La tarification et la solvabilisation des services d aide et d accompagnement à domicile



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Transcription:

La tarification et la solvabilisation des services d aide et d accompagnement à domicile

Le contexte du rapport Ce rapport, publié en janvier 2011, est issu d une mission menée conjointement par l IGAS et l IGF. II fait suite à un rapport d information déposé à l assemblée nationale 1 en juin 2010 et s intéresse à un secteur particulièrement sensible dans le cadre de la réforme de la dépendance, celui de l aide à domicile des personnes en situation de dépendance. Il tente de comprendre la raison des difficultés financières de ce secteur. Cette mission est justifiée par un appel à l aide des fédérations du secteur des services d aide et de l accompagnement à domicile (SAAD). Elles estiment qu en 2009, une centaine de structures, représentant 60 000 personnes aidées, ont dû se déclarer en cessation de paiement, et que ce chiffre devrait continuer à augmenter. Par ailleurs, les services délivrés aux personnes âgées se caractérisent par la diversité des prestations qu ils recouvrent (d une aide ménagère à un véritable accompagnement de la personne), par les différences statutaires de ses intervenants (services des collectivités territoriales, associations, sociétés prestataires ou mandataires, structures autorisées ou agréées, emploi direct) ainsi que par une inadaptation certaine de ses tarifications. De plus, les financeurs de ces structures, en particulier les conseils généraux, se trouvent également fragilisés en raison de l évolution des dépenses d aide sociale. En effet, celles-ci sont passées de 14,8 milliards d euros à 31,6 milliards entre 1999 et 2009, soit la moitié de leurs dépenses totales. Les conseils généraux estiment que cette évolution est insoutenable en raison du vieillissement de la population et alors que le taux de couverture de ces dépenses par la CNSA ne cesse de se dégrader. Dans son rapport, la mission examine les facteurs déterminant le coût des prestations délivrées à domicile, les règles de tarification et de solvabilisation et les modalités actuelles du contrôle d effectivité de la dépense publique d aide à domicile. Ses différentes recommandations ont pour but de résoudre, au moins partiellement, les difficultés financières des SAAD. En synthèse Les difficultés du secteur sont dues à des causes multiples, à analyser au cas par cas malgré quelques facteurs de convergence Les facteurs expliquant la dégradation de la situation financière des SAAD sont principalement liés aux déterminants des coûts et à la tarification. Ils tiennent aussi aux caractéristiques du territoire sur lequel les SAAD interviennent. Toutefois, des points de convergence sont identifiables : - un niveau de tarification ne couvrant pas le coût de revient des services ; - une baisse de l activité alors que les charges se maintiennent ; - des frais de personnel excessifs au regard de l activité ; - un nombre trop élevé d heures non productives. Le poids des frais de personnel limite les marges de manœuvre en termes de réduction des coûts Les frais de personnel représentent le poste de dépense le plus important La structure des coûts des services est très homogène. Les frais de personnel en constituent la part la plus importante, entre 75 et 95% du total des coûts. Ces coûts de personnel ont plusieurs déterminants : - le salaire minimum légal ou conventionnel applicable ; - le taux de qualification du personnel, qui tend à s améliorer suite aux politiques de professionnalisation ; - l ancienneté ; - le taux d encadrement du personnel d intervention, qui est plus important dans les petites structures car les fonctions sont moins distinctes ; - le périmètre géographique des interventions et leur fractionnement ; - les heures improductives, qui sont payées aux salariés mais ne se déroulent pas sur le terrain. Elles constituent entre 20 et 30% du total ; 1 ASSEMBLÉE NATIONALE, rapport d information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, présenté par Mme Valérie Rosso-Debord, députée, 23 juin 2010 1

- les contraintes et la continuité du service, qui font augmenter les coûts ; - les conventions collectives. D autres frais sont liés aux déplacements. Ils sont corrélés au périmètre d intervention des services : la mission préconise donc qu aucune intervention ne dure moins d une demi-heure. Les derniers frais importants sont les frais de structure : ils représentent 20-25% du total des charges. Ils sont moins lourds dans les structures publiques, car les collectivités territoriales en prennent certains à leur charge. Des marges de manœuvres limitées Elles ne peuvent se trouver qu en dehors du poste «dépenses de personnel». Il existe toutefois quelques leviers sur lesquels il est possible d agir autrement qu au coup par coup : - la gestion des plannings : le rapport suggère de la confier à des personnels formés pour cette tâche ; - l allocation des ressources humaines : elle doit se faire en fonction de la structure de l activité, en affectant le personnel le plus qualifié aux personnes les plus vulnérables. La composition du personnel doit également être adaptée à la nature de l activité de la structure ; - la mutualisation de certaines fonctions support : elle concernerait surtout des petites structures, même si la mission n a pas réussi à déterminer la taille optimale de SAAD qui permettrait de minimiser la part des frais de structure. Le rapport prône également d optimiser les plannings en limitant le fractionnement des interventions. Il suggère enfin la construction d un référentiel d analyse des coûts de revient des services au niveau national, qui permettrait de maîtriser l évolution des tarifs, de tendre vers une harmonisation nationale des pratiques et de donner plus de transparence aux procédures de tarification. Piloté par la CNSA, il permettrait aux services de se comparer entre eux sur une base commune, constituant ainsi un levier de réorganisation interne pour une plus grande efficience. La conclusion de la mission est que des marges de progrès existent pour les coûts de la prise en charge, mais que le coût du service ne peut être réduit de beaucoup. De plus, il faut assumer les surcoûts d une politique de professionnalisation. Une réforme de la procédure de tarification doit viser à mieux prendre en compte la nature de l activité des services et les besoins à prendre en charge Une pratique hétérogène liée à la coexistence de deux régimes La tarification des SAAD obéit à deux textes de janvier 2002 et octobre 2003. Le rapport souligne que la procédure est aujourd hui appropriée et maîtrisée par les Conseils généraux. Toutefois, la pratique de ces textes est différente selon les départements, en ce qui concerne la mise en place, la procédure ou le niveau de tarification. Les évolutions juridiques récentes confortent dans l immédiat la coexistence des deux régimes de tarification que sont l autorisation et l agrément. Toutefois, face aux difficultés de certains services, aux plaintes dénonçant une certaine inégalité de traitement et aux exigences de la directive services européenne, le régime d autorisation est appelé à évoluer. Une réforme fondée sur la contractualisation Le rapport préconise une simplification des procédures, qui pourrait par exemple se faire en supprimant l autorisation. La mission n est pourtant pas favorable à la suppression d un régime de tarification au profit de l autre, en particulier parce que les acteurs associatifs et publics s y opposent, bien que l autorisation ne soit pas une procédure adaptée au service marchand. Ce régime devrait donc évoluer vers une contractualisation qui retiendrait deux types de SAAD : - ceux qui seront choisis par les départements comme partenaires et contracteront avec eux verront leurs tarifs encadrés ; - ceux qui ne souhaiteront pas contracter avec les départements ou ne seront pas retenus par eux : ils pourront fixer leurs tarifs, les différences restant à charge des bénéficiaires individuels. Le rapport préconise également de réformer et mieux cibler la procédure de tarification pour mieux prendre en compte la nature de l activité et les besoins des personnes à prendre en charge. Par ailleurs, on pourrait mieux articuler le financement en diversifiant les tarifs par nature d intervention, en partant cette fois de la personne aidée au de fonder le tarif sur la qualification des intervenants. Deux types de tarifs seraient possibles en fonction des besoins : - le tarif «aides à la personne», qui concernerait les aides apportées à la personne stricto sensu ; - le tarif «aides à l environnement», qui couvrirait par exemple l aide ménagère et concernerait surtout les personnes les moins dépendantes. 2

Par ailleurs, le rapport s oppose à la suppression de la facturation individuelle préconisée par les départements : il est essentiel que les SAAD conservent un lien avec leurs clients et le marché, ce qui est rendu possible par le maintien de la tarification par service. La solvabilisation des besoins des personnes dépendantes doit être ciblée sur les publics les plus vulnérables La mission veut faire évoluer les règles de solvabilisation pour ajuster au mieux le niveau de prise en charge avec les besoins des personnes et leurs capacités contributives. Les départements auront à lancer des appels à projet dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne sur les services, ce qui créera un cadre contractuel mettant en évidence pour chaque service les efforts spécifiques de qualification à réaliser. L ajustement des modes d intervention des SAAD En ce qui concerne les aides à domicile, la mission fait observer que le critère financier devrait conduire les bénéficiaires à privilégier l emploi direct. Toutefois, les départements mènent depuis longtemps des politiques en faveur des prestataires pour corriger les écarts économiques. Ces politiques devraient être mieux ciblées et favoriser le développement d autres structures de services à domicile, qui pourraient exécuter des prestations trop coûteuses à assurer dans le cadre du régime prestataire. Ainsi, pour les personnes plus légèrement dépendantes, la mission préconise le développement du mode d intervention mandataire, qui passe par une sécurisation juridique et une meilleure reconnaissance de sa valeur ajoutée. Le contrôle d effectivité doit progresser et être conçu comme part intégrante du contrôle de qualité des prestations La mission relève une véritable volonté d exécuter ce contrôle. Toutefois, ses modalités étant assez lourdes, il est assez peu assuré après que les prestations ont été effectuées. Cependant, certains outils existent, comme l échange de fichiers dématérialisés, le CESU préfinancé ou la télégestion. Ils sont à utiliser de manière complémentaire, principalement les deux derniers, car ils permettent de réduire le nombre d heures payées non réalisées. Ils présentent cependant certains inconvénients : - CESU préfinancé : il n est pas tout à fait dématérialisé, ne résout pas le problème du paiement des charges sociales et a un coût encore jugé prohibitif par certains départements. Mais il est applicable partout, assure aux Conseils généraux une bonne visibilité de leur action, permet un repérage rapide des bénéficiaires inexistants, et évite ainsi de gaspiller des financements. - télégestion : ce système peut paraître lourd en termes de logistique et nécessite que tous les acteurs s équipent du même logiciel, mais il comptabilise les heures en temps réel, sécurise le paiement et assure aux financeurs et aux familles que les prestations correspondent à ce qui était prévu. Ces outils présentent donc des coûts à prendre en compte, mais ils sont rapidement amortis et de plus compensés par une optimisation de la gestion du service et un meilleur contrôle de la dépense. Le rapport suggère donc de soutenir leur déploiement, en particulier en celui des CESU. Cela permettrait d articuler le contrôle d effectivité au contrôle qualité de la prestation d une manière plus ferme qu actuellement. 3

Les enjeux et problématiques Si les constats sont partagés par les associations du secteur, ce rapport suscite de nombreuses interrogations : Comment garantir l accès équitable à l aide à domicile sur l ensemble du territoire, particulièrement pour les publics fragiles? Le rapport préconise la mutualisation des fonctions administratives, ce qui s inscrit dans la tendance générale préconisée au secteur social et médico-social, mais qui entre en contradiction avec des préconisations antérieures, où l Etat refusait la création de trop grandes structures en postulant que les petites sont plus proches des bénéficiaires. Le rapport préconise également une plus grande ouverture du secteur à la concurrence. Cela pose une question : un renforcement de la concurrence entre les prestataires sera-t-il la source d une plus grande efficience ou de nouvelles inégalités, notamment territoriales, dans la prise en charge? Comment construire une politique de prévention pour retarder le plus possible la perte d autonomie? Le collectif associatif dénonce une «simplification abusive» lorsque le rapport évoque le service mandataire pour répondre aux besoins des personnes en GIR 4, 5 et 6, ce qui revient à considérer que seules les interventions auprès des personnes particulièrement dépendantes nécessitent des salariés formés et une structure d organisation. Cela délégitime l apport des services prestataires auprès de ces personnes GIR 3 à 4. En effet, contrairement à ce qu évoque le rapport, les aides apportées à ces catégories de personnes dépendantes ne concernent pas toujours le ménage. L intervention en amont de la grande dépendance permet, en outre, de prévenir la perte d autonomie de ces personnes. Comment assurer la qualification et la professionnalisation des salariés et la lutte contre la précarisation des emplois? Le renforcement des exigences de qualité appliquées au secteur de l aide à domicile est nécessaire et incite les services à renforcer la qualification et la professionnalisation des salariés. Cependant, les charges de personnels constituant la part la plus importante des budgets et les tarifs appliqués ne les compensant pas, les services ont peu de marges de manœuvre pour répondre à ces exigences. La mission préconise par ailleurs d augmenter le turn-over du personnel pour diminuer les effets de l ancienneté ce qui aurait pour conséquence d accentuer la précarité des emplois dans le secteur et qui ne saurait garantir, aux bénéficiaires, une qualité et une continuité d intervention des services. Une des causes de la crise du secteur pourrait être aussi liée à la concurrence des entreprises privées qui, favorisées par le plan Borloo de 2005 relatif au développement des services à la personne, ont investi un champ d action sur lequel les organismes associatifs se trouvaient parfois jusqu alors dans des situations de quasi-monopole. En outre, ces entreprises utiliseraient des personnels manquant de qualification et donc moins bien rémunérés, faisant ainsi baisser les coûts de leurs prestations. Quelle aide sera apportée aux familles? Cette question est laissée de côté par le rapport, alors que les associations pointent depuis longtemps la nécessité d apporter de l aide aux aidants. La suppression des exonérations par la loi de finances 2011 entraîne un surcoût de 8 à 12% des interventions auprès des familles fragilisées. Leur apporter assistance serait pourtant triplement avantageux : - pour les aidants : leur tâche de prise en charge intensive les expose à un risque plus élevé de pauvreté ou de problème de santé mentale ; - pour les bénéficiaires des soins, qui préfèrent voir des proches ou amis s occuper d eux ; - pour les finances publiques, car cette assistance représente pour l Etat un coût inférieur au secteur formel pour un volume donné de soins. Les gouvernements peuvent les aider de trois façons : - des prestations en espèces en prenant garde au risque d effets pervers : la subvention d une aide qui serait apportée même sans incitation financière, des aidants piégés dans un secteur parallèle de l économie avec peu d incitation à s insérer sur le marché formel du travail ; 4

- leur assurer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée, par le biais d un aménagement du temps de travail par exemple ; - des services de soutien, comme l accompagnement psychologique, qui améliorent leur bien-être. Cependant, comme les aidants et les personnes dont ils prennent soin forment des groupes hétérogènes, il faut être souple dans la conception de ces mesures. Il serait également souhaitable d assurer une coordination avec le secteur formel de la dépendance, c est-à-dire avec les aidants n appartenant pas à l entourage de la personne dépendante. Cela rend par conséquent nécessaire l évaluation du rapport coût/efficacité de ces politiques de soutien aux aidants. Quel financement d une éventuelle réforme de la tarification? Cela pose également la question du financement d une telle réforme, ce qui renvoie au cadre plus large de la réforme de la dépendance, dans lequel de nombreuses pistes ont été soulevées pour trouver de nouvelles ressources. Le présent rapport n a par ailleurs pas répondu à la demande de création d un fond d urgence pour le secteur de l aide et l accompagnement à domicile. Les questions de l aide à domicile entrent finalement dans le débat plus large de l organisation de la prise en charge de la dépendance et seront reliées aux travaux menés sur la réforme de la dépendance 2. 2 Voire la note de synthèse consacrée à la réforme de la dépendance 5