Le musée Napoléon I er, une ambition européenne enchâssée. un palais impérial. p a r C h r i s t o p h e B e y e l e r.

Transcription

1 enchâssée dans p a r C h r i s t o p h e B e y e l e r

2 Après la tourmente de la Révolution française, le choix de Napoléon de restituer aux résidences de la Couronne leur ancienne splendeur était un acte éminemment politique. Dépensant en dix ans douze millions de francs, six millions en travaux et six millions en mobilier, le récent empereur refit du palais de Fontainebleau, délabré et vidé au sortir de la Révolution, ce qu il avait toujours été : un fleuron de la Couronne. Ce fut un écrin où brilla de mille feux le pouvoir impérial avide de représentation. De plus, les hasards de la campagne de France de 1814 offrirent au maître déchu de l Europe une scène incomparable pour ses Adieux de Fontainebleau, orchestrés de main de maître le 20 avril Cette image amplement diffusée, le poids de l histoire et la richesse des décors et du mobilier Empire subsistants légitimèrent au château de Fontainebleau l implantation d un musée Napoléon I er. Le choix des descendants de la famille impériale de trouver un accord avec l État aboutit en 1979 à une dation de grande ampleur, entraînant une redistribution des cartes entre musées napoléoniens, confiant au château de Fontainebleau le rôle d évoquer le Premier Empire. Dans l aile droite de la cour d honneur, donnant à la fois sur la «cour des Adieux» ainsi appelée depuis le 20 avril 1814 et le «jardin pittoresque» dessiné sous Napoléon, d anciens «appartements de prince» de l Empire furent aménagés en un musée Napoléon I er qui ouvrit en Les œuvres provenant de la famille impériale furent à dessein mêlées à celles restées continûment propriété de l État au Garde-Meuble de la Couronne succédant le Mobilier national, mariées à celles déposées par le château de Malmaison désormais voué au Consulat, à Joséphine et aux Beauharnais, et rapprochées des nombreuses acquisitions ciblées des conservateurs, depuis la fontaine à thé en vermeil par Biennais au chiffre du roi de Westphalie, achetée auprès d une galerie à Paris en 1983, jusqu au vase étrusque orné de scènes de Napoléon thaumaturge, acquis en vente publique à Londres en Un pouvoir né du sabre Le parcours du musée Napoléon I er s ouvre par un portrait en pied d un officier des chasseurs à cheval de la Garde impériale, exprimant le ressort militaire du pouvoir de Bonaparte et disposé en regard du portrait de ce lieutenant d artillerie parvenu à la pourpre, campé en 1812 en souverain législateur par Girodet. Le peintre Casanova ( ), présenté par le livret comme «élève de son père et de M. David», expose au Salon de 1808, qui ouvre le 14 octobre 1808, un Portrait en pied de M. M*** actuellement colonel dans la Garde impériale (n 92). Il s agit en fait de Jean-Baptiste Isidore Martin ( ), chevalier de la Légion d honneur en 1804, portraituré en capitaine des chasseurs à cheval en 1805 par Casanova, officier de la Légion d Honneur en 1808, chevalier d Empire par lettres patentes du 18 septembre 1808, puis baron d Empire par décret impérial du 3 septembre Ce portrait est extraordinairement fidèle dans la représentation de l uniforme : culotte de peau réglementaire, colback à plumet vert et rouge et chausse rouge dotée d un gland, ceinturon rouge aux accroches en forme de serpent, ceinture à double cordon passée trois fois sur le dolman à brandebourgs. L ostentatoire pelisse, retenue par un cordon tressé en nœud très compliqué formant deux raquettes, offre au regard la fourrure blanche à reflets ardoisés dite Page 504 Anne-Louis Girodet et son atelier, Portrait de Napoléon I er en souverain législateur, huile sur toile, Page 505 Martin-Guillaume Biennais, glaive de Napoléon I er, or en partie émaillé, acier, écaille (fourreau), Ci-dessus Antoine-Alphonse Montfort d après Horace Vernet, Les Adieux de Napoléon à la Garde impériale dans Page de droite Galerie des portraits peints et sculptés de la famille impériale. vers 1812, détail de la page 508 : 1806, détail : aigle empiétant la cour du Cheval-Blanc au château la main de l Empereur planant un écu au monogramme N entouré de Fontainebleau le 20 avril 1814, au-dessus de l orbe crucifère, de seize étoiles et devise «Veni vidi huile sur toile, Château de de la main de justice et du Code vici» sur fond de foudre. Dépôt Versailles, Galeries historiques. Napoléon. F du département des Objets d art du musée du Louvre, MS

3 Page de gauche Ci-dessus Double-page suivante Tabourets en forme d X, Anne-Louis Girodet et son atelier, Portrait de Napoléon I er en souverain législateur, huile sur toile, Alexandre-Benoît-Jean Dufay dit Casanova, Portrait en pied de Jean-Baptiste-Isidore Martin, Salle «Napoléon empereur et roi». François Gérard, Portrait de Joséphine en grand costume, bois rechampi et doré, d une série de dix-huit livrés en 1806 par Pierre Marcion pour le salon des vers Préemption de l État, officier des chasseurs à cheval huile sur toile, À droite, Officiers de la Maison au palais F de la Garde impériale, huile détail de la traîne de velours brodé de Fontainebleau. Dation, N 18, sur toile, Salon de d or de l impératrice, bordée et et fonds palatial de Fontainebleau. Préemption de l État, F fourrée d hermine

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5 «renard bleu» propre aux officiers. L aigle et la couronne fermée, en relief et dorés, jouant sur le cuir noir du baudrier, et les deux aigles dorées des phalères du ceinturon sont les insignes distinctifs de la Garde impériale. Seules les bottes, qui sont non pas noires mais rouges, contribuant ainsi à l équilibre chromatique de la composition, donnent une note de fantaisie à ce portrait d apparat où cet officier des chasseurs à cheval arbore son statut avec fierté, sûr de son effet. Il appartient au corps prestigieux des chasseurs à cheval de la Garde. Ce corps tirait son origine des guides de la campagne d Égypte. Enflant de compagnie en régiment, il était chargé d assurer la garde rapprochée de l Empereur, l escortant continuellement. Lorsque la Garde impériale s accrut en effectifs, il fut tout naturellement le noyau de la Vieille Garde, qui combattit jusqu au bout et fut à l honneur aux «Adieux de Fontainebleau» le 20 avril Napoléon, empereur des Français et roi d Italie Le couronnement de Napoléon fut un événement unique dans les annales de l Histoire. Un petit lieutenant d artillerie d extraction révolutionnaire, qui devait sa fortune à la répression d une insurrection royaliste sur le parvis de Saint-Roch le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), était proclamé «Empereur des Français» par sénatus-consulte du 18 mai Napoléon eut à cœur de confirmer son élévation par une onction, reçue non pas à Reims comme les anciens rois de France, mais à Paris, en présence du pape Pie VII, venu tout exprès. Le 2 décembre 1804, dans le chœur de Notre-Dame, il posait lui-même sur son front la couronne impériale, composée de feuilles de laurier selon le modèle antique. La forme monarchique rétablie à son profit se nourrissait d une référence romaine, familière aux lecteurs de la Vie des hommes illustres de Plutarque à ceci près que l invocation de Brutus, courante sous la Révolution, s effaçait devant la révérence due au nouveau César qui devait son sceptre à son glaive. De cette cérémonie, peu d objets ont survécu : la tunique, la ceinture, l épée et une feuille de la couronne de laurier en or, tous conservés à Fontainebleau. Le peintre Gérard reçut commande en 1805 d un premier Portrait de l Empereur en costume du sacre. L atelier multiplia ensuite ce portrait en pied du souverain. En avant de son trône brodé de son monogramme, Napoléon, épée au côté et grand collier de la Légion d honneur autour du cou, arbore ses imperialia. Fermement tenu de la main droite, le sceptre sommé d une aigle, emblème du nouvel Empire, surplombe l orbe crucifère, symbole de domination universelle, et la main de justice, tous deux posés sur un coussin. Joséphine, l ancienne maîtresse du directeur Barras, petite créole devenue impératrice des Français, fut de même représentée en majesté, assise sur un trône semé d abeilles, mise en valeur par l ample drapé du manteau du dais et la chute de sa traîne fourrée d hermine, sur fond de puissante colonne palatiale. Page de gauche Atelier de François Gérard, Portrait de Napoléon en costume du sacre, huile sur toile, Acquis en 1939, F 2937 C. Ci-dessus Jacques-Louis David et son atelier, Portrait du pape Pie VII, huile sur bois, Envoi du musée royal du Louvre au château de Fontainebleau en 1822, INV

6 Pour le «sacre», qui fut en fait un autocouronnement, le pape Pie VII vint spécialement de Rome. Le sculpteur Deseine, lié au monde catholique, en fixa les traits durant le séjour parisien du pontife, de même que David, «Premier Peintre de Sa Majesté», en un portrait destiné à être offert au modèle mais, in fine, jamais envoyé à Rome. Le Livre du sacre, qui regroupe les dessins originaux et leur traduction en gravure, campe Pie VII en habits pontificaux. Les rapports entre le Sacerdoce et l Empire se dégradèrent vite du fait des empiétements de Napoléon sur les États de l Église. Rome fut occupée en février 1808, Pie VII arrêté en juillet 1809, détenu à Savone d août 1809 à juin 1812 puis à Fontainebleau, geôle dorée, de juin 1812 à janvier Les ambitions de Napoléon sur la péninsule italienne se devinent dans le groupe en marbre sculpté par Camillo Pacetti ( ). À la demande du ministre de l Intérieur du royaume d Italie, Arborio Gattinara di Breme, Pacetti exécuta en 1807 dans le marbre Napoléon inspirant l Italie et la faisant renaître à de plus grandes destinées. Napoléon, vêtu d une ample cape seulement jetée sur ses épaules et dégageant sa musculature, la tête ceinte d une couronne de laurier nouée à l arrière par une bandelette, pose un papillon sur le front de l Italie portant une couronne crénelée. Il redonne ainsi vie à l Italie appelée, après des siècles de joug étranger, à une résurrection politique par les soins de son libérateur mué en président de la République cisalpine, puis en roi d Italie. Quittant en 1805 Rome pour Milan, capitale du royaume d Italie, Pacetti avait emporté de nombreux modèles en plâtre, dont Minerve insufflant la vie à l automate de Prométhée, sujet original qu il transpose en une habile composition politique. Au lendemain de Trafalgar, les projets de résurrection maritime caressés par Napoléon, ici exprimés par un cheval marin et un ballot, l amènent à d ambitieuses mises en chantier de bâtiments à Gênes (puis La Spezzia) et Venise, en vue d escadres futures. Cette statue, de portée générale de par sa forme allégorique même, se révélait d actualité et fut placée à la droite du trône dans le salon des grandes audiences du palais royal de Milan pendant le séjour de Napoléon en son royaume d Italie du 21 novembre au 24 décembre 1807, mois durant lequel il passa, le 2 décembre, la flotte de l Adriatique en revue. Ci-dessus Plaque de l ordre de la Couronne de fer, argent, paillettes et fils d argent, après le 5 juin Dation, N 151. Page de droite Camillo Pacetti, Napoléon inspirant l Italie et la faisant renaître à de plus grandes destinées, marbre, Dépôt du département des Sculptures du musée du Louvre en 2001, MR

7 Les fastes de la table impériale Napoléon, ressuscitant la forme monarchique à son profit, s entoura des attributs exprimant ce pouvoir. Un grand service d apparat ornant la table du souverain s imposait. La Ville de Paris, sollicitée par le préfet de la Seine, s empressa d offrir en décembre 1804 le «Grand vermeil» comptant pièces dont subsistent, notamment, nefs et cadenas des souverains, pots à oille et terrines. La Nef de l Empereur s orne, à la proue, de la figure de la Victoire et, à la poupe, de celles de la Justice et de la Prudence qualités reconnues à l Empereur alors invincible. La Nef de l Impératrice se pare, à la proue, de la Bienfaisance et, à la poupe, des Trois Grâces qualité et compagnie féminines prêtées successivement à Joséphine puis à Marie-Louise. De somptueux services de porcelaine, issus de la Manufacture impériale de Sèvres, parèrent la table impériale au dessert. Aux Tuileries, ce furent le service «fond écaille à figure imitant le bronze», puis le service particulier de l Empereur. À Fontainebleau, se succédèrent le service «fond nankin à figures», acquis pour la venue du pape en novembre 1804, et le service «fond rouge, papillons et fleurs», livré en octobre La farandole allégorique du premier service à dessert de Fontainebleau Pour le séjour du pape Pie VII à Fontainebleau, du 25 au 28 novembre 1804, sur la route du «sacre» à Notre-Dame de Paris, le préfet du Palais, M. de Luçay, alla choisir à la Manufacture de Sèvres un service à dessert de porcelaine Page de gauche présente les deux «L» entrelacées Ci-dessus Double page suivante Henri Auguste, aiguière du «Grand de Louis XVIII alternant avec une Salle de la Table impériale. Henri Auguste, Nef de l Impératrice, Vermeil», vermeil, Le «Grand couronne fleurdelisée. Les angelots vermeil, À droite, détail : Vermeil» ayant, après la chute de de cette même frise tiennent un les Trois Grâces vues de dos, l aigle l Empire, servi sous la Restauration, sceptre fleurdelisé la main de impériale et la frise des municipalités les emblèmes impériaux ont été justice, valable pour tous les parisiennes. Dépôt du Mobilier remplacés par les attributs des régimes, n ayant quant à elle pas national, GMLC 327. Bourbons. Ainsi, l aiguière est ornée été modifiée. Donation de Raba en partie basse de fleurs de lis Deutsch de la Meurthe en 1930, rapportées, et le bandeau supérieur dépôt du château de Malmaison, MM

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9 Ci-dessus et page de droite Henri Auguste, terrine du «Grand Vermeil», vermeil, La figure sommant le couvercle, au front ceint d une muraille crénelée et tenant un écu, est la Ville de Paris, invitée par le préfet Frochot à offrir au souverain un service de table d apparat. À droite, détail : anse anguiforme jaillissant d une tête féminine nattée. Dépôt du Mobilier national, GMLC

10 disponible pour la table impériale. Le service de 110 pièces, l astronomie, et, à titre d hypothèse, l Hiver, assis, l Inno- La précision naturaliste du deuxième service C est aussi un écho au goût pour la botanique, la zoologie à fond nankin (du nom du tissu de coton, de couleur jaune cence, jeune fille à la poitrine dénudée, et la Rhétorique, à dessert de Fontainebleau et les beautés de la nature en général de Joséphine alors chamois, qui se fabriquait ordinairement dans cette ville semblant argumenter de son index droit tendu. Trois sujets En remplacement du service «fond nankin à figures», un encore impératrice ; c est en vue du séjour de 1809 à de Chine), orné de figures et de guirlandes de fleurs, était sont particulièrement frappants : la Terre, tenant le globe, service à dessert dit à «fond rouge, papillons et fleurs», Fontainebleau qu est livré, les 7, 8 et 18 octobre, ce composé de 72 assiettes et 38 pièces de forme. théâtre des exploits du grand homme, et une corne d abon- produit par la Manufacture impériale de Sèvres, fut livré service, en cet automne où elle apprend sa répudiation. Chaque assiette est décorée en son centre d un médaillon dance emplie des fruits de la terre ; un Génie de l Histoire ailé en octobre 1809 pour l usage de l Empereur au palais de Chaque assiette est ornée d un papillon d une espèce orné d une allégorie peinte en camaïeu grisaille se déta- et fougueux, qui inscrit des hauts faits, révélant le souci de Fontainebleau. Le service fut utilisé jusqu en 1814 et fut différente. Les ailes de ces papillons composent une chant d un fond violine cerné d un épais filet d or et d une Bonaparte, grand lecteur de Plutarque, de laisser une trace compris dans les effets emportés «à l insu du concierge» gamme de couleurs subtile : jaune piqué de minuscules large guirlande de fleurs enrubannées en six points. L aile dans les annales du monde ; enfin, la Concorde, ainsi explici- par Napoléon à l île d Elbe. points noirs sur les bords, jaune et orangé tachetés de est peinte d un fond nankin où se détachent, en alter- tement légendée en français par une inscription sur la Les assiettes offrent un décor composé au centre d un noir, ou encore orange ocellé de bleu et de rouge avec nance, trois médaillons circulaires ornés de bustes antiques terrasse, en référence à l œuvre d apaisement intérieur du papillon peint au naturel, se détachant sur un fond bleu un liseré de blanc. Certaines assiettes offrent des accents peints de profil en camaïeu vert à la manière de camées, Consulat et de pacification des esprits que permit le pâle, entouré d une couronne, elle-même bordée de chromatiques beaucoup plus soutenus : violet intense et trois figures nattées de face inscrites dans un octogone Concordat de Quant au Peintre céramiste, il résume à deux filets d or et enserrant des fleurs variées roses, (piqueté de points blancs et cerné de crème aux extré- en forme de velum, ce total de six motifs différents alter- lui seul l activité créatrice de la Manufacture de Sèvres. marguerites, liées par des bandelettes d or se croisant mités latérales) et rouge vif (à piqueté concentrique noir nant avec un motif identique, un attribut composite : une Le service, livré deux jours avant l arrivée de l Empereur en cinq points. L aile est ornée d une frise de feuilles cerné de blanc aux extrémités latérales), faisant écho au sorte de carquois ailé d où s échappent, de part et d autre, à Fontainebleau en novembre 1804, dut être beaucoup stylisées or sur fond rouge, elle aussi bordée de deux rouge du marli. rubans rouges et palmettes. utilisé et était déjà dépareillé en Deux siècles plus filets d or. Le souci de naturalisme dans la représentation Le château de Fontainebleau, où ne restait aucune pièce S il n existe pas dans les archives de la Manufacture de tard, le château de Fontainebleau s emploie à reconstituer des fleurs et des papillons révèle l exigence scientifique de ce service, a pu en douze ans réunir six assiettes et un Sèvres de liste récapitulative des sujets, certains sont recon- ce service à fond nankin et a déjà réuni dix pièces, neuf d Alexandre Brongniart, minéralogiste de formation et compotier «à pied dauphin» de ce service à «fond rouge, naissables : Cérès, tenant des épis de blé, Uranie, la muse de assiettes et un compotier. directeur de la Manufacture. papillons et fleurs». Page de gauche Ci-dessus Double page suivante Assiette Le Fayoum, cheval arabe Manufacture nationale de Sèvres, Manufacture impériale de Sèvres, Manufacture impériale de Sèvres, de l Empereur, peint par Jacques- assiette du service à dessert assiettes du service à dessert pièces du service particulier François Swebach, Achat, à «fond nankin à figures», à «fond rouge, papillons et fleurs», de l Empereur, porcelaine dure. F Le Peintre céramiste, porcelaine porcelaine dure, Sucrier peint d une Vue de Karnak Assiette Un dromadaire harnaché, dure, Préemption Acquis en vente publique par Lebel, Acquis en vente peint par Jacques-François de l Éat, acquis avec le concours de à Londres, F et F publique à New York, F Swebach, Dépôt de M. Thierry Jové-Dejaiffe, F Malmaison, MM

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12 Sujets égyptiens et européens du «service particulier de l Empereur» En octobre 1807 à Fontainebleau, Napoléon commanda à la Manufacture impériale de Sèvres pour son usage personnel un riche service, parfois appelé «des quartiers généraux». Ce service «d un genre tout particulier» devait lui rappeler des «souvenirs agréables». Si l aile des assiettes à dessert, ornée à l or d une frise de glaives antiques reliés par des branches de laurier se détachant sur un fond vert chrome, renvoyait indéniablement à la guerre, le centre était en revanche l emplacement idéal pour peindre une vue ou une scène propre à procurer à l Empereur les «souvenirs agréables» recherchés. Parmi ceux-ci, l Égypte occupe une place de choix. On tenta de mettre au point un véritable répertoire «égyptien», non sans mal. On put puiser dans le Voyage en Basse et Haute-Égypte de Denon des vues pittoresques telles que Le Miqyas au Caire ou Les Tombeaux des mamelouks près du Caire. Furent toutefois privilégiées les curiosités et les merveilles de la nature : rien moins que treize assiettes, effectivement exécutées et livrées, furent ornées d un animal. Rassembler la documentation iconographique nécessaire était le point crucial. S il fallut renoncer au projet de peindre des plantes, on se concentra sur les animaux. La tâche se révéla inégalement aisée selon que l animal était présent et visible dans les écuries impériales en France, ou bien vivant sur les bords du Nil ou aux abords du désert, aperçu naguère sans qu un crayon le saisît alors Élément de la faune propre à l Égypte ou «cheval arabe de l Empereur» acquis en Europe et doté d un nom oriental, chaque animal devait se détacher nettement sur un fond égyptien. Les chevaux «du rang de Sa Majesté», déjà peints sur des études à l huile de Martinet et Robert, purent être aisément représentés sur porcelaine. L Aboukir, Le Sara, Le Cheik, Le Fayoum furent confiés au pinceau de Swebach qui peignit également une autre monture, proprement égyptienne : Un dromadaire harnaché. Les sujets européens ne furent pas oubliés, les grandes réalisations intérieures tel le Canal de l Ourcq, sujet retenu dès la première liste dressée par Napoléon, comme les succès extérieurs, tel Le Transport de l épée de Frédéric le Grand aux Invalides, ou encore l agréable épisode polonais marqué par la douce Maria Walewska illustré par le Pont sur pilotis sur la Vistule à Varsovie, peint par Boquet, où se distinguent la cathédrale et le palais royal. Ces assiettes furent livrées à temps pour une des grandes cérémonies de l Empire, que représenta le peintre Casanova dans son Banquet donné au château des Tuileries, par Sa Majesté l Empereur Napoléon, à l occasion de son mariage avec S. A. I. l Archiduchesse Marie-Louise d Autriche, le 2 avril Au-dessous de ce tableau, sont placés des éléments provenant du surtout en biscuit du service particulier de l Empereur ou l évoquant, telles les deux statuettes de Venus genitrix et du philosophe Zénon. Le luxe du service «Borghèse» Les membres de la famille impériale rivalisèrent en faste. Les orfèvres Odiot et Biennais fournirent à Madame Mère et au prince Borghèse, beau-frère de l Empereur, un service en vermeil au chiffre ou aux armes du commanditaire. Le service «Borghèse», utilisé par le prince Camille, qui représentait Napoléon dans le Piémont incorporé à l Empire français, comptait mille six cent pièces de vermeil, fournies par les deux orfèvres Martin-Guillaume Biennais et Jean-Baptiste-Claude Odiot. Livré par Biennais, un seau à bouteille ou rafraîchissoir, d une forme très fonctionnelle, offre un riche décor dans l esprit de la collaboration que l architecte Percier apporta à Biennais ( ), tabletier devenu orfèvre grâce à la suppression des corporations. Établi rue Saint-Honoré à l enseigne «Au Singe Violet», Biennais eut pour client l impécunieux général Bonaparte à qui il fit crédit et qui se montra reconnaissant devenu empereur des Français. Ce seau à bouteille, orné sur la lèvre d une frise de feuilles d eau, repose sur un Page de droite Manufacture impériale de Sèvres, assiettes du service des vues diverses, Vue du château des Tuileries prise du grand bassin, peinte par Nicolas-Antoine Le Bel, 1815, et Vue de Florence, peinte par Pierre-André Le Guay, Dépôt du Mobilier national, Double page suivante Martin-Guillaume Biennais, pièces du service «Borghèse»: deux seaux à bouteille et deux plats ronds aux armes Borghèse, vermeil, entre 1809 et Legs de Mrs Audrey B. Love, F et 5, F et 16. GMLC 413 et

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14 piétement composé de quatre cygnes. Chaque cygne présente deux pattes palmées réunies enserrant une boule, des ailes se déployant de façon à habiller la panse et un col fortement retourné jusqu à la cage thoracique, se détachant sur une frise circulaire de feuilles de laurier, renfermée entre deux bandeaux qui marquent nettement la partie basse du seau. C est aussi le cygne qui est repris, avec encore un rôle structurant, pour les trois supports du cercle enserrant les burettes en cristal des deux huiliersvinaigriers et le pot des deux moutardiers livrés par Biennais pour le même service «Borghèse», mais avec des variantes dans la forme du cou, moins accusée, et le piétement, devenu monopode. Sur la panse des rafraîchissoirs est rapportée une figure d applique. Sur un char en forme de coquille, se dresse un homme. Cet aurige brandit un trident dans sa main droite et guide deux chevaux à pattes palmées, crête d hippocampe et queue de poisson, tous deux richement harnachés, représentés de profil et divergeant nettement l un de l autre, à la même hauteur que les anses toutes deux ornées à chaque attache d un mascaron barbu environné et couronné de roseaux. Tous ces détails aquatiques, d ordre animal, végétal ou mythologique, concourent à rappeler que la fonction de ce seau est de rafraîchir un liquide lié à Bacchus. À l aplomb de l aurige marin, rapportées au milieu de la panse, masquant les armes antérieures et brochant sur le manteau héraldique, sont apposées les armes Borghèse : d azur au dragon d or, au chef d or chargé d une aigle de sable becquée, membrée et couronnée d or. Le prince Camille Borghèse ( ), époux de Pauline Bonaparte en 1803, forma avec elle un couple mal assorti, tôt séparé de fait. Il vendit à son beau-frère en 1807 les antiques Borghèse, qui vinrent orner le musée Napoléon. Nommé en 1808 «gouverneur général des départements au-delà des Alpes», il représenta Napoléon dans la partie de l Italie du Nord directement rattachée au Grand Empire et tint la cour de l Empereur à Turin, préfecture du département français du Pô où figura ce service. Dépouilles du vainqueur et cadeaux faits à l Empereur Une même salle regroupe des pièces de diverses provenances, cadeaux faits à l Empereur ou dépouilles du vainqueur. Elle révèle son emprise croissante tant en France qu en Europe. Les somptueuses consoles le long des murs furent achetées en sous-main au général républicain Moreau, rival malheureux écarté en 1804 par le Premier consul. Elles supportent des éléments d un surtout de table offert en 1808 par le roi d Espagne Charles IV, un Bourbon d Espagne détrôné par Napoléon. Trois meubles expriment les formes de la domination napoléonienne sur l Italie. Dotée d un piétement dessiné par l architecte français Fontaine, une table échiquier offre un plateau exécuté par les ateliers de pierres dures de Florence, alors préfecture du département français de l Arno. Une table-secrétaire dite «de Venise», ornée de pâte de verre de plusieurs couleurs, fut offerte par un verrier de Murano soucieux d attirer l attention de Napoléon, dont la double titulature, empereur des Français et roi d Italie, s affiche sur le plateau orné de la Légion d honneur et de la Couronne de fer. Une autre table échiquier, enrichie de coraux par l atelier Martin de Torre del Greco, provient de l atelier royal de pierres dures de Naples, État feudataire du Grand Empire. Page de gauche Table à échiquier, plateau par l atelier de pierres dures de Florence sur un dessin attribué à Carlo Carlieri et piétement par l orfèvre Andrea Marchesini sur un dessin de l architecte Fontaine, bronze doré, bois pétrifié, jaspe de Sicile, jaspe jaune, lapis-lazuli, néphrite d Égypte, Cette table, destinée au salon des Aides de camp de l appartement intérieur de l Empereur au palais Pitti, fut léguée par la fille d Elisa, la comtesse Camerata, au prince impérial en Dépôt du Mobilier national en 1991, GME Double page suivante À gauche Salle «Dépouilles du vainqueur et cadeaux faits à l Empereur». À droite Éléments du surtout offert par Charles IV, transformé sur ordre de Napoléon, marbres, pierres dures, albâtre, bronze doré, vers 1791 et Dépôt du musée national des châteaux de Versailles et des Trianons

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16 L empereur en campagne Sillonnant l Europe à la tête de ses armées, l Empereur était suivi de plusieurs fourgons chargés du matériel nécessaire à cette vie en campagne. Une tente reconstituée évoque les Équipages impériaux qui accompagnaient l Empereur dans ses conquêtes. Conformément à la volonté de Napoléon, organisateur minutieux, le grand écuyer Caulaincourt ( ), à l œil sourcilleux, et le grand maréchal du Palais Duroc ( ), au ton rogue, veillaient aux moindres détails du confort matériel. Une grande tente comportait deux parties : un espace de travail doté de table et siège pliants livrés par Jacob- Desmalter et C ie et un lieu destiné au sommeil du stratège, garni d un lit démontable livré par la maison Desouches, gardé par le mamelouk Roustam qui s allongeait en travers de l entrée. Soigneux de sa personne, l Empereur en campagne avait à sa disposition un luxueux nécessaire de voyage, aussi bien qu un utile bidet de campagne doté d un clystère au poinçon de l orfèvre Biennais. Les Équipages impériaux comprenaient des cuisiniers prêts à opérer en un rien de temps grâce à une batterie mobile d ustensiles, tel un rustique chaudron de cuivre, frappé du monogramme «N» sommé de la couronne impériale et des mentions «N /voyage /4». Les repas de l Empereur devaient pouvoir être improvisés à tout moment et servis en tout lieu. Constant, valet de chambre de Napoléon, en témoigne ainsi dans ses Mémoires : «Voici comment était organisé [le service] de la bouche. Il y avait une voiture [ ] avec une grande cave et une énorme vache. La cave contenait le vin de Chambertin pour l empereur et les vins fins pour la table des grands officiers. Le vin ordinaire s achetait sur les lieux. Dans la vache était la batterie de cuisine et un fourneau portatif ; dans la voiture, un maître d hôtel, deux cuisiniers et un garçon de fourneau. Il y avait de plus un grand fourgon chargé de provisions et de vin pour remplir la cave à mesure qu elle se vidait.» Ci-dessus Ci-dessus à droite Page de droite Double page suivante Martin-Guillaume Biennais, bidet Chaudron de campagne Évocation de la tente de l Empereur Martin-Guillaume Biennais, de campagne de l Empereur, des Équipages impériaux, cuivre, en campagne. nécessaire de voyage n 4, livré acajou, cuivre jaune, ébène, fer forgé (anse), avant en 1809, acajou, cuivre, maroquin bronze doré (caisse et piétement) ; Préemption de l État, F vert, acier, argent, vermeil, bronze carton, maroquin vert, soie verte doré, ivoire, cristal, porcelaine, (écrin) ; vermeil, bois (clystère), nacre, maroquin rouge Don d André Schoeller Dation, N 90. en 1955, F 3207 C

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18 Les rouages du pouvoir En l état, cette salle présentant pour l heure les rouages du pouvoir de l Empereur contient en germe plusieurs salles du futur musée Napoléon I er qui sera à terme redéployé. Elle regroupe actuellement des œuvres liées à la carrière de Napoléon, à son «système», pour reprendre ses propres mots, tant dans ses rouages français qu à l échelle européenne. L épée et la plume Deux œuvres, un sabre et une écritoire, retracent de manière fulgurante la destinée de Napoléon Bonaparte et expriment les deux facettes de son génie de chef de guerre et de chef d État soit l épée et la plume. Jeune général, Bonaparte reçoit, à Campo-Formio en 1797, de l empereur d Autriche vaincu, une lame où sont gravés les noms des «empereurs» romains puis germaniques, de Jules César à Léopold I er. Afin que se puissent lire ces noms, cette lame une fois montée appelle un fourreau en cristal, exécuté par la Manufacture d armes de Versailles dirigée par Nicolas- Noël Boutet ( ), tandis que l écrin est fabriqué par le tabletier Biennais. C est ce sabre, que portait le Premier consul lors de son installation officielle aux Tuileries le 19 février 1800, qui apparut comme une première étape vers le pouvoir personnel. Aux heures sombres de 1814, marquées par son abdication puis sa tentative de suicide dans la nuit du 12 au 13 avril à Fontainebleau, il remit ce «sabre des empereurs», à ses yeux son «plus beau sabre», au fidèle Armand de Caulaincourt, grand écuyer. L orfèvre Biennais livra une écritoire pour le cabinet de l Empereur aux Tuileries. Cet objet offre une colonne surmontée d une tête de Minerve casquée, déesse de la stratégie, et fourmille d appliques en forme de foudre, de casque, de profils du héros Hercule et du dieu Mars, qui tous renvoient au conquérant moderne. De retour de l île d Elbe et rejouant la partie lors des Cent-Jours, Napoléon retrouve le 20 mars 1815, aux Tuileries, son écritoire. Elle est désormais, conséquence de la Première Restauration, dotée des grandes armes de la monarchie traditionnelle, de deux «L» entrelacés formant monogramme, et de fleurs de lis emblème des Bourbons restaurés, reconnus comme seule dynastie «légitime» par l Europe des monarchies coalisées. Après Waterloo, le 18 juin 1815, Napoléon est définitivement exilé, cette fois-ci à Sainte-Hélène, Louis XVIII de retour sur le trône et les fleurs de lis appelées à rester sur l écritoire. Ci-dessus Manufacture d armes de Versailles et Nicolas-Noël Boutet, «directeur artiste», sabre «des Empereurs», acier, or, ébène (sabre), or, cristal de roche, lapis-lazuli (fourreau), vers Martin-Guillaume Biennais, étui au chiffre «B» entouré d une couronne de laurier, acajou, ébène, cuivre. Dation, achat et donation comte et comtesse Louis-Amédée de Moustiers, F à 6. Page de droite Martin-Guillaume Biennais, écritoire de Napoléon, livrée en 1806 au palais des Tuileries à l usage de l Empereur, racine d orme, ébène, vermeil, cristal. Fonds palatial de Fontainebleau, F 1216 C. Double page suivante Manufacture d armes de Versailles et Nicolas-Noël Boutet, «directeur artiste». Sabre «des Empereurs». Détail : lame gravée du nom des empereurs romains et germaniques et garniture médiane du fourreau, ornée d un côté du génie de la Paix brûlant des armes, de l autre, de la Victoire tenant couronne et palme. Dation, F

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20 Le stratège maniant le compas Une œuvre révèle le stratège à l œuvre. Le directeur du musée Napoléon, Dominique Vivant Denon, orchestrant la commande de la statuette Napoléon assis, étudiant une carte, la décrit ainsi le 14 août 1808 à l Empereur : «assise près d une table, un compas à la main, Votre Majesté est occupée à prendre des distances sur une carte géographique.» La richesse du mobilier exclut de voir ici le tacticien hors pair engagé dans une campagne et dressant au bivouac les plans du lendemain selon sa maxime : «la guerre est une affaire simple et toute d exécution», mais plutôt le stratège occupé dans son palais à concevoir de vastes plans à l échelle de l Europe soumise à son compas. Cette statuette était conçue pour faire pendant à celle de Frédéric II placée dans le cabinet de l Empereur aux Tuileries. Officier passé par les écoles militaires, issu de l arme savante qu est l artillerie, Napoléon se fait ainsi l égal du plus grand capitaine des temps modernes, Frédéric II de Prusse, élevé au rang de modèle surpassé dont il est allé chercher l épée jusque dans le tombeau de Potsdam. Cambacérès et Berthier, rouages essentiels de la machinerie impériale Napoléon assoit son pouvoir par cercles concentriques émanant de sa personne. Les bénéficiaires de ses largesses sont sa famille, les grands dignitaires de l Empire, tel l archichancelier de l Empire Cambacérès, et les grands officiers de l Empire (grands officiers civils de la Couronne, inspecteurs et colonels généraux, maréchaux de l Empire). Militaires et personnel civil tiennent du souverain leur pouvoir, et reçoivent dignité et récompenses en échange de leur fidélité. Un personnage clé de ce «système» est l ex-second consul Cambacérès devenu archichancelier de l Empire. Jean- Jacques Régis Cambacérès il abandonna la particule au début de la Révolution fut fasciné par Bonaparte dès leur première rencontre. Une fois Bonaparte de retour d Égypte, Cambacérès fut mêlé au coup d État de l an VIII. C est chez lui que dînèrent les conjurés le soir du 17 brumaire. Il fut nommé second consul, en raison de ses relations étroites avec les membres des assemblées précédentes et de la solidité de ses connaissances juridiques. Mentor du général, il assura, parmi le personnel hérité de la Révolution, le recrutement des partisans du nouveau régime. D un dévouement sans borne, il fut l artisan de la nomination de Bonaparte comme consul à vie en C est lui qui, à Saint-Cloud le 18 mai 1804, remit au chef de l État le sénatus-consulte proclamant l Empire, en s adressant à lui ainsi : «Sire» En vertu de l article 32 de ce sénatus-consulte, il devint grand dignitaire de l Empire au même titre que Joseph, grand électeur, ou Louis, connétable. Archichancelier de l Empire, il reçut le titre de prince et le prédicat d Altesse sérénissime de même qu un traitement de francs permettant un train de vie fastueux, sans compter des gratifications ponctuelles de l Empereur, ainsi pour En haut Andrea Appiani, Portrait de Louis-Alexandre Berthier en habit de cour, huile sur toile, après Outre la Légion d honneur, Berthier arbore la plaque de l Aigle noir de Prusse, décoration reçue en Préemption de l État, F Page de droite Louis-Laurent Roland, Buste de Jean-Jacques-Régis Cambacérès, archichancelier de l Empire, terre cuite, Outre l étoile et la plaque de la Légion d honneur, l archichancelier de l Empire français porte en évidence, pendant à son cou, la croix de l Aigle rouge de Prusse et, cousue sur son habit, la plaque de chevalier de l Aigle noir de Prusse, décoration reçue le 7 avril 1805, le même jour que l Empereur. Préemption de l État, acquis avec le concours financier de M. Pierre-Hervé Walbaum, F

21 acquérir l hôtel de Roquelaure. En l absence de l Empereur, c est sous sa présidence que se réunissaient les ministres. Dans l exécution des affaires, il fut un agent de centralisation et de transmission mu par Napoléon, d une totale subordination à la volonté impériale. Le sculpteur Roland a su donner aux traits de l archichancelier Cambacérès sa prestance pompeuse et rendre son masque empreint de gravité son «empesure», disait Napoléon à propos de cet être de représentation en même temps que son goût du luxe et du faste. Louis-Alexandre Berthier ( ) est un autre personnage clé de l entourage de Napoléon, dont il jouissait de l entière confiance. Titulaire de la première cohorte de la Légion d honneur dont le siège était au palais de Fontainebleau, major général de la Grande Armée, maréchal d Empire, il est même prince souverain de Neufchâtel, titre redoublé par celui de prince de Wagram en 1809 pour son rôle dans la victoire remportée sur l archiduc Charles. Andrea Appiani ( ) représenta le grand veneur en habit vert, couleur distinctive de la Vénerie impériale, richement brodé de palmes d argent. Jérôme Napoléon, roi de Westphalie Dans son système étendu à l échelle européenne, Napoléon enrôla ses frères comme lieutenants de son pouvoir. Au traité de Tilsit en 1807, le benjamin, Jérôme, reçut le trône de Westphalie. Il chercha à imposer son image et étala un luxe dispendieux. Un glaive royal commandé à Paris exprimait cette récente souveraineté en terre germanique. Ce glaive fut exécuté à Paris dans l atelier de Biennais, qui signa sur une face «Biennais Orfèvre de S. M. l Empereur et Roi», et sur l autre «Biennais Orfèvre de S. M. le roi de Westphalie». Ce glaive offre une poignée en or ciselé, enrichie à l origine de diamants (aujourd hui remplacés par des pierres vertes dites chrysoprases) et ornée de palmes, motifs végétaux stylisés et fleurs à quatre pétales sur une face et, sur l autre, de palmes, palmettes, lyres, abeille et motifs végétaux stylisés. La garde est ornée d une tête de méduse, de lyres et de rinceaux, et d une tête égyptienne à l extrémité de chaque quillon. Au nœud de corps apparaît sur une face le chiffre «JN» couronné, sur l autre une aigle, de chaque côté un Page de gauche Ci-dessus Double page suivante Cuirasse et casque d apparat Martin-Guillaume Biennais, Martin-Guillaume Biennais, Glaive Boutrais, fabricant de casques, du roi Jérôme Napoléon, vers fontaine à thé au chiffre de Jérôme royal de Westphalie, Or, chrysoprases, armures et équipements militaires, À gauche, casque d apparat, acier Napoléon, vermeil, nacre, acier bleui, velours, actif à Paris sous le Premier Empire, bleui, or, velours vert, plumes Achat, F Dation, N 236. attesté dans l Almanach du Dation, N Commerce de Paris de 1813, et À droite, cuirasse d apparat, acier Martin-Guillaume Biennais, orfèvre, bleui, émail, velours brodé. et Simon Robert, orfèvre, actif à Dation, N 360. Paris de l an V à 1823, attesté dans l Almanach du Commerce de Paris de

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23 foudre. À l extrémité du pommeau sont gravées en creux les grandes armes de Westphalie. La lame en acier bleui est ornée, sur la face principale, du buste de Minerve évoquant la Sagesse et la stratégie dans un contexte militaire, du chiffre «JN» de son possesseur, d une aigle couronnée, d un serpent enroulé autour d un miroir symbolisant la Prudence, d une trompette ailée et d une couronne de laurier symbolisant la Victoire. Certains motifs, tels aigle, trompette ailée et couronne de laurier, sont répétés sur l autre plat, tandis qu apparaissent, enrichissant la symbolique du glaive, le buste barbu de Mars, dieu de la guerre, le chiffre «W» renvoyant au royaume de Westphalie, et la massue d Hercule entourée de feuilles de chêne, allusion à la force virile du demi-dieu auteur de douze travaux. Le fourreau, gainé de velours, est exécuté en or. Sur la face principale, des plaques ornées de bas-reliefs se succèdent : foudre, attribut de Jupiter, roi des dieux ; mufle de lion, roi des animaux ; tête de profil d un cheval, emblème retenu pour le nouvel État, et tête de lion, cette fois-ci de profil. Ces attributs expressifs à forte charge politique alternent avec des motifs découpés et ajourés, en forme de palmettes et fleurs. La bouterolle est décorée sur les deux faces d une Victoire ailée et d une tête de Méduse. Jérôme Napoléon, colonel de son régiment de gardes du corps, commanda de même une cuirasse et un casque d apparat, qui furent exécutés par Boutrais, chapelier à Paris, et Biennais et Robert, orfèvres de l Empereur à Paris, vers Cette cuirasse est ornée de deux grands colliers, révélant symboliquement la double qualité de Jérôme, à la fois prince français et roi de Westphalie. À la différence du grand collier de la Légion d honneur qui offre les attributs des arts et des sciences militaires et civiles, le grand collier de l ordre de la Couronne de Westphalie, présent sur la cuirasse par la volonté expresse de Jérôme, se compose d une alternance d aigles d or et d animaux héraldiques entourés d une couronne de laurier émaillée. Ce sont le cheval cabré de Westphalie, le lion rampant de Hesse, et une créature hybride couronnée, mi-aigle tenant un sceptre, mi-lion dressé. Ces motifs sont repris dans un motif central unifié où le lion et le cheval se dressent, reposant leurs membres avant sur la couronne qui coiffe l animal hybride placé au centre, tous étant sommés d une aigle. Cette aigle, portant une couronne fermée surmontée d un orbe planté d une croix, tient dans ses serres un foudre où se lit l inscription en français : «Je les unis.» À l image de la réalité politique du royaume de Westphalie, cette devise a valeur de programme politique : il s agit pour le commanditaire de la cuirasse d affirmer qu il fédère les territoires rassemblés dans sa main, qu il les unit sous son sceptre. Le casque est orné d une aigle couronnée, tenant un foudre en ses serres, et de branches de laurier. Les oreillons souples, constitués de rangs successifs de lames d or, comme le cimier empanaché de plumes, révèlent le goût de l ostentation de Sa Majesté Jérôme Napoléon, éphémère roi de Westphalie de juillet 1807 à octobre Ce système familial ne répondit pas aux attentes de Napoléon. De son exil de Sainte-Hélène, désabusé, il devait s écrier : «Nommais-je un roi, il se le croyait tout aussitôt par la grâce de Dieu, tant le mot est épidermique. Ce n était plus un lieutenant sur lequel je devais me reposer, c était un ennemi de plus dont je devais m occuper. Ses efforts n étaient pas de me seconder, mais bien de se rendre indépendant.» Marie-Louise, seconde Impératrice des Français Napoléon, qui selon ses propres termes «cherchait un ventre», épousa religieusement Marie-Louise de Habsbourg le 2 avril 1810 dans le Salon carré du Louvre aménagé en chapelle. Elle fut somptueusement accueillie par la France victorieuse de l Autriche en un espoir unanimement partagé de paix, comme l exprime l Allégorie de l union de la France et de l Autriche en présence de l Europe. Cette œuvre, un Page de droite Atelier français, probablement Dagoty, Allégorie de l union de la France et de l Autriche en présence de l Europe, peinture sur verre aux couleurs vitrifiables, vers Préemption de l État, acquis avec le concours financier de Bruno Grandjean, président du directoire de la société Redex, F Double page suivante À gauche François-Aimé Damerat, ciseleur à Paris, L Impératrice Marie-Louise à l antique, argent, bronze doré, Dépôt du département des Objets d art du musée du Louvre, MR 354. À droite François-Aimé Damerat, ciseleur à Paris, L Empereur Napoléon à l antique, argent, bronze doré, Dépôt du département des Objets d art du musée du Louvre, MR

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25 incunable de la renaissance de l art de la peinture sur verre, est subtilement encodée : les deux figures féminines s enlacent, les monogrammes «N» pour Napoleo et «L» pour Ludovica s entremêlent sur la face de l autel de forme antique, les écus de France et d Autriche se superposent tandis que la colonne lotiforme s abstient de porter toute inscription se référant à une défaite des Habsbourg. Pour faire connaître les traits de la nouvelle souveraine, le peintre Gérard aidé de son atelier la représenta en pied, le grand manteau d apparat fourré d hermine s épanchant de son épaule sur le trône. La Manufacture impériale de Sèvres édita plusieurs bustes de l impératrice, parée d un diadème. Statuettes de l invention de Denon Denon, directeur du musée Napoléon et hommeorchestre de la vie artistique, y alla aussi de son idée : s inspirant d une œuvre antique, il fit fondre et ciseler en argent, d après une statuette de matrone romaine de sa propre collection, une statuette à laquelle on prêta les traits de Marie-Louise. Assise sur un siège de modèle antique, les jambes croisées, le visage incliné vers la gauche, toute en réserve, la main gauche posée sur la poitrine, l impératrice, tenant des pinceaux en sa main droite et ayant à ses pieds une palette (aujourd hui disparue), pose en protectrice des arts. En pendant, la statuette de son impérial époux le représente assis sur un piédestal à deux marches, en position frontale, altier. Il tient son sceptre en sa main gauche, et de l autre des attributs des Sciences et des Arts : compas, rapporteur, ciseau, ébauchoir Vêtu d une seule toge fixée à son épaule droite, coiffé d une couronne de laurier prolongée par des bandelettes, l Empereur apparaît dans une nudité héroïque. Cela déplut souverainement à Napoléon : «Habillez les Grecs et les Romains comme ils l étaient dans les temps anciens, mais habillez les Français de nos jours comme ils le sont au xix e siècle», fulmina-t-il. Denon, courtisan toujours en quête de sujets flatteurs, dut être fort marri du courroux de son maître. L impératrice vivait entourée du faste que commandaient le respect de son lignage et le rang de son époux. Concourent à exprimer ce faste un lavabo-athénienne, une table de travail à cassolette dessinées par Percier et Fontaine et provenant de Saint-Cloud, un métier à broder et un méticuleux dessin sur vélin, L Oiseau-lyre, dû au talent de Pauline de Knipp-Courcelles qui portait le titre de «dessinatrice des oiseaux de Sa Majesté l Impératrice». Le roi de Rome, héritier attendu En 1811, Napoléon, qui doit son sceptre à son sabre, est à l apogée de son pouvoir. De Marie-Louise, «génisse livrée au minotaure de l Europe» selon la formule du prince de Ligne, Napoléon attend un héritier. Un fils, Napoléon François Joseph Charles, titré «roi de Rome» avant même sa conception, naît le 20 mars 1811 salué par cent un coups de canon, dans une France comptant cent trente départements. Il est ondoyé dans le baptistère livré par l orfèvre Paraud pour la Chapelle impériale. Cette naissance, événement tant désiré pour inscrire la dynastie impériale dans la durée, a été préparée avec soin. Pour le service du prince, l Empereur, se référant à l Ancien Régime, a recréé une «Maison des Enfants de France» dont la gouvernante est Madame de Montesquiou, l épouse du grand chambellan. Ayant parfaitement élevé ses cinq enfants, elle est pour cette raison choisie par Napoléon qui l estime «femme d un rare mérite». Elle commande à Ruxthiel ( ) un buste qui saisit les traits de l héritier du trône, ce fils ardemment souhaité par Napoléon. Posé sur une console, ce buste en marbre du roi de Rome dialogue avec une Allégorie de la naissance du roi de Rome peinte par Alexandre Rémy et, par roulement, avec les portraits peints de ses cousines germaines, filles de son oncle Joseph ou de sa tante Caroline Murat. Le mobilier ici rassemblé provient des appartements du petit roi dans divers palais de la Couronne. Pour cet enfant né «dans la pourpre» aux Tuileries, un grand berceau Page de droite Henri-Joseph Ruxthiel, Buste en hermès du roi de Rome, marbre, Préemption de l État, F