Les visiteurs du soir Rencontre avec Hervé Tullet

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Oscar Bordeleau
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1 Les visiteurs du soir Rencontre avec Hervé Tullet Le Jeudi 20 mars 2008, La Joie par les livres recevait Hervé Tullet interviewé par Véronique Soulé. Votre premier livre «Comment Papa a rencontré Maman», pose d emblée votre travail d auteur qui adopte une forme qui laisse la place à l imaginaire des enfants. Dans le dernier «L agenda du (presque) poète», dialogue et mise en image, sans rien de figuratif, vous entrez en relation avec l imaginaire d un autre, Bernard Friot. Est-ce un nouveau chemin? «La rencontre avec Bernard Friot m a donné le sentiment d une reconnaissance réciproque et l envie de travailler avec lui. L éditrice, Béatrice Decroix pour La Martinière, avait prévu 40 fonds pour le texte (question de budget ). Mais par envie, par enthousiasme face au texte, je me suis emballé littéralement Chaque texte renvoyait à quelque chose chez moi et me donnait une ligne directrice. Je m adaptais et parfois j anticipais et étais rejoint. Un mouvement en cohérence avec ce que je recherche et ai à donner : une énergie. Je n aime pas l idée de définir un style : mon style, c est mon énergie. Je pars de l énergie à mettre au service de quelque chose : une idée, le travail d un autre, mon travail à moi». La mise en œuvre a duré deux mois et entre temps le maquettiste a changé. Signe de la vigilance de l éditeur. «Le choix du maquettiste est important car je donne un travail ouvert. Je produis plusieurs images par jour et j aime qu on choisisse et être surpris!». Autres rencontres : «J ai pendant sept ou huit ans rempli des carnets de croquis sous l influence amicale de Charles Barberian. Avec deux idées sousjacentes : le modèle vivant et l entassement, la promiscuité. Puis j ai cherché qui pouvait réagir. Avec Vincent Brocvielle cela pouvait exister avec un entremêlement de phrases. Le livre est sorti aux USA chez un petit éditeur américain, Milet publishing. Pour les remercier, et particulièrement Patricia, d avoir publié «Faut pas confondre» qui ne s était pas vendu- «trop français»- jusqu à ce qu il soit en vente à la Tate Gallery où, là, il s était très, très bien vendu». Hervé Tullet, 20 mars 2008, p. 1

Dans le dernier «L agenda du (presque) poète», dialogue et mise en image, sans rien de figuratif, vous entrez en relation avec l imaginaire d un autre, Bernard Friot. Est-ce un nouveau chemin?

2 Autre histoire de fidélité : avoir suivi Fanny Marceau de Hachette au Seuil. Elle lui avait dit à leur première rencontre : «Je ne veux pas un livre, je veux un auteur», et au bout de deux, trois ans cela a donné «Comment Papa a rencontré Maman». Exemple de processus : «On n a rien. Conversation avec Fanny. Les contraires et les trous. 45 minutes de musique japonaise. Le lien se fait et le livre est fait le temps du disque. Energie pure. Jacques Binstock (Le Seuil) accepte immédiatement. Problème : quid de Fanny? Jacques Binstock l embauche! Problème avec Jacques Binstock : il voit en noir et blanc. Et pour moi la couleur est indispensable. Je compte plus sur la couleur que sur mon dessin, je voulais un gros livre avec plein de couleurs. C est Fanny qui l a fait, comme éditrice. Puis, après une bonne dizaine d autres ont suivi. Quand Fanny est partie j ai continué avec Brigitte Morel». Véronique Soulé Comment cela s est-il passé pour «L agenda du (presque) poète»? «Quand il y a accord, tout est à faire. Je commence quand je peux et j arrête quand j en ai assez. Je ne connais pas moi-même les tenants et les aboutissants. C est peut-être pour cela que j aime aller dans les écoles. On construit petit à petit à partir d une succession d images. Pas de schéma préalable. Blop est une variation sur une forme. Blop cherche quelle forme il va prendre. Dans le livre on passe d une forme abstraite à des Blops à la montagne, par exemple. Une forme devient personnage. Il va où il veut. C est contenu dans le «oui» que m a donné l éditeur et ensuite dans le travail». Ce processus se retrouve pour ses six films. «J ai soumis l idée à un réalisateur. Puis le projet à un producteur (TV Ventures). Là, je suis entré dans un processus de création avec des interlocuteurs. Cela m a envahi pendant un an. J ai une centaine de films d une minute prêts dans ma tête». Sont alors visionnés : Armée / Bzzz / Fabriques / Nuit / Semba-animée / Semba-fixe] On peur voir ces films sur le site Quel travail avec la musique pour ces films? «C est très difficile. Une consigne : que ce ne soit pas a priori «pour les enfants». Les références musicales : Stockhausen, Miles Davis, Debussy. Je suis influencé par la musique. C est une partie de mon énergie et il y a des parallèles : Miles Davies, années Hervé Tullet, 20 mars 2008, p. 2

Exemple de processus : «On n a rien. Conversation avec Fanny. Les contraires et les trous. 45 minutes de musique japonaise. Le lien se fait et le livre est fait le temps du disque. Energie pure.

3 70 : des musiciens sur scène, une musique pas écrite, la musique qui se fait en se faisant. De la même façon je découvre ce que je vais faire en le faisant». La série «Jeu» est-elle liée au travail pour les films? «C est la même période. Il y a une évolution évidente depuis «Blop». Quelque chose en plus : le jeu. Le prochain : «Jeu de reflets». Je le regarde et je peux dire «c est génial» parce que je suis surpris moi-même. J aime bien être le spectateur de ce que je fais. Je ne m attendais pas à ça à partir de mon idée initiale. Je retrouve «Petit bleu, petit jaune». Il y a une grande histoire du livre et de la littérature de jeunesse. Une filiation Matisse / Lionni. «Que des bouts de papier et tu as vu tout ça?». Un idéal : Méliès. Faire beaucoup avec peu. Avec «Jeu» on peut faire beaucoup de choses. Quelques uns sont abstraits, d autres concrets. Les figuratifs donnent une légitimité aux autres, par conséquent je les mets ensemble. Le lien c est l idée. Je crois plus aux idées qu au dessin.». «Un autre projet : une demande de Bayard. Lancer des histoires dans «Belles histoires». Je cherche des mécanismes pour lancer des histoires. L idée : la collusion. Les enfants s impliquent et comprennent. Les adultes ont du mal. «Turlututu» a été demandé pour «Tralalire». J ai là un espace pour jouer, et, en échange je donne des histoires. C est un partage». Hervé Tullet, 20 mars 2008, p. 3

Je le regarde et je peux dire «c est génial» parce que je suis surpris moi-même. J aime bien être le spectateur de ce que je fais. Je ne m attendais pas à ça à partir de mon idée initiale.

4 Comment jouer avec la contrainte? Il y a une contrainte dans la page, plus une contrainte pour relier les séquences. Avec «Turlututu» il y a une contrainte en plus : faire vivre un personnage. Panama ne me donne pas de contraintes. Exemple : je sens l envie d explorer les sens de façon sensible. Donc, je produis des images, je rentre dans le processus du livre. Avec Fanny Marceau on cherche un ordre pour les dessins. Arrive Brigitte Morel. - Fanny : Ca va être un livre cher - Brigitte : Alors, que ça se voie! Alors, utilisation du papier gaufré, du braille, etc. Cela donne le livre «Les cinq sens». Mais je ne suis pas dans la démesure, le cherche la justesse par rapport à l idée». «Le premier jour»? «Encore une histoire de petits carnets. Remplis d images qui viennent dans ma tête. Je les analyse, j en parle. Je vois que cela a un rapport avec la préhistoire : des choses brutes, archaïques, premières. Je lis, j accumule des sensations. Martine Laffon suggère d écrire. Je ne me sens pas habilité à le faire. Je fais une petite maquette. - Brigitte Morel : «C est un album» Pour moi, c est un piège et un cadeau, car je n ai pas confiance en moi. Ce livre correspond à ma rencontre adolescent avec le Surréalisme. C est tout cela qui ressortait : une part d inconscient. De la même façon, je vais dans les écoles pour voir ce que j ai fait ; avant, je ne sais pas». Les écoles? «Je vais dans les écoles pour trouver une évidence. Je crois aux petites magies de l instant, à ce qui surgit. Le problème : contrôler le groupe. Je dis bien le groupe car les histoires individuelles ne m intéressent pas. Alors, d abord, je déconcerte les enfants. Je dis que je ne suis pas Hervé Tullet. Ou que je ne sais pas dessiner. Mais la grande affaire pour déconcerter, c est le gribouillage. Après, il faut sauver ce gribouillage. Qu il puisse devenir quelque chose par le regard. C est le regard qui donne un sens. Je pratique le «dégourdement «(mot d une petite fille qui me parle bien ). Avec pas grand chose, on a Hervé Tullet, 20 mars 2008, p. 4

Avec Fanny Marceau on cherche un ordre pour les dessins. Arrive Brigitte Morel. - Fanny : Ca va être un livre cher - Brigitte : Alors, que ça se voie!

5 fait quelque chose, par l énergie innocente et pure. Il y a cela dans le dessin d enfant et l art brut. Ainsi Bill Traylor avait-il trouvé quelque chose à faire et qui le remplissait. Il n y a qu une histoire. La graine, c est «Petit bleu, petit jaune». Je fais des ateliers de gribouillage, maintenant, des courses de crayons, c est jubilatoire, c est le bazar. La base, c est le groupe. Il faut qu ils bougent, que ça circule. Ce n est pas à moi. C est un produit du hasard. Je suis disponible à ce qui se passe. En alerte. Je dois être performant, me surprendre. Ca doit m apporter quelque chose pour moi, pour eux». Question du public: Et l instit? «L instit est en général ravi. Ça se passe bien avec les enseignants qui adhèrent à mon travail». L illustration du roman «L élan bleu»? Comme les catalogues pour Hermès ou les couvertures de livres, c est du vrai travail d illustrateur. Au départ je suis illustrateur. Je fais des livres quand je n ai rien à faire. Je suis de plus en plus pressé de vider les idées que j ai en tête. Sur la page blanche. Compte rendu par Claudine Hervouët Hervé Tullet, 20 mars 2008, p. 5

La base, c est le groupe. Il faut qu ils bougent, que ça circule. Ce n est pas à moi. C est un produit du hasard. Je suis disponible à ce qui se passe. En alerte.

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