AVERTISSEMENT PREALABLE



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Transcription:

AVERTISSEMENT PREALABLE Le présent document a été réalisé par des étudiants du Master Pro Qualimapa (USTL-Lille) dans le cadre de leur scolarité. Il n a pas un caractère de publication scientifique au sens strict. En effet, il n a pas été soumis à un comité de lecture avant publication. Ce travail a été noté, ainsi que la soutenance orale et l éventuelle production multimédia auxquelles il a donné lieu. Ces évaluations participent à l évaluation globale des étudiants en vue de l obtention du diplôme de Master ; elles ont un caractère privé et ne sont pas communiquées ici. Le contenu de ce document est donc proposé sous la seule responsabilité de leurs auteurs et doit être utilisé avec les précautions d'usage. C est pourquoi le lecteur est invité à exercer son esprit critique. Sa reproduction, totale ou partielle, est autorisée à condition que son origine et ses auteurs soient explicitement cités. La liste des autres projets étudiants disponibles en ligne est disponible sur le site Internet du Master Qualimapa : http://qualimapa.univ-lille1.fr/rapp1.htm L équipe enseignante

Université des sciences et technologies de LILLE Ecole polytechnique universitaire de Lille Avenue Paul Langevin 59655 Villeneuve d Ascq CEDEX GESTION DE CRISE ALIMENTAIRE : Rapport de projet d étude présenté par : Roselyne Broudoux Blanchet Aurélie Caute Nadine Pechangou Marie Burel Alice Delplanque Matthieu Sibille Sandra Cardonnet Olivier Grzeskowiak Responsable de formation : M. LIQUET Jean-Claude Tuteur de projet : M.WEYNANS Bernard MASTER 2 QUALIMAPA Promotion 2004 2005

RÉSUMÉ Dans le contexte économique actuel, et du fait des renforcements réglementaires, les entreprises sont de plus en plus vulnérables à une crise. Malgré le fait qu il n existe pas de solution miracle, il est néanmoins nécessaire de s y préparer afin d en limiter ses conséquences potentiellement désastreuses. Les instances stratégiques de l entreprise doivent savoir ce qu est une crise. En analysant certains exemples marquants et significatifs de crises alimentaires, le groupe "gestion de crise alimentaire" du Master professionnel QUALIMAPA a relevé quelques grandes tendances qui peuvent se révéler utiles pour connaître les orientations à prendre. Par la suite, un aperçu des grandes étapes d une crise alimentaire et les démarches à mettre en place avant, pendant et après la crise seront détaillés. Mots clés : Gestion de crise, Communication dans l'entreprise, Confiance des consommateurs, Sécurité alimentaire, Intoxications alimentaires ABSTRACT In the current economic context, and because of the lawful reinforcement, companies are more and more vulnerable to a crisis. Despite the fact that it doesn t exist a golden solution to a crisis, companies must be prepared to reduce its potentially disastrous consequences. Strategic authorities of the company must know what a crisis is. By analysing few outstanding and significant examples, the Food crisis management group from the Master QUALIMAPA has noticed some main tendencies which can appear useful to know the paths to follow. Thereafter, an outline of the great stages of a food crisis and of the steps to be set up a long time before the beginning of the crisis and to keep up after the end will be detailed. Key Words: Crisis management, Communication, Consumers trust, Food safety, Food poisoning

REMERCIEMENTS Nous tenons tout particulièrement à remercier les trois tuteurs de projets nommés ci-dessous, pour leur regard critique et leurs conseils avisés sur l ensemble du projet, M. Jean-Claude LIQUET, responsable et enseignant de la formation QUALIMAPA, M. Dominique BOUNIE, enseignant de l IAAL et QUALIMAPA, M. Bernard WEYNANS, intervenant en communication de la formation Nous tenons aussi à remercier tous les autres intervenants ayant pu nous aider d une façon ou d une autre dans l aboutissement de ce projet. MASTER 2 QUALIMAPA Page 2 sur 143

SOMMAIRE INDEX DES FIGURES 6 INDEX DES TABLEAUX 6 INTRODUCTION 7 I. LA CRISE 9 I.1. La notion de crise 9 I.1.1. Historique de la notion de crise 9 I.1.2. Définition de la crise 10 I.1.3. Echelle de crise 12 I.1.4. Les différents types de crise 13 I.1.4.1. Classement selon la nature de la crise : 13 I.1.4.2. Classement selon les événements générateurs de la crise : 14 I.1.4.3. Classement selon l intensité de la crise : 14 I.1.4.4. Classement selon la vitesse d action de la crise : 15 I.2. Influence de la crise 16 I.2.1. Les acteurs d une crise 16 I.2.1.1. Le produit 16 I.2.1.2. Le fabricant 18 I.2.1.3. Les consommateurs 20 I.2.1.4. Les médias 22 I.2.1.5. Les assureurs 24 I.2.1.6. Les juges 26 I.2.1.7. Les experts 29 I.2.1.8. Les filières professionnelles 31 I.2.1.9. Les syndicats professionnels 32 I.2.1.10. Les associations 33 I.2.1.11. L Internet : un nouveau média dans la crise 34 I.2.2. La crise et ses influences 35 I.2.2.1. L individu face à la crise 35 I.2.2.1.1. L individu face à l urgence 35 I.2.2.1.2. L individu face à l incertitude / complexité 35 I.2.2.1.3. L individu face au stress 36 I.2.2.2. Le groupe face à la crise 36 I.2.2.2.1. Les conflits au sein du groupe 36 I.2.2.2.2. Le phénomène du "groupthink" 37 I.2.2.3. L organisation face à la crise 37 I.2.2.3.1. La centralisation du pouvoir 37 I.2.2.3.2. La "tendance au mouvement brownien instantané" 37 I.2.2.3.3. La déstabilisation de l organisation 38 I.3. Déroulement de la crise : de l incident à la crise 38 I.3.1. Critères d identification d une crise 38 I.3.2. Les quatre phases d une crise 40 II. Exemple de crises passées 43 II.1. Quelques chiffres 43 II.2. Fiches de crises passées 44 II.2.1. Crise de la dioxine 44 MASTER 2 QUALIMAPA Page 3 sur 143

II.2.2. Crise Danone : un e mail calamiteux 53 II.2.3. Crise Buffalo Grill 57 II.2.4. Crise Coca Cola 63 II.2.5. Saumon cancérigène 69 II.2.6. Crise Le Petit 72 II.2.7. Crise Listeria dans des rillettes 74 II.2.8. Crise ESB 76 II.2.9. Crise OGM 84 II.2.10. Crise du maïs STARLINK 89 II.2.11. Crise non alimentaire : EDF 94 II.3. Bilan des crises passées 96 II.3.1. Du point de vue d un gouvernement 96 II.3.2. Du point de vue d une entreprise. 96 II.4. Perception des crises alimentaires par le consommateur 97 II.4.1. Evolution des risques perçus par les consommateurs 97 II.4.2. Origines de la crise de confiance envers l alimentation 101 II.4.2.1. Industrialisation de l agriculture et de l alimentation 101 II.4.2.2. La communication des médias 101 II.4.2.3. Doutes envers les institutions et l évolution socio-économique _ 101 III. FAIRE FACE A LA CRISE 104 III.1. L avant crise 106 III.1.1. Adopter un comportement de veille 106 III.1.2. Détection et évaluation des risques 106 III.1.3. Création des différents plans 107 III.1.4. Stratégie de relations publiques et médias 108 III.1.5. Préparation manuel de gestion de crise et annuaire d urgence 108 III.1.6. Le rôle du marketing : le marketing préventif 108 III.1.6.1. Au stade de l'approvisionnement : 109 III.1.6.2. Au stade de la production : 109 III.1.6.3. Au stade de la distribution vente 109 III.1.6.4. Au stade de la consommation : 109 III.1.7. La formation à la gestion de crise 110 III.1.7.1. Les études de cas 110 III.1.7.2. Les exercices de simulation 110 III.2. L entrée en crise 111 III.2.1. Détection de la crise 111 III.2.2. Disposer des aptitudes nécessaires 111 III.2.2.1. Les moyens techniques 111 III.2.2.2. Des capacités organisationnelles 112 III.2.2.3. Les aptitudes des acteurs 112 III.2.3. La recherche d informations 112 III.2.4. Etablir un livre de bord 113 III.2.5. Réunir et mobiliser une équipe 113 III.2.6. Evaluation de la crise 114 III.3. La conduite de la crise 115 III.3.1. Activation de "la cellule de crise" 115 III.3.2. Fixer les priorités de la gestion de crise 118 III.3.3. Schéma de pilotage des crises 120 III.4. L après crise : apprentissage et capitalisation 123 III.4.1. Conduire efficacement l après crise 123 MASTER 2 QUALIMAPA Page 4 sur 143

III.4.2. Apprendre des crises 124 III.4.2.1. Socle de refus 125 III.4.2.2. Normalisation 126 III.4.2.3. Capitalisation 128 III.4.3. Un changement culturel des organisations 130 III.4.3.1. Engagement des hauts dirigeants 130 III.4.3.2. Une nouvelle insertion dans l environnement 130 III.4.4. Des stratégies de changement 131 III.4.4.1. Séminaires de simulation de crise 131 III.4.4.2. Retours d expérience 131 III.4.4.1.1. Etudes techniques de la logistique et de l organisation 132 III.4.4.1.2. Un travail général de planification de crise 132 III.4.5. Limites 132 III.4.6. Communiquer après la crise 133 III.4.6.1. Marketing 133 III.4.6.2. Publicité et communication de crise 133 III.4.6.3. Exemple : Buffalo Grill 136 CONCLUSION 137 GLOSSAIRE 138 BIBLIOGRAPHIE 142 MASTER 2 QUALIMAPA Page 5 sur 143

INDEX DES FIGURES Figure 1 : Déroulement d une crise... 38 Figure 2 : Analyse d un événement pour évaluer une crise... 39 Figure 3 : Métaphore des trous de gruyère... 40 Figure 4 : Enquête INC 60... 43 Figure 5 : Les phases de la gestion de crise... 104 Figure 6 : Les priorités de la gestion de crise... 118 Figure 7 : Progresser après la crise... 124 Figure 8 : Conduite de l apprentissage... 125 Figure 9 : Mécanismes de normalisation... 128 Figure 10 : Initiatives pour une nouvelle insertion dans l environnement... 131 INDEX DES TABLEAUX Tableau 1 :Echelle de crise... 12 Tableau 2 : Exemple d échelle de gravité pour 2 crises différentes... 13 Tableau 3 : Exemples de toxi-infections alimentaires en France... 44 Tableau 4 : Classement des sujets de préoccupation des Français fin octobre 1999 (IPSN 2000) " En France, parmi les problèmes actuels suivants, lequel est pour vous le plus préoccupant?... 98 Tableau 5 : Sondage " les Français et la santé " avril 2000, CSA/Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale... 99 Tableau 6 : Perception en 2000 de l évolution des risques en matière de sûreté des aliments. Sondage ISL / Revues LSA et "Objectif Risk Zéro" des 23 24 mars 2000 (1000 personnes)... 99 Tableau 7 : Les trois risques jugés les plus importants en matière de sûreté alimentaire (sondage BVA-ANIA en avril 2000)... 100 Tableau 8 : Indicateurs de crise dans la chimie et l agroalimentaire... 114 MASTER 2 QUALIMAPA Page 6 sur 143

INTRODUCTION Vache folle, fromages et rillettes à la listeria, poulet à la dioxine, veau aux hormones, maïs transgénique, Les crises font désormais parties de notre univers quotidien, il ne se passe presque plus une semaine sans que nous soyons alertés sur un nouveau problème de sécurité alimentaire. Ces événements sont autant d exemples qui attestent que les organisations sont soumises à des épreuves lourdes pouvant remettre en cause leurs survies. Les crises ne sont, en effet, ni isolées, ni ponctuelles. Elles constituent, de façon évidente, une caractéristique de nos sociétés modernes où le progrès scientifique et technique tiennent une place prépondérante. D autant plus que tous ces incidents interviennent dorénavant dans un contexte d une sensibilité extrême. Le public est très attentif aux questions de sécurité et a l impression que les systèmes ne sont guère maîtrisés. En parallèle, les médias donnent à toute information ou rumeur une répercussion immédiate et à une échelle sans précédent. Ces situations sont souvent explosives, toujours délicates, et exigent des réponses précises. Que faire en pleine tempête, lorsque que les alertes sont au plus hautes et que la turbulence médiatique vient dramatiser encore cette situation très vite insaisissable? Telle est la question que se posent bon nombre d entreprises alors que nos sociétés apparaissent, sinon plus dangereuses, du moins plus vulnérables et instables que par le passé. Nous allons tenter de savoir en quoi la compréhension des crises passées permet-elle d initier les entreprises à la gestion de crise alimentaire. Une liste exhaustive serait très longue, et même certainement incomplète, car il est des crises pourtant sérieuses qui restent confinées au sein d un secteur ou d une entreprise. Dans la quasi-totalité des cas de crise, la composante médiatique est majeure. Mais les médias ne sont bien sûr pas seuls en cause. La société industrielle a multiplié les risques technologiques, avec de nouveaux procédés, d innombrables nouveaux produits, de nouvelles matières premières (qui peuvent être génétiquement modifiées) et des pressions économiques qui ont pu jouer négativement sur les niveaux de sécurité. Le seuil de "tolérance psychologique et éthique" des consommateurs s est sensiblement abaissé. Ce mémoire s adresse à tous les acteurs de la sécurité alimentaire : producteurs, transformateurs (grands groupes agro-alimentaires, PME PMI), distributeurs (RHF collective ou hostellerie, GMS, distributeurs automatiques, artisans) et consommateurs. Ce rapport s organise en trois parties principales. Nous développerons, dans un premier temps, ce qui se cache derrière cette notion de crise, ses conséquences sur l organisation et son déroulement. Nous aborderons quelques exemples de crises passées et nous analyserons les plans d actions qui ont été mis en place. Enfin, nous essayerons de résumer les grands principes de la gestion de crise de façon chronologique. MASTER 2 QUALIMAPA Page 7 sur 143

PARTIE I : LA CRISE MASTER 2 QUALIMAPA Page 8 sur 143

I. LA CRISE I.1. La notion de crise I.1.1. Historique de la notion de crise Afin de proposer une définition de la crise, il est intéressant d observer les différentes significations que ce terme a revêtu au fil du temps. Cela permet de situer les origines du terme et son développement. A. BEJIN et E MORIN ont effectué ce travail et voici ce qu ils ont constaté : "Dans la langue religieuse de la Grèce ancienne, le terme Krisis signifiait : interprétation, choix; dans le vocabulaire juridique, il exprimait l idée d un jugement, d une décision ne résultant pas mécaniquement des preuves. Rapporté à la tragédie grecque, le mot désignait un événement qui, tranchant et jugeant, impliquait, à la fois, tout le passé et tout l avenir de l action dont il marquait le cours. Pour la médecine hippocratique, le vocable dénotait un changement subi dans l état du malade, repéré dans le temps et dans l espace". Au XVIIe siècle et surtout à partir du XVIIIe, la notion de "crise" fut importée dans les analyses de la société. Ce transfert, qui se traduit par l évacuation de tout un capital d observations positives sur les maladies de l organisme, eut pour effet un surcroît d imprécision dans l emploi du terme "crise", afin que celui-ci fût susceptible de convenir analogiquement à l appréhension d une pathologie des "organismes sociaux". Dés lors qu il ne désignait plus qu un état d incertitude, un trouble grave, le vocable "crise" a pu, dans l économie politique du XIXe, s inscrire dans des perspectives théoriques diverses mais qui se rejoignaient en cela qu elles devenaient un paradigme évolutionniste commun et qu en outre elles mettaient en valeur l aspect cyclique des phénomènes économiques en procédant à une qualification partielle de ceux-ci. A partir du XIXe siècle, la notion a été utilisée dans les analyses ambitieuses des grandes mutations culturelles ( "crise des valeurs", "crise des civilisations", "crise spirituelle") ; de plus, elle a constitué un instrument théorique fructueux au sein de disciplines en expansion rapide (psychologie du développement, voire éthologie) contribuaient à modifier considérablement ses acceptations." En effet, depuis le début du XIXe siècle, la crise désigne les désordres de la société ; crise politique (1814) ; crise agricole comme celle qui, en 1848, provoqua la famine en Irlande et l émigration de la moitié de la population ; crise financière (1823) ; crise commerciale (1837) ; crise économique en 1873 et en 1929 avec la grande crise mondiale ; crises ministérielles successives de la IV e République. Actuellement, le terme de crise est employé pour désigner toute sorte de situation fortement tourmentée : Crise du Moyen Orient, Crise de la Vache Folle ou Crise d une entreprise On peut donc, repérer à travers ce balayage une évolution du terme de crise. Tout d abord reliée aux actes d examiner, de décider, de trancher, de discriminer, l idée de bifurcation est venue s ajouter. La crise est ainsi vue comme "un paroxysme d incertitude et d angoisse où tout est suspens dans l attente d une résolution prochaine de la maladie", une sorte d heure de vérité et de choix, l instant où tout bascule de façon accélérée et irréversible. MASTER 2 QUALIMAPA Page 9 sur 143

Cette idée de l heure de vérité est reprise par STARN qui indique que les situations de crise, au cœur des tragédies grecques, "n étaient plus seulement des points clés dans des processus de changement, elles devenaient des moments de vérité où s éclairait la signification des hommes et des événements". Ainsi, la crise, dans les tragédies était ce moment où, brutalement, éclate tout le passé dont la signification avait échappé aux acteurs. La notion de crise peut donc, être source de changement, elle est perçue comme une opportunité. Par conséquent, la notion de crise est tout autant danger qu opportunité. Elle peut être décision, bifurcation marquant une résolution prochaine, moment de vérité ou véritable opportunité. Toutes ces facettes se rejoignent pour former cette notion de crise. I.1.2. Définition de la crise Comme nous l avons vu, le terme de crise a subi une évolution à travers le temps et il a tendance à se vider de son sens. Il est donc, nécessaire de lever l ambiguïté qui règne sur ce mot. Car, selon le contexte dans lequel on se place, la signification de "crise" différera complètement. Par exemple, là où les économistes voient une récession (la crise de 1929 ou de 1987), les historiens pensent à la détérioration des relations entre deux pays (la crise des Balkans, la crise au Moyen Orient). Dans le cas qui nous intéresse, celui du management, trouver une définition à même d englober toutes les crises qui peuvent frapper les organisations, sans pour autant sortir du sujet, n est pas chose aisée. D ailleurs, les spécialistes du domaine ne se sont pas encore mis d accord à ce sujet : La définition du concept de crise qui a fait longtemps référence est celle de HERMANN : "Une crise est une situation qui menace les buts essentiels des unités de prise de décision, réduit le laps de temps disponible pour la prise de décision, et dont l occurrence surprend les responsables". Ainsi, selon ce dernier, la crise possède trois caractéristiques : La mise en péril des objectifs prioritaires de l organisation Le manque de temps disponible pour répondre La surprise : le côté inattendu pour les décideurs La première caractéristique est reprise par de nombreux auteurs, nous retiendrons celle de A. MUCCHIELLI : "la crise dans l entreprise (ou de l entreprise) est d abord un moment difficile de sa vie avec une perte des points de repère habituels. C est un état d instabilité de toutes ses "fonctions" (adaptation, pilotage, cohérence, et motivation). Les activités des individus et des équipes, le fonctionnement et la structure interne sont perturbés" Par ailleurs, cet aspect, qu est la mise en péril des objectifs prioritaires de l organisation, sert à différencier une crise d un événement qui, sans être anodin, doit pouvoir être géré sans qu aucune structure particulière ne soit mise en place dans l organisation. Ainsi, SHRIVASTAVA indique qu un accident ne se transforme en crise que lorsqu il y a incapacité à le gérer. LAGADEC va plus loin et introduit le fait qu il faille différencier la notion d urgence et celle de crise. En effet, l urgence, pour simplifier, c est l événement répertorié, pour lequel on dispose de procédures codifiées, qui concerne un nombre d acteurs limité, intervenant dans une structure clairement définie. Avec la crise, il ne s agit plus de problèmes simples, mais de dysfonctionnement et de menaces graves qui touchent le temps, l espace, les acteurs et les MASTER 2 QUALIMAPA Page 10 sur 143

coûts. La crise ajoute donc, un degré de gravité à la simple situation d urgence. Elle devient l urgence. La deuxième caractéristique que l on trouve dans la définition d HERMANN tient à la rapidité: c est le manque de temps nécessaire pour répondre. L enchaînement des événements exige une action immédiate et ne permet pas le délai de réflexion qu aurait requis la complexité de la situation. Le temps joue pour la crise contre les responsables. On connaît la loi chère aux sapeurs-pompiers, qui s appliquent à un niveau encore supérieur pour les crises. LAGADEC va dans ce sens en soumettant l idée que "la question du temps est une dimension clé de la crise" et en ajoutant que "tout retard conduit donc à des aggravations insupportables, ce qui exacerbe les difficultés immédiates...". Il insiste sur la nécessité d une action immédiate malgré justement ce manque de temps nécessaire. Enfin, le troisième point de la définition d HERMANN est constitué par l effet de surprise. Il est important de souligner que ce point est le plus contesté, car il lui est reproché d être trop restrictif. En effet, si l on entend par surprise le fait que l événement ne soit pas du tout prévu, les crises sont effectivement très rares et le drame de Tchernobyl n est pas une crise, dans la mesure où il était envisageable qu un tel accident puisse survenir dans un contexte aussi dangereux que celui d une centrale nucléaire. Par contre, si par surprise, on entend qu il est impossible de connaître précisément la date de cet accident, alors on peut, en effet, parler de crise. Ceci explique, en grande partie, pourquoi la surprise n est pas souvent reprise dans les caractéristiques de la crise. Les spécialistes du domaine, et plus précisément LAGADEC, préfèrent la notion d incertitude ou même d inconnu : A la suite des trois éléments qui constituent cette définition, les auteurs ont développé d autres aspects de la crise : En effet, une autre façon de définir la crise est de tenir compte de ses acteurs. SHRIVASTAVA note que la crise implique toujours des intéressés multiples tels les employés, les clients, les fournisseurs, les habitants de la région, l Etat et ses différentes institutions, d où une plus grande complexité et l existence de conflits d intérêts. LAGADEC a la même vision des choses: "La multiplication des intervenants est peut-être l un des paramètres les plus marquant. Alors que, pour la défaillance classique, l intervention de quelques services spécialisés pouvait suffire, il faut ici faire appel à un grand nombre d organismes". Une autre composante inhérente à l étude des acteurs pour définir la crise est une grande implication émotionnelle. LAGADEC note que : "de façon générale, l individu subit de plein fouet le choc initial, le sentiment d impuissance, l urgence, l incertitude, les enjeux, la perte de l univers de référence, la culpabilité". MUCCHIELLI dresse le même constat : Les acteurs sont alors dans une situation imprévisible et largement inconnue à laquelle ils leur faut répondre dans l urgence car la crise évolue vite. Vivre dans une telle situation demande une grande tension psychologique. C est l amplitude et la durée de cette tension qui engendrent ce que l on appelle "le stress". Enfin, un aspect a longtemps été oublié dans les caractéristiques de la crise : les médias. L intervention des médias est un critère majeur comme le sentiment grandissant de l inquiétude et de l angoisse de l opinion publique. L entreprise, surprise, ne sait pas faire face notamment du fait d une communication inadaptée à une situation d exception. Toute situation se rapprochant de cette description peut être considérée comme une véritable situation de crise. La crise est donc une notion totalement malléable qu il convient de définir afin d apporter les éclairages indispensables. D ailleurs, E. MORIN, souligne cette complexité du MASTER 2 QUALIMAPA Page 11 sur 143

terme et nous soumet l idée que c est cette dernière qui nous permettra de définir la notion de crise : "La crise du concept de crise est le début de la théorie de la crise." E. MORIN 1976. I.1.3. Echelle de crise Après avoir défini la crise, il est nécessaire de déterminer quels sont les paramètres permettant de mesurer la gravité d une crise. Il semble que la gravité d une crise soit évaluable à partir de plusieurs critères. 1 : Nombre de morts ou blessés 1 à 50 = 1 50 à 100 =2 100 à 200 = 3 200 à 400 = 4 400 à 500 = 5 500 à 600 = 6 600 à 700 = 7 700 à 800 = 8 800 à 900 = 9 900 à 1000 = 10 1000 à 10 000 = 15 > 10 000 = 20 2 : Effets de l intervention des pouvoirs publics Pas d enquête administrative = 0 Simple démarche d enquête = 2 Saisie, séquestre = 3 Retrait administratif du produit = 4 Arrêt d activité = 5 3 : Effets des médias Simple annonce = 1 Annonce répétée = 2 Reportage = 3 Débats publiques = 4 A la une = 5 4 : Importance des dommages matériels Bien de l entreprise = 1 Bien de tiers = 5 5 : Atteinte de l image et de la notoriété de Atteinte faible et temporaire = 2 l entreprise Atteinte forte et temporaire = 4 Atteinte faible et durable = 5 Atteinte forte et durable = 6 6 : Procédures pénales Pas de procédure = 0 7 : Réaction de l opinion publique (en émotion et étendue) Procédure pénale = 5 Emotion faible limitée = 2 Emotion forte limitée = 4 Emotion faible étendue = 6 Emotion forte étendue = 8 Emotion forte généralisée = 10 8 : Efficacité de la gestion de crise de Présence d une cellule de crise = 0 l entreprise Absence de cellule de crise = 10 9 : Conséquences sociales pour l entreprise Aucune = 0 Chômage technique = 2 Licenciement = 4 Fermeture = 6 Indice de gravité le plus élevé 72 Tableau 1 :Echelle de crise MASTER 2 QUALIMAPA Page 12 sur 143

Ce système de mesure peut être appliqué à deux crises dans des secteurs différents afin de mieux en apprécier le fonctionnement Critères 1 AZF (septembre 2001) 30 morts + 8333 blessés = 8363 victimes = 10 COCA COLA (juin 1999) Pas de victime = 0 2 Arrêt d activité = 5 Arrêt production d une usine = 5 3 A la une = 5 Reportage = 3 4 Biens des tiers = 5 Pas de dommages = 0 5 Forte et durable = 6 Atteinte forte et temporaire = 4 6 Procédures pénales = 5 Pas de procédure = 0 7 Emotion forte généralisée = 10 Emotion forte étendue = 8 8 Absence de cellule = 10 Absence de cellule = 10 9 Fermeture = 6 Chômage technique = 2 Note 62/72 32/72 Tableau 2 : Exemple d échelle de gravité pour 2 crises différentes Pour AZF la somme des notes est de 62, pour Coca Cola, elle est de 32 sur une échelle de 72. La gravité de la crise pour AZF a été d un niveau supérieur à celle subi par Coca Cola. C est ainsi que la crise AZF est perçue par l opinion publique et qu elle restera durablement dans la mémoire collective. I.1.4. Les différents types de crise Comme on a pu le constater dans la définition de la crise, il en existe plusieurs sortes de crise. En effet, les crises peuvent être classées en différentes catégories selon leur nature, les événements générateurs, leur intensité et leur vitesse d action. I.1.4.1. Classement selon la nature de la crise : Crise d ordre technique : L exemple que l on peut prendre est la défaillance de machines pouvant entraîner des incidences sur les consommateurs Crise d ordre économique : Au sein de ce type de classement, Jean BOUVIER distingue encore 3 types de crise : Les "crises d Ancien Régime" qui évoque les successions de mauvaises récoltes conduisant à la famine et à l émeute, ce type de crise existait jusqu aux années 1850. Les crises industrielles : - Crise du capitalisme qui concerne la saturation du marché - Crise de déflation - Crise spéculative Ces deux types de crises peuvent se combiner pour former les crises mixtes. MASTER 2 QUALIMAPA Page 13 sur 143

Crise d ordre humaine : La crise a une incidence sur la vie humaine à l intérieur de l entreprise, au niveau des employés et à l extérieur, au niveau des consommateurs par exemple. Crise d ordre sociale : L exemple que l on peut prendre est l arrêt de travail suite à une grève soudaine. I.1.4.2. Classement selon les événements générateurs de la crise : Crise d origine naturelle : On peut prendre comme exemple les crises provoquées par les catastrophes naturelles comme l inondation, les tremblements de terre. Crise d origine humaine : Ces crises ont connu l intervention directe ou indirecte de l homme. Dans ce classement, on peut considérer deux grands groupes de crise : Les crises intentionnelles : Certaines des parties prenantes sont à l origine de la crise et espèrent en tirer des avantages. On peut prendre l exemple des sabotages exercés sur l entreprise et des concurrences loyales ou déloyales. Les crises accidentelles : Ce type de crises n est souhaité ou voulu par aucune partie prenante mais apparaît suite à un accident. Ceci n empêche pas d inclure l analyse des responsabilités de toutes les parties prenantes dans la résolution de crise. On peut mettre dans cette catégorie la rupture des approvisionnements, l ESB (Encéphalie Spongiforme Bovine). Il est à rappeler que seule peut être considérée comme crise une situation qui reprend ce caractère accidentel et qui présente une durée et une ampleur inhabituelles : il faut bien faire la différence entre incident et crise. Eventuellement, un autre type de crise peut apparaître suite à l interaction de ces différents facteurs. En effet, on peut assister exceptionnellement à la réunification de certains ou de tous ces événements dans une même crise, ce phénomène provoque par la suite une difficulté accrue des acteurs à trouver une solution adéquate car il faut tenir compte de chaque facteur et de son action. I.1.4.3. Classement selon l intensité de la crise : Crise classique : Ce sont les crises qui peuvent être gérées à petite échelle. Exemple, la réclamation de quelques clients sur un produit bien déterminé. La gestion de ces crises se traduit par le dédommagement des victimes et le retrait des produits. Evénement majeur : MASTER 2 QUALIMAPA Page 14 sur 143

Ce sont les crises de grande ampleur, elles impliquent le plus souvent les entreprises à forte notoriété ou concernent toute une filière. Exemple : crise Coca Cola, l ESB. I.1.4.4. Classement selon la vitesse d action de la crise : Crise brusque : Ce sont les crises qui connaissent une évolution très rapide dans un laps de temps très court. Ce type de crise est le plus souvent associé à l intervention des médias dans le transfert d information. Exemple : cas de la crise de Coca-Cola Crise latente : Ce sont les crises qui s étendent sur un temps assez long, d une intensité plutôt moyenne mais qui peuvent d un moment à l autre avoir un effet de grande ampleur. Exemple de l OGM (Organisme Génétiquement Modifié). Rumeur : Nous avons choisi de traiter le cas de la rumeur car la plupart des crises qui se sont passées dans le monde sont dues à ce facteur. Les conséquences d une rumeur sont multiples : De fortes baisses de vente. Un investissement important en communication dans le but de redonner confiance aux consommateurs. Perte de crédibilité d une marque. Pour ce faire, nous allons voir les caractéristiques des rumeurs, les facteurs d évolution ainsi que les moyens de contrôle. La rumeur est un phénomène qui apparaît dans un contexte particulier profitant des brèches socioculturelles. En effet, une rumeur ne peut se développer qu à l intérieur d une entité sociale présentant une forte cohésion, ayant préalablement été affaiblie par des événements antérieurs. Exemple : coca-cola et dioxine belge. La rumeur est une forme de communication et joue un rôle d autant plus important que le capital de marque d une entreprise est fort. En s attaquant à une seule entreprise, elle peut très facilement être généralisée à tout un secteur. Exemple : la rumeur sur la présence de ver de terre dans les hamburger de Mac Donald s a pu également accabler le Burger s King et ainsi de suite. Une rumeur est ambiguë, peut être sans fondement, bel et bien fondé ou dans l incertitude totale. La source est difficilement contrôlable. L évolution d une rumeur dépend surtout du processus ainsi que du support de diffusion. La rumeur naît au sein d une communauté composée d individus présentant une certaine affinité ; ce qui explique d ailleurs sa forte notoriété entraînant une rapide vitesse de propagation et par conséquent un vaste potentiel de destruction. Les médias jouent par la suite un rôle important dans la multiplication des champs de diffusion des rumeurs en relayant un bruit localisé, ce d autant plus que les consommateurs MASTER 2 QUALIMAPA Page 15 sur 143

accordent beaucoup de crédibilité à la presse ou au masse média. En effet ces supports sont considérés comme des sources fiables, ne traitant que des sujets préalablement vérifiés. Ce qui est d ailleurs contesté par KAPFERRER, car les médias peuvent très bien jouer seulement le rôle de relais aux rumeurs en exposant seulement les faits sans avoir approfondi le sujet, ce pour diverses raisons comme la volonté d avoir la primeur des nouvelles. Vu les caractéristiques assez ambiguës des rumeurs, leur contrôle est très complexe. Néanmoins des moyens existent : Cibler la composante cognitive des attitudes des consommateurs. Créer un effet de surprise pour provoquer ou forcer le changement. Eviter toute sorte d ambiguïté, de sentiment d anxiété, d insécurité pour ne pas entretenir les substrats psychosociaux et pour enlever toute crédibilité à la suspicion : développer la communication, faire une traçabilité des produits alimentaires. Malgré le fait que le média joue surtout le rôle de diffuseur aux rumeurs, en accélérant le processus, il permet également aux entreprises incriminées d effectuer des démentis rapides, ceci limite leurs champs de diffusions. Le choix des médias ainsi que le moment de communication est primordial pour éviter une fuite sélective des informations. Le silence est aussi un autre moyen de contrôle des rumeurs : attendre que la rumeur s éteint d elle-même. Cette solution est pourtant peu probable à court terme avec une forte probabilité de répétition assez forte. L image d une rumeur peut aussi être changée. I.2. Influence de la crise I.2.1. Les acteurs d une crise Ces différentes sortes de crise sont liées cependant par un point commun, elles mettent en jeu de nombreux acteurs. I.2.1.1. Le produit Si la crise se cause dans un défaut réel ou supposé d un produit, que le consommateur ou l utilisateur perçoit comme menaçant, certains aspects de ce produit influenceront le développement de la crise notamment dans sa durée et sa gravité. La méfiance pour un produit ancien largement utilisé (par exemple : farine de blé) est moins grande que pour un produit nouveau, complexe et "technicisé" comme par exemple un plat cuisiné prêt à cuire. Le défaut accidentel d un produit différencié, bien identifié par son appellation commerciale, son conditionnement et un numéro de lot précis génèrera des craintes limitées chez les utilisateurs de ce lot ; son retrait est sécurisant. On comprend qu il s agit d un simple incident technologique. La traçabilité permettant d identifier un lot défectueux et de remonter à ses sources s avère être un moyen préventif de l aggravation d une crise notamment s il s agit d un problème de santé publique. Les réactions émotionnelles des utilisateurs ou des consommateurs sont exacerbées si le produit est destiné à des personnes sensibles comme les malades, les enfants, les personnes âgées ; (listériose et fromage au lait cru). L opinion est plus méfiante et prompte à réagir au risque provenant de la présence dans l alimentation ou l environnement de résidus dont le seul nom éveille la peur du chimique ; tel est le cas de contaminants de synthèse comme le MASTER 2 QUALIMAPA Page 16 sur 143

pyrimiphos-méthyl, le métamidophos (résidus phytosanitaires), ou encore l atrazine et les organochlorés (herbicides, insecticides). La défaillance publique sera exacerbée avec certains produits : Les produits qui exposent à des risques les générations futures ; sentiment de culpabilité d une génération envers la génération suivante (OGM). Les produits dangereux pour la santé humaine notamment : le risque de cancer, les pathologies multiples répondant aux mécanismes étiologiques de l allergie d origine alimentaire ou atmosphérique. Dans cette catégorie de produits dangereux, on trouve tous les produits pour lesquels on connaît ou on découvre des effets cancérigènes (aflatoxine, nitrosamines, dioxines ) ou allergiques (résidus antibiotiques ). Les produits auxquels s attache le qualificatif de non biodégradable (organochlorés, dioxines) ; exemple : la corrélation supposée entre l exposition environnementale à la dioxine et la survenue de certains cancers comme les lymphomes Les produits fortement encadrés de normes et par une réglementation abondante; la précaution réglementaire témoigne du danger. Les produits alimentaires connus pour avoir déjà provoqué des accidents graves avérés : œufs et salmonellose ; accidents allergiques graves ; les premiers allergènes en cause seraient principalement les fruits secs oléagineux. Les produits dont le retrait est annoncé fréquemment : fromage au lait cru (listeria salmonella). Les produits notamment denrées alimentaires d origine animale et végétale obtenus dans des conditions modifiées par rapport aux conditions naturelles pour accroître les rendements (veaux aux hormones ; bovins aux anabolisants). Les produits dont la production implique une transgression de l ordre naturel des choses (contre-nature) comme ceux issus de ruminants nourris avec des aliments contenant des farines animales obtenues à partir des cadavres de leurs congénères. Les produits de la grande industrie et mis en vente par les grands distributeurs ; il s attache quelque fois à ces produits, au moindre incident technologique, une suspicion de recherche abusive de profit au détriment de la qualité nutritionnelle ou sanitaire et donc de la santé du "citoyen consommateur". Les réactions de l opinion seront plus vives si le produit se révèle dangereux alors qu il fait l objet d une publicité forcenée. Les produits dont la publicité est maladroite, abusive ou trompeuse. Il est souvent constaté que la méfiance des consommateurs ou utilisateurs à l égard d un produit objet de suspicion gagne de proche en proche ceux des produits de la même gamme, voisin de lui par leur composition, par leur emballage, par leur application ou par leur indication d usage ; la méfiance peut ainsi se communiquer horizontalement à des produits identiques des concurrents (méfiances à l égard de toutes les marques de camembert après l affaire Le Petit). La relation de confiance avec le fabricant tend à prendre le pas sur l image de la marque. Un produit jusque là apprécié par le consommateur pourra être affecté par la mauvaise image acquise par l entreprise qui le fabrique si celle-ci connaît une crise grave. En général, la crise détériore temporairement ou durablement à la fois l image de l entreprise et celle de tous ses produits. MASTER 2 QUALIMAPA Page 17 sur 143

I.2.1.2. Le fabricant L image de l entreprise dans le public sympathique ou antipathique n est pas sans influencer les réactions du consommateur envers son produit présumé défectueux. Sans aucun doute, un incident de production dont aurait à répondre l Institut Pasteur serait perçu différemment qu un incident affectant un grand groupe. Il règne un sentiment persistant d incompréhension que certains qualifient de "technophobie" entre l entreprise, les entrepreneurs et l opinion publique. Ce sentiment est entretenu par l idée soutenue par une partie dogmatique de l écologie selon laquelle tous les risques industriels sont évitables et que leur survenance ne peut résulter que d une faute punissable de l entrepreneur. Paradoxalement, le nombre de personnes souhaitant créer leur propre entreprise est très élevé. L entreprise ne doit pas trop compter sur l impartialité et sur l objectivité ; on ne lui accordera des circonstances atténuantes que s il est avéré que son produit a été déclaré défectueux à tord. Mais, généralement cette absolution ne sera annoncée qu à voix basse, le mal sera fait. Une information fausse souvent répétée ne pourra plus jamais être totalement vraie. Les entreprises ne sont pas égales face au risque d une crise grave. Les plus exposées sont celles qui par leurs produits ou leurs services sont en rapport avec la santé publique ; la santé bien suprême vis-à-vis duquel tout le monde veut une sécurité individuelle absolue et pour laquelle est exigée par chacun une sécurité collective totale. L industrie pharmaceutique et les industries de l agroalimentaire sont les plus exposées. Puis viennent les entreprises dont l activité présente un danger pour leur personnel ou les populations environnantes (risque d explosion ; de fuite de liquides dangereux, d émanations de gaz toxiques ) ; la référence est le drame de Seveso. Il n est pas nécessaire que le risque soit réel pour que tous les regards se tournent vers l entreprise ; le risque supposé suffit à déclencher les mêmes réactions de l opinion, des medias, des pouvoirs publics. A l égard des risques technologiques majeurs, les exigences de l entreprise doivent être extrêmes en matière de prévention ; elle pourra être amenée à prouver qu elle ne pouvait faire plus, ni plus tôt, ni mieux. Sinon, si l accident survient, les réactions de l opinion, des medias, des pouvoirs publics seront très souvent excessives et immédiatement accablantes. La bonne réputation morale des dirigeants n entre pas en compte dans le déroulement d une crise ; en revanche la mauvaise réputation réelle ou suggérée d un haut dirigeant est de nature à aggraver la crise pour son entreprise ; matière empoisonnée dont ceux qui font l opinion ne peuvent s empêcher, à tord ou à raison, de faire usage. Si les premières enquêtes des journalistes ou des agents de l administration révèlent des insuffisances dans le respect des normes réglementaires de sécurité s il s agit par exemple d un accident de pollution de l environnement ou de manquements dans le dispositif de traçabilité ou encore dans l application des procédures de contrôle de la qualité des produits ou s il s agit d un accident technologique de fabrication un accident sans gravité peut alors évoluer vers une crise grave. Le sentiment général est que tout manquement de l entreprise à l un ou l autre des règlements ou des principes garantissant la qualité des produits et la sécurité de l activité industrielle est une faute grave punissable. On en recherchera les auteurs très vite qualifiés de coupables. MASTER 2 QUALIMAPA Page 18 sur 143