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Transcription:

D o s s i e r d u C N H I M Revue d évaluation sur le médicament Publication bimestrielle novembre 2004, XXV, 6 2004, XXV, 6 Évaluation thérapeutique et aspergilloses invasives : stratégie thérapeutique Centre National Hospitalier d Information sur le Médicament ISSN 0223.5242

: stratégie thérapeutique Claude Demange 1 et la participation du comité de rédaction 1. Service de Pharmacie, Hôpital de Saint Dié, CH BP 246 88100 Saint-Dié. Remerciements : Didier Basset (Montpellier), Dominique Chabasse (Angers), Raoul Herbrecht (Strasbourg), Catherine Kauffmann-Lacroix (Poitiers), Claire Lacroix (Paris), Hélène Raberin (Saint-Étienne), Olivier Lortholary (Paris), Corinne Tollier (Le Kremlin Bicêtre), Sophie Touratier (Paris). 1. Introduction En bref. Dans les pays développés, les infections fongiques invasives sont très majoritairement dues à Candida sp et Aspergillus sp. Leur traiement fait appel à l amphotéricine B et à ses formes lipidiques, aux triazolés et à de nouveaux antifongiques agissant selon d autres mécanismes d action comme les échinocandines. Depuis deux décennies, l incidence des infections fongiques invasives (IFI) n a cessé de croître. Cette augmentation est liée aux états d immunodépression consécutifs aux chimiothérapies anticancéreuses plus agressives particulièrement lors de greffe de moelle, aux traitements immunosuppresseurs incluant la corticothérapie à haute dose largement utilisés notamment dans les transplantations d organes et les maladies auto-immunes d une part et à l infection par le virus de l immunodéficience d autre part. Enfin les procédures invasives (cathétérisme central, intubation) mises en œuvre dans les unités de soins intensifs constituent également des circonstances qui favorisent la survenue d IFI. Aujourd hui, une meilleure prise en charge des malades et l instauration de traitements empiriques, permettent de lutter efficacement contre cette progression. Dans les pays développés, les IFI sont très majoritairement dues à Candida sp et Aspergillus sp. Elles sont grevées d une lourde mortalité en raison du contexte d immunodépression dans lequel elles surviennent, malgré l utilisation d antifongiques. Il y a encore quelques années l arsenal antifongique se résumait à l unique représentant des polyènes : l amphotéricine B (AmB) et les triazolés avec le fluconazole et l itraconazole. La flucytosine n étant pas utilisée en monothérapie intervient en tant qu antifongique d appoint dans le cadre d associations le plus souvent avec l AmB. Jusqu à ce jour l AmB reste un antifongique de référence. Or les fréquents effets indésirables de l AmB désoxycholate obligeant à cesser le traitement offraient peu d alternatives thérapeutiques, mis à part l itraconazole dont une forme injectable est en développement ou le fluconazole dont le spectre ne couvre pas les champignons filamenteux. La commercialisation de formes lipidiques d AmB (ABELCET en 1997, AMBISOME en 1998), mieux tolérées que l AmB désoxycholate puis plus récemment du voriconazole en 2002, plus actif que l AmB dans le traitement des aspergilloses invasives constitue un réel progrès. Le voriconazole apparaît dorénavant comme le traitement de première intention dans le traitement des aspergilloses invasives. La mise sur le marché de la caspofungine en 2001 marque une nouvelle étape avec l apparition d une nouvelle classe d antifongiques : les échinocandines agissant sur une autre cible que les autres antifongiques disponibles. D autres antifongiques triazolés - ravuconazole, posaconazole -, ainsi que d autres échinocandines - micafungine, anidulafungine - sont en cours de développement (27). De nouveaux antifongiques agissant selon d autres mécanismes d action font également l objet de recherches. Enfin des complexes antifongique-anticorps monoclonal antichampignon, se concentrant sur le site de l infection, sont en développement (ils ne seront pas traités ici). A travers ces exemples, la recherche de nouvelles cibles trouve un aboutissement qui diversifie les alternatives thérapeutiques et ouvre la voie à de nouvelles possibilités d associations d antifongiques autres que la classique association AmB/flucytosine sous réserve que leur efficacité soit validée par des études cliniques (101). Indépendamment du coût de ces nouveaux traitements qui pèse sur les choix thérapeutiques, ces médicaments doivent pouvoir s inscrire dans un stratégie thérapeutique (54, 129, 135). Au regard de la récente conférence de consensus qui vient de se tenir, l objet de ce dossier est de rapporter les modalités actualisées de prise en charge des candidoses (41). Les infections fongiques survenant dans le cadre de l infection par le VIH ne seront pas abordées. Nous signalons par ailleurs que le kétoconazole, le fluconazole et l itraconazole (forme gélule) ont déjà fait l objet d une évaluation (111. 2. Généralités 2.1. Les infections fongiques invasives En bref Les infections fongiques invasives sont pour l essentiel des infections nosocomiales consécutives aux traitements anticancéreux et immunosuppresseurs. Si C. albicans est plus fréquent en cas de tumeur solide, les Candida non albicans (C. parapsilosis, C. tropicalis, et C. glabrata.) prédominent en cas d hémopathie maligne. Cinq espèces d Aspergillus sont retrouvées en pathologie humaine : A. fumigatus responsable de 90 % des aspergilloses, A. flavus, A. nidulans, A. niger, A. terreus. 6

2.1.1.1. Généralités 2.1.1. Épidémiologie Mise à part l infection à VIH au cours de laquelle les infections fongiques constituent des infections opportunistes en rapport avec le déficit immunologique induit par la maladie, les IFI, à l exception des mycoses exotiques, sont pour l essentiel des infections opportunistes consécutives aux traitements anticancéreux et immunosuppresseurs. Aussi il n est pas surprenant que leur incidence augmente régulièrement dans les pays développés depuis deux décennies (28, 76, 217). 2.1.1.2. Les USA Aux USA, les candidoses représentent entre 80 et 90 % des IFI, les aspergilloses moins de 2 %, quant aux autres levures et champignons filamenteux ils totalisent les quelques 15 % restants (20). A l origine de 7 % des infections nosocomiales, Candida arrive au 4 ème rang des causes de septicémies (8 %) après les staphylocoques à coagulase négative (31 %), les staphylocoques dorés (16 %) et les entérocoques (9 %) (127). 2.1.1.3. L Europe En Europe, Candida arrive au 8 ème rang des septicémies (2,8 %) (58). Les champignons sont à l origine de 17,1 % des isolements dans les unités de soins intensifs. Ils arrivent au 5 ème rang après les entérobactéries (34,4 %), Staphylococcus aureus (30,1 %), Pseudomonas aeruginosa (28,7 %) et les staphylocoques à coagulase négative (19,1 %) (199). 2.1.1.4. La France En France, peu de données sont disponibles. Dans l enquête nationale de prévalence de 1996 les IFI représentent 6 % des infections nosocomiales (28) Candida représente 0,22 % des hémocultures. Environ 1 600 candidémies sont déclarées par an (177). 2.1.2. Les candidoses invasives 2.1.2.1. Généralités Sur les quelques 200 espèces que compte le genre Candida, seules quelques unes sont rencontrées en pathologie humaine (39, 217). Chez l homme, C. albicans et C. glabrata sont des endosaprophytes naturels de la muqueuse vaginale et digestive. Les autres Candida sont, selon les espèces, soit des saprophytes cutanés, soit apportés par l alimentation. Si C. albicans est plus fréquent en cas de tumeur solide, les Candida non albicans prédominent en cas d hémopathie maligne (22, 201). Le risque d infection à Candida non albicans est augmenté en cas de neutropénie dans les tumeurs solides et en hématologie lors de leucémie aiguë ou lorsqu une prophylaxie antifongique par azolé est mise en œuvre (201). 2.1.2.2. Candida albicans C. albicans est l espèce la plus fréquente et une des plus virulentes mais fort heureusement encore l une des plus sensibles aux antifongiques. Moins de 5 % des souches sont résistantes au fluconazole (75, 163). Les résistances aux dérivés azolés sont rapportées notamment chez les patients VIH positifs en raison d une large utilisation du fluconazole, souvent à posologies trop faibles, dans le traitement des mycoses oropharyngées. La proportion d espèces de Candida non albicans varie selon les études, les espèces les plus fréquemment rencontrées sont C. parapsilosis, C. tropicalis et C. glabrata. 2.1.2.3. Candida parapsilosis C. parapsilosis, présent dans la flore cutanée, prolifère dans les solutés glucosés et possède la faculté d adhérer aux cathéters et matériaux étrangers, et de former un «slime» ou biofilm. 2.1.2.4. Candida. tropicalis C. tropicalis est rencontré aussi bien sur les muqueuses que sur la peau ; son incidence tend à diminuer. Il ne présente pas de résistance aux antifongiques. 2.1.2.5. Candida glabrata C. glabrata dont la prévalence augmente régulièrement depuis une dizaine d années est associé à une plus grande mortalité (201). Il est inconstamment sensible aux dérivés azolés avec 15 % de résistance au fluconazole et 40 % de résistance à l itraconazole (48). Il n est pas formellement démontré que l évolution des résistances au fluconazole soit liée à l utilisation large de ce dernier dans l infection à VIH. L augmentation de la prévalence pourrait être liée à son utilisation en prophylaxie chez les patients atteints de leucémie aiguë ou greffés de moelle (22). Les facteurs de risque d infections à C. glabrata sont : les hémopathies malignes, un score APACHE 16, une prophylaxie par fluconazole (22). 2.1.2.6. Candida krusei C. krusei, d origine alimentaire, espèce beaucoup plus rarement isolée, présente une résistance naturelle au fluconazole. 2.1.2.7. systémiques Les candidoses systémiques regroupent les candidémies et les candidoses viscérales, ces dernières ayant le plus souvent une origine hématogène (84). Elles ont pour principale source la propre flore du patient, notamment la flore digestive (200). Des contaminations manuportées ont également été rapportées (194). * Candidémie, candidurie La candidémie se définit par l isolement de Candida dans au moins une hémoculture. Elle doit être évoquée lors de pic thermique ou plus exceptionnellement en cas d hypothermie chez des patients sous antibiothérapie à large spectre. Tout traitement de candidémie doit s accompagner du retrait de cathéter quelle que soit l espèce de Candida en cause dans la mesure où l état du patient le permet (23, 115, 195). Le diagnostic de candidurie est important. * viscérales Dans 10 à 12 % des cas, la candidémie s accompagne de signes oculaires tels que choriorétinite associée à des troubles visuels, voire une baisse brutale de la vision. L endophtalmie constitue une des complications la plus redoutable. L atteinte est souvent bilatérale. Des signes cutanés sont également présents dans 13 % des cas avec des maculopapules apparaissant d abord à la racine des membres puis diffusant sur tout le tronc. D autres localisations tissulaires sont également décrites. 7

Dans 90 % des cas, elle ne s accompagne pas de candidémie. Elles peuvent concerner tous les tissus, notamment les localisations hépato-spléniques décrites chez les patients neutropéniques. Le diagnostic nécessite d avoir recours aux biopsies ou ponctions avec le support des techniques d imagerie ou d échographie. 2.1.3. Les aspergilloses invasives 2.1.3.1. Généralités Les Aspergillus vivent en saprophytes dans et à la surface du sol et sur les végétaux en voie de décomposition. Dans l habitat ou en milieu hospitalier, ils sont retrouvés sur les denrées alimentaires (agrumes, épices, sachets de thé), les plantes vertes, les climatiseurs, les humidificateurs, les grilles d entrée d air, les faux plafonds. La concentration des spores d Aspergillus dans l air est de 1 à 15 par m 3, mais peut varier fortement en fonction de la température et de l humidité et s élever jusqu à 100 à 200 par m 3. Des travaux dans l environnement proche d un établissement hospitalier ou d une unité d isolement sont également une source d augmentation des spores aspergillaires dans l air. D un diamètre de 2 à 5 µm selon l espèce, les spores pénètrent dans l arbre bronchique et leur inhalation est quotidienne. Elles sont éliminées par l ascenseur mucociliaire ou phagocytées par les macrophages et les polynucléaires neutrophiles alvéolaires. 2.1.3.2. Les espèces impliquées Les Aspergillus représentent moins de 5 % des moisissures isolées dans l air et sur les quelques 200 espèces que regroupe le genre, 5 sont principalement impliquées en pathologie humaine, ce sont : A. fumigatus responsable de 90 % des aspergilloses, A. flavus, A. nidulans, A. niger, A. terreus (28, 143). 2.1.3.3. Les manifestations cliniques Les manifestations cliniques des aspergilloses sont diverses. Elles dépendent du terrain sur lequel elles surviennent, mais sont dominées par des signes pulmonaires en raison de la porte d entrée essentiellement respiratoire. Des infections à point de départ cutané suite à effraction (cathétérisme, toxicomanie, brûlés, chirurgie) sont plus rares. * Aspergillose invasive L aspergillose invasive s observe dans un contexte d immunodépression sévère (neutropénie sévère et prolongée, hémopathies malignes, transplantation d organe, greffe de moelle, granulomatose septique ). Elle se manifeste d abord par un envahissement bronchique et une nécrose tissulaire. L infection peut rester localisée au poumon évoquant une pneumopathie sans spécificité particulière (en dehors du contexte). La diffusion à tous les organes par voie hématogène peut survenir et aboutir à une défaillance multiviscérale par nécrose ischémique des organes atteints (70, 202). La mortalité dépassant généralement 70 % (50 à 90 % en hématologie, 74 à 100 % en transplantation d organe) en fait toute la gravité (33, 155, 175). * Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante ou aspergillose semi-invasive L aspergillose pulmonaire chronique nécrosante ou aspergillose semi-invasive constitue une forme clinique intermédiaire survenant chez des patients habituellement âgés dont le déficit immunitaire est modéré ou localisé (éthylisme, tabagisme, diabète, maladies de système ). Elle se traduit par un envahissement progressif du tissu pulmonaire mais sans dissémination à distance par voie hématogène. * Aspergillome L aspergillome consiste en la colonisation d une cavité pulmonaire préexistante (séquelle de tuberculose) en relation avec l arbre bronchique sans envahissement des tissus voisins. * Aspergillose allergique L aspergillose allergique résulte d une hypersensibilisation. Elle se traduit par : - l asthme aspergillaire de survenue immédiate, déclenché en cas de forte exposition aux spores d Aspergillus. - l aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA). Elle s observe dans les asthmes précoces et sévères et dans la mucoviscidose. Elle se manifeste par un asthme associé à une expectoration épaisse sous forme de bouchon muqueux à partir duquel Aspergillus peut être isolé. - les pneumopathies d hypersensibilité. Elles s observent chez les ouvriers des malteries et graineteries qui sont exposés de manière intense et répétitive aux spores d Aspergillus. Elles se traduisent par une fièvre, une toux, une dyspnée et apparaissent quelques heures après le début d exposition. - la sinusite fongique allergique. Elle survient chez des sujets jeunes et se manifeste par une sinusite chronique associée parfois à une polypose nasale et une éosinophilie. 2.2. Limites des traitements actuels En bref L AmB présente un spectre très large qui en fait l antifongique de référence. Elle est active sur la plupart des Candida sp et des Aspergillus sp. La résistance primaire concerne peu de souches, mais sa toxicité en limite l utilisation. Les formes lipidiques sont mieux tolérées. Le kétoconazole, l itraconazole et le fluconazole, présentent chacun des avantages et inconvénients concernant leur spectre et leur toxicité. Les mécanismes de résistance aux imidazolés sont multiples. 2.2.1. Amphotéricine B L amphotéricine B (AmB) fut isolée en 1956 à partir de Streptomyces nodosus. 2.2.1.1. Mécanisme d action L AmB a une très forte affinité pour l ergostérol qui est un constituant essentiel de la membrane cellulaire fongique. Cette fixation provoque une augmentation de la perméabilité par la formation de pores, une inhibition de la pompe Na/K. Cela se traduit par une fuite de potassium et une entrée massive de sodium aboutissant à la lyse cellulaire. 2.2.1.2. Spectre 8

L AmB présente un spectre très large qui en fait l antifongique de référence. Elle est active sur la plupart des Candida sp et des Aspergillus sp, certains Candida tels que C. lusitaniae, C. glabrata, C. guillermondi, C. krusei sont moins sensibles, de même que A. terreus. D autres espèces sont sensibles : Cryptococcus neoformans, Absidia sp, Basidiobolus sp, Blastomyces dermatitidis, Coccidioides immitis, Conidiobolus sp, Histoplasma capsulatum, Mucor sp, Paracoccidioides brasiliensis, Rhizopus sp, Rhodotorula sp, Sporothrix schenckii. Le spectre inclut également un protozoaire tel que Leishmania sp. 2.2.1.3. Résistance La résistance primaire concerne peu de souches. Ce sont les agents des dermatomycoses, Scedosporium sp. Les résistances acquises sont extrêmement rares bien que l AmB soit utilisée depuis plus de 40 ans. Elles concernent quelques souches de C. albicans ou C. non albicans isolées chez des patients immunodéprimés. Le mécanisme évoqué consisterait en une diminution de la synthèse d ergostérol de ces souches (14, 60, 107). 2.2.1.4. Effets indésirables La toxicité de l AmB désoxycholate (FUNGIZONE ) limite son utilisation. Cette toxicité est dominée par les réactions générales survenant au cours de la perfusion (fièvre, frisson, malaises) et l altération de la fonction rénale qui peuvent obliger à cesser le traitement. Les effets indésirables liés à la perfusion sont liés à la libération de cytokines (interleukine1, tumor necrosis factor) par les monocytes et les macrophages. La toxicité rénale est consécutive à une toxicité directe sur le tube contourné proximal avec une augmentation des fuites de potassium, magnésium et sodium d une part, et une diminution de la filtration glomérulaire par vasoconstriction artérielle faisant intervenir les prostaglandines et le thromboxane d autre part (24). L altération de la fonction rénale est en principe réversible sauf en cas de fortes doses cumulatives d AmB (> 5 g). La commercialisation des formes lipidiques d AmB vise à réduire cet inconvénient majeur de l AmB. Une récente étude démontre que la tolérance de l AmB désoxycholate peut être considérablement améliorée en perfusant le médicament sur 24 h au lieu de 4 h (61, 157) (tableau 1). Une bonne hydratation doit être assurée. 2.2.2. Flucytosine 2.2.2.1. Mécanisme d action La flucytosine est un analogue pyrimidique. Elle agit après conversion en fluorouracile (5FU) grâce à une enzyme : la cytosine désaminase. Le 5FU est inactif en tant que tel. Il doit être transformé en nucléotides pour être actif. Il existe deux voies d activation : - transformé en 5 fluorouridine triphosphate, il perturbe la synthèse protéique en s incorporant à l ARN à la place de l uracile. - transformé en 5 fluorodéoxyuridine monophosphate qui est un puissant inhibiteur de la thymidylate synthétase, il empêche la synthèse d ADN. 2.2.2.2. Spectre Son spectre couvre essentiellement les levures Candida sp et Cryptococcus neoformans. Environ 10 % de C. albicans présentent une résistance. 2.2.2.3. Résistance La flucytosine présente une résistance secondaire qui oblige à l utiliser en association. L association la plus classique étant l association à l AmB (association synergique ou indifférente selon les germes). La résistance secondaire est liée à la perte d activité d enzymes telles que la perméase qui permet l entrée de la flucytosine dans la cellule fongique, la désaminase dont le rôle est évoquée ci-dessus, et l UMP pyrophosphorylase qui assure la transformation de 5 FU en 5 fluorouridine (14, 72). 2.2.2.4. Effets indésirables La flucytosine présente une toxicité hématologique qui limite son utilisation et impose de surveiller les concentrations sériques. Celles-ci ne doivent pas dépasser 100 µg/ml au pic (190). En pratique les concentrations sériques doivent être maintenues entre 35 µg/ml à la vallée et 70 µg/ml au pic. L association AmB/flucytosine est bien tolérée grâce aux apports de sodium. 2.2.3. Les imidazolés 2.2.3.1. Mécanisme d action Les imidazolés agissent en inhibant une enzyme, la 14 α déméthylase qui assure la formation de l ergostérol à partir du lanostérol. Jusqu à l avènement du voriconazole, nous disposions de 3 médicaments à usage systémique : le kétoconazole, l itraconazole, le fluconazole, présentant chacun des avantages et inconvénients. 2.2.3.2. Les différents imidazolés * Kétoconazole Le kétoconazole présente un spectre couvrant les levures (Candida, Cryptococcus, Malassezia) et les champignons dimorphiques (Blastomyces, Histoplasma, Coccidioïdes, Paracoccidioïdes). Il est actif sur les dermatophytes mais inactif sur les moisissures. Sa biodisponibilité est augmentée s il est pris en cours d un repas. Il présente l inconvénient majeur d avoir un puissant effet inhibiteur enzymatique à l origine de nombreuses interactions médicamenteuses. * Fluconazole Le fluconazole présente un spectre étroit sur les levures, sauf C. krusei, mais il est actif sur tous les autres Candida non albicans responsables de candidoses disséminées (C. topicalis, C. parapsilosis...). L existence d une forme injectable et l excellente biodisponibilité des formes per os font de ce médicament, le traitement de 1 ère intention dans les candidoses invasives liées aux espèces sensibles, ainsi qu un traitement de relais per os appréciable. L utilisation large du fluconazole serait à l origine de l apparition de résistances de C. albicans et C. glabrata. Le fluconazole est inactif sur C. krusei et sur les moisissures (inconvénient majeur). 9

Tableau 1. Études cliniques : amphotéricine B Comparison of effects of amphotericin B desoxycholate infused over 4 or 24 hours : randomised controlled trial - 2001 (61). Méthodologie Objectif Comparer la toxicité de l AmB désoxycholate selon le mode de perfusion, continue sur 24 heures ou discontinue sur 4 heures. Type d étude Étude monocentrique, randomisée, ouverte. 80 patients. Schéma posologique * Bras 1 (n = 40) : AmB 0,95 mg/kg dans 500 ml G5% en perfusion de 4 heures * Bras 2 (n = 40) : AmB 0,96 mg/kg dans 500 ml G5% en perfusion continue de 24 heures Tout médicament destiné à prévenir les effets indésirables liés à la perfusion était interdit à J1. Aucune restriction sur les autres médicaments associés. Durée de l étude : patients suivis jusqu à 3 mois après l arrêt du traitement. Inclusion/ Évaluation Inclusion Tout patient justifiant d un traitement par AmB Exclusion - Créatininémie > 300 µmol/l. - Traitement par AmB dans les 7 jours précédant la randomisation. Évaluation * Évaluation primaire - Fièvre > 39,3 C, frissons, vomissements, tous les jours jusqu à la fin du traitement - Créatininémie mesurée chaque jour. * Évaluation secondaire Mortalité due à une infection fongique et apparition d une septicémie fongique durant le traitement. Résultats Groupe comparable 73 patients avaient une neutropénie < 500/mm 3. 72 patients avaient une hémopathie maligne. dose moyenne (mg/kg/j) durée moyenne de traitement (j) * Réactions à J1 fièvre (%) (p < 0,05) frissons (%) (p < 0,001) vomissements (%) (p < 0,01) Bras 1 (n = 40) * Réactions durant le traitement frissons (%) (p = 0,00001) vomissements (%) (p < 0,001) réduction de dose ou arrêt perfusion (%) (p < 0,05) Bras 2 (n = 40) 0,95 0,96 12 16 53 (n = 21) 53 (n = 21) 35 (n = 14) 63 (n = 25) 60 (n = 24) 28 % (n = 11) 25 (n = 10) 13 (n = 5) 10 (n = 4) 20 (n = 8) 28 (n = 11) 8 % (n = 3) Conclusion des auteurs Diminution de clairance de la créatinine (calculée à partir de la créatininémie) : bras 2 > bras 1 (p = 0,001). * Suivi au cours du traitement Arrêts de traitement : - bras 1 = 9 : 7 décès, 1 leucémie réfractaire, 1 néphrotoxicité. - bras 2 = 1 : leucémie réfractaire. Suivi à 3 mois : bras 1 = 12 décès ; bras 2 = 4 décès. La perfusion continue d AmB désoxycholate permet de réduire significativement les effets indésirables liés à la perfusion et la néphrotoxicité. La diminution de la mortalité permet de penser que la perfusion continue d AmB est au moins aussi active que la perfusion discontinue. Conclusion du CNHIM Cette étude bien que monocentrique et portant sur un effectif réduit permet d envisager de nouvelles modalités d administration de l AmB désoxycholate sous réserve que des études confirment une efficacité au moins comparable. Moyennant quoi la perfusion continue pourrait servir de comparateur par des études comparatives avec d autres formes d AmB et mieux positionner ultérieurement le médicament dans la stratégie thérapeutique eu égard à son coût modeste. Remarque : la suppression fréquente de la dose test d AmB expose à la survenue d effets indésirables. 10

* Itraconazole L itraconazole présente l avantage par rapport au kétoconazole d être actif sur Aspergillus sp. Il constitue de ce fait une alternative à l AmB en dépit de l absence de forme injectable pour le moment. La biodisponibilité de la forme gélule est très variable obligeant à augmenter les doses chez les sujets immunodéprimés et à surveiller les concentrations sériques qui doivent être supérieures à 1000 ng/ml (itraconazole + hydroxyitraconazole). La forme solution buvable présente une meilleure biodisponibilité. Enfin l itraconazole est à l origine de nombreuses interactions médicamenteuses en raison d un effet inhibiteur enzymatique. 2.2.3.3. Résistance Les mécanismes de résistance aux imidazolés sont multiples (14, 72, 107). L efflux joue un rôle majeur, les autres mécanismes consistent en une diminution de l affinité des dérivés azolés pour la 14 α deméthylase ou une superexpression de la même enzyme. Elle se rencontre surtout chez les patients VIH positifs ou fragilisés. 2.2.3.4. Effets indésirables : Cf monographies 3. Les nouvelles formulations d Amphotéricine B 3.1. Généralités 3.1.1. Données structurelles La structure de l AmB comporte un macrocycle polyénique avec 7 doubles liaisons conjuguées qui lui confèrent un caractère hydrophobe et 7 radicaux hydroxyles et un sucre aminé (mycosamine) qui constituent le pôle hydrophile. Cette structure entraîne : - une insolubilité à ph neutre (6-7) et le recours au désoxycholate qui permet d obtenir une solution micellaire dans l eau ou le glucose 5 % ; les micelles ont une taille d environ 40 nm, - la possibilité d incorporer l AmB dans des excipients lipidiques (8, 16). A ce jour seules deux formes sont développées en France : l incorporation dans des liposomes ou l incorporation à un complexe lipidique. La solubilisation en milieu lipidique permet d augmenter la capture macrophagique et donc de diminuer la toxicité (24, 113). Le coût de ces formulations, qui permettent l administration de posologie d AmB plus importante, est élevé. 3.1.2. Les formes lipidiques d Amphotéricine B * L AmB liposomale (AMBISOME ) : l AmB est incorporée dans des liposomes unilamellaires constitués de phosphatidylcholine hydrogénée, cholestérol, distéaroyl phosphatidylglycérol dans un rapport de 2/1/0,8. Ce sont des sphères de 80 nm de diamètre. * Le complexe lipidique d AmB (ABELCET ) : l AmB est incorporée dans un mélange de deux phospholipides : dimyristoyl phosphatidylcholine et dimyristoyl phosphatidylglycérol selon un ratio 1/3. Les particules forment un ruban de 1 600 à 11 000 nm de long pour une épaisseur de 2,5 nm. * Incorporation de l AmB dans des émulsions lipidiques à 20 % L incorporation de l AmB dans des émulsions lipidiques à 20 % est interdite par l AMM, bien que financièrement intéressante, en raison du manque de données quant à la stabilité de la préparation (8, 182). Il existe quelques études cliniques portant sur de petites séries qui ont démontré une moindre toxicité rénale par rapport à l AmB désoxycholate (31; 32, 38). L efficacité clinique est moins bien documentée. 3.1.3. Indications des différentes présentations d amphotéricine B injectable Cf ci-dessous. Amphotéricine B désoxycholate FUNGIZONE Amphotéricine B liposomale AMBISOME Complexe lipidique d Amphotéricine B ABELCET Mycoses systémiques à germes sensibles - Leishmaniose cutanéo-muqueuse (en seconde intention car ce n est pas un médicament de choix en 1 ère intention). Posologie 0,5 à 1 mg/kg/j à atteindre progressivement. Certains auteurs la donnent d emblée. * Traitement des mycoses systémiques et/ou profondes à Aspergillus et Candida chez l adulte et l enfant et des cryptococoses neuroméningées chez le sujet infecté par le VIH : - ayant développé une insuffisance rénale sous amphotéricine B (élévation de la créatininémie au dessus de 220 µmol/l ou abaissement de la clairance de la créatinine au dessous de 25 ml/min), - en cas d altération préexistante et persistante de la fonction rénale (créatininémie supérieure à 220 µmol/l ou clairance de la créatinine inférieure à 25 ml/min). * Traitement empirique des infections fongiques présumées chez des patients neutropéniques fébriles. Le bénéfice maximal a été observé chez les patients adultes avec une neutropénie supérieure ou égale à 7 jours à partir de l introduction de l antifongique, recevant en même temps des médicaments néphrotoxiques. * Traitement des leishmanioses viscérales en cas de résistance prouvée ou probable aux antimoniés Posologie : 3 mg/kg/j. Traitement des candidoses et des aspergilloses systémiques chez l adulte et l enfant : - chez les sujets ayant développé une insuffisance rénale sous amphotéricine B définie par l élévation de la créatininémie au dessus de 220 µmol/l ou l abaissement de la clairance de la créatinine au dessous de 25 ml/min, - en cas d altération préexistante et persistante de la fonction rénale définie par la créatininémie supérieure à 220 µmol/l ou la clairance de la créatinine inférieure à 25 ml/min Posologie : 5 mg/kg/j. 11

3.2. Amphotéricine B liposomale * NSFP 3.2.1. Renseignements généraux et galéniques 3.2.1.1. Présentation Poudre pour suspension de liposomes pour perfusion. Flacons de 30 et 15 ml. Dosage 50 mg d amphotéricine B. 3.2.1.2. Excipients Phosphatidylcholine de soja hydrogénée, cholestérol, distéaroyl phosphatidyl glycérol sel de sodium, alphatocophérol, saccharose, succinate disodique hexahydratée, hydroxyde de sodium, acide chlorhydrique. 3.2.1.3. Conservation 3 ans à une température comprise entre +2 et +25 C et à l abri de la lumière. classe chimique formule brute 3.2.2. Renseignements physico-chimiques masse moléculaire relative 924,1 polyène macrocyclique C47H73NO17 3.2.3. Renseignements pharmacologiques 3.2.3.1. Pharmacologie Cf. généralités. En bref Dans l AmB liposomale (AMBISOME ), l AmB est incorporée dans des liposomes unilamellaires. L AmB liposomale est captée par les monocytes et les macrophages où l AmB est libérée dans les lysosomes avant de diffuser ensuite. Les effets indésirables classiques de l AmB conventionnelle sont retrouvés avec cependant une moindre incidence. Elle est indiqué dans le traitement des mycoses systémiques et/ou profondes à Aspergillus et Candida chez l adulte et l enfant. DCI amphotéricine B Nom déposé AMBISOME Laboratoire Classe ATC AMM Agrément collectivités Liste GILEAD Sciences J02AA01 561 571-7 (flacon 30 ml)* 562 408-2 (flacon 15 ml) Remboursement S.S. Réserv. usage hosp. ASMR oui oui I niveau II (traitement chez les patients neutropéniques) 3.2.3.2. Pharmacocinétique * AmB désoxycholate Concentrations Après une injection de 0,5 à 1 mg/kg d AmB désoxycholate, les concentrations sériques maximales sont comprises entre 0,5 et 2 µg/ml avec à l état d équilibre une concentration moyenne de 0,5 µg/ml. Distribution L AmB est fortement liée aux protéines (90-95 %) et diffuse largement dans l organisme (volume de distribution = 4 l/kg) notamment dans le foie et la rate et dans une moindre mesure dans les reins et les poumons. L AmB ne diffuse pas dans le LCR (190). Élimination L AmB présente une élimination triexponentielle avec une demi-vie β de 24 à 48 h et une demi-vie d élimination terminale de 15 jours. La voie d élimination reste méconnue puisque respectivement 5 % et 15 % de la forme active sont éliminés par les urines et les fécès. Ni l insuffisance rénale ni l insuffisance hépatique ne modifient ces paramètres. * AmB liposomale L AmB liposomale est captée par les monocytes et les macrophages où l AmB est libérée dans les lysosomes avant de diffuser ensuite. Concentrations Administrée à la dose de 1 à 7,5 mg/kg, l AmB liposomale procure des concentrations sériques maximum nettement supérieures à l AmB désoxycholate de 7,3 ± 3,8 µg/ml à 83,7 ± 43 µg/ml. Distribution Le volume de distribution est compris entre 0,1 et 0,44 l/kg. La diffusion dans le foie (176 µg/g) et la rate (201 µg/g) procure des concentrations supérieures à l AmB désoxycholate, tandis que la diffusion dans les poumons (17 µg/g) et les reins (23 µg/g) est comparable à l AmB désoxycholate. Élimination La demi-vie d élimination β est de 6,3 à 10,7 ± 6,4 heures (8, 21, 54, 121, 204). Conclusion Par rapport à l AmB, l AmB liposomale se caractérise par des concentrations sériques plus élevées. Un volume de distribution et une clairance notamment rénale plus faibles qui s expliqueraient par relargage progressif de l AmB à partir des liposomes (54). 3.2.4.1. Historique 3.2.4. Etudes cliniques Parmi les études initialement publiées et rapportées dans un précédent numéro du CNHIM (1993 n 1 p 29-59) l étude de Ringden 1991 dans le traitement des infections fongiques invasives est la plus marquante. Cette étude ouverte multicentrique a porté sur 126 patients atteints de leucémies et cancers (n = 72), transplantés (n = 17), immunodéprimés (n = 20), ou d autres pathologies (n = 17). 12

Le traitement par AmB liposomale a été instauré soit en raison d une insuffisance rénale liée ou non à un traitement par AmB conventionnelle ou en raison d un échec au traitement antérieur. La dose utilisée était comprise entre 0,5 et 5 mg/kg/j. Les résultats portent sur 99 patients traités pendant au moins 8 jours, se répartissant en : - infection prouvée (n = 64), - présumée (n = 24), - superficielle (n = 11). Sur les 64 infections prouvées la guérison est obtenue sur 58 % des cas. L efficacité est meilleure dans les candidoses (76 %) que dans les aspergilloses (32 %) (p < 0,01). La plupart des échecs sont en rapport avec une infection documentée à Aspergillus. Il semble que les doses utilisées dans cette étude soient insuffisantes notamment dans les aspergilloses pulmonaires. 3.2.4.2. Études cliniques récentes Les études plus récentes figurent dans les tableaux 2 à 5. Remarque Actuellement l AmB liposomale fait l objet d une étude clinique dans le traitement des aspergilloses à la dose de 10 mg/kg/jour pendant les 14 premiers jours uniquement (essai Ambiload). Il apparaît que des doses supérieures à celles proposées par l AMM (jusqu à 15 mg/kg/j) soient bien tolérées sur le plan rénal et ne présentent pas plus d effets indésirables liés à la perfusion (208). 3.2.5. Effets indésirables Les effets indésirables classiques de l AmB conventionnelle sont retrouvés avec l AmB liposomale, avec cependant une moindre incidence. 3.2.6.1. Indications 3.2.6. Renseignements thérapeutiques - Traitement des mycoses systémiques et/ou profondes à Aspergillus et Candida chez l adulte et l enfant - Traitement des cryptococcoses neuro-méningées chez le sujet infecté par le VIH ayant développé une insuffisance rénale sous amphotéricine B définie par une élévation de la créatininémie au dessus de 220 µmol/l ou l abaissement de la clairance de la créatinine au dessous de 25 ml/mm ; en cas d altération pré-existante et persistante de la fonction rénale définie par la créatininémie supérieure à 220 µmol/l ou la clairance de la créatinine inférieure à 25 ml/mm. - Traitement empirique des infections fongiques présumées chez les patients neutropéniques fébriles. - Traitement des leishmanioses viscérales en cas de résistance prouvée ou probable aux antimoniés. 3.2.6.2. Posologies et mode d administration * La dose recommandée est de 3 mg/kg/j dans le traitement des infections fongiques. L AMBISOME doit être administrée en perfusion intraveineuse stricte de 30 à 60 minutes. Il n est pas recommandé d administrer de dose test. * Reconstituer chaque flacon avec 12 ml d eau pour préparation injectable uniquement. Après agitation vigoureuse pendant 15 secondes, il est obtenu une suspension jaune dosée à 4 mg d AmB/ml. L AMBISOME est incompatible avec le chlorure de sodium (précipité). Prélever la quantité nécessaire puis adapter le filtre de 5 µm joint à la seringue, et injecter dans une solution de glucose 5 % uniquement. La concentration finale doit être comprise entre 0,2 et 2 mg/ml. Si un filtre terminal est adapté à la ligne de perfusion, celui-ci ne devra pas être inférieur à 1 µm. 3.2.6.3. Contre-indications Hypersensibilité à l AmB ou à l un des excipients. 3.2.6.4. Mises en garde et précautions d emploi L AMBISOME doit être utilisée exclusivement en perfusion en milieu hospitalier sous surveillance médicale constante. De rares réactions anaphylactoïdes ont été rapportées. Des réactions sévères liées à la perfusion peuvent survenir. Elles peuvent être réduites en diminuant la vitesse de perfusion, par l administration d antihistaminiques, d antiémétiques, d antipyrétiques ou de corticoïdes. L AMBISOME contient 900 mg de saccharose par flacon. 3.2.6.5. Interactions médicamenteuses Le risque d interactions médicamenteuses est lié à la néphrotoxicité et aux hypokaliémies induites par l AmB. * Associations déconseillées : le sultopride en raison du risque de torsade de pointe. * Précautions d emploi : les médicaments donnant des torsades de pointe : antiarythmiques de la classe Ia, III, de nombreux neuroleptiques (chlorpromazine, cyamémazine, levomépromazine, thioridazine, amisulpride, sulpiride, tiapride, dropéridol, halopéridol, pimozide), et divers médicaments (bépridil, cisapride, diphémanil, érythromycine injectable, halofantrine, mizolastine, moxifloxacine, pentamidine, spiramycine IV), les médicaments hypokaliémiants : diurétiques hypokaliémiants (seuls ou associés), laxatifs stimulants, glucocorticoïdes (voie générale), tétracosactide. Risque majoré d hypokaliémie, les digitaliques : l hypokaliémie majore la toxicité des digitaliques, la zidovudine en raison de la toxicité médullaire des deux médicaments. * Associations à prendre en compte aminosides en raison du risque accru de néphrotoxicité. (suite page 18) 13

Tableau 2. Études cliniques : amphotéricine liposomale (1) Liposomal amphotericin B for empirical therapy in patients with persistent fever and neutropenia - 1999 (206). Méthodologie Objectif Comparer l efficacité de AmB liposomale (LAmB) à l AmB conventionnelle dans le traitement empirique chez les patients neutropéniques. Type d étude Étude en double aveugle, multicentrique. 702 patients inclus. 687 évaluables. Schéma posologique * Bras 1 (n = 343) : LAmB 3 mg/kg/j * Bras 2 (n = 344) : AmB 0,6 mg/kg/j pendant 6 heures Puis la dose est adaptée : - en cas d infection, augmentation à : bras 1 : 6 mg/kg/j, bras 2 : 1,2 mg/kg/j, - en cas de toxicité, diminution à : bras 1 : 1,5 mg/kg/j, bras 2 : 0,3 mg/kg/j. Patients non prémédiqués le 1 er jour. Durée de l étude : jusqu à sortie de neutropénie. Inclusion/ Évaluation Inclusion - Patients sous chimiothérapie pour cancer, leucémie, lymphome ou greffés de moelle. - Antibiothérapie pendant au moins 5 jours et neutropénie fébrile (neutrophiles < 0,5 10 9 /l). Exclusion - Patient ayant bactériémie ou infection fongique invasive connues à l inclusion. - Patients ayant reçu de l AmB dans les 10 jours précédents - ASAT, ALAT, PA > 10 fois les taux normaux, ou bilirubine totale > 51,3 µmol/l et ALAT > 2 fois les taux normaux, ou bilirubine totale > 85,5 µmol/l et ALAT < 2 fois les taux normaux, ou créatininémie > 2 fois les taux normaux. - Réaction anaphylactique à AmB conventionnelle. Évaluation * Efficacité - Critère composite : survie après 7 jours de traitement, résolution fièvre pendant neutropénie. - Absence d infection fongique émergente pendant le traitement et dans 7 jours après arrêt du traitement. - Absence d arrêt de traitement pour toxicité ou inefficacité. * Tolérance Résultats * Efficacité (n=687) Bras 1 (n = 343) dose moyenne (mg/kg/j) durée de traitement (j) succès (critère composite) (%) infection fongique émergente (%) * p = NS ** p = 0,009 * Tolérance (n = 687) Bras 1 (n = 343) fièvre (%) frissons (%) frissons (%) vomissements (%) p 0,001 Bras 2 (n = 344) 3,0 ± 0,9 0,6 ± 0,2 10,8 ± 8,9 10,3 ± 8,9 50,1 (n = 172) 3,2 (n = 11) Réactions liées à perfusion à J1 hypotension (%) néphrotoxicité (%) créatinine x 1,5 créatinine x 2 créatinine x 3 16,9 (n = 58) 18,4 (n = 63) Réactions liées à perfusion pendant tout le traitement 37,6 (n = 129) 15,2 (n = 52) 3,5 (n = 12) 29,4 (n = 101) 18,7 (n = 64) 8,2 (n = 28) 49,4* (n = 170) 7,8** (n = 27) Bras 2 (n = 344) 43,6 (n = 150) 54,4 (n = 187) 73,5 (n = 253) 23,5 (n = 81) 8,1 (n = 28) 49,4 (n = 170) 33,7 (n = 116) 16,6 (n = 57) Conclusion des auteurs Les deux traitements sont comparables en terme d efficacité mais l AmB liposomale entraîne moins d effets indésirables rénaux et de réactions liées à la perfusion et moins d émergence d infections fongiques. Conclusion du CNHIM Étude majeure en raison du double aveugle et du nombre important de patients inclus, et qui confirme la meilleure tolérance de l AmB liposomale. L'étude ne précise cependant pas le type de greffe (allogénique ou autologue dans chaque groupe). 14

Tableau 3. Études cliniques : amphotéricine liposomale (2) An EORTC International Randomized trial (EORTC Number 19923) Comparing Two dosages of liposomal Amphotericin B for treatment of Invasive Aspergillosis - 1998 (59). Méthodologie Objectif Comparer l efficacité de faibles doses d AmB liposomale (LAmB) 1 mg/kg à de fortes doses (4 mg/kg) chez les patients neutropéniques suspectés ou atteints d aspergillose. Type d étude Étude multicentrique. 120 patients randomisés. 87 évaluables. Schéma posologique * Bras 1 (n = 41) : LAmB 1 mg/kg/j. * Bras 2 (n = 46) : LAmB 4mg/kg/j pendant 6 heures. Doses réduites si créatininémie x 3 par rapport au taux initial ou si hypokaliémie < 2,5 mmol/l. Durée de l étude : - jusqu à résolution des signes cliniques et radiologiques, - ou au moins 7 j après fin neutropénie, - ou au moins 14 j sauf si arrêt pour toxicité ou décès. Inclusion/ Évaluation Inclusion - Patients neutropéniques (neutrophiles < 1 10 9 /l) atteints de cancer, leucémie, lymphome ou ayant bénéficié d une greffe de moelle ; suspectés ou atteints d aspergillose invasive n ayant pas reçu préalablement plus de 500 mg d AmB au cours de cet épisode. - Température 38 depuis 3 à 5 j malgré antibiothérapie à large spectre. - Absence de bactéries à l hémoculture. - Absence d autre cause d infection. - Signes cliniques et radiologiques évoquant une aspergillose. - Culture positive à Aspergillus. Exclusion - Âge < 1 an, grossesse, allaitement. - Hypersensibilité connue à l AmB. - Infection VIH. Évaluation * Efficacité clinique - Réponse complète : résolution de la fièvre et des signes cliniques. - Réponse partielle : diminution de la fièvre et stabilisation des signes cliniques. - Échec : décès, augmentation de la fièvre et aggravation des signes cliniques, recours à d autres antifongiques et facteurs de croissance. * Efficacité radiologique - Réponse complète : normalisation des clichés. - Réponse partielle : amélioration partielle des clichés. - Échec : aggravation des clichés. Survie notée après 2 et 6 mois et causes de décès recherchées. * Tolérance Résultats Aspergillose probable : bras 1 = 33 ; bras 2 = 34. Aspergillose prouvée : bras 1 = 8 ; bras 2 = 12. Durée médiane de traitement : bras 1 = 18 j ; bras 2 = 19 j. * Efficacité clinique Réponse complète : bras 1 (n = 20) = 49 % ; bras 2 (n = 21) = 46 %, p = NS. Réponse complète et partielle : - Chez tous les patients : bras 1 (n = 26) = 63 % ; bras 2 (n = 22) = 48 %, p = NS. - Chez les 20 patients atteints d aspergillose prouvée : bras 1 (n = 8) = 37 % ; bras 2 (n = 12) = 58 %, p = NR. * Efficacité radiologique Réponse complète et partielle : bras 1 (n = 26) = 63 % ; bras 2 (n = 22) = 48 %, p = NS. * Décès à 6 mois bras 1 = 59 %, dont 22 % (n = 9) dus à une aspergillose ; bras 2 = 67 %, dont 20 % (n = 9) dus à une aspergillose. * Tolérance Effets indésirables (%) bras 1 (n = 15) = 36,6 % ; bras 2 (n = 25) = 54,3 %. Toxicité rénale : bras 1 (n = 1) = 2 % ; bras 2 (n = 5) = 11 %. Conclusion des auteurs De fortes doses de LAmB n améliorent pas l efficacité du traitement chez les patients neutropéniques suspectés ou atteints d aspergillose. LAmB est partiellement active pour traiter les aspergilloses probables ou prouvées. Conclusion du CNHIM A noter le faible nombre de patients atteints d aspergillose prouvée (20 patients sur les 87 patients suivis dans l étude). L étude ne précise cependant pas le type de greffe (allogénique ou autologue dans chaque groupe). Remarque : certains auteurs considèrent que la dose de 4 mg/kg n est plus une forte dose. 15

Tableau 4. Études cliniques : amphotéricine liposomale (3) A randomised comparison of liposomial versus conventional amphotericin B for the treatment of pyrexia of unknown origin in neutropenic patients - 1997 (172). Méthodologie Objectif Comparer la tolérance et l efficacité de différentes doses d AmB liposomale (LAmB) à AmB conventionnelle chez des patients (adultes et enfants) neutropéniques. Type d étude Étude ouverte randomisée multicentrique. 204 enfants, 134 adultes. Âge moyen des enfants : 7 ans. Schéma posologique * Bras 1 (n = 102) : AmB (39 adultes, 63 enfants) 1 mg/kg/j. * Bras 2 (n = 118) : LAmB (48 adultes, 70 enfants) 1 mg/kg/j. * Bras 3 (n = 118) : LAmB (47 adultes, 71 enfants). 3 mg/kg/j. Durée de l étude : NR. Inclusion/ Évaluation Inclusion - Patients neutropéniques (neutrophiles < 0,5 10 9 /l). - Fièvre > 38 depuis plus de 4 j ne répondant pas à antibiothérapie à large spectre. Exclusion Non renseigné. Évaluation * Tolérance : Réactions secondaires à perfusion, néphrotoxicité, perturbations biologiques. * Efficacité : 3 jours consécutifs de fièvre < 38 C, associée à une remontée des neutrophiles > 0,5 10 9 /l. Résultats * Tolérance (n = 338) Total effets indésirables (%) bras 1 bras 2 bras 3 p adultes 79 46 48 enfants 54 29 39 total 64 36 43 Effets indésirables sévères (%) Réactions allergiques (%) < 0,01 0,001 < 0,01 bras 1 bras 2 bras 3 p adultes 16 0 0 enfants 8 1 1 total 12 1 1 < 0,01 0,06 < 0,01 bras 1 bras 2 bras 3 p adultes 2 0,3 0,4 enfants 2 1 1 total 2 0,6 0,8 < 0,01 < 0,01 < 0,01 Néphrotoxicité globale % (n = 305) bras 1 bras 2 bras 3 p Néphrotoxicité sans néphrotoxique (%) (n = 81) bras 1 bras 2 bras 3 p adultes 31 12 13 0,05 adultes 29 0 7 0,01 enfants 11 8 11 NS enfants 17 0 0 NS total 24 10 12 < 0,01 total 23 0 3 < 0,01 Néphrotoxicité avec médicaments néphrotoxiques* (%) (n = 224) bras 1 bras 2 bras 3 p adultes 32 18 16 enfants 22 10 15 total 26 10 15 NS NS NS * sels de platine, aminosides, vancomycine, ciclosporine Diminution plus fréquente de dose par néphrotoxicité dans bras 1 que dans les 2 autres bras (p < 0,01). Hypokaliémie (< 2,5 mmol/l) plus fréquente dans bras 1 (31 %) que dans bras 2 (13 %) et bras 3 (15 %) (p < 0,01). Néphrotoxicité définie par augmentation >100 % de taux base créatinine, dans bras 1 (24 %), bras 2 (10 %), et bras 3 (12 %) (p < 0,01). 8 patients du bras 1 atteints de néphrotoxicité sont passés au bras 2. Normalisation de la créatininnémie obtenue dans 7 cas. * Efficacité (n = 335) ; 3 patients exclus car absence de suivi. total (n = 335) bras 1 bras 2 bras 3 adultes (n = 133) 46 % (n = 18) 49 % (n = 23) 64 % (n = 30) enfants (n = 202) 51 % (n = 31) 64 % (n = 45) 63 % (n = 45) 49 % (n = 49) 58 % (n = 68) 64 % (n = 75) p = 0,03 entre bras 1 et bras 3 pour efficacité totale pas de différence entre bras 1 et 2 Conclusion des auteurs L AmB liposomale donne moins d effets indésirables tant chez l adulte que chez l enfant, par ailleurs les effets sont moins sévères. Conclusion du CNHIM Étude de tolérance qui démontre une meilleure tolérance de l AmB liposomale versus AmB. L intérêt de cette étude réside dans l effectif pédiatrique important. 134 enfants souffraient de LLA ou LMA. 16

Tableau 5. Études cliniques : amphotéricine liposomale (4) Liposomal amphotericin B compared with amphotericin B desoxycholate in the treatment of documented and suspected neutropenia associated invasive fungal infections - 1998 (112). Méthodologie Objectif Comparer l efficacité de l amphotéricine B liposomale (LAmB) à l amphotéricine conventionnelle (AmB) dans les infections fongiques invasives chez les patients neutropéniques. Type d étude Étude ouverte randomisée multicentrique. 106 patients après randomisation : AmB = 54 ; LAmB = 52. 68 évaluables. Schéma posologique * Bras 1 (n = 32) : LAmB 5 mg/kg/j pendant 45 minutes. * Bras 2 (n = 34) : AmB 1 mg/kg/j pendant 6 heures. Après 15 j, si les neutrophiles sont > 0,5 10 9 /l, la dose est réduite respectivement à : - LAmB = 3 mg/kg/j, - AmB = 0,7 mg/kg/j. Si la créatininémie est > 200 % de la valeur initiale ou > 300 % des valeurs normales : arrêt pendant 2 jours puis reprise à demi dose, puis dose pleine ou arrêt définitif selon créatininémie. Durée de l étude : NR. Inclusion/ Évaluation Inclusion - Patients neutropéniques (Granulocytes < 0,5 10 9 /l ou sortis de neutropénie depuis moins de 15 j), qui présentent une infection fongique systémique documentée ou hautement suspecte. - Patients atteints de cancer, lymphome, leucémie. - Culture positive : après prélèvement sanguin, biopsie tissulaire, après crachat ou lavage broncho-alvéolaire et radio pulmonaire évoquant une infection. - Fièvre persistante après antibiothérapie à large spectre et radio pulmonaire évoquant une aspergillose (aucune autre étiologie retrouvée). Exclusion 7 jours après inclusion, les patients ne répondant pas aux critères ci-dessus sont exclus pour l évaluation de l efficacité, mais pris en compte pour l évaluation de toxicité. Évaluation * Efficacité à 14 jours et à la fin du traitement. - Réponse complète : normalisation des symptôme plus amélioration de la radio pulmonaire. - Réponse partielle : diminution des symptômes plus amélioration ou stabilisation de la radio pulmonaire. - Échec : pas d amélioration des symptômes. - Rechute : reprise symptomatologie après réponse initiale. - Mortalité. * Tolérance Détermination créatininémie et kaliémie chaque jour et numération formule sanguine chaque semaine. Résultats * Efficacité (n=66) Type d infection - documentée : bras 1 =15 ; bras 2 = 13 - suspectée (aspergillose pulmonaire) : bras 1 = 18 ; bras 2 = 22. Résultats durée médiane de traitement (j) dose cumulative médiane (mg) Bras 1 (n = 32) Bras 2 (n = 34) 13 14 850 3865 Réponse à 14 j (%) (p = 0,03) réponse complète réponse partielle échec * Tolérance (n = 106) Bras 1 (n = 52) créatininémie > 2 x taux base (p < 0,001) (%) nausées, frissons, fièvre, hypotension, augmentation des enzymes hépatiques et diminution de l hémoglobine 17 (n = 2) 33 (n = 10) 50 (n = 15) 12 (n = 6) 16 (n = 2) 16 (n = 2) 76 (n = 20) Réponse en fin de traitement (%) (p = 0,03) réponse complète réponse partielle échec % 44 (n = 14) 22 (n = 7) 34 (n = 11) Mortalité (p = 0,03) 22 (n = 7) 8 (n = 6) 38 (n = 13) 4 (n = 15) 38 (n = 15) Bras (n = 54) 44 (n 22) pas de différence significative entre les deux bras Conclusion des auteurs L AmB liposomale a une efficacité supérieure à l AmB après 14 j et plus de réponse complète à la fin du traitement. Elle s avère moins néphrotoxique. Conclusion du CNHIM Étude ouverte portant sur un nombre de patients relativement restreint. 17

(suite de la page 13) 3.2.6.6. Grossesse et allaitement Aucun effet tératogène chez l animal n a été décrit. L amphotéricine B liposomale ne doit être envisagée au cours de la grossesse que si nécessaire et l allaitement est déconseillé en l absence de données cliniques. 3.3. Complexe lipidique d Amphotéricine B 3.3.1. Renseignements généraux et galéniques 3.3.1.1. Présentation Suspension à diluer pour perfusion à 5 mg/ml. Dosage : 100 mg d Amphotéricine B pour un flacon de 20 ml. 3.3.1.2. Excipients L-alpha-dimyristoyl-phosphatidyl-choline (DMPC) et L-alpha-dimyristoyl-phosphatidyl-glycérol (DMPG), chlorure de sodium, eau ppi. 3.3.1.3. Conservation 2 ans à une température comprise entre +2 et +8 C. classe chimique formule brute En bref Dans le complexe lipidique d AmB (ABELCET ), l AmB est incorporée dans un mélange de deux phospholipides. Les effets indésirables classiques de l AmB conventionnelle sont retrouvés avec cependant une moindre incidence. La captation tissulaire est importante notamment au niveau du système réticulo endothélial. Les effets les plus fréquents sont les effets liés à la perfusion. Elle est indiquée dans le traitement des aspergilloses et des candidoses systémiques chez l adulte et l enfant. DCI amphotéricine B Nom déposé ABELCET Laboratoire Classe ATC Agrément collectivités Liste Zeneus Pharma J02AA01 AMM 560 544-6 Remboursement S.S. Réserv. usage hosp. ASMR oui oui 3.3.2. Renseignements physico-chimiques masse moléculaire relative 924,1 I NR polyène macrocyclique C47H73NO17 3.3.3. Renseignements pharmacologiques 3.3.3.1. Pharmacologie Cf. généralités. 3.3.3.2. Pharmacocinétique Concentrations, demi-vie Administrée à la dose de 5 mg/kg en perfusion de 1 à 2 heures le Complexe Lipidique d Amphotéricine B (ABLC) présente : - une concentration maximale de 2 ± 0,8 mg/l, - une demi-vie terminale de 173,4 ± 78 heures. Distribution Le volume de distribution de l ABLC est de 43 ± 5 l/kg et sa clairance totale de 3,5 ± 2,1 ml/min/kg. Il diffuse bien dans les tissus avec des concentrations particulièrement élevées dans le poumon (222 µg/g), la rate (290 µg/g), le foie (196 µg/g). La diffusion dans le cerveau (1,6 µg/g) et les reins (7 µg/g) est plus faible. Élimination : NR Conclusion Par rapport à l AmB conventionnelle, l ABLC se caractérise par des concentrations sériques 4 à 5 fois plus faibles, un volume de distribution 4 à 5 fois plus élevé, une clairance totale 4 à 5 fois plus importante, une excrétion urinaire plus faible. Ces données traduisent une captation tissulaire plus importante notamment au niveau du système réticulo endothélial (foie, rate, poumon), en revanche les concentrations dans le rein y sont nettement inférieures. Ces données reposent sur un nombre restreint de patients. 3.3.4. Etudes cliniques L ABLC a fait l objet d études tant chez l adulte que chez l enfant et la plupart des études ont été menées en cas d échec ou d effet indésirable avec l AmB. Les rares études comparatives sont rapportées dans les tableaux 6 à 10. 3.3.4.1. Etudes en pédiatrie Les résultats de deux études présentées dans les tableaux ci-après concordent et attestent de la meilleure tolérance d ABLC qui constitue un recours à l AmB désoxycholate, notamment chez l enfant. 3.3.4.2. Etudes chez l adulte * Dans le traitement des aspergilloses invasives (90), ABLC a été testé chez les patients en échec sous AmB ou ayant développé une insuffisance rénale (n = 151). Une comparaison historique avec l AmB (n = 122) montre un taux de réponse globale de 40 % avec l ABLC contre 23 % avec AmB (p = 0,002) avec une néphrotoxicité moindre de l ABLC. * Dans la prise en charge des mycoses invasives documentées ou probables, une étude (119) a été menée chez 225 patients dont 51 enfants en échec sous AmB ou autre antifongique, ou ayant développé une insuffisance rénale sous traitement (liée ou non à AmB). 18

Les patients étaient atteints de leucémies (37 %), de tumeurs solides (14 %), transplantations d organes (11 %) et divers (18 %). Administré à la dose de 5 mg/kg/j, l ABLC permet d obtenir une réponse clinique globale (complète ou partielle) dans 69 % des cas. Les principaux effets indésirables relevés ont été : frissons (16 %), nausées, vomissements (10,5 %), fièvre (9 %). Un arrêt du traitement a été nécessaire dans 8 % des cas. * Lors d une l étude (218) menée chez des patients greffés de moelle (n = 95) atteints d une infection fongique systémique résistante à AmB ou chez des patients développant une néphrotoxicité, l efficacité clinique d ABLC (posologie 5 mg/kg) est meilleure dans les candidoses (70 %) que dans les aspergilloses (38 %). Dans cette étude ABLC a occasionné peu de frissons et de fièvre. Une amélioration de la fonction rénale a été observée chez la majorité des patients. 3.3.4.3. Conclusion De nombreuses études ont été conduites avec l ABLC en recours à l AmB chez des patients (adultes et enfants) en échec thérapeutique ou intolérants ou ayant une altération de la fonction rénale. L ABLC permet d obtenir une guérison ou une amélioration clinique dans plus de la moitié des cas, tant chez l adulte que chez l enfant. Les rares études comparatives avec LAmB attestent d une efficacité comparable de ces deux médicaments. LAmB offre l avantage d une meilleure tolérance dans une étude (219). Ces études sont rapportées dans les tableaux ci-après. 3.3.5. Effets indésirables Les effets indésirables les plus fréquents sont les effets liés à la perfusion, tels que frissons (16 %) et fièvre (12 %), céphalées, myalgies, athralgies, hypotension, nausées, vomissements. Une augmentation de la créatininémie est observée dans 11 % des cas. 3.3.6.1. Indications 3.3.6. Renseignements thérapeutiques * Traitement des aspergilloses et des candidoses systémiques : chez les sujets ayant développé une insuffisance rénale sous AmB définie par : - l élévation de la créatininémie au dessus de 220 µmol/l, - ou l abaissement de la clairance de la créatinine au dessous de 25 ml/mm en cas d altération pré-existante et persistante de la fonction rénale définie par : - une créatininémie supérieure à 220 µmol/l, - ou une clairance de la créatinine inférieure à 25 ml/min. 3.3.6.2. Posologie, mode d administration 5 mg/kg/j en perfusion de deux heures exclusivement dans du glucose 5 % après une dose test de 1 mg passée en 15 minutes en raison du risque allergique, le médicament est incompatible avec les solutions salines. Prélever la quantité d ABELCET à l aide de seringues équipées d aiguilles 18 G puis remplacer par une aiguille équipée d un filtre de 5 µm et injecter dans 500 ml de soluté de perfusion. Ce volume peut éventuellement être réduit à 250 ml. 3.3.6.3. Contre-indications Contre-indication formelle : hypersensibilité à l un des constituants 3.3.6.4. Mises en garde, précautions d emploi Commencer la perfusion en injectant une dose test de 1 mg en IV de 15 min pour détecter une hypersensibilité. Les effets indésirables liés à la perfusion étant fréquents, ils peuvent être prévenus par l administration d anti-émétiques, d antipyrétiques, d antihistaminiques ou de corticoïdes. 3.3.6.5. Interactions médicamenteuses Le risque d interactions médicamenteuses est lié à la néphrotoxicité et aux hypokaliémies induites par l AmB. * Association déconseillée : le sultopride en raison du risque de torsade de pointe. * Précautions d emploi : Les médicaments donnant des torsades de pointe : antiarythmiques de la classe Ia, III, de nombreux neuroleptiques (chlorpromazine, cyamémazine, lévomépromazine, thioridazine, amisulpride, sulpiride, tiapride, dropéridol, halopéridol, pimozide), et divers médicaments (bépridil, cisapride, diphémanil, érythromycine injectable, halofantrine, mizolastine, moxifloxacine, pentamidine, spiramycine IV), Les médicaments hypokaliémiants : diurétiques hypokaliémiants (seuls ou associés), laxatifs stimulants, glucocorticoïdes (voie générale), tétracosactide, risque majoré d hypokaliémie, Les digitaliques : l hypokaliémie majore la toxicité des digitaliques, La zidovudine en raison de la toxicité médullaire des deux médicaments. * Associations à prendre en compte Risque accru de néphrotoxicité avec les aminosides. 3.3.6.6. Grossesse, allaitement Il n existe pas actuellement de données en nombre suffisant pour évaluer un éventuel effet malformatif ou fœtotoxique lorsqu ABELCET est administré pendant la grossesse. Par mesure de précaution il est préférable de ne pas l utiliser au cours de la grossesse. 19