de nombreux lecteurs de Derrida, la publication, à l automne 1993, de Spectres de Marx, a constitué un événement. Au lendemain de l effondrement de l Union soviétique, au milieu du fracas des déclarations triomphales sur la «fin des idéologies», quand l heure n était pas, purement et simplement, à la proclamation de la Fin de l histoire, pour reprendre le titre du livre à la mode publié par Francis Fukuyama, Derrida s engageait dans une magistrale relecture de Marx, dont c est peu dire qu elle était attendue. Télescopant l évocation, au seuil du Manifeste du Parti communiste, du «spectre du communisme» avec l apparition du fantôme du roi du Danemark, au début de Hamlet, Derrida partait sur la piste de tous les esprits, spectres et autres revenants qui hantent les textes de Marx, grand lecteur de Shakespeare, acharné à exorciser ces chimères sans substance en même temps qu il était le premier à leur offrir l hospitalité dans ses propres analyses. Sous la plume de Derrida, le mot «spectre» devenait une arme contre tous ceux qui répétaient «Marx est mort», sans s apercevoir que le propre des morts est de revenir intempestivement, à contretemps, comme le faisait l auteur du Capital dans le travail de Derrida lui-même. Non qu il ait été réellement absent de ses premiers textes, comme si l auteur de la Grammatologie avait subitement (et somme toute assez tard) découvert le continent Marx, comme si Spectres de Marx représentait dans son œuvre, comme certains critiques l avancèrent alors, une rupture, une sorte de «tournant» qui l aurait conduit (entendez: «enfin!») à formuler des questions politiques. S il est incontestable que les réflexions sur la souveraineté, la responsabilité et la «démocratie à venir» occupent une place majeure dans les recherches menées par Derrida à partir des années 1990, il suffit de le lire attentivement pour s apercevoir que les préoccupations politiques (et même les références à Marx) l ont toujours accompagné. Politique et amitié en apporte, si besoin était, une confirmation dénuée d ambiguïté, ainsi que d éclairantes précisions sur le débat tortueux de Derrida avec le marxisme. Avant de diriger un substantiel volume collectif consacré à Spectres de Marx c est aux auteurs de ces textes que Derrida a répondu dans Marx & Sons, Michael Sprinkler avait, dès la fin des années 1980, pris l initiative de ce long entretien, dont une version anglaise sera publiée en On sait gré à Pierre Alféri d avoir établi une édition française de ce texte qui se lit d abord comme un témoignage personnel et comme un document d histoire intellectuelle, mais aussi comme un recueil de pensées politiques, tant il est vrai que l amitié n est pas étrangère à la politique, comme Derrida l a admirablement montré dans Politiques de l amitié, publié un an seulement après Spectres de Marx. En réponse aux questions tantôt massives, tantôt ciblées et parfois incisives de son interlocuteur, Derrida décrit ses liens d amitié avec Althusser, dont il fut pendant deux décennies le collègue à l École normale supérieure. De cette relation, le ton paraît donné dès la première rencontre, à l automne 1952, lorsque Derrida, qui vient d être reçu au concours d entrée de la rue d Ulm, fait la connaissance du «caïman» Althusser : contre toute attente, l entretien, au lieu de porter sur les projets philosophiques du jeune normalien, évoque surtout cette Algérie où tous deux sont nés à un peu plus de dix ans d intervalle. Derrida résume : «Pendant que j étais à l École normale, nous avons eu des rapports très amicaux mais qui ne passaient pas par le travail.» Cette curieuse esquive des questions philosophiques caractérise encore l époque où Derrida et Althusser poursuivent chacun leurs recherches sans jamais engager de réelle discussion publique comme Derrida le fit avec Foucault, Lévi-Strauss ou Lacan. Non qu il ait approuvé sans réserve les moindres thèses soutenues par Althusser et ceux de ses élèves qui avaient participé à lire le Capital, bien au contraire : Derrida ne fait pas mystère des réserves que suscitaient chez lui la référence à une certaine idée de la théorie ou de la science, la confiance en l autorité de l épistémologie ou encore la fameuse thèse de la «coupure épistémologique», censée séparer l œuvre de Marx en deux blocs. Il déplore en outre qu Althusser n ait pas vraiment voulu lire Heidegger, alors même qu il était pour l auteur de Pour Marx, selon Derrida, «une grande référence (orale)», si ce n est «le grand penseur inévitable de ce siècle, le grand adversaire mais aussi une sorte d allié essentiel ou de recours virtuel», par exemple dans la critique de l humanisme. Derrida ne cherche pas non plus à dissimuler les doutes que pouvait lui inspirer l activité déployée par Althusser en vue d une réorientation idéologique du Parti communiste, à propos duquel il rappelle qu il n a lui-même jamais appartenu. Pour expliquer finalement son propre «silence tourmenté» sur toutes ces questions, Derrida invoque une préoccupation tenace, pour ne pas dire une hantise. Les pages qui l analysent et la justifient comptent sans aucun doute au nombre des moments les plus fascinants de cet entretien, à l instar de cette affirmation en forme de confession : «À tort ou à raison, cédant à la fois à une conviction politique et sans doute aussi à l intimidation, je me suis toujours abstenu de critiquer le marxisme de front.» Pour comprendre cette précaution stratégique, il faut accompagner Derrida dans sa reconstruction détaillée du climat intellectuel de ces années si riches et complexes. Il n est peut-être pas non plus inutile de se souvenir de la réplique de Hamlet qu il a choisi de placer en exergue de Spectres de Marx, «The time is out of joint», (Le temps est hors de ses gonds), signe d une stratégie du contretemps qui pourrait bien avoir dicté l ensemble du rapport de Derrida à Marx et à quelques-uns de ses meilleurs lecteurs. Jacques-Olivier Bégot Si la religion est l esprit d une époque sans esprit, la religion congédiée ne garantit nullement la présence ou le retour de l esprit. Nous sommes ainsi, aujourd hui, toujours assis au rouet du malheur. Arracher la conscience à cette nuit, lui faire «atteindre le moment de ce tournant» où elle découvre l inanité, voire le péril de sa certitude et l échange contre la vérité de l esprit, délivrer la conscience de sa malédiction spectrale, c est la tâche, on le sait, que Hegel s était fixée dans la Phénoménologie de l Esprit. Mais il ne suffit pas de décider de l affaire pour nous, nous qui savons, se dit Hegel, il faut encore qu aux yeux mêmes de la conscience, cette dernière se révèle comme un «esprit imparfait», qu elle nomme son malheur, le dévisage et se détourne d y séjourner avec complaisance, c est ici que la réflexion de Hegel rencontre la nécessité de situer l art et le beau. «Beauté sans force qui hait l entendement»? «Service divin à la gloire de la vérité»? Moment du passé dépassé? Saluons les Éditions Delga d avoir eu le courage de publier un petit livre de Dominique Pagani qui affronte ce problème, courage disons-nous, car le livre s affiche à l écart du mainstream. Nous ne pouvons, ici, restituer la complète articulation de la réflexion de l auteur issue probablement d un travail beaucoup plus ample. Il s agit, au fond, d instruire avec Hegel le procès du romantisme, moment où la «subjectivité infinie» déchaîne son ambiguïté mortifère, moment qui n est rien d autre que le moment de la conscience moderne, la nôtre : «celle du romantique germano-américain qui domine le monde depuis la défaite de Napoléon» (115). On l a compris, il ne s agit pas ici d un propos académique. Si l auteur interroge la dialectique hégélienne de l art, c est pour y déchiffrer l origine de notre malheur et de Du côté d Hölderlin notre désorientation. Paradoxalement, le livre se présente pour l essentiel classiquement, comme un commentaire de deux chapitres de la Phénoménologie de l Esprit : «Religion esthétique» et «l Esprit vrai». Dans une filiation revendiquée à Jean Hyppolite, il s organise autour de deux formules célèbres : «l opposition éthique suprême» et «le service divin de la vérité». La première caractérise l attitude d Antigone, la seconde introduit à l analyse de «l œuvre d art spirituelle». C est à la première que se rattache le titre du livre Féminité et Communauté chez Hegel, à la seconde se relie le sous-titre Rapport de l esthétique et du politique dans le système. La mise en rapport des deux formules peut surprendre, mais leur lien pourrait être le suivant. On sait que Hegel ramène l action d Antigone à l éternelle ironie «féminine qui frappe la communauté». Or ce qui est en cause dans ce confit de la famille et de l État, ce qui en fait «l opposition éthique suprême», c est que la famille est l autre nom de la société civile, du moment subjectif ou naturel, bref de tout ce qui menace ou interdit l histoire. Et ce péril, l artiste, à son tour, peut le faire courir s il joue Friedrich Hölderlin par Franz Karl Hiemer. la fixation suicidaire sur la subjectivité infinie contre la reconnaissance, contre l entrée dans le «jour spirituel de la présence». Suivons avec l auteur cette dialectique, l art mérite d être déclaré «service divin» lors de sa «phase ascendante», celle qui part du symbolisme et qui aboutit au classicisme. «Ce D. R. mouvement définit une dénaturalisation de la conscience, c est-à-dire sa politisation.» Autrement dit, l art se met au service de la conscience, contribue à son passage à l esprit, avant de cesser d être contemporain de ce mouvement, d être adéquat au concept, et de basculer dans sa «phase descendante» à son «exaspération finale, l ironie subjective» du romantisme. À partir de ce tournant, la raison machine sans lui. Il devient dès lors sa propre dupe. La tragédie, «l œuvre d art spirituelle», le signifie clairement. «L art est cet Œdipe qui exulte lorsque le peuple l acclame pour sa victoire sur l énigme, mais qui ne sait pas encore que ce même peuple exige sa dissolution. Tout se passe dans le dos du héros» (128). C est à ce point que le problème politique est rejoint. En effet, l artiste n est pas obligé de reconnaître le sens qu on veut lui faire avouer (= sa dissolution). Il peut persister dans sa certitude, la subjectivité infinie qu il signifie, il peut refuser de reconnaître la vérité et dès lors elle devient le mal absolu. «Ce déni de la reconnaissance propre au subjectivisme moderne» (134). À un moment, l auteur évoque et reprend à son compte un vœu célèbre de Thomas Mann, celui de «réconcilier Marx et Hölderlin». Audelà du sens que cette formule revêtait pour Thomas Mann, celle de l unité des deux Allemagne, celle des poètes et celle des travailleurs, à comprendre ainsi : Hölderlin, à l opposé de la tricherie et de l imposture romantique, désigne le véritable artiste, celui qui ne se ferme pas à l esprit, celui qui aspire au contraire à la reconnaissance et se voue, à son défaut, aux flammes du sacrifice. Jean-Loup Thébaud Féminité et communauté chez Hegel, de Dominique Pagani. Éditions Delga, 10 euros. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). VII

8 ARTS CHRONIQUE DE GÉRARD-GEORGES LEMAIRE Le naufrage de la Biennale de Venise I. Un peu d histoire C est en 1895 que la Biennale de Venise a été créée. L idée était de proposer une exposition internationale redonnant quelque lustre à la cité des doges dont l art n avait fait que décliner depuis que Bonaparte avait mis un terme définitif à la Sérénissime République. Les deux premiers artistes primés ont été le Suisse Segantini et F. P. Michetti. En 1899, on y a organisé une exposition de Gustav Klimt. Mais on a plutôt mis l accent sur les régions d Italie que sur le rayonnement mondial : le pavillon Pro Arte, réservé aux différentes régions, est édifié dans les jardins. Peu à peu, les nations étrangères construisent leurs pavillons : celui de la Belgique est achevé en 1907, celui de la France est terminé en De nouveaux bâtiments ne vont cesser de voir le jour. D autres pays, comme le Mexique, doivent être abrités dans un palais ou une église. Le conformisme s installe rapidement dans cette institution, mais le palais de Ca Pesaro présente alors une exposition concurrente d artistes vénitiens moins académiques. La guerre terminée, elle se métamorphose : une exposition d Archipenko est présentée en 1920 et, deux ans plus tard, c est le tour de Modigliani. Sous le fascisme, les futuristes ont une salle permanente. En 1938, l État prend définitivement en main l organisation de cette manifestation qui s est ouverte au théâtre et au cinéma. Elle ne renaît qu en Le public peut y voir aussi bien Picasso et Fontana que Giacometti. En 1964, Rauschenberg reçoit le lion d or. En 1980, Harald Szeemann et Bonito Oliva présentent la première édition d «Aperto» dans les Corderies de l Arsenal, manifestation réservée aux jeunes créateurs. La Biennale ne cesse jamais de changer de physionomie et tente d épouser le mieux possible l actualité artistique à l échelle planétaire. D un directeur à l autre, de Maurizio Calvesi à Bice Curiger, responsable de la revue Parkett, la Biennale connaît un lent et inéluctable crépuscule. Sa pérennité est due au lieu qui l abrite : il suffit de feuilleter le beau recueil de photographies de J.-B. Leroux présenté par Pierre Rosenberg pour s en convaincre. Venise, itinérance, de Pierre Rosenberg et Jean-Baptiste Leroux. Imprimerie nationale, 180 pages, 49 euros. II. Le pavillon Italia en berne Si la Biennale fait penser à un transatlantique en train de sombrer, un événement est venu agrandir la voie d eau qui le condamne : la nomination de Vittorio Sgarbi, commissaire du pavillon Italia. Comme nous sommes dans un pays pas comme les autres, le pavillon Italie, reconstruit par le groupe milanais BPPR, abrite désormais l exposition internationale et la sélection italienne s installe où elle peut. Cette fois encore, elle se trouve au fond de l Arsenal. Soit. L idée du commissaire a été de demander à plusieurs centaines de personnalités (dont Umberto Eco, Gillo Dorfles, Giorgio Agamben, Riccardo Muti, Claudio Magris) de choisir chacun un artiste. Ces philosophes, musiciens, metteurs en scène et autres personnalités de la télévision et du monde politique (pour faire bonne mesure) n ont souvent que de vagues notions de l art de notre temps. L ensemble est abominable. Les œuvres sont présentées dans une confusion telle qu on se croirait dans une exposition d amateurs dans une sous-préfecture. Des artistes décédés y figurent (comme Carla Accardi) et le pire fait oublier le meilleur, comme l imposante installation de Kounellis. Tollé général! Sgarbi déclare n être pas responsable de ces choix et avoir refusé le diktat de l establishment artistique. On retrouve cet argument dans le dernier essai de Jean Clair où il dénonce une pseudo-élite qui met en avant ce qu il appelle une «esthétique du stercoraire» selon lui, on serait passé de la table rase des modernes à l abjetus. Mais il ne suffit pas de dénoncer cet abus de pouvoir des musées, des galeries, des grandes maisons de vente aux enchères et des collectionneurs puissants : encore faut-il proposer une alternative, selon d autres critères peut-être. Ce salon de l horreur porte un titre bizarre : L arte non è cosa nostra. Littéralement, on pourrait traduire par «l art n est pas notre affaire». Au second degré, on comprend : «l art n appartient pas à la mafia». Et d ailleurs Sgarbi a imaginé un parcours documentaire où il rappelle l histoire de l organisation criminelle. Qu est-ce que cela vient faire ici? Mystère. Avec ce musée des horreurs, a-t-il voulu discréditer l art contemporain sous prétexte de montrer des méconnus? Il n a fait que disqualifier l art italien aux yeux du monde entier. L Hiver de la culture, de Jean Clair, Flammarion, 144 pages, 12 euros. III. De la déception pure La promenade dans l Arsenal et dans les Giardini n est pas pour autant une partie de plaisir. Quelques pavillons ont retenu mon attention, en premier lieu celui de la Chine, celui de l Argentine, celui d Israël, et surtout celui de la Roumanie où Silva Beju a procédé clandestinement à l enterrement rituel d une de ses œuvres. Impossible de les voir tous, d autant plus que les pays qui n ont pas de pavillons s installent dans des lieux situés dans tous les recoins de la ville lagunaire. On a beaucoup parlé du pavillon d Haïti parce qu il est le plus pauvre. Il faudrait parler de celui du Tibet, qui est une invention pure et très belle. L exposition internationale de cette édition, «Illuminations», est thématique, avec trois Tintoret pour introduire le visiteur. Réalisée avec soin, tout à fait regardable, mais tout à fait dépourvue de points forts et d émotions. Même le film réalisé par l Anglais Christian Marclay récompensé par le lion d or, The Clock, n est divertissant que deux minutes. On sera plus indulgent pour Haroon Mirza, qui a reçu un lion d argent pour sa jeunesse. Ici, rien n est choquant et rien n est exaltant. Restent les grands noms : Jan Fabre à Santa Maria della Misericordia, qui met en scène un plagiat de la Pietà de Michel-Ange avec la mort à la place de la Vierge et lui à la place du Christ mort ; Anish Kapoor, qui a exécuté une ligne de vapeur à grand renfort de technologie dans S. Giorgio ; Anselm Kiefer, à la fondation Vedova, qui s en sort avec une belle marine en fer rouillé. L exposition de Julian Schnabel au musée Correr ne fait que confirmer ce que l on sait, c est-à-dire son incapacité à devenir à un grand artiste. Christian Boltanski, dans le pavillon français, a conçu une œuvre intéressante (des visages d enfants en noir en blanc qui défilent sous nos yeux comme le papier qui passe dans une rotative) qui est contrariée par la mauvaise mise en scène de sa proposition. Cette Biennale est encore pire que la précédente, qui n était déjà pas grand-chose. On attend c est un bruit qui coure le pavillon du Vatican pour 2013 : se produira-t-il un miracle? Christian Boltanski, de Catherine Grenier, Flammarion, 240 pages, 45 euros. Anish Kapoor, de Homi K. Bahbah. Flammarion, 240 pages, 50 euros. Je n ai rien à dire, d Anish Kapoor, RMN, 336 pages, 35 euros. Juan Gris, le cubisme passionné «Juan Gris. Rimes de la forme et de la couleur». Musée Paul-Valéry, Sète, jusqu au 31 octobre Catalogue : Éditions Au fil du temps, 116 pages, 36 euros. L exposition de Gris ( ), exemplaire par son accrochage, offre un parcours complet de cet artiste. Ainsi, les tableaux qui se situent entre les années 1911 et 1918 démontrent magnifiquement que, même si Gris ne fait pas partie des «inventeurs» du cubisme, il est tout sauf un simple suiveur du fameux tandem formé par Braque et Picasso. Certes, comme ces derniers, il entreprend les renversements des plans et les variations des angles de vue et explore le domaine du collage (papier journal, morceaux de miroir). Les diagonales qui traversent les compositions de Gris et qui brisent de façon arbitraire les contours des objets, l attention particulière qu il accorde aux volumes (Verre et journal, 1916) ou son choix étonnant de l unité de source lumineuse font partie d un vocabulaire plastique propre au peintre. En outre, il se distingue de la gamme chromatique cubiste en privilégiant les bleus, les verts et le violet. Mais, avant tout, Gris maintient un équilibre étonnant entre abstraction et figuration en jouant sur la tension entre ces deux registres et pratiquant systématiquement le «tissage», qu il décrit dans sa fameuse conférence à la Sorbonne en 1924 : «La peinture est pour moi un tissu homogène et continu dont les fils dans un sens seraient le côté représentatif ou esthétique, les fils le traversant pour former ce tissu seraient le côté technique, architectural ou abstrait.» Équilibre où, à la différence des efforts cubistes d unifier l ensemble de la toile figure et fond à l aide d une mosaïque formée de fines «tesselles», Gris ne cesse, même dans sa période analytique, de pratiquer les contrastes. Contrastes des couleurs, contrastes des aplats et des reliefs, contrastes entre la fragmentation et le resserrement, contrastes entre surface et profondeur, entre intérieur et extérieur. L œuvre se modifie durant les dernières années de sa vie. Les formes, raffinées, s assouplissent et perdent leurs contours coupants, laissant la place à des lignes plus ondulantes ou à des volumes arrondis. Retour à l ordre, selon l expression de Cocteau qui a fait fortune? Sans doute. Mais pas plus que chez Braque, son ami proche ou encore Picasso. Itzhak Goldberg Charles Estienne, chantre de l abstraction lyrique «L aventure de l art abstrait». Musée des Beaux-Arts de Brest, jusqu au 7 novembre Catalogue : 183 pages, 25 euros. Le nom de Charles Estienne ( ) est aujourd hui presque oublié. Ce fut pourtant un des principaux critiques d art de l aprèsguerre et le mentor de l abstraction lyrique, appelée Seconde École de Paris. À travers ses critiques dans Combat, France Observateur et parfois dans les Lettres françaises, il n a eu de cesse, à partir de 1946, de faire connaître avec une grande ouverture d esprit des jeunes artistes qui avaient pour noms Bazaine, Manessier, Deyrolle, Soulages, de Staël, Poliakoff, avec lesquels il entretenait des relations d amitié, à une époque où le marché de l art était encore balbutiant et où l abstraction ne s exposait que dans les Salons (Salon de mai, Salon des réalités nouvelles) et dans de rares galeries d avant-garde. Critique autodidacte, peu porté vers la théorie, en marge des institutions, il a défendu avec chaleur et lyrisme les peintres chez lesquels il reconnaissait une démarche originale et authentique. S il s est parfois égaré, emporté par ses humeurs et son affectivité, s il a méconnu la peinture américaine et sous-estimé le mouvement Cobra, il n en demeure pas moins qu il a su repérer et apprécier tous les artistes importants de l École de Paris. Après avoir cherché à créer son propre Salon Octobre en 1952, et avoir lancé le mouvement «tachiste» l année suivante, une tentative de synthèse entre surréalisme et abstraction lyrique, il s est peu à peu retiré de la vie artistique parisienne, préférant séjourner à Argenton, dans sa Bretagne natale, entouré d amis peintres, et consacrer son temps à la poésie et à la chanson. La conservatrice, Françoise Daniel, a conçu une exposition en forme d hommage qui correspond parfaitement à l esprit de l époque et du critique : un accrochage serré, comme dans les Salons et les galeries des années cinquante et un choix éclectique d œuvres où les artistes célèbres côtoient les méconnus et où les surréalistes tardifs dialoguent avec les abstraits lyriques et gestuels. On remarquera surtout des peintures insolites de Toyen, les premières œuvres surréalistes d Hantai ou un superbe tableau de Manessier. La présentation, contrainte à un espace réduit, se prolonge malicieusement par des toiles abstraites insérées au milieu des collections permanentes du XIX e siècle. Yves Kobry D. R. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). VIII

9 ARTS / CINÉMA CHRONIQUE PHOTOGRAPHIQUE DE FRANCK DELORIEUX Brancusi : photographie critique Brancusi, images sans fin. Film. Photographie. Éditions Centre Pompidou, Le Point du jour, 234 pages, 39 euros. En mars 1957, Man Ray jette un œillet blanc dans la fosse du cimetière Montparnasse qui contient le cercueil de Brancusi. Le sculpteur roumain était arrivé à Paris en 1904 et, au tout début des années 1920, il avait fréquenté le groupe dada puis les surréalistes, s était lié à Tzara et surtout à Duchamp. Si Brancusi avait déjà pratiqué la photographie pour conserver des traces de ses travaux lorsqu il fit la connaissance de Man Ray, cette rencontre fut néanmoins déterminante. Brancusi n est pas satisfait des photographies prises de ses œuvres. Il a une pensée nette, précise, rigoureuse de la manière dont on doit voir sa sculpture. C est d ailleurs dans cette optique qu il léguera son atelier à l État, aujourd hui reconstitué sur le parvis du Centre Pompidou : chaque sculpture Coq, l Oiseau dans l espace, Colonne sans fin, bustes y est installée afin d établir entre eux des rapports de volume, de lignes, rappel d un temple qu il devait construire en Inde, rêve d une œuvre totale dont la photographie, peut-être, involontairement, participe. Brancusi organisait lui-même les visites de son atelier, prenant un soin minutieux à mettre en scène le dévoilement de ses œuvres. Dans son Autoportrait, Man Ray raconte sa première rencontre avec le sculpteur : il souhaitait faire la connaissance d un homme dont il appréciait l œuvre et espérait faire son portrait. Mais Brancusi refuse : «Ce qui l intéressait, ce serait de bonnes photographies de ses œuvres ; jusqu à présent les quelques reproductions qu il avait vues l avaient déçu. Il me montra alors une photo que lui avait envoyée Stieglitz, prise lors de son exposition new-yorkaise. C était une sculpture de marbre, parfaite sur le plan de la lumière autant que celui de la matière. La photo, dit-il, était belle, mais elle ne représentait pas son œuvre. Lui seul saurait la photographier. Pourrais-je l aider à se procurer le matériel nécessaire et lui donner quelques conseils? Avec plaisir, répondis-je. Et le lendemain nous fîmes l achat d un appareil et d un pied. Je suggérai qu une maison de travaux photographiques fasse les tirages. Mais Brancusi voulait faire cela aussi. Il construisit donc une chambre obscure dans un coin de son atelier, tout seul, comme il faisait tout chez lui, allant jusqu à déplacer les lourdes statues avec des leviers et des poulies. Les murs extérieurs de la chambre obscure furent naturellement passés à la chaux : ainsi confondue avec le reste, elle devint invisible.» Pour Man Ray, le résultat fut décevant : «Quelque temps après, il me montra ses photos. Elles étaient floues, sur ou sous-exposées, rayées et tachées. Voilà, dit-il, comme il fallait reproduire ses œuvres. Il avait peut-être raison : un de ses oiseaux dorés avait été pris sous un rayon de soleil, de sorte qu il irradiait comme s il avait une auréole, ce qui donnait à cette œuvre un caractère explosif.» Man Ray soupçonne Brancusi d avoir volontairement minimisé la technique photographique pour que, seule, la sculpture soit magnifiée. Mais, aujourd hui, l œil s est habitué au flou, à la surexposition, à la sous-exposition, aux rayures, aux taches bien souvent devenues des éléments esthétiques Dans le catalogue de l exposition, Quentin Bajac écrit : «Rétrospectivement, la production photographique de Brancusi peut nous apparaître en phase avec certains travaux de son époque. Elle a en commun avec les vortographes d Alvin Langdon Coburn, les recherches de Moholy-Nagy ou celles de la Nouvelle Vision de mettre à mal les règles canoniques du bien photographier et d ériger la figure de l amateur en nouveau modèle. On peut, à ce titre, s étonner de la voir susciter tant d incompréhension chez ses contemporains d avant-garde.» Le temps passe, le jugement de Man Ray paraît d une absurde sévérité tant la force de ces images, leurs qualités plastiques apparaissent évidentes. Une question est toujours posée : s agit-il de documents ou d œuvres d art? Je ne tenterai pas de trancher, cette question m importe peu : je regarde, je m enthousiasme, j admire. Comme l écrit encore Quentin Bajac, «John Coplans, insistant sur l aspect documentaire souvent accolé à cette production, suggère que si ces clichés documentent quelque chose, ce n est pas tant les œuvres elles-mêmes que la vision que Brancusi en avait. La photographie accomplit, souligne ou révèle les potentialités plastiques des sculptures, et ce faisant éclaire les conceptions esthétiques de Brancusi». Les photographies de Brancusi sont de plusieurs types : portraits de visiteurs et amis (Man Ray, bien sûr, mais aussi Pound, Tzara, Duchamp ), autoportraits, Florence Meyer posant et dansant dans l atelier, vues de l atelier, vues de sculptures en extérieur, les œuvres, mais aussi quelques paysages, quelques expérimentations sur la matière. Pour Brancusi, l image était plus importante que la parole. Il ne voyait pas l intérêt d un discours critique sur sa sculpture : «Pourquoi écrire sur mes sculptures, disait-il? Pourquoi ne pas tout simplement montrer leurs photos?» De la photographie comme discours et qui plus est, comme discours critique. Lorsque Brancusi photographie ses œuvres, les cadrages sont souvent serrés. La sculpture occupe toute l image. Les éclairages produisent éclats et reflets sur les bronzes ou des jeux d ombres qui, comme la disposition des sculptures dans l atelier, créent un rythme, des correspondances les ombres sont d ailleurs si importantes que, au moins à deux reprises, il ne photographie qu elles. Plus encore que le cadrage qui donne une structure stable, architecturale, c est la lumière qui détermine la perception, et donc la compréhension de l œuvre. La lumière caresse, embrasse la sculpture et capte sensuellement notre regard. Parfois, la lumière fragmente l œuvre, comme c est le cas dans les photographies de M elle Pogany II de 1920 ou dans les deux l Oiseau dans l espace de Loin de perturber le regard, cette «fragmentation» le relance et force à penser. N avons-nous pas ici une photographie qui est, à l instar du dessin selon Léonard, une cosa mentale? «Voir est une chose, disait Brancusi, y aller est une autre.» Les Lettres françaises et les Éditions Le Temps des Cerises publieront Une saison en enfer d Arthur Rimbaud avec une préface inédite de Louis Aragon et une post-face d Olivier Barbarant. Vous pourrez trouver cet ouvrage au village du livre de la Fête de l Humanité, au stand des Lettres françaises et lors d un débat organisé le samedi 17 septembre à 14 heures. La restauration de Deep End film de Jerzy Skolimowski tourné en 1970 a permis, depuis cet été, sa diffusion sur grand écran pour un public relativement large après quasiment quatre décennies d occultation. Il ne restait plus, pour maintenir le souvenir de cette référence importante du cinéma, que des copies dégradées et peu souvent projetées, des évocations par ses spectateurs de l époque ou des entrées dans la filmographie du réalisateur. Cette possibilité d accéder à nouveau à une œuvre qui a manifestement marqué est partout saluée. Elle s accompagne cependant d une réception assez convenue qui oscille entre l analyse d une certaine virtuosité technique un peu vaine et la nostalgie réductrice alimentée par le thème éminemment porteur des émois adolescents. Le film est articulé autour de la relation qui se noue entre Susan, jeune femme dans la vingtaine qui travaille dans un établissement londonien de bains publics, et Mike, adolescent sorti précocement du système scolaire et nouvel employé dans Une réception biaisée ce même établissement. Tombant amoureux, Mike, dans sa quête narcissique et maladroite pour saisir l attention de Susan, finira par ajouter l élément fatal aux nombreuses injonctions qui traversent la jeune femme. L action se déroule dans un Londres hivernal et enneigé, dans les quartiers pas franchement cossus de l East End et en décalage avec la bohème exubérante à laquelle certains résument l effervescence des années Dans le cadre de cet environnement terne, Skolimowski construit des tableaux où sa maîtrise de l image couleur va d autant plus mettre en relief les éléments de son propos. À de nombreuses reprises, il peint ainsi des scènes où les choses et les gens se fondent les uns dans les autres. Le premier plan s ouvre sur une goutte de sang du jeune garçon qui s est entaillé le doigt. Cette goutte semble irriguer et animer les rouages de sa bicyclette écarlate, tandis que cette séquence se clôt sur son reflet dans la sonnette, donnant l impression qu il est le prisonnier de sa machine. Plus tard, c est la caissière de l établissement de bains publics qui, par la superposition ton sur ton de son vêtement et des murs qui l encadrent, semble ne faire plus qu un avec son espace de travail. De façon générale, l écho donné au film à l occasion de sa restauration semble faire de Mike le protagoniste principal à partir duquel se déploient tous les enjeux, aussi bien narratifs qu esthétiques. Il s agit cependant d une vision biaisée qui laisse de côté des aspects importants à commencer par le personnage de Susan ou bien rabat de façon univoque des pans entiers du film sur une dimension privilégiée. Par exemple, les épisodes fétichistes dans lesquels se trouve impliqué Mike ne sont vus que sous l angle de l initiation sexuelle d un adolescent naïf et jamais sous celui d un contexte partagé qui s exprime dans une grande variété de rôles : ce sont les clients des bains publics, bien sûr, mais aussi le fiancé autoritaire et possessif de Susan, son amant, professeur qui abuse de son ascendant sur de jeunes collégiennes et jusqu au patron qui se fait le parangon de la soumission au travail. Dans ce faisceau croisé, c est Susan qui finit par construire la conscience la plus claire en exprimant crûment ce qui constitue le vrai pouvoir d attraction du professeur sur ses élèves : le fantasme ne fonctionne que parce qu elles ne connaissent rien d autre. Lorsque Susan finit par céder à Mike, c est par espoir d échapper à tous ses rôles dans un rapport sans faux-semblant. Cela se révèle illusoire car celui-ci reste captif et isolé dans son désir stéréotypé de relation romantique. Il ne s agit pas de renvoyer le personnage de Mike à des dimensions uniquement négatives, mais de rééquilibrer le regard porté sur l ensemble du film, et notamment ne pas s en remettre à l identification avec laquelle d anciens adolescents nostalgiques alimentent l imaginaire collectif. Il faut espérer qu avec sa nouvelle diffusion, un public élargi saura s approprier l œuvre selon des modes plus diversifiés. Éric Arrivé Deep End, de Jerzy Skolimowski, 1970, 95 minutes, en couleurs. L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). IX

10 CINÉMA Cinéma guérilla I Pour passer le temps, à Baltimore (Maryland, États-Unis), il y a le paintball, le skate, le heavy metal et les promenades en forêt. On risque parfois de tomber sur un braqueur en fuite, mais pas de quoi effrayer des adolescentes en quête d un peu d animation. Car on s ennuie ferme à Baltimore. Même les petits délinquants ont l horizon bouché, dealers exceptés : rien à voler ici, où règnent chômage et précarité. Ici, ce n est pas vraiment Baltimore, mais un de ses quartiers périphériques, Putty Hill. Et c est le titre du film de Matt Porterfield. Une des belles surprises de la rentrée (film sélectionné dans une dizaine de festivals, de Berlin à Buenos Aires). Matt Porterfield nous parle d une Amérique que l on voit peu. Pas celle des flics de choc, des docteurs chics, des start-up ou des Sofitel mais celle qui porte sa peine dans l ombre des highways et des préfab. L Amérique d une jeunesse sans avenir ni passé, sans famille (ou si peu) ni passions, fataliste et lascive, épaules qui tombent et rangers qui traînent, à l image de Jenny, adolescente aux allures de Lolita grunge, le regard perdu sous ses longs cheveux. Elle paraît plus marquée par la vie que sa grand-mère, alerte, droite, élégante, qui réussit l exploit de lui arracher un sourire. Jenny (Sky Ferreira, présence électrique) ne vit pas à Baltimore. Elle est venue pour l enterrement de son cousin, Cory, mort à vingt-quatre ans d une overdose. Ce n est pas la pire épreuve de son séjour, elle ne connaissait pas vraiment Cory, et se demande si on est obligé de pleurer à un enterrement Le problème, c est Spike, son père, ancien prisonnier qui gagne sa vie en tatouant les gros bras du quartier, avec alcool et drogue à volonté dans le salon. Si Jenny s impose comme le personnage le plus captivant du film, elle complète une galerie très riche où chacun livre son Venue au cinéma par le montage, Claire Simon commence par réaliser des courts métrages avant de se tourner, à la suite de son passage aux Ateliers Varan, vers le documentaire. Qu elle pose son regard sur des enfants de maternelle dans une cour de récréation (Récréations), qu elle s intéresse au patron d une petite entreprise de plats cuisinés en difficulté (Coûte que coûte), qu elle observe le flirt de sa fille avec un apprenti boulanger (800 km de différence), ou qu elle écoute la vie banale et singulière d une amie (Mimi), ce sont toujours des situations de fiction que la documentariste cherche à débusquer au cœur du quotidien et derrière les histoires vécues par les personnes qu elle filme. Et quand elle aborde le long métrage de fiction, elle en a réalisé quatre à ce jour (Sinon, oui, Ça c est vraiment toi, Ça brûle, les Bureaux de Dieu), c est encore la ligne de partage entre la vie réelle et la vie romancée que Claire Simon continue à questionner et à brouiller comme si, entre approche fictionnelle du documentaire et approche documentaire de la fiction, la même croyance animait son geste cinématographique : de la réalité la plus ordinaire peuvent naître les plus belles histoires et les plus beaux personnages de cinéma. La parution, en avril 2011, d un DVD regroupant ses premiers films dans la collection «Documentaire sur grand écran» a été l occasion d une rencontre avec la cinéaste. Comment articulez-vous dans votre travail la part de fiction et la part de documentaire? Claire Simon. Le documentaire et la fiction représentent deux mouvements inverses du cinéma. Quand je fais de la fiction, je veux que l histoire soit incarnée et, lorsque je filme un documentaire, je cherche en permanence l histoire. Je cherche quelque chose qui me donne l impression d être suffisamment brutal pour me permettre d y croire. C est âme, le temps d un regard, d une confidence, d un silence. Le film se déroule la veille de l enterrement. Tous se retrouveront le jour de la cérémonie, dans un bar : magnifique scène finale de célébration d un disparu, inédite, dérangeante, touchante. Réalisé avec peu de moyens le tournage a duré douze jours, Putty Hill se situe entre la fiction et le documentaire. Le producteur, Jordan Mintzer, parle, à juste titre, de «cinéma guérilla». La plupart des séquences sont filmées sous forme d entretiens entre le réalisateur (que l on ne voit pas) et les acteurs. Si la trame de départ est fictive (la mort de Cory), beaucoup d éléments ne le sont pas, notamment dans les réponses des comédiens, habitants de Baltimore pour la plupart. Mais l ensemble est d une telle densité et d une telle spontanéité que l on n a ni le temps ni l envie de se poser ce genre de question. Dans cet univers gris où chaque vie est guettée très tôt par la fêlure, une force apparaît, à travers gestes ou confessions : l affection du jeune frère de Cory pour sa mère ; la solidarité des skaters ; la complicité des groupes de filles Amitié, tendresse, fraternité : cette force prend divers aspects, retenus, pudiques, qui tissent un lien vital auquel chacun se raccroche. II Son cinéma guérilla, Sylvain Estibal a choisi de le réaliser en Israël-Palestine, avec une arme inattendue, l humour. Au large de Gaza, Jafaar fait une pêche miraculeuse qui va se révéler démoniaque : un cochon! Pour les autorités juives et musulmanes de la région, cet animal est un interdit radical. Pas toucher! Pas manger! Jafaar va devoir cohabiter avec ce dodu Satan Ainsi commence le Cochon de Gaza. Et pendant plus d une heure et demie, les gags vont s enchaîner : on y voit des posters de truie sexy, un cochon déguisé en mouton, une pharmacienne voilée Un film doit être une expérience Conversation avec Claire Simon. pourquoi je préfère le mot de brutalité à celui de réalisme. Il exprime pour moi la surprise de voir s incarner ce qui n a pas été imaginé. Je me moque de mettre en place une narration savante qui fonctionnerait comme du papier à musique et serait l expression de ma propre projection, je trouve cela ringard. Je me bats contre l intentionnalité de la fiction, que ce soit pour les films de fiction ou pour les documentaires : elle représente pour moi une démarche infantile et infantilisante. Mon travail s enracine dans des lieux porteurs de fiction. Un lieu est comme un roman : il a été choisi par des hommes pour y vivre et j essaie de faire émaner réellement les diverses histoires qu il contient, je lui fais confiance comme au meilleur scénariste possible. Dans Mimi par exemple, je cherche à faire advenir volontairement les souvenirs de Mimi à l écran en la mettant à l épreuve de la ville de Nice où elle a vécu. Il s agit d une position classique de documentariste, qui permet de circonscrire l objet d un film et d éviter de se perdre. Wiseman ou Depardon se fixent également sur des lieux. Tout comme certains romanciers : Gracq mais aussi Perec qui a écrit la Vie mode d emploi à partir d un lieu qui n existe pas, comme si la fiction pouvait naître du béton, des escaliers, qui relient les choses et les êtres entre eux. Il s agit d une idée assez simple mais qui prend aujourd hui toute sa force face à la dématérialisation d Internet et à la nomadisation de nos vies. Bien que vous partiez de lieux génériques, l entreprise, la cour de récréation, le Planning familial, c est avant tout leur singularité qui semble vous intéresser. Claire Simon. En effet, ce qui me décide à faire un film, ce sont les personnes qui les hantent : le patron de l entreprise et ses employés pour Coûte que coûte par exemple. En français, on dit qu un événement a eu lieu, c est-à-dire qu il s est incarné. J ai pris cette expression au pied de la lettre. Mes films disent que quelque chose a eu lieu, ils projettent à l écran ce qui a été, du disparu. À la fin de mon premier documentaire, les Patients, j avais inscrit à l écran : «Nous ne sommes que les moissonneurs de dernière minute.» Un cinéaste dérobe des instants à la mort, il montre quelque chose d extrêmement réel, mais aussi, déjà, la mort, la solitude et le souvenir, comme dans un tableau de Hopper. Comment intégrez-vous cette réflexion dans votre dispositif de mise en scène? Claire Simon. Je change de méthode à chaque film. Certains cinéastes font tout le temps le même film et tentent de l améliorer à chaque fois, avancent en repartant du même endroit pour suivre leur obsession, je ne pense pas que ce soit mon cas. L une des questions qui vend du Viagra, un soldat israélien qui débat d un téléfilm à l eau de rose avec une Palestinienne, etc. Le pari fou de faire du burlesque avec ce conflit est parfaitement tenu. Les gags, très réussis, ne sont pas gratuits, ils soulignent des réalités vécues par chaque partie : misère des Palestiniens, paranoïa des Israéliens, détournement de la religion et dérives militaro-policières chez les plus fanatiques des deux camps. Seule la scène finale, décrivant un monde idéal d amour et de fraternité, pèche par excès de naïveté. Espérons que Palestiniens et Israéliens pourront voir ce film, et profiter ainsi d une salutaire parenthèse de détente. III Raul Ruiz, décédé le 19 août, aimait souligner l importance, pour bien vivre et bien filmer, de l ombre et de l ennui. Outils de résistance à une époque et à un cinéma trop clinquants, trop pressés. «Le cinéma, cet art de la lumière, existe. Mais, s il existe, c est seulement grâce à l ombre qui lui sert de support poétique. C est l ombre, ou plutôt l obscurité, qui permet de bâtir, un peu à la manière d un puzzle, un édifice, palais mental ou labyrinthe, dans lequel vit un fauve, notre double animal, une felgya disaient les anciens Vikings, et ce fauve nous regarde, nous guette, et s apprête à nous dévorer.» (Discours donné à l ENS de Lyon, le 18 novembre 2005.) «Les films qui m intéressent provoquent parfois une sorte d ennui. Disons qu ils possèdent une haute qualité d ennui. Ceux d entre vous qui ont vu des films de Snow, Ozu ou Tarkovski savent de quoi je parle.» (Poétique du cinéma 1. Éditions Dis voir.) Luc Chatel que je me pose en faisant des films, c est de savoir ce qu est un événement. Comment peuton expliquer le surgissement quelque part de quelque chose et en rendre compte sous la forme d un film? Les événements récents en Tunisie constituent un exemple saisissant. Au moment même où ils se déroulaient, peu de gens pouvaient avoir une vision claire de leur ampleur : des gens se retrouvaient dans des cages d escaliers, des caves, dans des manifs Il était très difficile d avoir une image globale. Face à cette difficulté, sur quoi un cinéaste peut-il s appuyer pour raconter ce qui est très compliqué à raconter? Le lieu constitue une réponse. Qui a l avantage d être complexe. Vos films s intéressent principalement à des femmes. Claire Simon. Il y aura probablement plus d hommes dans mes prochains projets, mais j ai en effet l impression de faire partie d un groupe de personnes pour lequel l égalité reste à construire. Cette question me hante et il m a semblé important, pour exprimer ce sentiment de révolte, de ne plus laisser les seuls hommes parler des femmes. Lorsqu elles sont filmées par des hommes, les femmes sont toujours des objets de désir potentiel. À travers mes films, je voulais montrer des personnages de femmes, parfois très différentes de moi, mais vues par une femme. Lorsque vous avez un vécu d oppression et d inégalités, construire une image de soi plus libre, plus complexe, qui ne se réduise pas à votre sexe ou encore à votre couleur de peau, est primordial. Si je projette quelque chose de moi dans les femmes que je filme, c est avant tout ce désir de liberté. Entretien réalisé par José Moure, Gaël Pasquier et Claude Schopp Du super-huit à la vidéo. Les premiers films de Claire Simon, DVD, «Documentaire sur grand écran», Les Collections particulières, avril L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). X D. R.

11 MUSIQUES Franz Liszt, novateur, passeur, mystique Il y a pléthore de Liszt, du moderniste à l ascète ; il ne s agit pas de choisir mais de sélectionner en s appuyant sur deux livres récents célébrant le bicentenaire de la naissance du maître. Ceux de Jean-Yves Clément et d Alain Galliari. Où il est question du virtuose du piano, à l aune du violon de Niccolo Paganini, improvisateur puis compositeur. Élève de Carl Czerny, luimême de Beethoven ainsi que d Antonio Salieri. C est l époque de la passion pour Marie d Agoult. Pour des motifs juridiques, les deux amants s exilent à Genève, puis en Italie. C est le temps des Deux Sonnets de Pétrarque, de la Campanella, d Années de pèlerinage, des Harmonies poétiques et religieuses. F. Liszt était un franciscain accompli (le livre d A. Galliari est axé sur Liszt religieux), il terminera dans les ordres. En 1830, il rencontre Berlioz, transcrit pour piano la Symphonie fantastique ; c est son côté «passeur». Grâce à lui, 200 transcriptions révéleront 80 compositeurs (les Symphonies de Beethoven ; des œuvres pour orgue de J.-S. Bach). J.-Y. Clément note «Chopin était dans son piano, Liszt hors de son piano». Il donnera de multiples concerts, limités cependant, car forcément élitistes, fussent-ils souvent «humanitaires». Il n y a pas encore de «classes moyennes du piano» ; d où la circulation de ses transcriptions, sans oublier les paraphrases d opéras «Verdi, Wagner, etc.». WEIMAR ET WAGNER La rencontre avec Wagner se produira après que Liszt fut nommé maître de chapelle à Weimar. Son activité se partage entre composition, direction d orchestre et enseignement. R. Wagner ayant fui la révolution de 1848 à Dresde où les autorités l ont condamné, F. Liszt dirige ou crée plusieurs de ses opéras tout comme Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, l un de ses principaux défenseurs, reconnaissant peut-être en lui un discours relativement modéré. C est l époque où il rencontre la princesse Caroline de Sayn-Wittgenstein, son second grand amour, juridiquement dans l impossibilité de l épouser. Mais F. Liszt a été d une grande infidélité à ses passions. A. Galliari s attarde sur Agnès Street, une longue liaison et on rappellera Lola Montes (cf. le grand film de Max Ophüls). Cela ne l empêche pas de dédier son Cantique d amour à la princesse. Le sens de la musique de F. Liszt est bien délicat à circonscrire tant il s est éparpillé. Le «pianiste-roi» annonce, après Chopin, d autres futurs héros du clavier comme M. Ravel, C. Debussy, Ferruccio Busoni, des musiciens de l école russe dont Alexandre Scriabine, voire B. Bartok, György Ligeti. En 1853, il compose la Sonate en si mineur, pièce maîtresse où «la compacité l emporte sur l élégiaque». Il est également symphoniste : Faust et Dante Symphonies, et inaugure la notion de poème symphonique ; une forme appelée à une grande fortune et dont les Préludes constituent un coup d éclat, souvent programmé. Viennent les deux Concertos pour piano. Il s intéressera également de près à la musique populaire ; auteur du livre la Musique et les Hommes ainsi que d un Chopin. Citons en musique les nombreuses et célèbres Rhapsodies hongroises. L HOMME RELIGIEUX Religieux dès sa jeunesse sous l influence de son père, il est consacré dans la dernière partie de sa vie (il meurt en 1886). Après avoir été la vedette d une véritable «Lisztomania», ayant parcouru toute l Europe, quitté Weimar ; il séjourne à Rome, à la villa d Este, qui l inspire. Il désavoue le mariage de sa fille Cosima (troisième de ses enfants avec Marie d Agoult) avec R. Wagner, un rien «mufle» à son égard. Ce qui ne l empêche pas de composer l inoubliable Lugubre gondole, Venise étant le dernier séjour du «grand» Richard. Ordonné «prêtre dans les ordres mineurs», espérant en vain obtenir une responsabilité dans l organisation de la musique «sacrée» au Vatican, il devient un important compositeur de musique sacrée, particulièrement méconnu. En cela fidèle aux crises mystiques de sa jeunesse, lui qui a connu Félicité de Lamennais. Il écrit surtout Via Crucis (14 stations du Christ), des psaumes et encore plus Christus qui valent bien certaines pages de J.-S. Bach. Nous ne sommes plus au temps des Années de pèlerinage mais au temps du recueillement et de la recherche. La Bagatelle sans tonalité annonçait-elle une transmutation des règles? Ceux qui l ont magnifiquement interprété l ont dit ou le diront : les V. Horowitz, Cl. Arrau, L. Berman, Fr. Clidat, W. Kempff, D. Barenboïm, G. Cziffra, V. Perlemuter, etc. Claude Glayman Franz Liszt ou l espérance du bon larron, d Alain Galliari, Éditions Fayard, 298 pages. Franz Liszt, de Jean-Yves Clément, Actes Sud-Classica 210, pages. F. Liszt et Marie d Agoult. Correspondance. Éditions Fayard, pages Barney Wilen, blue Melody, par Yves Buin. Le Castor astral, avril 2011, 126 pages, 12 euros. Barney Wilen naît en 1937 à Nice d une mère française et d un père juif américain. En 1940, la famille quitte la France pour les États-Unis où elle restera six ans. «La terre d enfance de Barney sera donc l Amérique au son de la langue et de la radio qui débite à longueur de journée chansons populaires, standards et rythmes jazzés», résume Yves Buin, qui a consacré une biographie au saxophoniste, intitulée Barney Wilen, blue melody. Est-ce cette familiarité avec le terreau du jazz, cette proximité naturelle, héritée, avec les États-Unis qui lui donnent une longueur d avance? Le musicien connaît les débuts d un prodige. Imprégné de be-bop, ébloui par la musique de Charlie Parker et de ses disciples, il excelle dans cet idiome, avec une dextérité et une maturité qui forcent l admiration. À vingt ans seulement, Miles Davis l appelle pour enregistrer la bande originale du film de Louis Malle, Ascenseur pour l échafaud. En compagnie de Kenny Clarke, Pierre Michelot et René Urtreger, il grave l un des albums les plus fameux de l histoire du genre. «Seule la rétrospective autorise à situer ce qui a pu se passer et à donner à cette formation de circonstance un statut légendaire, puisque ceux qui en ont été en furent auréolés définitivement. Leur inscription dans cet événement est due à la magie du contact avec Miles, étant donné que, de 1945 à 1991, tous les faits et gestes de celui-ci, accomplissements et retraits, avancées et incertitudes, appartiendront à l histoire du jazz.» Pourtant, Barney Wilen est conscient de la vanité d une confrontation avec le maître Charlie Parker, qui vient de s éteindre. Son héritage est encore incandescent. Wilen sait instinctivement qu il est inutile de s y brûler. Au cours des années qui suivront ce coup de maître, il explorera le champ immense du jazz, dans toute la diversité de ses expressions. Il est un des piliers de la florissante scène française, et tous les musiciens américains qui viennent se produire dans les clubs de la capitale se le disputent : Bud Powell, Art Blakey, Benny Golson Le cool sembla avoir été créé pour lui, pour son phrasé élégant et maîtrisé : tout au long de sa carrière, Trajectoire de Barney Wilen Barney Wilen et Miles Davis à Paris, au Club Saint-Germain, en son art de la ballade lui servira de point d ancrage, de source à laquelle se retrouver, entre deux expérimentations. Car s il y a bien quelque chose qui définisse Wilen, c est sa capacité à refuser l immobilisme ou la répétition, sa volonté forcenée de défricher. Dès février 1966, dans une interview avec Philippe Carles et Jean-Louis Comolli, pour Jazz magazine, reproduite en annexe du livre, le saxophoniste explique : «J ai eu le sentiment de piétiner dans le bop il y a quatre ou cinq ans, après avoir enregistré la musique des Liaisons dangereuses. Je me suis senti pris dans un engrenage. J avais l impression que tout sortait d un même moule. Ça devenait une musique stéréotypée.» Sa carrière sera désormais ponctuée d absences et de voyages dont il tire les plus audacieuses expériences. Le Destin tragique de Lorenzo Bandini (1968) incorpore des bruits du Grand Prix automobile de Monaco au cours duquel le coureur italien perd la vie ; Moshi (1973) lui permet de marier free-jazz et musique africaine ; Wild Dogs of the Ruwenzori lui offre la possibilité de se confronter à l électro-acoustique «Que retenir, sinon que Barney continue d exister tout en prenant le risque d improbables distributions qui condamnent ses albums au pilon? En a-t-il cure?» Peu de musiciens auront autant méprisé leur carrière et le succès. C est presque un hasard si la note bleue le ramène au-devant de la scène en 1986, à la faveur de la bande dessinée de Loustal et Paringaux. En 1990, plus de trente ans après la session originale, Barney Wilen se confronte de nouveau à quelques-uns des morceaux d Ascenseur pour l échafaud, à l occasion d un album, Movie Themes from France, qui reprend des thèmes du cinéma français, accompagné du trio de Mal Waldron : Florence sur les Champs-Élysées et Générique Julien dans l ascenseur : «La gageure est grande de revenir à la musique de Miles et de jouer en solo sur Florence tel que celui-ci le faisait avec ces pathétiques riffs et ce son bluesy qui ont inscrit ce titre comme le thème emblématique de la séance de Barney s y emploie au soprano. Loin d être simple et sage disciple, il laisse exprimer un envoûtement qui, paradoxalement, sur ce morceau nocturne, se fait incandescent.» En mai 1996, Barney Wilen disparaît, rongé par le cancer. Il aura été, jusqu au bout, un personnage singulier, irréductible à un courant ou à un genre. «Il était égal à lui-même en son absence de présomption quant à une histoire qui serait la sienne et risquerait de le confiner dans des cadres étroits, lui qui n avait pour loi que celles de l errance et de l imprévu.» Pour finir, une anecdote, rapportée au début de l ouvrage d Yves Buin, qui dit la place particulière occupée par Barney Wilen dans l histoire de sa musique. À dix-huit ans tout juste, le saxophoniste participe au concours des amateurs : impressionné par sa maturité et son aisance, le jury lui attribue «la distinguée et éphémère coupe jazz cool, uniquement décernée à cette occasion». L écriture d Yves Buin, par son élégance et sa précision, par sa justesse, rend hommage aux qualités de l artiste que fut, sa vie durant, Barney Wilen. Sébastien Banse L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). XI D. R.

12 THÉÂTRE Le Festival d Avignon en mémoire Avignon, son festival, ses remparts, son palais des Papes, sa foule de touristes, pas tous amateurs de théâtre, ressemblait cette année un peu plus que d ordinaire à une véritable Foire aux vanités, pour reprendre le titre du roman de William Thackeray. C est vrai que nous sommes à huit mois des prochaines élections présidentielles, et donc nombre d hommes et de femmes politiques, candidats ou pas, sont venus faire leur parade. Le premier d entre eux, notre actuel ministre de la Culture, c est tout naturel, pour faire une conférence de presse et affirmer qu il était très content de son travail concernant le spectacle vivant, bref, que tout allait très bien madame la marquise. Les sifflets appuyés à son apparition lors de la première du spectacle de l artiste associé de l année, Boris Charmatz, Enfant, dans la cour d Honneur du palais des Papes, n étant guère de nature à lui faire perdre sa bonne humeur. Et c est vrai que l on a rarement vu un ministre de la Culture être autant aux petits soins pour ce festival, in et off compris, allant jusqu à le défendre contre les propos d aigris (Arditi, Luchini ) chagrinés que l actuelle direction ne reconnaisse pas leur grandissime talent au point d oublier de les programmer. On aura également noté l hommage appuyé du ministre sur l excellence de l édition 2011, félicitant nommément Hortense Archambault et Vincent Baudriller pour «cette réussite» et souhaitant «qu ils puissent mener à bien le chantier de La Fabrique, salle de répétition du Festival, localisée dans le quartier de Monclar d Avignon, dont la livraison est prévue en mai 2013» Remarquons que le ministre ne souhaite pas à l actuel duo directorial de poursuivre son action si «réussie» au Festival même, après la fin de leur mandat en 2013, puisque peu de temps après l avoir prolongé il proposait de le remplacer par Olivier Py, éjecté de la manière élégante qui est la marque de fabrique de l actuel gouvernement, du Théâtre de l Odéon, car il fallait caser à tout prix Luc Bondy qui sera, lors de sa prise de fonction, à un peu moins de deux ans de la retraite Mais qu à cela ne tienne, «on» fera une petite exception comme «on» en a fait d autres dans d autres domaines. Petites manœuvres avec félicitations à tous les «remerciés» pour l excellence de leur travail Voilà pour le ministre qui ouvrit donc le bal des prétendants qui, tous, vinrent faire trois petits tours ici et là, c est-à-dire dans le in, et dans le off pour faire populaire, avant de s en retourner, heureux de la valse et du devoir accompli (il n y a guère que Martine Aubry pour être restée une semaine entière : on va finir par croire qu elle aime le théâtre!) Il est vrai que, puisque désormais l aune de toute réalisation artistique se mesure au taux de remplissage des salles et des caisses, il y a tout lieu de se féliciter du succès du Festival d Avignon. D année en année, la jauge globale du Festival avoisine les 100% : de quoi se frotter les mains, et de déduire très rapidement que la qualité des spectacles proposés y est pour quelque chose. Ce qui est, bien sûr, aller un peu vite en besogne. Mais incontestablement Hortense Archambault et Vincent Baudriller, après la déconvenue de 2005, savent y faire. Dans la description qu il faisait du théâtre des année 1990, Jean Jourdheuil expliquait clairement que les spectacles «entretiennent les uns avec les autres des relations aléatoires comme dans les mouvements browniens», et il ajoutait que «ces spectacles se présentent aux spectateurs comme les marchandises sur les rayonnages d un supermarché, dans ce que Heidegger appelait une uniformité sans distance animée seulement par les campagnes de promotion». Le mouvement décrit par Jourdheuil n a fait, depuis, que se développer de manière irréversible. On trouvait ainsi de tout, pour tous les goûts, par-delà l «uniformité» décrite par Heidegger, dans la programmation bien achalandée du festival de cette année. Impossible, dans ces conditions, de ne pas être satisfait par un «produit», même au détriment d un autre, sur «les rayonnages du supermarché» avignonnais. Reste toutefois le problème de l étiquetage et de la fraude en la matière : faire passer des spectacles pour ce qu ils ne sont pas novateurs, audacieux, engagés dans d authentiques processus de création et de réflexion, et donc politisés dans le sens noble du terme, alors qu ils ne sont que des produits de fabrication courante, recyclages de ce qui a déjà été fait ailleurs, autrefois, sous-produits de la mode ambiante et de l idéologie dominante est malheureusement monnaie courante. Pour mieux emballer le tout, ce qui se multiplie de manière exponentielle ce sont «les campagnes de promotion», c est-à-dire finalement tout ce qui ne ressortit pas directement aux spectacles eux-mêmes, présentations, colloques, discussions, réunions en tous genres, etc. À cet effet le Festival sort même un petit opuscule plutôt copieux pour détailler au jour le jour les manifestations du genre. Toute la gent «professionnelle» y participe allègrement (je me comprends dans le lot!), d une manière ou d une autre Le phénomène la formule est reprise (ou a été inventée) dans les institutions non festivalières, théâtres nationaux, centres dramatiques, scènes nationales, etc. est désormais bien avalisé : aucune raison pour qu il s arrête et ne continue pas à se développer. Ainsi «muni», guidé, voire «encadré», le spectateur aura donc la possibilité de choisir le spectacle de son cœur ou de son goût. Qui ne saurait être satisfait? Plus d un mois après les réjouissances en direct, que restet-il de notre marché? J entends bien que répondre «pas grandchose» n est guère charitable, même si cela correspond à ma stricte vérité. Dégonflés les enthousiasmes hâtifs et les énervements non moins hâtifs. De toutes façons nous aurons l occasion de raviver notre mémoire «défaillante» : tous les spectacles de la programmation du Festival sont à l affiche des théâtres cette saison, retravaillés, modifiés, il va sans dire, ne serait-ce que pour s adapter aux nouvelles conditions de représentations. C est que les spectacles programmés ne le sont que parce qu ils sont co-produits par d autres structures, le Festival n ayant pas la capacité financière pour produire seul. La foire, c est bien connu, a le don d exacerber les sentiments et les réactions. L édition 2011 du Festival n aura pas échappé à la règle. Mais le moins que l on puisse dire, c est que certains enthousiasmes paraissent surfaits. L art du théâtre étant par excellence celui de la mémoire, à deux temps comme disait le philosophe et critique dramatique Henri Gouhier, le fait que la dernière édition du Festival m ait laissé aussi peu de traces ne manque pas de m interroger. Comme si rien n avait travaillé en moi. Il y avait pourtant, je le répète, une certaine diversité de spectacles propre à satisfaire les individus les plus mal intentionnés (dont je ne suis certes pas) à l encontre du Festival. Si, pourtant, certaines images du Jan Karski (mon nom est une fiction) mis en scène par Arthur Nauzyciel me reviennent à l esprit, pas celles d ailleurs auxquelles on pourrait s attendre, à cause de la belle prestation mais elle reste une belle prestation, uniquement théâtrale de Laurent Poitrenaux, mais d autres, plus incongrues, comme celle des pas de claquettes qu effectue Arthur Nauzyciel alors que nous sommes en pleine description du ghetto de Varsovie et de la Shoah À la vision du spectacle fidèlement tiré du livre de Yannick Haenel présenté en ouverture (plutôt austère!) du Festival j avais été plus circonspect. Mais pour le reste, oubliés les audaces et autres provocations d Au moins j aurai laissé un beau cadavre, évocation du «putain de dépressif d Hamlet» par Vincent Macaigne, la dernière coqueluche à la mode, oubliée la fausse poésie de Pascal Rambert dans Clôture d amour, oubliés le ratage de Maudit soit l homme qui se confie en l homme de la découverte un peu trop célébrée l année dernière, Angelica Liddell, oubliés les agacements provoqués par Mademoiselle Julie de Strindberg revue et corrigée à la mode chic et choc, et même avec la star Juliette Binoche, tout comme le décevant Yahia Aïch, Amnesia des Tunisiens Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi Quant au tant attendu Des femmes qui regroupait trois tragédies de Sophocle, les Trachiniennes, Antigone et Électre par Wajdi Mouawad, autre véritable favori du Festival, il ne valait que par la très forte présence-absence (sa voix était enregistrée, la musique l accompagnant en live) du représentant du chœur, Bertrand Cantat pour qui l auteurmetteur en scène semble avoir, en très forte amitié, quasiment monté le spectacle Alors? «Uniformisation» de la production théâtrale pouvant donner des résultats spectaculaires très diversifiés, dans son développement, c est-à-dire dans sa conception, sa manière d envisager le phénomène théâtral? La question mériterait, à l heure européenne tant vantée, d être creusée. Celle-là et quelques autres du même ordre. Mais n est-il pas déjà trop tard? Depuis la deuxième moitié des années 70, selon Jourdheuil Un dernier souvenir concernant le tant attendu Cesena de la grande chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker donné dans la cour d Honneur du palais des Papes vers 4 heures et demie du matin, dans l attente du lever du soleil, avec jeu de reflets avec les rayons dudit soleil une heure et demie plus tard. Doisje dire qu il m a complètement échappé faute de soleil! Le jour peinant à se lever et ne se levant pour ainsi presque pas, ce ne fut pour moi qu un jeu d ombres. C est sans doute l image non dénuée de beauté que je garde du Festival... Jean-Pierre Han PS. : Pour ce qui est de la critique stricto sensu des spectacles, je renvoie le lecteur au site de la revue Frictions : www. revue-frictions.net Un brûlot nécessaire Le titre du dernier ouvrage du poète croate installé en France dès les années cinquante, Radovan Ivsic, est bien celui de quelqu un sachant ce que valent les mots : À tout rompre. Controverse joue donc dès l abord cartes sur table. Cette rupture doublée d une controverse tombe on ne peut mieux au moment même où nous évoquons le Festival d Avignon. Dans son ouverture reprenant un texte écrit pour le programme censé accompagner la création de la pièce en 1985, Annie Le Brun note ainsi que «quelque chose est en train de se jouer sur la scène contemporaine dont tout travaille à nous faire les spectateurs hébétés et ravis. Et il semblerait qu on y soit presque parvenu, depuis que cette période d activisme théâtral tend à se confondre avec une frénésie de consommation qui s accommode de plus en plus du n importe quoi culturel» Il est question, dans cette controverse écrite alors que son auteur avait plus de soixante ans, de l éternelle crise du théâtre dont se repaît le petit monde du théâtre et qui n est en fait, à ses yeux, qu une «crise du corps». Voilà qui commence bien. Et comme, pour continuer et reprendre les propos d Olivier Neveux dans son excellente préface, chez Ivsic, «théâtre et poésie sont indissociables lorsqu ils proviennent d une révolte de tout l être à la mesure de notre capacité d émerveillement», on comprendra que le texte que propose le poète nous mène vers certaines brûlantes frontières. On comprendra aussi qu il fasse appel à rien de moins qu Artaud, Craig, Appia, Meyerhold, Copeau, Marinetti, Jarry, Daniil Harms, introduits par trois sorcières échappées de Macbeth, tous hommes de théâtre qui ne firent pas du théâtre au sens où on l entend d ordinaire, mais jouèrent véritablement leur vie sur les plateaux. Ce sont leurs paroles de feu qu Ivsic reproduit dans un montage / collage savant ; elles sont aujourd hui plus que jamais pertinentes et nécessaires. J.-P. H. À tout rompre. Controverse, de Radovan Ivsic. Éditions Gallimard, 170 pages, 22,90 euros. Les Lettres françaises, foliotées de I à XII dans l Humanité du 1 er septembre Fondateurs : Jacques Decour, fusillé par les nazis, et Jean Paulhan. Directeurs : Louis Aragon puis Jean Ristat. Directeur : Jean Ristat. Rédacteur en chef : Jean-Pierre Han. Secrétaire de rédaction : François Eychart. Responsables de rubrique : Gérard-Georges Lemaire (arts), Franck Delorieux (lettres), Claude Glayman (musique), Jean-Pierre Han (spectacles), Jacques-Olivier Bégot et Baptiste Eychart (savoirs). Conception graphique : Mustapha Boutadjine. Correspondants : Franz Kaiser (Pays-Bas), Fernando Toledo (Colombie), Gerhard Jacquet (Marseille), Marco Filoni (Italie), Rachid Mokhtari (Algérie). Correcteurs et photograveurs : SGP. 164, rue Ambroise-Croizat, Saint-Denis Cedex. Téléphone : (33) Fax : lettres.francaises@humanite.fr. Copyright les Lettres françaises, tous droits réservés. La rédaction décline toute responsabilité quant aux manuscrits qui lui sont envoyés. Retrouvez les Lettres françaises le premier jeudi de chaque mois. Le prochain numéro paraîtra le 6 octobre L ES LETTRES FRANÇAISES. SEPTEMBRE 2011 (SUPPLÉMENT À L HUMANITÉ DU 1 er SEPTEMBRE 2011). XII

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