Les conditions d une reprise réussie

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1 Les conditions d une reprise réussie Cédants et Repreneurs d Affaires (CRA) est une association loi de 1901 créée en Son objet fondamental est de favoriser, d une part, la transmission des entreprises PME-PMI et, d autre part, leur développement par fusion ou partenariat, en organisant les contacts indispensables entre cédants, repreneurs et experts au niveau régional et national. Cette association est animée par d anciens dirigeants ou cadres supérieurs d entreprises à la retraite et bénévoles. Elle compte 31 délégations dont 2 en Allemagne. Elle s adresse aux PME-PMI comme aux repreneurs individuels, qu il s agisse de cession totale ou partielle d entreprise (SA et SARL, à l exclusion des fonds de commerce). L association CRA permet au cédant et au repreneur qui se cherchent de se trouver, grâce à sa couverture nationale et à la personnalisation du processus de rapprochement (sélection des adhérents par entretien individuel, diffusion d un bulletin mensuel et d un fichier d affaires à céder disponible sur l internet et le minitel, mise à disposition de dossiers de présentation aux repreneurs intéressés, mise en contact confidentielle, etc.). Elle propose également des formations et des réunions pour aider les repreneurs et une assistance aux cédants pour le montage de leur dossier. CRA joue donc un rôle de facilitateur de contacts, visant les transactions entre cédants et repreneurs. Son portefeuille courant s élève à plus de 550 offres d affaires à reprendre. En 2000, l association a ainsi favorisé la conclusion de 115 reprises de PME-PMI. Cette intervention s appuiera sur les 15 années d expérience de l association CRA pour définir les conditions d une reprise réussie, pour des sociétés dont le chiffre d affaires se situe entre 2 et 50 millions de francs. Une fois sur deux, la transmission d une entreprise est motivée par l incapacité du dirigeant à poursuivre (âge, maladie, etc.). Aujourd hui, 10 % des dépôts de bilan, soit plus de 1000 entreprises par an, ont pour origine un échec de transmission. Reprendre, c est aussi créer 59

2 Keys to a successful takeover Cédants et Repreneurs d Affaires (CRA) is a non-profit organization formed in Our key goal is to help small and medium-sized enterprises (SMEs) by (1) facilitating transfers of businesses and (2) fostering SME growth through mergers and partnerships, by organizing the necessary contacts between sellers, buyers, and experts at the regional and national levels. CRA s staff consists of retired and volunteer business owners and senior managers. We have 29 local units in France and two in Germany. We provide services to SMEs as well as individual purchasers, for total or partial sales of business assets (of companies incorporated in France as sociétés anonymes [SAs] and sociétés à responsabilité limitée [SARLs], but excluding goodwill). CRA brings sellers and buyers together thanks to its nationwide coverage and personalized approach to contact-building: we select members through personal interviews; we publish a monthly bulletin, and post a list of businesses for sale on the Internet and Minitel (videotext network); we make business presentations available to interested potential buyers; we arrange contacts on a confidential basis; and so on. CRA also organizes training programs and information sessions for buyers, and helps business owners prepare documentation and examine arrangements for selling their firms. CRA thus acts as a facilitator of contacts to promote transactions between sellers and buyers. Our portfolio currently contains more than 550 businesses for sale. In 2000, we helped finalize 115 SME takeovers. This talk will draw on CRA s 15-year experience to define the keys to a successful takeover, for companies with sales in the FRF2-50-million range. Half of all such transfers are caused by the owner s inability to continue running the firm for example, because of age or illness. Today, more than 10% of French bankruptcy filings or more than 1,000 enterprises a year are due to a transfer failure. 60 Insee Méthodes

3 LES CONDITIONS D UNE REPRISE REUSSIE Jean-Marie Chapus Président, Cédants et Repreneurs d Affaires (CRA) Les dix années écoulées ont été qualifiées d «années glorieuses de la création». Aujourd hui, il nous faut également insister sur la transmission. L association Cédants et Repreneurs d Affaires (CRA) est un «facilitateur» de contacts entre 800 repreneurs potentiels, 500 affaires à reprendre et 100 experts (juristes, fiscalistes, experts-comptables). Depuis 1987, cette association nationale sans but lucratif a pour objet de favoriser la cession et la transmission d entreprises. Le CRA est animé par une centaine de bénévoles, anciens dirigeants et patrons d entreprise. Il compte 31 délégations régionales et 2 en Allemagne. L association diffuse un bulletin mensuel des affaires nouvellement enregistrées et met à disposition le fichier complet des affaires en portefeuille sur son site Web ( Les repreneurs intéressés peuvent consulter les dossiers de présentation des entreprises à céder, dans le respect de la confidentialité requise. Le CRA établit une mise en contact confidentielle du repreneur et du cédant, dans la mesure où ce dernier le souhaite. Il propose également un cycle de formation, des réunions entre les repreneurs et une assistance aux cédants pour le montage de leur dossier. Le cœur de cible est composé de petites et moyennes entreprises, SA ou SARL, dont le chiffre d affaires se situe entre 0,3 et 7 millions d euros. Leur valorisation est en général inférieure à 3 millions d euros. En 2000, le CRA a participé, de près ou de loin, à 115 opérations sur ces affaires. Quelles sont les conditions assurant le succès d une reprise? Les repreneurs potentiels de PME ou de PMI rencontrés en sont le plus souvent à leur première expérience. En général, un repreneur reprend au maximum trois entreprises au cours de sa carrière. À chaque reprise, il engage une partie importante de son patrimoine. Le cédant a, de son côté, une idée assez précise de l homme qui doit lui succéder à la tête de l entreprise, ce qui constitue à la fois une difficulté et un atout supplémentaire pour la recherche. Ainsi, un diplômé des Arts et Métiers exige parfois que son successeur soit issu de la même école. Je distinguerai cinq conditions pour une bonne reprise, en me plaçant du côté du repreneur : cadrer son projet, se connaître soi-même, bien analyser les offres, recourir à des conseils, et enfin, soigner le moment de la signature et la prise en main de l entreprise rachetée. Cadrer son projet Il faut préciser le type d entreprise que l on souhaite racheter et rédiger une fiche écrite de recherche, puis faire contrôler ses choix par deux ou trois proches. Quel est le marché des entreprises que nous suivons et que nous pouvons proposer? On peut estimer le marché français des transmissions de PME à environ entreprises de cinq à neuf salariés, dont la moitié sont des artisans ou des commerces (or nous ne retenons que les SA et les SARL) et PME de 10 à 499 salariés. Sur ces entreprises à reprendre, 50 % sont des successions, 20 % des disparitions et 30 % des cessions. Nous ne prenons en charge que les cessions. Notre marché global s élève donc à environ entreprises cédées. Je rappelle que le CRA est intervenu sur 115 de ces cessions en Se connaître soi-même Les repreneurs disposent-ils, par leur famille, d une culture de la PME/PMI? La situation professionnelle qu ils vont quitter les prédispose-t-elle à la reprise d une PME/PMI? En effet, un cadre d un grand groupe international peut rencontrer des difficultés à s adapter à la culture d une petite entreprise. Nous avons réalisé des tests, dans un premier temps à l intention des chômeurs. Nous mettons actuellement en place un test encore plus précis, portant sur l adaptabilité à la fonction managériale. Ce test est proposé dans le cadre d un cycle CRA Formation. Reprendre, c est aussi créer 61

4 Par ailleurs, nous décourageons les personnes disposant d un budget inférieur à francs, compte tenu de la durée des opérations, qui peuvent prendre jusqu à 18 mois, ce qui risque d épuiser leurs fonds. Je vous propose d illustrer mon propos d un exemple : une entreprise distribuant des composants électroniques enregistrait un chiffre d affaires de 13 millions de francs et un résultat net de 1,4 million de francs. Sa valorisation était de 9 millions de francs. Le repreneur recherché devait disposer de compétences techniques en électronique. Le prix effectif de la transaction, qui a demandé six mois, s est élevé à 7,5 millions de francs. Cette transmission a rencontré un obstacle : dans un premier temps, le dirigeant a été rejeté par les salariés et a été contraint d admettre leur représentation dans son capital. Je précise ici que le CRA écarte de son champ d intervention toutes les affaires en difficulté pouvant faire l objet d une procédure de redressement judiciaire. Analyser les offres repérées Il convient de se poser les questions suivantes. Le dossier soumis est-il clair? A-t-on exploré toutes les pistes? Quels sont les facteurs dominants de chaque affaire? Le repreneur correspond-il bien à ces affaires? Y a-t-il des hommes clés dans l entreprise? Je prendrai l exemple d un éditeur multimédia, dont le chiffre d affaires s élevait à 18 millions de francs et le résultat net à 1,2 million de francs. L entreprise était valorisée à 10 millions de francs. Aucune indication n était donnée sur le profil du repreneur recherché. L opération s est finalement conclue à 4,5 millions de francs pour 75 % du capital, après trois mois de négociation et avec l intermédiaire d une banque. Le problème est que cette société employait deux hommes clés, deux journalistes qui maîtrisaient l ensemble des circuits d information de l entreprise, et qui ont choisi de la quitter. Il convient donc de porter une attention toute particulière aux hommes clés. Recourir à des conseils Des audits doivent être menés par des professionnels pour effectuer une évaluation de l entreprise et en expliquer le sens au repreneur. Il conviendra en outre de recourir aux services de professionnels pour réaliser des montages d éléments juridiques, financiers et fiscaux. Je prendrai l exemple d une société de commerce de gros d accessoires de modes, dont le chiffre d affaires s élevait à 7,8 millions de francs et le résultat net à francs. La valorisation proposée était de 7,2 millions de francs. Le repreneur devait maîtriser l anglais. La transaction a finalement été réalisée pour un montant de 4 millions de francs, plus un complément de francs payable en La repreneuse, diplômée de Harvard, avait toutes les chances de réussir la transmission. Elle n a toutefois trouvé aucun financement, les banques ayant considéré qu elle ne disposait pas d une caution personnelle suffisante. La nature des produits commercialisés, des «chouchous» pour les cheveux, a sans doute contribué au refus des banques sollicitées. La repreneuse a donc dû procéder avec les conseils à une nouvelle négociation avec le cédant, et convenir d un crédit-vendeur. Il est difficile pour un repreneur d obtenir d une banque le financement d une reprise, les banques ayant toujours tendance à considérer que les garanties proposées sont insuffisantes. Soigner le closing et la prise en main Le moment de la signature d une affaire et la prise en main sont fondamentaux. En l absence d intermédiaire, il faut être assisté d un témoin lors de la signature, ou closing. Il est également très important de rencontrer le personnel de l entreprise, en particulier lorsque l effectif est réduit. En effet, il peut arriver que certains salariés décident de quitter la société. Il convient par ailleurs de prévoir la durée de l accompagnement, qu il soit ou non rémunéré. Souvent, les repreneurs désirent fixer une durée de 18 mois, ce qui est tout à fait excessif. Nous recommandons une durée maximale de 3 mois. Après ce délai, en effet, les dualités de commandement émergent, et le personnel a tendance à jouer sur cette opposition. Je souhaite citer ici l exemple d une entreprise de métallurgie fine, dont le chiffre d affaires s élevait à 6 millions de francs et le résultat net à francs. Cette société était valorisée à 3,2 millions de francs. Aucun profil particulier n était recherché pour le repreneur. L entreprise a été reprise par un ancien banquier, pour un prix effectif de 3,2 millions de francs. Un cabinet est intervenu et la négociation a duré six mois. Dans le cadre de l accompagnement, le cédant est revenu de temps à autre au sein de l entreprise. Le repreneur, qui souhaitait changer de locaux, a décidé de résilier le bail accordé à l entreprise par le cédant. Malgré l amitié qui avait fini 62 Insee Méthodes

5 par le lier au cédant, le repreneur a cessé de verser le loyer jusqu à la fin du bail. Cet exemple illustre bien, selon moi, la fragilité d un long accompagnement du repreneur par le cédant. L une des conditions de la réussite d une reprise est la rapidité avec lequel le repreneur mène la négociation. Il doit par ailleurs savoir que le cédant, qui, avant la signature de la transaction, se montrait agréable, communicatif, impliqué, adopte très souvent, après la signature, une attitude très critique. L accompagnement doit donc être le plus court possible. Enfin, un repreneur qui «met les mains dans le cambouis» depuis deux ans risque de souffrir rapidement de son isolement après la reprise d une PME/PMI. Il souhaite alors rencontrer des confrères qui sont dans la même situation, c est-à-dire seuls dans leur bureau, et ayant des difficultés à négocier avec leur banquier ou à revoir les grilles de salaire. Le CRA se prête volontiers à ces contacts. En conclusion, et face à la prédominance de la création que j ai évoquée plus haut, je répéterai ce que j ai dit à Madame Lebranchu lorsqu elle était encore ministre de tutelle des PME-PMI : «Faites-vous le héraut de la reprise et de la transmission. Osez dire : la reprise existe, je l ai rencontrée.» Reprendre, c est aussi créer 63