DU BILAN DE LA REFORME A L EVOLUTION DE LA SANTE AU TRAVAIL Dominique Boscher Jacques Darmon
DES RAPPORTS POUR UN BILAN Suite aux réformes de la santé au travail, trois rapports ont été demandés pour en établir un bilan et en envisager l évolution. Le rapport Gosselin remis en janvier 2007 est consacré à la problématique de l aptitude/inaptitude au travail. Le rapport des Prs Conso et Frimat et IGAS/IGAENR remis en octobre 2007 a pour objet de faire un bilan de la réforme de la santé au travail et proposer des voies d évolution. Le rapport du Conseil économique et social (CES) présenté en février 2008 résulte initialement d une auto-saisine et ensuite d une lettre de mission du premier ministre en vue d une réflexion sur l avenir de la santé au travail.
INTRODUCTION Cette présentation est centrée sur la santé au travail dans le domaine de la prévention et des évolutions des services de santé au travail (SST) nécessaires pour la rendre efficace ainsi que l articulation avec le contrôle social. En effet, l ensemble de ces rapports constate une carence de la santé au travail en prévention (exemples de l amiante et de l explosion des TMS) et une inadéquation du fonctionnement actuel avec une politique de prévention efficace. Le rapport du CES étant le dernier en date et ayant intégré les propositions faites dans les autres rapports, nous commencerons par celui-ci.
RAPPORT DU CES Le rapport du CES propose une réforme urgente, sans période d expérimentation - à la différence du rapport IGAS/IGAENR. Malgré ses critiques de la santé au travail, le CES considère son rôle comme central et la santé au travail doit participer à une mission de santé publique centrée sur santé/travail. La réforme devrait se dérouler en quatre étapes : Une réunion rapide de la conférence tripartite sur les conditions de travail pour lui proposer les pistes d action. L adoption des modifications législatives et réglementaires. La négociation de la convention d objectifs avec la CNAM-ts; Les évolutions relatives au financement et à la gouvernance de la santé au travail en 2009.
RAPPORT DU CES Les propositions du CES Une modification de la gouvernance des SST : au niveau national elle serait assurée par la CNAM-ts ; Au niveau régional un pilotage serait assuré par le CRPRP. Maintenir le financement par les employeurs mais en modifier éventuellement les modalités (critique paiement par salarié assimilable au paiement à la visite). Définir dans la loi les missions des SST et passer d une logique de moyens à une logique d objectifs (prévention primaire, traçabilité des risques et des expositions, veille sanitaire ). Inscrire la santé au travail dans la santé publique (compétence partagée des ministères du travail et de la santé) et instaurer une réelle culture de prévention.
RAPPORT DU CES Les propositions du CES (suite) Maintenir la place du médecin du travail et renforcer la pluridisciplinarité en visant un équilibre entre l approche individuelle et le renforcement de l action en milieu de travail. Replacer l aptitude dans une logique de prévention et de maintien dans l emploi avec réponse écrite de l employeur aux demandes d adaptation de poste (art. L. 4624-1 du CdT). Formalisation et diffusion aux parties prenantes de l entreprise des recommandations et préconisations avec réponse écrite de l employeur et devoir de saisine du médecin du travail en cas de danger d altération de la santé des salariés. Couvrir l ensemble de la population active avec l idée de parcours professionnel (demandeurs d emploi, travailleurs indépendants et chefs d entreprises en particulier les TPE).
RAPPORT IGAS/IGAENR Prs Conso et Frimat Selon la lettre de mission, l objet de ce rapport est de faire un bilan de la réforme et une réflexion prospective de l évolution des SST dans un contexte de démographie médicale déclinante. Le bilan constate une dynamique positive : action en milieu de travail devenue priorité affichée, pluridisciplinarité : adhésion des SST mais encore trop d indifférence de la part des entreprises, procédure d agrément provisoire pendant un an permet une certaine mise en conformité des SST. Mais une mutation inachevée
RAPPORT IGAS/IGAENR Prs Conso et Frimat Les propositions du rapport se font selon 4 axes : ❶ Mettre la prévention au centre Ancrer dans la loi la mission préventive des SST. Organiser le suivi des recommandations des médecins du travail. Plan pluriannuel de santé au travail pour chaque entreprise. Améliorer la traçabilité des expositions professionnelles. ❷ Se donner les moyens de la prévention Reconnaître la notion d équipe de santé au travail avec possible délégation de tâches par les médecins. Préciser les compétences pluridisciplinaires requises par les SST et en faire une des clés de l accréditation. Garantir les compétences des IPRP (suppression de l habilitation à vie actuelle).
RAPPORT IGAS/IGAENR Prs Conso et Frimat ❸ Passer d une logique de contrôle administratif des SST à une logique de régulation du système de prévention. Rôle de régulation du CRPRP. Transformation de la procédure d agrément en une procédure de cotation (selon les possibilités de service rendu) et d accréditation. Structuration de l offre de santé au travail dans le cadre d un schéma régional. ❹ Privilégier l expérimentation Période d expérimentation encadrée d une durée minimum de 2 ans.
RAPPORT GOSSELIN Aptitude et inaptitude médicalem Un rapport avec de fortes implications techniques et juridiques mais qui établit aussi un bilan critique du fonctionnement de la santé au travail et propose certains axes d amélioration. Le rapport met en évidence l inutilité des visites périodiques systématiques - souvent effectuées au détriment de l activité en milieu de travail - prenant beaucoup de temps et peu efficaces en terme de prévention. M. Gosselin propose de limiter les visites systématique à l embauche et à la vérification de l aptitude aux postes de sécurité (avec nécessité de procédures établies de contrôle de l aptitude) ainsi qu à la surveillance des travailleurs précaires.
RAPPORT GOSSELIN Aptitude et inaptitude médicalem Une procédure d alerte devrait être définie en cas d altération de la santé de deux salariés avec réponse écrite de l employeur et inscription à l ordre du jour de la réunion du CHS-CT et possibilité de saisine de l inspecteur du travail si les améliorations ne sont pas mises en œuvre. Le rapport insiste sur le maintien dans l emploi (interne ou externe à l entreprise) auquel devrait se consacrer le médecin du travail : rôle essentiel dans la sécurisation des parcours professionnels. Pour l aider dans cette démarche, le SST devrait disposer d un service social intégré qui aiderait le salarié dans une démarche complexe.
RAPPORT GOSSELIN Aptitude et inaptitude médicalem Les obligations et les modalités de reclassement en cas d atteinte professionnelle ou non devraient être unifiées avec sollicitation du CHS-CT (lorsqu il existe) au lieu des DP au cours d une réunion à laquelle le médecin du travail serait convié pour envisager le maintien au poste ou le reclassement.
CONCLUSION Au total, de nombreuses pistes d amélioration pour agir le plus en amont possible dans la prévention et œuvrer pour le maintien dans l emploi. Certaines mesures devraient prochainement être mises en œuvre par une évolution législative après discussion avec les partenaires sociaux. Les propositions suivantes présentes dans les rapports du CES et de l IGAS/IGAENR paraissent susceptibles d être retenues : affirmation par la loi du rôle préventif des SST (prévention primaire), objectifs de prévention ciblés et limités dans le temps définis par ou pour les SST, organisation des SST autour de pôles régionaux en liaison avec le CRPRP, intégration de la santé au travail dans la santé publique.
CONCLUSION Cependant, quelles que soient les dispositions retenues, la nécessité d une vigilance des commissions de contrôle et des instances représentatives du personnel est nécessaire pour que l objectif de la protection de la santé des salariés soit une réalité