Relevons trois principes théologiques : 1. L indulgence de Dieu. 2. La peine due au péché

Transcription

1 L indulgence Dans le texte de la présentation de l Année jubilaire de la Miséricorde : «Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père», le Pape François montre comment l indulgence «revêt une importance particulière au cours de l Année Sainte» ( 22). Il ajoute : «Le pardon de Dieu pour nos péchés n a pas de limite : il est toujours prêt au pardon. Nous faisons tous l expérience du péché et ses conséquences dans nos relations avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes Dans le sacrement de réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l emprunte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l Epouse du Christ, l Eglise, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d agir avec charité, de grandir dans l amour plutôt que de retomber dans le péché». Mais le péché de tout homme a des conséquences : le pécheur est blessé au fond de lui, son entourage l est également à cause du manque d amour du pécheur, le rapport à l environnement est faussé car de l absence d amour découle le manque de respect de la création. C est pourquoi le Pape François poursuit : «Vivre l indulgence de l Année Sainte, c est s approcher de la miséricorde du Père, avec la certitude que son pardon s étend à toute la vie des croyants. L indulgence, c est l expérience de la sainteté de l Eglise qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ, en faisant en sorte que le pardon parvienne jusqu aux extrêmes conséquences que rejoint l amour de Dieu» ( 22). 1

2 Relevons trois principes théologiques : 1. L indulgence de Dieu Le premier principe est qu il faut parler de l indulgence au singulier, et non «des indulgences», car il s agit de l indulgence de Dieu. Seul le Seigneur est vraiment indulgent. L indulgence de Dieu ; c est une autre manière de parler de sa miséricorde, de sa bonté, de son pardon. C est un pardon en surabondance, débordant. L indulgence de Dieu, sa miséricorde, sa bonté, sont des attributs de Dieu qui ne se méritent en aucune manière, qui ne peuvent qu être totalement gratuits, c est-à-dire qu ils ne peuvent être ni comptabilisés, ni à plus forte raison gagnés. L indulgence ne s achète pas. Elle ne peut ni se «gagner», ni se «mériter». L indulgence se reçoit, elle est accueillie par celui qui s ouvre à l amour miséricordieux de Dieu. 2. La peine due au péché Le deuxième principe est la notion de peine due au péché, peine que l on pourrait désigner par le mot désordre, le désordre que le péché occasionne. En effet, tout péché est essentiellement un manque d amour. Il y a péché quand il y a refus, d une manière ou d une autre, de l amour de Dieu. Ce refus d amour nous sépare de Dieu, c est un acte volontaire, une attitude du cœur, qui nous rend coupable de cette rupture d amitié et donc de la vie de Dieu. Ce désordre a des conséquences : a) Le désordre vis-à-vis des autres. Si le pécheur commet un vol, il fait du tort à la personne volée, et donc, il diminue le potentiel d amour qui n est ni plus ni moins qu un potentiel de vie, l humanité en est blessée ; b) Le désordre du pécheur vis-à-vis de lui-même : en commettant un péché, l homme diminue en lui sa vitalité spirituelle, il se blesse en luimême ; c) Le désordre du pécheur vis-à-vis de la création : l environnement n est plus réellement respecté par l homme pécheur, il n est plus perçu comme un don de Dieu, la nature est blessée, détruite par ce désordre. 2

3 La rupture d amitié entre Dieu et chaque homme est susceptible d être pardonnée si ce dernier ouvre son cœur à la surabondance de l amour de Dieu qui rétablit le lien que l homme avait brisé. Quand un pécheur reçoit le sacrement de réconciliation, il est personnellement pardonné. Mais il n en va pas de même du désordre que son péché a occasionné dans le monde. Prenons un exemple : si, après avoir volé quelqu un, le voleur se confesse, il est pardonné de son vol ; mais encore faut-il qu il restitue la somme volée, sans quoi le désordre n est évidemment pas réparé. Lorsqu il s agit d une calomnie ou d une médisance prononcée contre une personne, la réputation de celle-ci est détruite. Il devient alors extrêmement difficile de réparer le tort et le désordre provoqués. Il y des dégâts difficiles, voire impossibles, à réparer! On se trouve donc, ici, devant un aspect très réel du péché. Et, en même temps, devant la nécessité d une réparation objective du désordre que le péché a entraîné en l homme, chez les autres et dans l humanité entière. C est précisément ce que l on appelle la peine du péché. Le péché entraîne une sorte de pénalité pour le pécheur et pour l humanité, pénalité qui est à «réparer», d où le mot «pénitence» qui signifie «porter la peine», donc accepter toutes les conséquences du péché. Le sens de la pénitence, c est de porter dans son cœur, de manière responsable, les conséquences du péché que l on a commis, en essayant de prier ou d intercéder auprès du Seigneur pour réparer le désordre créé dans son propre cœur ou dans la vie des autres, par le scandale ou par le tort infligé aux autres. L indulgence se situe très exactement dans ce second temps. La démarche pour accueillir l indulgence de Dieu suppose que la personne soit déjà allée se confesser. L indulgence se greffe sur la démarche de conversion et aura pour effet de «réparer» ce qui a été blessé, abîmé par le péché de l homme, soit en lui-même, soit chez l autre et dans le monde. Les conséquences du péché, l homme, de part lui-même, ne peut les «réparer». L indulgence de Dieu le Père, dit le Pape, «rejoint le pécheur pardonné à travers l Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché». 3

4 3. La communion des saints Le mot «saints», ici, désigne les croyants, pas seulement les personnes canonisées. La communion des saints, c est la communion des disciples du Christ. Quand nous commettons une faute, le déficit d amour que cette faute représente est un déficit non seulement personnel mais communautaire. C est l humanité entière qui est atteinte. A l inverse, tout acte d amour que pose une personne n est pas valable seulement pour elle, mais également pour l humanité tout entière. «Toute âme qui s élève, élève le monde» disait Elisabeth Leseur. Cela veut dire que chaque être humain peut aimer, offrir, donner, se donner soi-même, non seulement à son propre «bénéfice», mais au «bénéfice» des autres, que ces derniers soient connus ou inconnus de la personne qui pose cet acte. Chaque fois que l homme fait une démarche de charité, d amour, c est toujours Dieu et, avec lui, son prochain qu il rencontre. Cette réalité se nomme «communion des saints», tel que le dit le Credo. Bien sûr, personne ne peut se convertir à la place d un autre, ni demander pardon à la place de quelqu un d autre. En revanche, la conséquence objective du péché peut être réparée par quelqu un d autre, à la place du pécheur, en vertu de la communion des saints, par un surcroît d amour. L indulgence est ce surcroît d amour donné par Dieu et réalisé par les saints unis à Jésus Christ et à son amour infini. Vivre la miséricorde, bénéficier de l indulgence de Dieu L Année Sainte de la Miséricorde est un chemin pour le chrétien sur lequel il peut faire l expérience de l indulgence de Dieu pour luimême comme pour les autres et en bénéficier. Chaque baptisé est appelé à vivre ce chemin qui comporte plusieurs étapes et démarches : - recevoir le sacrement de réconciliation ; - participer à l eucharistie ; 4

5 - vivre un pèlerinage durant lequel il passera la Porte Sainte ; - prier aux intentions du Pape ; - vivre les œuvres de miséricorde corporelles (donner à manger et boire à ceux qui ont besoin, accueillir l étranger, vêtir celui qui est sans vêtement, visiter les personnes malades ou en prison, accompagner les personnes en deuil) ; - vivre les œuvres de miséricorde spirituelles (être vigilant ; garder un esprit conciliant : consoler, pardonner, supporter ; prier Dieu pour les vivants et pour les morts). La miséricorde de Dieu, si nous l accueillons devient indulgence du Père qui nous donne de grandir dans l amour et d agir avec charité. Durant cette Année Sainte, par notre chemin de conversion, l indulgence, c est-à-dire le don total de la miséricorde de Dieu, nous sera accordé, et la remise des peines dues à nos péchés sera accomplie par Dieu, grâce à son immense amour. 5