Chapitre90 Anatomie, mécanismes lésionnels et prévalence A. FREY, V. PASQUEREAU, L. POIRÉE 1. Rappel anatomique Articulation intermédiaire du membre supérieur, le coude est un ensemble articulaire complexe comprenant l extrémité distale de l humérus (EDH) et l extrémité proximale du radius et de l ulna (EPRU) (1). L EDH se compose de la trochlée humérale médiale et le condyle huméral latéral ; les dénominations anatomiques sont maintenant l épicondyle latéral pour l épicondyle et l épicondyle médial pour l épitrochlée. Le condyle huméral s appelle le capitulum : c est une moitié de sphère (180 ) recouverte de 2 mm de cartilage à son sommet. La zone capitulo-trochléaire s articule avec le biseau de la tête radiale. Il existe une antéversion de la palette humérale de 30 par rapport à l axe longitudinal de l humérus. Les fossettes olécrâniennes et coronoïdiennes sont séparées par une fine lamelle osseuse dans 90 % des cas. L EPRU comprend la cavité sigmoïdienne ulnaire médiale et la cupule radiale latérale. L articulation radio-ulnaire proximale est une circonférence articulaire : seuls deux tiers (240 ) s articulent avec l incisure radiale de l ulna ; le tiers antéro-latéral (120 ) est dépourvu de cartilage et d os sous-chondral (siège habituel des fractures). Correspondance : CHI Poissy/Saint-Germain, Fédération des urgences PSG, 10, rue du Champ Gaillard, 78300 Poissy. Tél. : 01 39 27 40 50. E-mail : afrey@chi-psg.com ANATOMIE, MÉCANISMES LÉSIONNELS ET PRÉVALENCE 891
Le col du radius fait 15 de divergence avec l axe diaphysaire ; cet angle varie avec la forme de la tête radiale (si celle-ci est ovalaire, l angle est faible ; si celleci est ronde, l angle est important). Le sillon de la trochlée a une forme hélicoïdale, classiquement antéro-latéral puis postéro-médial, responsable du cubitus valgus en extension et de l alignement bras/avant-bras en flexion. L angle portant ou cubitus valgus en extension est en moyenne de 11-14 chez l homme et de 13-16 chez la femme. La radio-ulnaire proximale (RUP) est une trochoïde comprenant la tête radiale et la petite cavité sigmoïdienne latérale de l ulna, la tête étant tenue par un anneau ostéo-fibreux et le ligament carré de dénucé. La radio-ulnaire distale (RUD) est également une trochoïde comprenant la tête cubitale et la cavité sigmoïdienne médiale du radius La capacité articulaire est d environ de 25-30 ml avec une capacité maximale vers 80 de flexion expliquant ainsi les positions antalgiques du coude lors d un épanchement intra-articulaire. Trois articulations composent le coude : L articulation huméro-ulnaire : ginglyme angulaire ou trochléenne participant à la flexion extension L articulation huméro-radiale : énarthrose ou articulation sphéroïde participant à la flexion extension et à la prono-supination (ou rotation axiale). L articulation radio-ulnaire proximale : ginglyme latéral ou trochoïde participant à la prono- supination (ou rotation axiale). Cette articulation est étroitement liée à la radio-ulnaire distale (RUD) par l intermédiaire de la membrane interosseuse. Ces articulations sont entourées de ligaments annulaires, de ligaments collatéraux et d une capsule articulaire. Le ligament collatéral médial (LCM) et le ligament collatéral latéral (LCL) comprennent 3 faisceaux (antérieur, moyen et postérieur), les faisceaux antérieurs renforçant la capsule antérieure. Le ligament annulaire est tendu entre les deux bords de l incisure radiale de l ulna recouvert de fibro-cartilage. Le LCM comprend 3 faisceaux : Ant. : le + large et le plus fort (6 mm 6 mm). Composé d un fascicule antérieur extracapsulaire ressemblant à une corde se terminant sur une zone triangulaire à la face médiale du processus coronoïde et d un fascicule postérieur. Post. : (5 mm 6 mm) vers face postérieure de l olécrane. Transverse ou ligament de Cooper. 892 TRAUMATISME DU COUDE
Figure 1 Face postérieure du coude Figure 2 Face antérieure du coude Le LCL comprend des fibres antéro-latérales renforçant le ligament annulaire et des fibres postérieures. Quelle que soit la position de l avant-bras, il y a toujours au moins un des faisceaux du LCM et du LCL tendu de chaque côté, ce qui explique l extrême stabilité du coude. Les amplitudes articulaires sont les suivantes : Extension : 0 à 5/15 (récurvatum). Flexion : 145 en actif à 160 en passif. La mobilité du coude est de 0 à 140 en flexion extension, avec des variations selon le sexe et le morphotype et en dehors d une pathologie associée de l avant-bras ou du poignet de 170 en prono-supination. La mobilité fonctionnelle (ou secteur utile) est comprise entre 15 et 115. Le mouvement de prono-supination permet la rotation de l avant-bras autour de son axe longitudinal ; il met en jeu les articulations de la RUP, de la membrane interosseuse et de la RUD. C est le radius qui pivote autour de l ulna. L étude des mouvements s effectue coude au corps fléchi à 90 avec la position neutre pouce au zénith, la supination atteint 90 et la pronation 85, le secteur utile étant de 50 /50 (2). Le coude est une articulation facilement accessible à la palpation. Deux repères sont classiques : il s agit de la ligne de Hunter alignant les épicondyles et l olécrâne en extension, et le triangle de Nélaton en flexion. La palpation de la tête radiale dont le repérage est aidé par des mouvements de prono-supination recherche un point douloureux exquis en regard. Le nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléoolécrânienne est également accessible à l examen (figures 1 et 2). ANATOMIE, MÉCANISMES LÉSIONNELS ET PRÉVALENCE 893
Les limitations articulaires sont les suivantes : En extension : la butée osseuse du bec olécrânien, la tension de la capsule antérieure, la tension des muscles fléchisseurs. En flexion : le contact des masses musculaires, la butée osseuse de la tête radiale sur processus coronoïde, la tension de la capsule postérieure, La tension du triceps. En prono-supination : la résistance passive des antagonistes, le ligament carré de Denucé, le contact des muscles de la loge antérieure. Les principaux muscles fléchisseurs sont les suivants : brachial antérieur, long supinateur, biceps brachial, accessoirement : premier radial et rond pronateur. Les principaux muscles extenseurs sont les suivants : triceps brachial, accessoirement : anconé. Les muscles fléchisseurs ont un tonus supérieur aux muscles extenseurs. Les principaux muscles supinateurs sont les suivants : court supinateur, biceps, accessoirement le long supinateur. Les principaux muscles pronateurs sont les suivants : carré pronateur, rond pronateur. Les principaux facteurs de coaptation sont les suivants : les ligaments (LCL, LCM), les muscles pour la résistance en traction longitudinale, la tête radiale et la coronoïde ulnaire pour la résistance en pression longitudinale. Le coude permet les mouvements de flexion-extension et participe aux mouvements de prono-supination. C est une des articulations principales qui permet de porter à la bouche les aliments par le biais des muscles et notamment du biceps. (de l extension pronation à la flexion supination). 894 TRAUMATISME DU COUDE
2. Mécanismes lésionnels cinétiques Il existe deux grands types de mécanismes responsables de lésions très différentes. Un interrogatoire minutieux du patient retrouve presque toujours un mécanisme. 2.1. Traumatismes directs Les traumatismes directs du coude sont les suivants : soit un impact direct soit une chute sur le coude. Le patient peut tomber sur le coude qui est en flexion avec traumatisme direct sur l olécrâne qui n est séparé de la peau que par la bourse séreuse. Le patient reçoit un traumatisme postérieur en regard de l olécrâne ou de la partie inférieure de l humérus. L atteinte commence par une contusion des parties molles (peau et bourse séreuse) puis des zones osseuses. Si le membre supérieur est fixé, il peut s y associer des atteintes ligamentaires voire une luxation ou une fracture. 2.2. Traumatismes indirects C est principalement une chute du patient sur la paume de la main le coude en légère flexion. La transmission de l énergie cinétique passe par le poignet puis l avant-bras et s absorbe au niveau du coude lorsque celui n est plus dans la position de stabilité qui est en extension. Si le coude est en extension, l énergie cinétique est préférentiellement absorbée au niveau du poignet ou de l épaule. Dans ce type de mécanisme, les os ainsi que les ligaments sont touchés en premier puis les parties molles lors de fractures déplacées ou de luxations pouvant entraîner soit des plaies importantes soit des syndromes de loge surtout au niveau de l avant-bras. Il s agit alors d une transmission de l énergie cinétique de dedans en dehors. Sur un coude ayant un valgus physiologique important, si le mécanisme du traumatisme s effectue coude en extension, il peut y avoir une impaction directe de la tête radiale. Lorsque le coude est en légère flexion, il se produit alors une ouverture du compartiment médial et une fermeture du compartiment latéral. Surviennent alors des lésions de la tête radiale et du LCM (ou chez l enfant du noyau de l épicondyle médial). Si le mouvement se poursuit ou que la flexion est importante, la tête radiale peut se luxer en arrière accompagnée ou non par la cavité sigmoïde de l ulna réalisant ainsi une luxation postérieure complète du coude. ANATOMIE, MÉCANISMES LÉSIONNELS ET PRÉVALENCE 895
Chez l enfant, on retrouve des lésions de la palette humérale par recul de celleci compte tenu de l extrême fragilité de cette zone épiphyso-métaphysaire en pleine croissance. Lors de mécanisme en supination, hyperextension et valgus forcé sans compression axiale, les lésions sont identiques mais la tête radiale se situant à la partie postérieure du condyle ne rencontre pas de résistance. Un dernier mécanisme fréquent chez le jeune enfant est la classique traction du bras dans l axe en pronation forcée entraînant le tableau de pronation douloureuse : plusieurs hypothèses sont évoquées sur le plan biomécanique : la présence de frange synoviale et surtout la faiblesse de l anneau fibrocartilagineux maintenant la tête radiale à la petite cavité sigmoïdienne ulnaire latérale. 2.3. Traumas mixtes Ils peuvent bien sûr exister mais sont rares. Ils se voient volontiers dans des mécanismes à haute énergie cinétique lors de polytraumatismes. 2.4. Prévalence et biomécanique Elle possède deux axes de mobilité ce qui réduit les mouvements possibles naturels de celle-ci avec un axe de flexion/extension et de prono-supination ; il n existe pas de laxité latérale en extension sauf chez les personnes hyperlaxes. Les lésions sont souvent osseuses et nécessitent la réalisation de radiographies. Chez l enfant, cette articulation protège l épaule. Chez l adulte, les atteintes sont moins fréquentes que celle de l épaule ou du poignet. 3. Conclusion C est une articulation charnière du membre supérieur possédant une anatomie noble superficielle. L examen palpatoire permet d être directement au contact des lésions et ainsi d orienter rapidement la prise en charge d un traumatisme. Références bibliographiques 1. Kapandji IA. Physiologie articulaire tome 1, 6 e édition, éditions Maloine, 2005. 2. Boisrenoult P, Coudert B, Coude douloureux chez l adulte, Urgences 2002 ; 24 : 245-56. 896 TRAUMATISME DU COUDE