Polymédication (in)évitable?



Documents pareils
Efficacité et risques des médicaments : le rôle du pharmacien

Le guide du bon usage des médicaments

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

"Formation et évaluation de la compétence du pharmacien clinicien expérience suisse"

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Migraine et Abus de Médicaments

Référentiel Officine

Qu est-ce que la fibrillation auriculaire? (FA)

La migraine : une maladie qui se traite

Le dropéridol n est pas un traitement à considérer pour le traitement de la migraine à l urgence

Ordonnance collective

Définition, finalités et organisation

Gestion du traitement personnel des patients : Enquête et audit régional

epatient, epharma: comment le Web modifie les relations

MÉMOIRE RELATIF À L ÉVALUATION DU RÉGIME GÉNÉRAL D ASSURANCE MÉDICAMENTS PRÉSENTÉ PAR LA FÉDÉRATION DES MÉDECINS SPÉCIALISTES DU QUÉBEC

CEPHALEES CHRONIQUES QUOTIDIENNES AVEC ABUS MEDICAMENTEUX

Analyse des incidents

Le bilan comparatif des médicaments (BCM): où en sommes-nous?

Entretiens Pharmaceutiques en Oncologie : Où en sommes nous en 2014, au CHPC

EVALUATION DES METHODES D AIDE A L ARRET DU TABAGISME


Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

Bien vous soigner. avec des médicaments disponibles sans ordonnance. juin Douleur. de l adulte

N.-B. 18 à 34 24,3 28,1 20,1 24,4. 35 à 54 36,7 23,0 31,6 49,3 55 à 64 18,7 18,7 21,3 16,9 65 et plus 20,3 30,2 26,9 9,4

Les ateliers de pratique réflexive lieu d intégration des données probantes, moteur de changement de la pratique

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

Conseils pour réaliser un tableau de sortie

Atrovent HFA 20 mcg/bouffée solution pour inhalation en flacon pressurisé (bromure d'ipratropium)

La prise en charge d un trouble dépressif récurrent ou persistant

Migraine : traitement de la crise. Comment utiliser les triptans?

Insuffisance cardiaque

PROGRESSEZ EN SPORT ET EN SANTÉ. Mieux vivre avec ma maladie chronique, Me soigner par l activité physique Programmes Santé

Bienvenue chez votre pharmacien

Migraine et mal de tête : des "casse-tête"

assurance collective Assurance médicaments Des solutions intégrées pour une gestion efficace

DÉFINITION ET INSCRIPTION DE LA PRATIQUE AVANCÉE DANS LE PAYSAGE SUISSE DES SOINS INFIRMIERS

La politique pharmaceutique à l hôpital (PPH) : élémentaire pour la dispense globale de soins

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 1 er octobre 2008

Les triptans. quel casse-tête! Kim Messier et Michel Lapierre. Vous voulez prescrire des triptans? Lisez ce qui suit!

Démence et fin de vie chez la personne âgée

Diabète Type 2. Épidémiologie Aspects physiques Aspects physiologiques

Programme pour les patients traités par les nouveaux anti-coagulants oraux.

Séminaire du Pôle Santé

PIL Décembre Autres composants: acide tartrique, macrogol 4000, macrogol 1000, macrogol 400, butylhydroxyanisol.

La prise en charge d un trouble bipolaire

2È JOURNÉE NATIONALE DE FORMATION DES PHARMACIENS CANCER ET ACCOMPAGNEMENT DU PHARMACIEN : UN PREMIER PAS VERS LA RÉSILIENCE.

Recommandation Pour La Pratique Clinique

FORMATION CONTINUE RECHERCHE APPLIQUÉE OUTILS PÉDAGOGIQUES. Promouvoir les soins pharmaceutiques

TRAITEMENT DES MAUX DE TÊTE PAR EMDR INTÉGRÉ

Fiche Produit Profils Médicalisés PHMEV

DISTRIBUTION DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR VOIE ORALE PAR L INFIRMIERE : RISQUE DE NON PRISE DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR LE PATIENT

Information au patient

Choississez le niveau de vos remboursements le mieux adaptés à vos besoins

Collaboration MRS (MRPA) - Pharmacie

«Politique des ARS pour les seniors»

PLAN NATIONAL D ACTION POUR UNE POLITIQUE DU MEDICAMENT ADAPTEE AUX BESOINS DES PERSONNES AGEES

Sécurisation du circuit du médicament dans les Etablissements d hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sans pharmacie à usage intérieur

Information sur les programmes d autorisation préalable, de pharmacie désignée et de gestion des dossiers médicaux. Autorisation préalable

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

L hôpital de jour de gériatrie

LA MÉTHAMPHÉTAMINE LE CRYSTAL C EST QUOI

Medication management ability assessment: results from a performance based measure in older outpatients with schizophrenia.

Les personnes âgées et le système de santé : quelles sont les répercussions des multiples affections chroniques?

Maîtrise universitaire d études avancées (MAS) en pharmacie hospitalière. Dossier de présentation et programme

les télésoins à domicile

L aide aux aidants. Psychologue clinicienne. Capacité de gériatrie mars 2009

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 19 octobre 2011

Soins infirmiers et gestion des risques

Le traitement de l'insuffisance cardiaque chez le chien

OFFRE EN STAGE SIP POUR LES ETUDIANT(E)S D ANNEE PROPEDEUTIQUE SANTE ET LES ETUDIANTS BACHELOR FILIERE SOINSINFIRMIERS

ANNEXE IIIB NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR

CARDIOLOGIE LA MÉDICATION POUR L'INSUFFISANCE CARDIAQUE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. AVIS 1 er février 2012

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Carte de soins et d urgence

Pharmacien d officine Un métier au cœur du système de soins

RELPAX. hydrobromure d élétriptan

Comment la proposer et la réaliser?

Un danger vous guette Soyez vigilant

NOTRE TRAVAIL C EST VOTRE SANTE. Présentation en avant-première. Un outil communicant pour garder son indépendance en toute sécurité

2 La chaîne de survie canadienne : espoir des patients cardiaques

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

Vertiges et étourdissements :

Cas clinique n 1. Y-a-t-il plusieurs diagnostics possibles? Son HTA a t elle favorisé ce problème?

Le point de vue d une administration hospitalière Inka Moritz, Secrétaire générale

NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR. Flunarizine

Adapter et apprivoiser sa chimiothérapie Une application smartphone au service des patients

CONTROVERSE : IDR OU QUANTIFERON LORS D'UN CONTAGE EN EHPAD?

Déclaration médicale Prise d effet le 1 er octobre 2012

LE MALI L HÔPITAL GABRIEL TOURE L HÔPITAL DU POINT G INTRODUCTION 2 INTRODUCTION 1 DISPENSATION DES ARV DANS LES HÔPITAUX DU POINT G ET GABRIEL TOURE

NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR. Sumatriptan Sandoz 50 mg comprimés Sumatriptan Sandoz 100 mg comprimés. sumatriptan

Formation sur la sécurisation du circuit du médicament

Mieux informé sur la maladie de reflux

GUICHET D ACCÈS À UN MÉDECIN DE FAMILLE

Épreuve d effort électrocardiographique

La télémédecine, complément nécessaire de l exercice médical de demain. Dr Pierre SIMON Président de l Association Nationale de Télémédecine (ANTEL)

L assurance-maladie pour les sportifs.

Transcription:

Polymédication (in)évitable? Prof Olivier Bugnon Pharmacie de la PMU Ecole de Pharmacie Genève-Lausanne Jeudi de la PMU interdisciplinaire «Ensemble, évitons l évitable» 18.06.2015

Etude sur 1 751 841 patients de 314 cabinets médicaux, Ecosse

3

Quelques définitions Polymédication = Polypharmacie Pas de seuil absolu pour parler de polymédication Polymédication : Hyperpolymédication: 5 à 9 médicaments quotidiens 10 médicaments quotidiens 4

Prévalence de la polymédication chez la personne âgée? Selon la littérature scientifique internationale: Usage courant de minimum 5 médicaments avec une prévalence plus élevée pour les patients «fragiles» et hospitalisés Aux USA, 60% des personnes âgées de plus de 70 ans reçoivent régulièrement au moins 5 médicaments et 20% d entre eux prennent au moins 10 médicaments. 1. M. Runganga et al. Clinical Interventions in Aging (2014): 9, 1453-1462 2. I.A. Scott et al. The American Journal of Medicine (2012) 125, 529-537. 3. American Geriatrics Society Expert Panel on the Care of Older Adults with Multimorbidity. J Am Geriatr Soc (2012); 60: 1957-1968 4. A. Nobili et al. J of Comorbidity (2011); 1: 28-44

Prévalence de la polymédication chez la personne âgée? Selon deux études menées par la Pharmacie de la PMU: 1. En moyenne 10 ± 3 médicaments (min 2; max 19) prescrits à la sortie d un séjour (2009) pour 230 patients âgés de 82 ± 7 ans au CUTR Sylvana (CHUV, Lausanne) 2. En moyenne 8 médicaments (min 1; max 17) prescrits à 21 patients âgés de 82 ans (min 65, max 92) suivis par les soins à domicile de Lausanne et environs MAIS en moyenne 16 médicaments (min 2; max 62) retrouvés au domicile de ces patients lors d un entretien de polymédication réalisé à domicile par un pharmacien. Environ 1/3 de ces médicaments en vente sans ordonnance. 6

RISQUE de la polymédication chez la personne âgée? Selon la littérature scientifique internationale (1/3): Parmi les personnes âgées prenant au moins 5 médicaments et vivant à domicile: Environ 33% vont expérimenter 1 effet indésirable (EI) par année 25% de ces EI pourraient être évités par un usage approprié des médicaments 17% des hospitalisations liées à un effet indésirable sévère 30-55% de ces EI sévères causant une hospitalisation pourraient être évités 1. M. Runganga et al. Clinical Interventions in Aging (2014): 9, 1453-1462 2. I.A. Scott et al. The American Journal of Medicine (2012) 125, 529-537. 3. American Geriatrics Society Expert Panel on the Care of Older Adults with Multimorbidity. J Am Geriatr Soc (2012); 60: 1957-1968 4. A. Nobili et al. J of Comorbidity (2011); 1: 28-44

RISQUE de la polymédication chez la personne âgée? Selon la littérature scientifique internationale (2/3): Présence d au moins un médicament à risque pour la personne âgée observée chez 20% des personnes vivant à domicile 33% des personnes hospitalisées 50% des patients vivants en EMS 1. M. Runganga et al. Clinical Interventions in Aging (2014): 9, 1453-1462 2. I.A. Scott et al. The American Journal of Medicine (2012) 125, 529-537. 3. American Geriatrics Society Expert Panel on the Care of Older Adults with Multimorbidity. J Am Geriatr Soc (2012); 60: 1957-1968 4. A. Nobili et al. J of Comorbidity (2011); 1: 28-44

RISQUE de la polymédication chez la personne âgée? Selon la littérature scientifique internationale (3/3): Parmi les personnes hospitalisées dans un service d urgence, le risque de trouver un effet indésirable comme raison de l hospitalisation est de : 13% chez les patients traités par 2 médicaments 38% chez les patients traités par 4 médicaments 82% chez les patients traités par au moins 7 médicaments 1. M. Runganga et al. Clinical Interventions in Aging (2014): 9, 1453-1462 2. I.A. Scott et al. The American Journal of Medicine (2012) 125, 529-537. 3. American Geriatrics Society Expert Panel on the Care of Older Adults with Multimorbidity. J Am Geriatr Soc (2012); 60: 1957-1968 4. A. Nobili et al. J of Comorbidity (2011); 1: 28-44

OBJECTIFS DES SOINS PROMOTION DE LA SANTE PREVENTION/REDUCTION DES RISQUES Transition des priorités thérapeutiques au cours de la vie Parfaite santé Troubles de santé Légers Modérés Sévères Décès Traduit et adapté de «Recommandations on palliative care and treatment of older people with Alzheimer s disease and other progressive dementias. EAPC Dementia White Paper 2013

Polymédication (in)évitable? 10 pistes de réflexion interdisciplinaire (1/2) 1. Prioriser les problèmes de santé (maladies, symptômes, médicaments) exprimés par les patients (ou leurs proches) 2. Faire une revue complète de la médication (y compris automédication) 3. Identifier les patients et les médicaments à haut risque d effets indésirables 4. Estimer le confort du patient avec le traitement actuel (Escalade thérapeutique? Iatrogénie? Adhésion thérapeutique?) 5. Considérer les préférences et les objectifs individuels des patients 6. Privilégier les médicaments aux évidences scientifiques solides, éviter les changements inutiles et «start slow, go slow» 11

Polymédication (in)évitable? 10 pistes de réflexion interdisciplinaire (2/2) 7. Adapter les objectifs du plan de traitement (p.ex. prévention IIaire) à l estimation de l espérance de vie 8. Evaluer la balance bénéfices/risques et coûts/avantages de chaque élément du plan thérapeutique (y compris les mesures non médicamenteuses) 9. Informer et accompagner le patient, respectivement les proches et l équipe de soins, lors de l instauration, la modification ou l arrêt d un traitement 10. Réévaluer régulièrement l intérêt du traitement (bénéfices, adhésion thérap., concordance avec les préférences du patient), notamment lors des transitions de soins (p.ex. sortie d hôpital) 12

Ensemble, évitons l évitable : «Dé-prescription»? Oser envisager d arrêter un traitement («dé-prescrire») en répondant aux questions suivantes: L objectif thérapeutique est-il en phase avec l objectif de vie du patient et de ses proches? Le médicament est-il là pour soulager l effet indésirable évitable d un autre médicament qui lui pourrait être substitué ou arrêté? Existe-t-il une alternative non médicamenteuse réaliste? Existe-t-il une alternative plus sûre et plus efficace? Un traitement continu sur le long terme est-il vraiment nécessaire? La dose d entretien peut-elle être diminuée? L arrêt du médicament ou la diminution de sa dose présente-t-il un risque particulier pour le patient? 13

En cas de dé-prescription Attention à l arrêt brutal de ces médicaments Alpha-bloquants: Bêta-bloquants: Dérivés nitrés: Furosémide: Benzodiazépines: Hypertension rebond, agitation Risque de rebond : tachycardie, palpitations; réapparition de symptômes d angine de poitrine Réapparition de symptômes d angine de poitrine Réapparition des symptômes d insuffisance cardiaque Effets de sevrage (p.ex. délirium, insomnie, crise convulsive) Anticholinergiques: anxiété, nausée, vomissements, maux de tête, vertiges Antipsychotiques: Dyskinésie, nausées, vomissements, agitation Antidépresseurs: Digoxine: Baisse de l humeur, agitation, maux de tête Réapparition d une fibrillation auriculaire rapide 14

Polymédication (in)évitable? Les messages clés avant les ateliers Ne pas culpabiliser les soignants face à la polymorbidité Maîtriser les risques de la polymédication (prévenir, détecter, minimiser) Individualiser le traitement (préférences du patient, espérance de vie) Evitons l évitable escalade thérapeutique, la iatrogénie, les sous-traitements, la non-adhésion thérapeutique Oser envisager la possibilité d une dé-prescription

Pour en savoir plus (1/2) 16

Pour en savoir plus (2/2) 17

MERCI de votre attention

Adresses de contact : Prof Olivier Bugnon Section des sciences pharmaceutiques, Pharmacie communautaire, Université de Genève, Université de Lausanne Pharmacie de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU), Rue du Bugnon 44, 1011 Lausanne (Switzerland) E-mail: olivier.bugnon@hospvd.ch / Secrétariat : nadia.martel@hospvd.ch