L'historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France

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1 L'historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France 1) Comment se construisent les mémoires de la Seconde Guerre mondiale jusqu aux années 1970 en France? 1.1) la mémoire gaulliste ou l'écriture d'une histoire officielle a) le résistancialisme b) l'oubli progressif de Vichy 1.2) les mémoires communistes et vichystes a) La mémoire communiste b) La mémoire vichyste 1.3) Les mémoires oubliées a) la mémoire des prisonniers de guerre b) les déportés et notamment les Juifs c) les "malgré-nous" 2) Comment la compréhension de l histoire des «années noires» en France se renouvellet-elle à partir des années 1970? 2.1) La mise en question du résistancialisme et de l attitude de Vichy a) Le rôle du Chagrin et la pitié b) Le rôle de Vichy revu et corrigé par l histoire. 2.2) L émergence de la mémoire de la Shoah a) le rôle joué par le procès Eichmann en 1961 b) Face au négationnisme, le témoignage des anciens déportés c) Shoah de C. Lanzmann, une œuvre radicalement nouvelle pour illustrer cette mémoire. 2.3) Les procès et les polémiques, l'historien au cœur de la société? a) Le rôle capital des différents procès : la sensibilisation de l opinion au rôle réel de Vichy b) une position ambiguë de l'historien 3) Entre enjeux mémoriels et instrumentalisation politique, comment dépasser «un passé qui ne passe pas»? 3.1) La judiciarisation de la mémoire de la Guerre a) la Loi Gayssot b) la contestation de certains historiens 3.2) Le politique réceptacle de l'histoire a) Le mea culpa progressif de la République b) une utilisation des mémoires contestée 1

2 Photo 1 p16 «Inauguration du mémorial du Mont Valérien le 18 juin 1940» Photo 2 p17 «Procès Barbie, Lyon, 11 mai 1987» Introduction De 1940 à 1944, la France subit l'occupation allemande et un régime autoritaire né de la défaite, le régime de Vichy. La France de Vichy dirigée par le maréchal Pétain et Laval collaborent activement avec l'allemagne Nazie notamment dans la traque et la déportation des résistants et de Juifs vivant sur le sol français. Pdt ce temps des hommes et des femmes choisissent de rejoindre la France Libre menée par de Gaulle à partir de Londres où s'inscrivent aux mouvements de la résistance intérieure sur le sol français (les communistes étant les plus nombreux dès 1941). Ce sont ces résistants qui, avec les troupes alliées libèrent la France en 1944 et fondent le GPRF. Pour permettre la reconstruction et un nouveau départ, De Gaulle et les membres du Gouvernement Provisoire de la RF décident d'oublier les divisions passées et d'insister sur la France résistante. Mais malgré cette volonté d'oubli, le souvenir du régime de Vichy continue de diviser et de peser dans la vie publique à partir des années 50. Face à cette période troublée de l'histoire de France, l'historien va essayer d'apporter un éclairage impartial capable d'apaiser les tensions. Mais cet éclairage est loin d'être facile car outre la proximité des événements dans le temps, l'historien se retrouve pendant plusieurs décennies face à des mémoires différentes porteuses d'expériences et de souvenirs parfois opposés. Pourquoi l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale a-t-elle été si controversée en France? 1) Comment se construisent les mémoires de la Seconde Guerre mondiale jusqu aux années 1970 en France? Affiche 1 p26 «Ils sont unis, ne les divisez pas, MNPGD, 1945 Introduction Dans les années suivant la guerre, la question de l'histoire se pose très peu. On est dans le présent. La plupart des acteurs de ce que certains appellent la guerre "franco-française" sont toujours en vie et participent pleinement de la vie politique et sociale du pays. 2

3 Vont alors se développer pendant cette période des mémoires plus ou moins officielles relayées par des acteurs de la vie publique plus ou moins puissants. 1.1) la mémoire gaulliste ou l'écriture d'une histoire officielle Texte 4 p23 «Discours Malraux, 19/12/1964» La guerre achevée se manifeste un besoin d unité, la nécessité de ressouder la population, la volonté de bâtir un consensus. Celui-ci s appuie sur deux points : l identification de l ensemble de la société française autour de la Résistance et l oubli du régime de Vichy. a) le résistancialisme Ainsi la terrible défaite de 1940 serait effacée par la victoire des armées de la France libre! C est le «résistancialisme» avec assimilation de la Résistance à l ensemble de la population et minoration de l importance du régime de Vichy et de la collaboration. Cf. éloge funèbre prononcé par André Malraux. cf. 4 p.87 Dans ce mythe officiel mis en place au lendemain de la guerre, le résistant Jean Moulin devient le héros français par excellence. 20 ans après la libération de la France, en décembre 1964 les cendres de jean Moulin sont transférées au Panthéon. Cette vision résistancialiste est la thèse officielle et celle enseignée aux enfants. Dossier p18-19 «Les lieux de mémoire de la WW2» Très vite d'ailleurs le pouvoir de la 4ème République puis de la 5ème choisit des lieux symboliques, des lieux de mémoire qui vont être mis à l'honneur pour symboliser cette France en lutte, cette France résistante : b) l'oubli progressif de Vichy Graphique 2 p23 «La fin de l épuration» Notons que ds le même temps l'épuration qui visait à partir de 1944 à exclure de la société française les hommes de Vichy et les collaborateurs va rester inachevée. Ainsi, l'administration est peu touchée car on a besoin des cadres pour la reconstruction, les milieux économiques sont eux aussi peu touchés De plus, en 1951 et en 1953, deux lois d'amnistie sont votées et ont pour effet de vider les prisons des détenus pour faits de collaboration (près de en 1946, moins de 1000 en 1954, une 10aine en 1960). En fait la France se reconstruit en oubliant voire refoulant une partie de son passé. 3

4 1.2) les mémoires communistes et vichystes Parallèlement au résistancialisme officiel, d'autres mémoires se développent dans la société. a) La mémoire communiste : Texte 2 p30 «Le Vercors, un épisode controversé, 1947» la WW2 est le moment de gloire du PCF. Comme les communistes ont été très engagés dans la résistance (après 41!!), ils ne vont pas cesser à partir de 1945 de rappeler cet engagement. Les communistes célèbrent à longueur d'articles et d'affiches la résistance intérieure contre Vichy et la lutte clandestine qui s'est déroulée sur le sol français. Il se présente comme le parti martyr de la guerre le 'parti des fusillés' alors que le nombre total de Français fusillés par les ALL= ! (cf. 1p.86) Les communistes sont d'ailleurs parfois en conflit avec la mémoire gaulliste officielle. b) La mémoire vichyste : Affiche 3 p23 «Gloire & sacrifice de Philippe Pétain, 1951» Entre 1944 et 1947, la droite traditionnelle qui a participé en grande partie à l'administration vichyssoise est totalement déconsidérée. Sur les 302 hommes politiques touchés par des mesures d'inéligibilité plus de la moitié appartient à des partis du centre et de la droite Ce n'est qu'à partir de 1947 et les débuts de la GF que la droite au nom de l'anticommunisme commence à se réveiller et propose peu à peu une vision des évènements qui lui donne un rôle moins négatif. Lors de son procès, Pétain défend une thèse qui sera repris par la suite, il aurait été un 'bouclier', en acceptant de gouverner il aurait épargné des souffrances à la France. L'intellectuel et historien Raymond Aron reprend et popularise en 1954 la thèse du "bouclier et de l'épée" dans son Histoire de Vichy. Pour lui De Gaulle était «l épée» de la France alors que Pétain en aurait été le «bouclier» On distingue dès lors un bon Vichy, celui de Pétain qui a joué un double jeu pour protéger les français, et un mauvais Vichy, celui de Laval Cette Histoire de Vichy fera d'ailleurs autorité jusqu'aux années Dans le même temps, a lieu une tentative de réhabilitation de l action du maréchal par les milieux d extrême droite. Une association pour la défense de la mémoire du maréchal Pétain demande alors le transfert de ses cendres à Douaumont. (Il n aura jamais lieu.) 4

5 1.3) Les mémoires oubliées Dossier p26-27 «Le difficile retour des déportés Juifs, S. Veil, 2006» a) la mémoire des prisonniers de guerre Contrairement aux poilus, les soldats de la WW2 ne peuvent se présenter comme des héros (ils ont perdu en 1940!) De même les prisonniers de guerre ne peuvent témoigner de leur expérience car ils sont la preuve vivante de la plus grande défaite que la France ait connu d'où leur condamnation à l'oubli! b) les déportés et notamment les Juifs De la même façon, les déportés revenus vivants des camps d'extermination sont peu écoutés... Passé le choc de la découverte, l'opinion ne semble pas prête à regarder et à essayer de comprendre l'inimaginable, elle préfère regarder l'avenir et oublier ces choses terribles Dc là encore une mémoire non reconnue Surtout celle des Juifs ou des tziganes, la spécificité des génocides = effacée et non reconnue. c) les "malgré-nous" «Ruines d Oradour-sur-Glane» Autre mémoire niée ou effacée celle des "malgré-nous". Situation complexe. Citoyens alsaciens enrôlés de force dans l'armée allemande après la prise de l'alsace par les ALL en Sorte de tabou, ils ont combattu pour l'allemagne Emotion lors du procès d'oradour sur glane (dossier p88-89) Conclusion Le mythe d une France unie dans la Résistance domine la mémoire officielle d après guerre. C est au nom de l unité nationale que le passé vichyste & les mémoires de la déportation sont refoulés 2) Comment la compréhension de l histoire des «années noires» en France se renouvelle-t-elle à partir des années 1970? Une 3 p33 «Les Français veulent juger Vichy, le Parisien, 8/10/1997» C est en fait «le retour du passé refoulé» et «l explosion des tabous». Après 1968, dans un contexte de remise en cause des principes sacrés et «établis», de la France Gaulliste, la tradition résistancialiste est abandonnée. Et, dans le même temps la mémoire de la Shoah commence à émerger en tant que telle. 5

6 2.1) La mise en question du résistancialisme et de l attitude de Vichy Affiche 1 p26 «Affiche le chagrin & la pitié, 1971» a) Le rôle du Chagrin et la pitié Le «chagrin et la pitié», film de Marcel Ophuls sorti en 1971, qui a pour sous-titre «Portrait d une ville (Clermont-Ferrand) sous l occupation» est une chronique documentaire de la vie quotidienne à base d images d archives et d entretiens avec des personnalités célèbres (Pierre Mendès-France, membres du gouvernement Provisoire de la république Française et condamné par Vichy) ou inconnues (résistants auvergnats) Ce film renvoie une image d une France en partie lâche et égoïste, se souciant d abord de manger et de survivre, relativement indifférente à la Résistance qui ne constitue en fait qu un phénomène très minoritaire, alors que l antisémitisme français semble bien enraciné et répandu Un véritable scandale lors de sa sortie La télévision qui l a financé, refuse de le programmer pendant 12 ans. Diffusé en 81, il attire 15 millions de téléspectateurs! Attention! ce n'est pas l'œuvre d'un historien mais d'un cinéaste qui confronte les témoignages et des images d'archives afin de lever le voile sur un passé refoulé ou non connu par toute une génération. b) Le rôle de Vichy revu et corrigé par l histoire. Texte 2 p25 «1 nouveau regard historique sur Vichy» Livre de l historien américain Robert Paxton en 1971 : «La France de Vichy». L ouvrage s appuie sur les sources écrites de Vichy, des entretiens avec les membres du régime, et surtout des archives allemandes. Contrairement à la démonstration d'ophuls ici on a un travail d'historien qui s'appuie principalement sur des sources écrites, officielles de la période de l'occupation et moins sur des témoignages réalisés à posteriori qui peuvent souffrir de l'effacement du temps ou de la sélection consciente ou non de la mémoire Il s avère clairement que l idée du double jeu de Pétain est un mythe que l auteur démonte rigoureusement. La Révolution nationale et la collaboration ont été des initiatives strictement françaises et les décisions prises par Vichy l ont été de manière complètement autonome sans pression de l occupant allemand. Le statut des Juifs de Vichy est par exemple beaucoup plus sévère que les lois Allemandes de Nuremberg. 6

7 Le régime a collaboré activement à la politique génocidaire des nazis : dans l organisation des rafles, c est la police française qui arrête les Juifs et assure la garde des camps d internement où ils sont rassemblés avant déportation (Pithiviers, Beaune la Rolande, Drancy) ; c est la SNCF qui transporte les déportés. Vichy va même au-delà des exigences allemandes, par exemple à propos des enfants juifs ; lors des rafles de 42, les Allemands n avaient pas prévu de déporter les enfants : c est Laval qui propose de le faire : c est bel et bien une initiative française! 2.2) L émergence de la mémoire de la Shoah Dossier p28-29 «La mémoire de la Shoah & le souvenir du génocide des Juifs» a) le rôle joué par le procès Eichmann en 1961 Eichmann est un criminel de guerre nazi responsable de la logistique de la solution finale, réfugié en Argentine il est capturé par les services secrets israéliens puis amené en Israël pour être jugé. Le procès a lieu en 1961 à Jérusalem pendant plusieurs mois et a un retentissement mondial. De nombreux rescapés témoignent et libèrent la parole et la mémoire du génocide. De nombreux aspects du processus d'extermination sont révélés et apportent beaucoup d'éléments nouveaux de compréhension aux historiens. L'impact est sans précédent pour la mémoire de la shoah et ouvrira la porte à d'autres procès en Allemagne puis par la suite en France même! b) Face au négationnisme, le témoignage des anciens déportés Texte «Lutte contre le négationnisme, 1971» A la fin des 70s, des intellectuels français comme Faurisson, Rassinier, nient l existence des chambres à gaz et des fours crématoires. A ce moment là, des anciens déportés qui n'avaient pas pu ou voulu prendre la parole décident de témoigner, la vérité doit être rétablie. Des associations d'anciens déportés se créent et décident de témoigner notamment dans les écoles. Les Juifs revendiquent alors la singularité absolue de la Shoah, et c est en France une rupture avec le silence entretenu jusqu alors sur l antisémitisme de Vichy. Ces associations ont une activité inlassable qui a aussi un but pédagogique : rendre publiques les responsabilités françaises dans la déportation des Juifs 7

8 c) Shoah de C. Lanzmann, une œuvre radicalement nouvelle pour illustrer cette mémoire. C est un film sorti en 1985 construit sans aucune image d archives, uniquement avec des allers retours constants entre les lieux où vivent les témoins et les lieux de l extermination. C est un film ancré dans le réel, qui naît de la confrontation entre la mémoire des hommes et ce qui reste matériellement du passé : les traces C est un film d interviews : Mémoire des victimes avec des interviews des survivants : mais aussi mémoire de bourreaux avec les interviews d anciens SS responsables de camps C'est là encore un travail de cinéaste et non d'historien proprement dit mais il a, comme le Chagrin et la pitié une influence sur les mémoires Tous ces travaux, ces témoignages font évoluer la France et les Français et les poussent à revoir ce passé d'autant qu'à la fin des années 80 des procès se multiplient qui permettent à l'historien d'avoir accès à de nouvelles sources mais aussi de placer ceux-ci au cœur du débat. 2.3) Les procès et les polémiques, l'historien au cœur de la société? Etude p32-33 «Le procès de Maurice Papon & la mémoire de Vichy» a) Le rôle capital des différents procès : la sensibilisation de l opinion au rôle réel de Vichy Le Procès Barbie en Assassin de Jean Moulin, responsable de la déportation et de la mort de 41 enfants juifs d Izieu le 6 juin 44. Extradé de Bolivie vers la France en 83, le «boucher de Lyon» est jugé en France en 87 et condamné à la détention perpétuelle ; il meurt en prison en 1991 Procès Touvier Ancien chef de la Milice lyonnaise, -Condamné à mort par contumace en Gracié discrètement par le président Pompidou en 72, arrêté en 89 après une longue cavale, est condamné à réclusion perpétuelle et meurt en prison en 1996 Procès Papon Secrétaire général de la préfecture de Gironde pendant la guerre, préfet de police puis ministre du budget sous la Vème République. -Seul haut fonctionnaire condamné à ce jour à 10 ans de réclusion pour avoir supervisé la déportation de 1690 Juifs vers Drancy Avec la médiatisation de ces procès la mémoire collective française de la WW2 est bouleversée. 8

9 b) une position ambiguë de l'historien Texte «Participation des historiens au procès, Jeanneney, 1998» Texte «Apports & limites du procès selon H. Rousso» Les Historiens, spécialistes de cette période vont alors prendre une grande part dans ces débats. Ils sont amenés à se positionner dans les médias voire même lors des procès pour faire part de leur analyse. On attend d'eux qu'ils fournissent une certaine vérité qui n'est pas sans poser problèmes. Cf. Exemple du procès Papon. Cette place centrale occupée par l'historien et par l'histoire en général vont pousser l'etat et les politiques à intervenir directement dans ce domaine ce qui n'est pas sans poser problème Conclusion Longtemps refoulé, la mémoire de Vichy & de la déportation est progressivement ravivée & complétée sous la pression de cinéastes, des associations de victimes & des travaux d historiens 3) Entre enjeux mémoriels et instrumentalisation politique, comment dépasser «un passé qui ne passe pas»? Texte «Tout oppose mémoire & histoire, P. Nora, 1984» Dossier p14-15 «L historien & la mémoire» 3.1) La judiciarisation de la mémoire de la Guerre a) la Loi Gayssot A partir de 1990 apparaissent des lois qui visent à veiller au respect des mémoires. Il s'agit de protéger la mémoire de tels ou tels groupes qui a subi un traumatisme et qui ne peut supporter la négation de celui-ci. La première loi dite mémorielle est la Loi Gayssot de 1990 qui veut réagir à la persistance d'écrits ou de paroles négationnistes qui viennent heurter les mémoires meurtries de cette période. Cette loi qualifie de qualifie de délit la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, tels que définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. 9

10 b) la contestation de certains historiens Certains historiens tels que Pierre Vidal-Jacquet ou François Bédarida conteste cette loi car ils l'accusent de porter atteinte à la liberté de l'historien qui ne doit pas se poser des interdits mais doit penser à partir des sources qu'il trouve. De plus, beaucoup contestent l'idée que l'etat puisse déclarer l'histoire officielle et menacer de poursuites ceux qui ne la respecterait pas. (cf. lois qui suivront sur l'esclavage, l'aspect positif de la colonisation française ou le génocide arménien) De plus d'autres historiens avancent l'idée que l'historien tient compte des mémoires mais qu'il n'est pas là pour en être le rédacteur ou le défenseur. Son travail se situe sur un autre plan, c'est une démarche scientifique qui va confronter de multiples sources et archives. Démarche dont le résultat peut parfois heurter ou remettre en cause des idées ou la perception de faits issus d'un travail mémoriel souvent dominé par l'émotion. 3.2) Le politique réceptacle de l'histoire Dossier p26-27 «Discours Vel d Hiv, Chirac, 16/07/1995» Mais ces mémoires étant tellement à vif et sources de polémiques depuis 60 ans, il n'est pas étonnant que les plus hautes autorités de l'etat aient été amenées à réagir à "ce passé qui ne passait pas" selon l'expression de l'historien Henri Rousso. a) Le mea culpa progressif de la République Les Présidents de la République et les gouvernements français se sont longtemps refusés à reconnaître la responsabilité de la France et de l Etat dans la collaboration et les déportations juives. -C est le cas de De Gaulle considérant Vichy comme nul et non avenu. -C est le cas de Georges Pompidou qui déclarait en 72 à propos du scandale provoqué par la grâce de Touvier : «Le moment n est-il pas venu de jeter le voile, d oublier ces temps où les Français ne s aimaient pas, s entre-déchiraient et même s entretuaient?» -C est le cas aussi de François Mitterrand : Fonctionnaire de Vichy, puis résistant pendant la guerre, son cas personnel va même être scruté par les journalistes et historiens. 10

11 Son parcours est révélé par Pierre Péan en 1994 dans son livre sur la jeunesse de François Mitterrand. Cette révélation refait ressortir une énième fois la période trouble de la Guerre dans le présent des Français. Ce livre au parfum de scandale permet néanmoins à certains historiens comme Jean-Pierre Azéma la complexité des comportements des Français pendant la guerre. il parle ainsi de 'vichysto-résistants' càd de nombreux français qui ont soutenu Vichy tout en combattant les Allemands. Ainsi près de 50 ans après les faits, l'historien peut souligner la complexité de la France de Vichy et sortir des caricatures qui s'étaient succédées dans l'opinion publique (jusqu'en 1970, les Français = tous résistants, après le Chagrin et la Pitié tendance à représenter la France comme un pays de collaborateurs antisémites) Malgré ce scandale de fin de pouvoir, Mitterrand consent à instituer une journée nationale du souvenir des «persécutions racistes et antisémites». Il est le premier chef d état à assister à la cérémonie commémorant la grande rafle du Vel d Hiv le 16 juillet 92, il inaugure aussi le musée mémorial d Izieu dédié au souvenir des enfants juifs déportés. Mais il refuse catégoriquement d assumer la responsabilité de la République et de l Etat dans la Shoah, dans une démarche en quelque sorte très proche du résistancialisme. Il fait parallèlement fleurir chaque année la tombe du maréchal Pétain, ce qui n est pas sans susciter le scandale Il faut en fait attendre 1995 et l'arrivée au pouvoir de J Chirac pour que les travaux successifs des historiens (cf. Paxton) et les témoignages multiples des victimes de Vichy soient reconnus officiellement par l'etat français. En 1995, le président Chirac reconnaît la responsabilité de l Etat français et ses agissements criminels. Il proclame la «dette imprescriptible» de la France à l égard des Juifs. Il prononce ce discours clé, patrimonial : celui du 16 juillet 1995 lors de la commémoration de la grande rafle du Vel d Hiv du 16 juillet 42. Exemple : mur des noms dans le mémorial de la Shoah Cette inflexion du discours officiel conduit à la rénovation de certains lieux de mémoire et l'accentuation de la prise en compte de la mémoire de la Shoah dans le récit français. Surtout entrée des Justes français au sein du Panthéon (cf. 5 p.93) en janvier Le Juste incarne un nouvel héros capable de résister face à l'occupant nazi et de s'opposer à l'extermination des Juifs qui est ainsi pleinement reconnue. b) une utilisation des mémoires contestée Texte «Une référence politique, Sarkozy, 12/11/209» Dossier p30-31 «Le massif du Vercors & la mémoire de la Résistance» 11

12 Le quinquennat de Nicolas Sarkozy ( ) a vu à plusieurs reprises la seconde guerre mondiale revenir au goût du jour. Pour faire le lien avec le Gaullisme, courant politique dont il serait l'héritier, N. Sarkozy va se recueillir à plusieurs reprises sur le plateau des Glières monument national de la résistance. -Dès son élection il institue la lecture pour tous les lycéens d'une lettre écrite par le résistant communiste Guy Môquet avant son exécution par les nazis : Pour le nouveau président : "Un jeune homme de dix-sept ans qui donne sa vie à la France, c'est un exemple non pas du passé mais pour l'avenir " Cette disposition crée le débat chez les historiens : positif car hommage à une figure résistante, négatif : instrumentalisation du pouvoir d'un événement sans Contextualisation et compréhension réelle de l'événement. La seconde guerre mondiale et ses mémoires deviendraient alors des symboles positifs valorisant pour le pouvoir (cf. autre cas des élèves de CM2 auxquels on confierait la mémoire d'un enfant juif mort en déportation ) Conclusion L histoire de Vichy fait désormais partie intégrante de l identité française. Les troubles de la mémoire résistante et la réalité d une mémoire juive sont désormais intégrés dans l histoire que la France souhaite voir transmise aux jeunes générations. Mais la multiplication des lois mémorielles reste polémique Un long travail de mémoire a aujourd hui abouti en France à une vision démythifiée de la seconde guerre mondiale et du régime de Vichy. L Historien a enfin pu faire son travail, même si ce travail n est toujours pas achevé, même s il ne sera jamais fini. Car chaque nouvelle source découverte peut faire évoluer la perception du passé Exemple : en 2010 on a découvert un document nouveau annoté par Pétain qui alourdit le statut des Juifs décidé par Vichy en Ce document = la preuve de l'antisémitisme de Pétain et vient confirmer les thèses de Paxton, toujours contestées ou non connues par le plus grand nombre. (Pétain restant pour beaucoup un homme subissant les décisions allemandes ) Frise p17 Révisions p Exercices p 37 Dossier p20-21«ecrire l histoire de la seconde Guerre mondiale» Histoire des arts p34-35 «Alain Resnais, Nuit & brouillard, 1955» 12

13 Méthode bac p58-59 composition «Travail de mémoire et devoir de mémoire en France depuis la fin de la guerre. Vous vous appuierez sur l étude conduite en classe» Orientation pour le baccalauréat Les sujets de composition suivants sont envisageables : - En fonction de l étude menée dans l année, vous traiterez l un des deux sujets suivants : l'historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ou l historien et les mémoires de la guerre d Algérie. L'analyse d'un ou deux documents (textes, images, cartes...) peut être demandée à l examen. Bibliographie - É. Conan, H. Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, Réédition augmentée, Coll. Folio, Gallimard, R. Dalisson, Les guerres et la mémoire, CNRS Editions, L. Douzou, La Résistance française, une histoire périlleuse, Seuil, P. Laborie, Le chagrin et le venin, La France sous l Occupation, mémoire et idées reçues, Bayard, B. Stora, La gangrène et l oubli, La Découverte poche,