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Une déficience fonctionnelle de la protéine virale Rev, liée à son transport nucléo-cytoplasmique, pourrait être responsable, dans une certaine mesure, de la faible production de protéines virales de structure et de virions par les astrocytes infectés. Dans cette étude, nous avons entrepris l'analyse du transport nucléo-cytoplasmique de la protéine virale Rev par les astrocytes. Nous avons étudié, d une part, la localisation de cette protéine au sein de cellules astrogliales, afin d'évaluer et de comprendre sa participation éventuelle à la restriction, via un défaut de l'export nucléaire des ARNm viraux mono et non épissés. Notre travail nous a permis de mettre en évidence une localisation de la protéine Rev variant avec la confluence, et ce uniquement chez les astrocytes. La délocalisation d une protéine virale en fonction de la confluence n étant pas spécifique de Rev, nous avons étudié les transporteurs principaux participant au cycle de Rev : Importine b et Crm-1. Nous avons mis en évidence une différence d expression du gène importine b, en fonction du type cellulaire, et au sein même des populations astrocytaires, contrairement à celle de crm-1. Ces résultats démontrent l hétérogénéité de la population astrocytaire, mais aussi la complexité du transport nucléaire au travers du CPN. Ils n expliquent pas, par ailleurs, le lien établi entre la confluence et la localisation de Rev. La mise en évidence de l expression d un gène à la fonction inconnue, que nous nommons decoy, dans des cellules ne présentant pas de défaut de localisation de Rev uniquement, suggère l implication de la protéine putative Decoy dans le transport nucléo-cytoplasmique de Rev, et son association avec le défaut constaté chez les astrocytes. Présentant une grande homologie avec Crm-1, Decoy pourrait être un régulateur négatif de l export Crm-1-dépendant, dans les cellules qui l expriment. Par un mécanisme encore inconnu à ce jour, cette protéine pourrait être impliquée dans la restriction de la réplication virale dans les astrocytes. MOTS CLES : VIH, astrocytes, Rev, ARNm, transport nucléaire, karyophérines TABLE DES MATIERES Table des matières...1 Glossaire...3 Avant-propos...5 Introduction...8 I. Le Virus de l Immunodeficience Humaine...6 A. CaractÉristiQues du VIH... 6 1. Introduction... 6 2. La particule virale - Organisation du génome viral... 6 B. Tropisme cellulaire et co-récepteurs du VIH... 7 1. Les cellules cibles... 7 2. Les récepteurs et co-récepteurs... 8 C. Le cycle de replication du vih... 8 II. Les atteintes du système nerveux central par le VIH...9 A. PhYsiopatholoGie des atteintes neurologiques... 9 1. Neuropathogénèse... 10 2. Atteintes cérébrales... 10 EPHE Banque de Monographies SVT 2

B. Cibles cellulaires de l infection du SNC par le VIH... 11 1. Les cellules microgliales... 11 2. Les astrocytes... 12 C. Mise en Évidence de la susceptibilité des astrocytes À l'infection par le VIH in ViVo et in Vitro... 14 III. Mécanismes moléculaires impliqués dans le transport nucléo-cytoplasmique des protéines...15 A. CaractÉristiQues du complexe du pore nucléaire (CPN)... 16 B. protéines cellulaires ayant un role majeur dans le transport nucléo-cytoplasmique... 17 1. Le transport actif... 17 2. Au cœur de la machinerie du transport actif : le système RanGTPase... 18 3. La protéine Ran... 18 4. Les signaux de localisation nucléaire (NLS) et d export nucléaire (NES)... 19 5. Une famille de transporteurs cellulaires : les karyophérines... 19 C. Transport nucléocytoplasmique des ARNm viraux dépendants de la protéine Rev du VIH 21 1. Caractéristiques de la protéine Rev... 21 2. Les différents ARNm viraux... 22 3. Le cycle de la protéine Rev... 22 D. MÉcanismes possibles de restriction de la réplication virale dans les astrocytes... 23 GLOSSAIRE AA ADC ADN AMPc ARD ARN AZT BHE CCR CD CGM CMH CMSP CPA CPI CPN Acide aminé Complexe de démence associé au SIDA ("AIDS Dementia complex") Acide désoxyribonucléique Adénosine monophosphate cyclique Domaine riche en arginine (de la protéine Rev) Acide ribonucléique Azido-thymidine Barrière hémato-encéphalique Récepteur de chimiokine cystéine-cystéine Classe de différenciation Cellule géante multinucléée Complexe majeur d'histocompatibilité Cellules mononucléées du sang périphérique Cellule présentatrice de l'antigène Complexe de pré-intégration Complexe du pore nucléaire EPHE Banque de Monographies SVT 3

Crm-1 "Chromosome maintenance region 1" CTL Lymphocyte T cytotoxique ("Cytotoxic T Lymphocyte") CTS Séquence de terminaison centrale ("Central Terminaison Sequence") CXCR Récepteur de chimiokine cystéine-x-cystéine Da Dalton DAPI 4',6-diamino-2-phénylindole dihydrochloride DNAse Désoxyribonucléase ECL "Enhanced chemiluminescent" EDTA Acide éthylène diamine tétra-acétique GAPDH Glycéraldéhyde 3-phosphate deshydrogénase GDP Guanosine diphosphate GFAP Protéine glio-fibrillaire acide ("Glial Fibrillary Acidic Protein") GFP Protéine fluorescente verte ("Green fluorescent protein") gp Glycoprotéine GSH Glutathion GTP Guanosine triphosphate HEPES "N-2-hydroxyethylpiperazine-N -2-ethanesulfonic acid" HCl Acide chlorhydrique HRP "Horse Radish peroxidase" IBB Domaine de liaison à l importine b ("Importin b binding domain") IFN Interféron Il Interleukine kb Kilobase LAV "Lymphadenopathy associated virus" LB "Luria Bertani " LCR Liquide céphalo-rachidien LmB Leptomycine B LTR Régions longues terminales répétées ("Long terminal repeat") MA Protéine de matrice MAPK MAP kinase MCP "Monocyte chemoattractant Protein" MIP "Macrophage Inflammatory Protein" MuLV Virus de la leucémie murine ("Murine leukemia virus") NaCl Chlorure de sodium NC Protéine de nucléocapside NES Signal d'export nucléaire ("nuclear export signal") NF-kB Facteur nucléaire kb ("Nuclear factor kb") NLS Signal de localisation nucléaire ("nuclear localization signal") NMDA N-méthyl-D-aspartate NO Monoxyde d'azote NRE "Nef Responsive Element" NTF2 Facteur de transport nucléaire 2 ("Nuclear Transport Factor 2") Nup Nucléoporine ORF Cadre ouvert de lecture ("Open Reading Frame") PAF Facteur Activateur des plaquettes pb Paire de bases PBS Tampon phosphate salin ("Phosphate Buffered Saline") PBS "Primer Binding Site" PCR Réaction de polymérisation en chaîne ("Polymerase Chain Reaction") PFA Paraformaldéhyde PKI inhibiteur de la protéine kinase dépendante de l AMPc PMSF "phenylmethylsulfonide fluoride" PPT Région du génome des lentivirus riche en purines ("Polypurine Tract") PS Pénicilline-streptomycine PSN Pénicilline-streptomycine-néomycine Ran Protéine appartenant à la famille des Ras ("Ras-associated Protein") RanBP Protéine liant Ran ("Ran Binding Protein") RanGAP Protéine stimulant l'activité GTPase de Ran ("Ran GTPase Activating Protein") RanGEF Facteur d'échange de GTP de Ran ("Ran Guanine Nucleotide Exchange Factor") = RCC1 RANTES "Regulated upon Activation, Normal T-cell Expressed and Secreted" RCC1 "Guanine Nucleotide Exchange Factor" RNAse Ribonucléase EPHE Banque de Monographies SVT 4

RNP RRE SAB SDF SDS SIDA SIV SNC SOD SVF Taq TAR TGF TI TNF UV V VIH XPO Ribonucléoprotéine Région cis Rev-dépendante ("Rev Responsive Element") Serum albumine bovine "Stromal-derived factor" Sodium Dodecyl Sulfate Syndrome de l'immunodéficience acquise Virus de l'immunodéficience simienne Système nerveux central Superoxyde Dismutase Sérum de veau fœtal Polymérase thermostable isolée de Thermophilus aquaticus Elément de réponse à Tat "Transforming Growth Factor" Transcriptase inverse Facteur nécrosant des tumeurs ("Tumor Necrosis Factor") Ultra-violets Volts Virus de l'immunodéficience humaine Exportine 1 de levure INTRODUCTION I. Le Virus de l IMMunodeFicience HuMaine A. CaractÉristiques du VIH 1. Introduction Le virus de l immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) a été isolé pour la première fois chez un patient à haut risque de SIDA et présentant une poly-adénopathie persistante généralisée (Barre-Sinoussi, 1983). Dénommé initialement LAV pour lymphadenopathy associated virus, il a pris le nom de VIH-1 en 1986, après la découverte d un second virus, proche, par ses propriétés biologiques, mais différent par ses caractéristiques antigéniques et moléculaires, alors appelé VIH-2 (Clavel et al., 1986). Le VIH est l agent étiologique du SIDA ; il appartient à la famille des Retroviridae, au genre des Lentivirus, qui sont à l origine de maladies persistantes chroniques, à évolution lente, induisant des désordres immunologiques et neurologiques. 2. La particule virale - Organisation du génome viral EPHE Banque de Monographies SVT 5

Le virion est une particule sphérique de 100 à 120 nm de diamètre dont l'enveloppe est constituée d'une bicouche lipidique dans laquelle est ancrée, outre de nombreuses protéines cellulaires, la glycoprotéine d'enveloppe transmembranaire, gp41, liée de façon non covalente à la glycoprotéine extra membranaire, gp120. Le génome viral est composé de deux brins d ARN positifs monocaténaires identiques, ayant une structure d'arn messager. Chaque brin d ARN possède une coiffe en 5', une queue polya en 3' et est encadré par des séquences répétées (R) et uniques (U) : R-U5 à l'extrémité 5' et U3-R à l'extrémité 3'. La taille du génome est de 9,2 kb pour le VIH-1 et de 9,6 kb pour le VIH-2. Comme tous les rétrovirus, le génome du VIH possède trois gènes de structure, codés par trois cadres ouverts de lecture (ORF : Open Reading Frame ). Ce sont les gènes gag, pol et env. Le gène env code les deux protéines d enveloppe gp120 et gp41. Les composants codés par le gène gag incluent la protéine de capside du core, p24 (antigène de la capside), p17 (protéine de la matrice), p7 (nucléocapside), p9 et p6 (protéines intervenant au cours de l encapsidation de l ARN viral). Les protéines codées par pol sont les enzymes virales, p66 et p51 (transcriptase inverse), p11 (protéase) et p32 (intégrase). Le VIH est un rétrovirus complexe se distinguant par la présence de gènes de régulation essentiels et de gènes accessoires. Il s'agit des gènes tat, rev, nef, vif, et vpr, auxquels sont ajoutés vpu pour VIH-1 et vpx pour VIH-2. B. TropisMe cellulaire et co-récepteurs du VIH 1. Les cellules cibles Les principales cellules cibles du VIH sont les cellules du système immunitaire, et plus particulièrement les lymphocytes T CD4 + et les macrophages (Dalgleish et al., 1984; Klatzmann et al., 1984; Clavel et al., 1986; Gartner et al., 1986; Koenig et al., 1986). D'autres types cellulaires, tels que les cellules dendritiques (Langhoff et al., 1991), les cellules de Langerhans (Cimarelli et al., 1994) présentes dans de nombreux épithéliums muqueux, les lymphocytes B (Gras et al., 1993) et les cellules trophoblastiques (David et al., 1992) peuvent exprimer faiblement la molécule CD4 ainsi que les corécepteurs et donc représenter des cibles, réelles ou potentielles, du VIH. Toutefois, ces cellules sont le siège d'une réplication virale moins intense, voire souvent indétectable, que les lymphocytes CD4 + et les macrophages. Lors du contact muqueux, les cellules dendritiques pourraient jouer le rôle de transporteurs du virus vers les ganglions lymphatiques, où sont présents de nombreux lymphocytes T activés. Les macrophages sont un réservoir majeur du virus in vivo (Chun et al., 1997), et permettraient, par leur capacité migratoire, la dissémination du virus à travers l'organisme, en particulier dans les organes non lymphoïdes dont le SNC. Enfin, au niveau cérébral, les cellules-hôtes préférentielles du VIH sont les cellules microgliales et les macrophages infiltrants (Tornatore et al., 1994), les astrocytes étant également infectés mais d'expression virale restreinte (Stoler et al., 1986; Wiley et al., 1986; Dewhurst et al., 1987; Neumann et al., 1995). EPHE Banque de Monographies SVT 6

2. Les récepteurs et co-récepteurs Principal récepteur du VIH (Dalgleish et al., 1984; Klatzmann et al., 1984), la molécule CD4 est une protéine transmembranaire présente à la surface de la plupart des cellules cibles. La seule présence de CD4 n'est pas suffisante pour qu'une cellule soit infectée (Harrington et al., 1993). L'infection nécessite donc la présence d'un co-récepteur viral. Dans le cas du VIH-1, deux co-récepteurs principaux ont été identifiés : - Le CXCR4 appartient à la famille des récepteurs de chimiokines (7 domaines transmembranaires). Ce récepteur, fixant la CXC chimiokine SDF-1, est plutôt utilisé par les souches de VIH-1 à tropisme lymphocytaire exclusif (Feng et al., 1996). - Le CCR5, de la même famille que CXCR4, est un récepteur liant les CC-chimiokines MIP-1a, MIP-1b, et RANTES. Il est plutôt utilisé par les souches de VIH-1 à tropisme double, macrophagique et lymphocytaire (Doranz et al., 1996). De nombreux autres récepteurs des chimiokines tels que CCR2b et CCR3, semblent jouer le rôle de récepteur secondaire pour certaines souches de virus Toutefois, il semble que, pour certains types cellulaires, la présence de CD4 ne soit pas indispensable à la pénétration du virus dans la cellule cible. En effet, le galactosyl céramide pourrait jouer le rôle de récepteur au niveau des cellules gliales et des cellules épithéliales du colon (Yahi et al., 1992). Des études plus récentes montrent, de plus, que certains VIH de type 2 et SIV sont capables d'infecter des cellules CD4 - via les seuls co-récepteurs CXCR4 et CCR5 (Edinger et al., 1997; Martin et al., 1997; Reeves et al., 1999). C. Le cycle de replication du vih Le cycle de réplication peut être décomposé en deux phases : une première phase, précoce, allant de la pénétration du virus dans la cellule cible jusqu'à l'intégration de l'adn proviral dans le génome de celle-ci, puis une seconde phase d'expression des gènes viraux conduisant à la production des protéines virales puis au relargage de nouveaux virions infectieux. Nous ne détaillerons pas le cycle viral ici ; seul l export des ARN messagers viraux fera l objet d un chapitre spécifique. II. Les atteintes du système nerveux central par le VIH L atteinte du SNC est l une des complications majeures de l infection par le VIH. En effet, près d un tiers des patients séropositifs pour le VIH présentent, au cours de l évolution de la maladie lentivirale, des atteintes cognitives, motrices ou comportementales, et 15 à 20% présentent au cours de la maladie un authentique syndrome démentiel. Néanmoins, bien que le système nerveux central soit infecté très précocement, dès la primo-infection (Ho et al., 1985), les troubles neurologiques n apparaissent souvent que tardivement dans l évolution de la maladie. EPHE Banque de Monographies SVT 7

A. PhYsiopathologie des atteintes neurologiques Au plan histologique, la grande majorité des cerveaux examinés présente une atteinte plus ou moins marquée du tissu cérébral. Une pâleur diffuse de la myéline est parfois objectivée ainsi qu'une perte neuronale avec une altération variable de la myéline, initialement associée à une hyperplasie réactive des oligodendrocytes qui, ensuite, est révertée lorsque les lésions sont importantes. On constate aussi une gliose réactionnelle, affectant la microglie et l'astroglie, d'intensité variable. Au stade d encéphalite, on note la présence de cellules géantes multinucléées macrophagiques et/ou microgliales (CGM), d'importants infiltrats périvasculaires de cellules hématogènes majoritairement myéloïdes, mais comportant également des lymphocytes T CD4 + et CD8 + et quelques lymphocytes B. Le parenchyme cérébral des patients séropositifs est aussi caractérisé par la présence de nombreuses cellules CD4 + dispersées dans tout le tissu. Il est aujourd'hui le plus souvent admis que l'infection productive, au sein du SNC, est supportée par les macrophages infiltrés et les cellules microgliales, tandis que les astrocytes sont le siège d'une infection restreinte à l'expression des gènes de régulation précoce nef et rev (Ranki et al., 1995; Takahashi et al., 1996). Cette infection restreinte de l'astroglie peut néanmoins atteindre 20% des cellules dans certains cerveaux d'enfants infectés, et quelques astrocytes exprimant les gènes de structure du VIH sont parfois observés (Ranki et al., 1995). L'éventuelle infection des cellules endothéliales microvasculaires reste peu documentée, mais le seul récepteur secondaire CCR-5 semble permettre, in vitro, l'entrée du virus dans ce type cellulaire (Edinger et al., 1997). 1. Neuropathogénèse Le mécanisme étiopathologique du dysfonctionnement neuronal, dont témoignent les troubles cognitifs et moteurs du complexe de démence lié au SIDA, reste largement spéculatif. La production virale, généralement limitée à quelques foyers isolés, reste quantitativement très insuffisante pour expliquer l'étendue et la gravité des symptômes neurologiques observés au cours de l'encéphalopathie à VIH. L'hypothèse physiopathologique la plus souvent retenue est celle d'un mécanisme multifactoriel et multiphasique. La pénétration du VIH au sein du SNC provoquerait une réponse inflammatoire subaiguë qui diffuserait des régions périvasculaires à tout le parenchyme cérébral. Ce processus inflammatoire serait associé à une infection et une activation cellulaires, concernant principalement la microglie, mais aussi les astrocytes, ce phénomène étant amplifié localement par la présence de cellules infiltrées et/ou infectées. Dans un second temps, l'ensemble des cellules activées produirait de multiples facteurs solubles qui permettraient l'amplification et l'extension du processus inflammatoire. La neurotoxicité serait essentiellement due à un mécanisme faisant intervenir des facteurs d activation cellulaires (Glutamate, TGF-b, TNF-a, Il-1, prostaglandines, PAF, éicosanoïdes, acide quinolinique), plus que par certains composants du VIH (gp120/41, Tat, Nef, Vpr). 2. Atteintes cérébrales EPHE Banque de Monographies SVT 8

a) Complexe de démence associé au VIH L'autopsie de patients décédés du SIDA révèle la présence de lésions neuropathologiques dans 80 à 100% des cas (Henin et al., 1987; Gray et al., 1988), ces lésions étant la conséquence directe ou indirecte de l'infection du SNC par le VIH. La grande diversité des pathologies et des lésions cérébrales, et leur variabilité d'un patient à un autre, ainsi que l'absence de corrélation entre les paramètres cliniques et anatomopathologiques rendent difficile le diagnostic du complexe de démence associé au SIDA (ADC ou "AIDS dementia complex") qui est l'une des manifestations les plus fréquentes de l'atteinte cérébrale au cours du SIDA. Cependant, l ADC est aujourd hui reconnu comme une atteinte plutôt subcorticale. D'autres atteintes corticales associées à la présence du VIH sont fréquentes. L'une d'elles, la polio dystrophie diffuse est retrouvée chez 50% des patients décédés du SIDA. Une prolifération astrogliale et microgliale ainsi qu'une perte neuronale discrète, au niveau de la substance grise (Gelbard et al., 1995), sont associés à cette pathologie. Par ailleurs, la myélopathie vacuolaire se caractérise par la présence de foyers associant de nombreuses vacuoles intra-myéliniques et des cellules de la lignée macrophagique (Petito et al., 1985). b) Atteintes neuronales L origine de la mort neuronale dans l infection par le VIH n est pas bien connue. Elle pourrait être due à plusieurs facteurs. En effet, les macrophages et les cellules microgliales infectés et/ou activés, et les astrocytes activés sécrètent de nombreux facteurs solubles parfois toxiques pour les neurones, comme les cytokines pro-inflammatoires, TNF-a et Il-1, des radicaux libres comme le monoxyde d'azote et ses dérivés, des dérivés de l'acide arachidonique (prostaglandines, PAF). De plus, l activation du parenchyme serait associée à un relargage du glutamate, responsable de la mort neuronale par excitotoxicité. En effet, l altération des axones (Giometto et al., 1997), ou bien l activation immune via des mécanismes d excitotoxicité (Kaul et al., 2001), dans les cerveaux des patients développant un SIDA pourraient être des causes de la mort neuronale par apoptose. De plus, des ruptures de la BHE peuvent se produire à divers stades de la maladie (Petito et al., 1992; Gray et al., 1996), et les cytokines peuvent, à ce niveau, avoir également un effet délétère. B. Cibles cellulaires de l infection du SNC par le VIH Peu de temps après sa découverte, le VIH fut détecté dans des coupes de cerveaux de patients décédés du SIDA. Des particules virales furent mises en évidence au niveau de cellules géantes multinucléées, de cellules microgliales et de cellules issues de la lignée monocyte/macrophage, ainsi, mais beaucoup plus rarement, qu au niveau d astrocytes. Des études ultérieures montrèrent que les macrophages périvasculaires étaient le site principal de la réplication virale intracérébrale (Brack- Werner, 1999). 1. Les cellules microgliales EPHE Banque de Monographies SVT 9

Les cellules microgliales sont présentes dans la substance grise, au voisinage des vaisseaux sanguins ainsi qu'au niveau de la face externe de la glia limitans. Par leur capacité de synthèse et de sécrétion de facteurs neurotrophiques et neurotoxiques (NO, ions superoxydes, acide arachidonique, éicosanoïdes, acide quinolique et glutamate), de cytokines (Il-1, Il-6, TNF-a), elles peuvent contribuer à la survie mais aussi à l'atteinte cérébrale. Les cellules microgliales ont été les premières cellules cérébrales identifiées, in vivo comme étant susceptibles à l'infection par le VIH (Price et al., 1988). Par la suite, cette susceptibilité fut confirmée in vitro, grâce à des cellules fœtales isolées (Watkins et al., 1990; Lee et al., 1993). Les cellules géantes multinucléées (CGM), résultant de la fusion de cellules microgliales infectées, sont les témoins d'une infection virale productive. 2. Les astrocytes Il existe deux grands types d'astrocytes : - Les astrocytes fibrillaires : observés principalement dans la substance blanche, ils se caractérisent par un corps cellulaire de faible diamètre (6 à 11mm) avec quelques expansions cytoplasmiques (20 à 40 mm et plus). Ils ont un aspect lisse, rectiligne et peu ramifié. Leurs expansions s'étendent au sein du neuropile et certaines d'entre elles se terminent au contact des surfaces sous-piale et ependymaire ou au niveau des parois capillaires ; - Les astrocytes protoplasmiques : observés dans la substance grise, ils se caractérisent par la présence de nombreuses expansions cytoplasmiques ramifiées, spiculées et généralement plus courtes et plus fines que chez les astrocytes fibrillaires. Leurs expansions se terminent aussi au contact des surfaces sous-piales ou au niveau des parois capillaires ; d'autres contacts sont néanmoins établis au niveau des nœuds de Ranvier, des synapses et du soma neuronal. a) Fonctions essentielles des astrocytes Les astrocytes jouent un rôle au niveau : - Du développement neuronal. Ils interviennent, notamment sous la forme de glie radiaire, en dirigeant la migration axonale et favorisant la différentiation dendritique en sécrétant des substances neurotrophiques, et en remodelant la matrice extracellulaire ; - De la BHE en induisant les jonctions serrées ; - Du stockage de l énergie pour le soutien métabolique des neurones, fondamental pour le bon fonctionnement du SNC : ils capturent le glucose sanguin et le dioxygène, par contact avec les capillaires, stockent l énergie sous forme de glycogène, et sont donc source de glucose. Ils fournissent aussi le lactate pour alimenter le cycle de Krebs chez les neurones ; - De la production de facteurs trophiques ; - De la protection contre diverses neurotoxines. Les astrocytes préviennent l'accumulation du glutamate en le captant et en le transformant en glutamine grâce à la glutamine synthétase ; cette enzyme permet aussi le recyclage des ions NH + 4 (Greenamyre et al., 1994; Meldrum, 1994). EPHE Banque de Monographies SVT 10

Les radicaux libres et les dérivés oxygénés tels que le monoxyde d'azote constituent un autre type de composés extrêmement toxiques pour le SNC induisant, entre autres, des hémorragies cérébrales (Halliwell, 1992b; Halliwell, 1992a; Halliwell et al., 1992) mais pouvant néanmoins avoir des fonctions physiologiques (Bredt et al., 1994). Ces dérivés oxygénés interviennent ainsi au cours de nombreuses pathologies telles que l'ischémie cérébrale, la sclérose en plaques et le complexe de démence associé au SIDA. Les astrocytes réactifs occupent une fonction essentielle d'anti-oxydant par leur capacité à neutraliser la plupart de ces molécules grâce à l'apolipoprotéine D, le glutathion (GSH), la superoxyde dismutase (SOD) et la catalase. Toutefois, au cours de l'infection par le VIH, ce sont eux qui sur-expriment la inos. b) Astrocytes et fonctions immunes Par son absence de drainage lymphatique, son isolement de la circulation grâce à la BHE et par la quasi-absence d'antigène du CMH à la surface des cellules du parenchyme cérébral (seuls les cellules microgliales et les astrocytes expriment les molécules du CMH II après activation), le SNC possède un statut immunologique privilégié, bien qu'il existe, dans le parenchyme cérébral normal, une migration continue et très faible de cellules immunocompétentes. Néanmoins, une rupture de la BHE ou une transformation des propriétés d'adhérence et de migration des cellules immunocompétentes permet l'invasion du SNC lors d'infections virales ou bactériennes. L activation par certaines cytokines, comme l'ifng produit par des lymphocytes T activés, rend les astrocytes sensibles à l'action lytique des lymphocytes T cytotoxiques restreints au CMH de classe I ; de plus, elle confère aux astrocytes la capacité à présenter l'antigène (CPA), en induisant le CMH-II. Les astrocytes interviennent donc dans les défenses immunitaires du SNC. C. Mise en Évidence de la susceptibilité des astrocytes À l'infection par le VIH IN VIVO et IN VITRO Les astrocytes, en réponse à une inflammation du SNC, peuvent donc avoir divers rôles aussi bien bénéfiques que délétères. Ainsi, ils peuvent réguler l inflammation du SNC et le métabolisme neuronal, fonctionner en tant que CPA, mais aussi contribuer au développement de maladies neurologiques. La réponse astrocytaire à l'infection du SNC par le VIH ne fait aucun doute, l'astrogliose réactionnelle étant un fait commun de l'histopathologie associée. Il est possible que l'astrocytose soit déclenchée par des cytokines d'origine systémique (Il-1b, TNF-a, etc.) avant même l'entrée du virion dans le SNC (Merrill et al., 1989; Merrill, 1992; Merrill et al., 1996). Les astrocytes réactifs sécrètent de nombreuses cytokines inflammatoires et chimioattractantes (MCP-1, MIP-1, RANTES, TGF-b, etc.) qui participent à la pénétration de monocytes/macrophages et de lymphocytes T dans le SNC (Vitkovic et al., 1994). Par ailleurs, il est maintenant reconnu que 1 à 7% astrocytes sont infectés (Michaels et al., 1988; Brack- Werner et al., 1997; Wiley et al., 1997). Les astrocytes étant les cellules cérébrales les plus abondantes (0,4.10 12 à 2.10 12 cellules), la taille du réservoir astrocytaire latent serait équivalente à celle du réservoir EPHE Banque de Monographies SVT 11

macrophages / cellules microgliales (Brack-Werner, 1999). Les travaux de Tornatore et al. (Tornatore et al., 1994) suggèrent que les astrocytes d'enfants ou de nouveau-nés pourraient avoir une susceptibilité accrue à l'infection par le VIH. Le taux d infection des astrocytes varie toutefois de manière considérable selon les études considérées, l'état de différenciation des cellules étudiées, et, surtout suivant la technique de détection utilisée. L immunohistochimie montre que les astrocytes sont négatifs pour la p24 et la gp41 tandis que les cellules microgliales sont positives pour ces deux antigènes (Sharer et al., 1996). La détection de marqueurs précoces du VIH-1, dans les astrocytes d une majorité de cerveaux étudiés a, néanmoins, montré que ces cellules sont infectées in vivo ; la faible production de protéines structurales et la forte expression de la protéine Nef laissent donc envisager une production virale bloquée, qualifiée de restreinte, à un stade précoce du cycle de réplication. La susceptibilité à l'infection de différentes lignées tumorales astrocytaires humaines a été démontrée par de nombreuses études (Dewhurst et al., 1987; Harouse et al., 1991; Brack-Werner et al., 1992). L'ensemble de ces travaux indique, d une part, que les lignées astrocytaires présentent un taux de réplication virale extrêmement faible puisque seules 1 à 5 % des cellules expriment des marqueurs tardifs de l'infection, et, d autre part, que l'entrée du virus est plus efficace quand elle est réalisée de cellule à cellule, plutôt qu'à partir d'un stock de virus libre(brack-werner et al., 1992). De plus, la production virale peut être, dans une certaine mesure, réactivée par co-culture d'astrocytes avec des cellules cibles du VIH, comme des lymphocytes T. Les astrocytes embryonnaires et fœtaux expriment les co-récepteurs CXCR4, CCR3 et CCR5, mais pas le CD4, (Sabri et al., 1999; Boutet et al., 2001; Croitoru-Lamoury et al., 2003). De plus, la présence du galactosylcéramide a été mise en évidence à la surface des lignées astrogliales (Harouse et al., 1991), alors que ce récepteur n'est pas exprimé par les astrocytes fœtaux primaires (Ma et al., 1994; Hao et al., 1997). Ces études indiquent que le VIH peut infecter ces différents types cellulaires tumoraux ou fœtaux par une voie indépendante du CD4, certainement grâce à des récepteurs alternes, ou par simple endocytose, suivie de la fusion de quelques particules avec la membrane de l'endosome avant sa maturation (Hao et al., 1999). Dans tous les cas, il n'est pas certain que l'entrée du virus dépende de son interaction avec un ou plusieurs récepteurs de chimiokines (Brack-Werner, 1999). Des travaux réalisés in vitro suggèrent que les astrocytes sont infectés plus efficacement par des isolats lymphotropes, bien que l'infection par des souches de VIH à tropisme macrophagique soit également possible (Koyanagi et al., 1987; Nath et al., 1995; McCarthy et al., 1998). Ce point reste sujet à débat. III. MÉcanisMes MolÉculaires impliqués dans le transport nucléo-cytoplasmique des protéines Le transport nucléo-cytoplasmique est essentiel à la survie d une cellule eucaryote. En effet, ce transport actif permet le passage, via des protéines cargos et des récepteurs de transport, de macromolécules trop grosses pour diffuser passivement au travers du complexe du pore nucléaire (CPN). EPHE Banque de Monographies SVT 12

En effet, d une part, de nombreuses protéines nucléaires, telles que les histones et les facteurs de transcription, doivent être importées dans le noyau, et d autre part, les ARN, qu ils soient de transfert (ARNt), ribosomaux (ARNr) ou messagers (ARNm), doivent être exportés vers le cytoplasme afin d y rencontrer la machinerie traductionnelle. Il existe également des macromolécules qui sont capables de réaliser plusieurs cycles nucléo-cytoplasmiques. C est le cas, entre autres, des protéines ribosomales qui sont, en premier lieu, importées dans le noyau, à l aide du système Ran-GTPase, de l importine a et de la karyophérine b3 (Jakel et al., 1998), où elles se complexent aux ARNr. Ces complexes, que l on appelle alors sous-unités ribosomales, sont exportés vers le cytoplasme via le système Ran-GTPase, et des membres de la famille des karyophérines dont Crm-1 (Moy et al., 1999). Le transport nucléo-cytoplasmique met en jeu divers mécanismes complexes et fait intervenir de nombreuses protéines cellulaires. Ces protéines, que nous détaillerons ultérieurement, sont localisées, soit dans le cytoplasme, soit dans le noyau, soit au sein du complexe du pore nucléaire. Elles sont pour la plupart, capables d effectuer des cycles de migration au travers du CPN de façon continue. Le mode d action et la structure de certaines de ces protéines ont été clairement définis. Les mécanismes moléculaires impliqués dans l'export des protéines nucléaires sont nettement moins documentés que les voies d'import. Toutefois, de nombreux complexes protéiques cellulaires intervenant au cours de ces transports sont communs aux voies d import et d export, ou bien appartiennent à la même famille de transporteurs, les karyophérines. A. CaractÉristiques du complexe du pore nucléaire (CPN) L enveloppe nucléaire est constituée de deux membranes : une membrane externe, en continuité directe avec le réticulum endoplasmique granuleux, et une membrane interne, étroitement associée à un réseau de filaments intermédiaires appelé lamina. Les échanges entre le cytoplasme et le noyau s effectuent au travers de complexes multiprotéiques de grande taille, enchâssés à travers l enveloppe nucléaire, nommés complexes du pore nucléaire (Goldberg et al., 1995). Le complexe du pore nucléaire ou CPN, dont la masse moléculaire avoisine les 125 MDa, est constitué de 100 à 200 protéines différentes (8 à 16 copies de chaque) appelées nucléoporines. De nombreuses nucléoporines identifiées possèdent une séquence commune répétée, la séquence FG (phénylalanine-glycine) (Mehlin et al., 1995). Le CPN possède un canal central de diamètre variable (20-28 nm) au travers duquel s effectue le transport actif de macromolécules et huit canaux périphériques plus petits (9 nm de diamètre), permettant la diffusion de petites molécules (Nakielny and Dreyfuss, 1999). Le pore nucléaire est délimité par deux anneaux, l un nucléaire en forme de panier de basket, l autre cytoplasmique associé à de longs filaments protéiques. Les nucléoporines sont situées au niveau des deux anneaux du CPN et interviennent directement et étroitement lors de la translocation des complexes d import ou d export. Il est à noter que la diffusion passive devient peu efficace dès que la taille de la molécule avoisine les 9 nm. Ainsi, d un point de vue physiologique, la diffusion passive est excessivement lente pour la sérum albumine bovine (7 nm de diamètre, 68 kda), et relativement rapide pour des protéines EPHE Banque de Monographies SVT 13

dont le poids moléculaire n excède pas 20-30 kda (Gorlich et al., 1999). Il existe, toutefois, des protéines de 20-30 kda (histones) qui nécessitent des protéines cargos ainsi que de l énergie pour leur transport au travers du CPN, bien qu elles devraient pouvoir, compte tenu de leur taille, diffuser passivement (Breeuwer et al., 1990; Arts et al., 1998; Kutay et al., 1998; Jakel et al., 1999). B. protéines cellulaires ayant un role MaJeur dans le transport nucléocytoplasmique 1. Le transport actif Il existe deux grands types de transport actif : dans le cas le plus simple, les substrats de transport, appelés aussi cargos, sont directement reconnus par leurs récepteurs de transport. Dans d autres cas, le mécanisme de reconnaissance du substrat est plus complexe, et requiert en plus un adaptateur entre le cargo et le récepteur de transport. Le meilleur exemple d adaptateur connu est l importine a. Cette protéine permet l import de protéines portant un signal de localisation nucléaire (ou NLS) classique. Le schéma est le suivant : par son domaine IBB ( Importin b Binding Domain ), l importine a se fixe à l importine b et au cargo, dans le cytoplasme. L importine b permet la fixation du complexe trimérique au CPN (Gorlich et al., 1995a; Gorlich et al., 1995b) et médie la translocation de ce complexe au travers du CPN. La translocation s achève par liaison directe de l importine b avec RanGTP, ce qui détache le complexe du CPN et dissocie l importine b de l importine a. Le complexe Imp b / RanGTP peut directement sortir du noyau tandis que l importine a requiert une exportine particulière, dénommée CAS (ou exportine 2) (Kutay et al., 1997), avant de former un complexe trimérique avec RanGTP. Une fois ce complexe formé, l importine a peut retourner dans le cytoplasme. 2. Au cœur de la machinerie du transport actif : le système RanGTPase Le système RanGTPase est composé des éléments suivants : - La protéine Ran elle-même ; - NTF2 ( Nuclear Transport Factor 2 ) ou p10 ; - RCC1 ou RanGEF ( Guanine nucleotide Exchange factor ) ; - Ran GAP1 ( RanGTPase activating protein ) ; - Ran BP1 ( Ran binding protein ) ; - Les récepteurs de la famille des karyophérines 3. La protéine Ran La protéine Ran est une protéine de 24kDa appartenant à la famille Ras (petites GTPases). Bien que capable d une lente diffusion passive au travers du pore nucléaire, Ran, sous sa forme libre, est essentiellement localisée dans le noyau (Ren et al., 1993). Elle peut exister, dans la cellule, sous deux formes - RanGTP et RanGDP - qui sont constamment transportées au travers du CPN. Les régulateurs de l état de phosphorylation de Ran sont situés de chaque coté du CPN. Le facteur d échange nucléotidique, RCC1, est nucléaire, générant RanGTP dans le noyau, tandis que la protéine activant la GTPase, RanGAP1, est exclue du noyau et déplète le cytoplasme en RanGTP (Melchior et al., 1993; EPHE Banque de Monographies SVT 14

Mahajan et al., 1997). Il existe ainsi une asymétrie dans la localisation des deux formes de Ran au sein d une cellule eucaryote. RanGTP est présente, au sein du noyau, à une concentration élevée, tandis que RanGDP, intervenant dans l import nucléaire, est, essentiellement, localisée dans le cytoplasme. L asymétrie du système RanGTPase peut expliquer le fait qu un récepteur de transport puisse accomplir de nombreux cycles d un transport nucléaire unidirectionnel. Néanmoins, la question est de savoir comment cette asymétrie est générée puis maintenue tout au long du cycle cellulaire. De fait, au cours de l interphase, le gradient RanGTP est maintenu sans problème. Cependant, au cours de la mitose chez les eucaryotes supérieurs, les compartiments nucléaire et cytoplasmique ne sont plus entièrement séparés, ce qui abolit l asymétrie. RCC1 se fixe alors à la chromatine (Ohtsubo et al., 1989) et devient ainsi une protéine nucléaire, lors de la formation de l enveloppe nucléaire. Le complexe du pore nucléaire n est reformé qu au cours de la télophase, ce qui permet à RanGAP et RanBP2, alors fixés aux filaments cytoplasmiques du CPN d être localisés dans le bon compartiment cellulaire, c est-à-dire le cytoplasme, avant que le système de transport nucléo-cytoplasmique ne soit fonctionnel. L intervention de protéines telles que RanGAP, RCC1, RanBP1 et NTF2 est ainsi corrélée à leur localisation cellulaire. On peut en conclure que : - RanGDP, RanBP1 et RanGAP1 sont plus concentrées dans le cytoplasme. Feng et al. (Feng et al., 1999) a démontré que RanBP1 et RANGAP1 sont réexportées dans le cytoplasme via l exportine- 1 ; - RanGTP et RCC1 sont plus concentrées dans le noyau. RCC1 est réimporté dans le noyau via la voie dépendante du complexe Impa / Impb (Kohler et al., 1999) ; - NTF2 semble représenté de façon équivalente dans les deux compartiments cellulaires. NTF2 est lié au niveau du CPN par fixation directe à des nucléoporines et permet la translocation de Ran à travers le pore nucléaire. 4. Les signaux de localisation nucléaire (NLS) et d export nucléaire (NES) Le transport actif nécessite des signaux de transport spécifique. L'étude de protéines telles que la protéine virale Rev et la protéine cellulaire PKI (inhibiteur de la protéine kinase dépendante de l'amp cyclique) a permis de mettre en évidence l'existence de deux types de signaux : - Les signaux d'import nucléaire ou signaux de localisation nucléaire (NLS) sont de courtes séquences nucléotidiques qui sont nécessaires et suffisantes pour la localisation nucléaire des protéines qui les portent ; leur mutation abolit la localisation nucléaire de ces protéines. - Les signaux d'export nucléaire (NES), généralement riches en leucines, ont le rôle inverse des NLS. Une protéine possédant un NES est ainsi capable de former un complexe avec une exportine spécifique afin de promouvoir son export vers le cytoplasme. 5. Une famille de transporteurs cellulaires : les karyophérines Les karyophérines sont une famille de récepteurs solubles impliqués dans les phénomènes d'import - export nucléaires, dont la caractéristique commune est d'interagir avec certaines nucléoporines et la protéine Ran. Ces récepteurs de transport sont des protéines de liaison à Ran EPHE Banque de Monographies SVT 15

répondant au gradient RanGTP/RanGDP par chargement et déchargement de leur cargo dans le compartiment approprié. La principale importine cellulaire est la karyophérine b1 ou importine b (Gorlich et al., 1995a; Radu et al., 1995; Pollard et al., 1996; Gorlich et al., 1999) ; cette protéine de 97 kda est principalement localisée dans le cytoplasme, ainsi qu au niveau du CPN. L importine b se fixe à la protéine cargo dans le cytoplasme, puis interagit avec RanGDP au voisinage du CPN. Dès le passage du CPN par translocation, RanGTP se fixe à l importine b, ce qui dissocie le complexe Impb/cargo. Le nouveau complexe Impb/RanGTP retourne alors dans le cytoplasme afin que l importine b refasse un nouveau cycle d import. L'export nucléaire des protéines est essentiellement assuré par un autre membre de la famille des karyophérines, connu sous le nom de Crm-1 (Fornerod et al., 1997; Fukuda et al., 1997; Kudo et al., 1997; Neville et al., 1997) Crm-1 (pour chromosome region maintenance gene 1 ), aussi appelé exportine-1 (Stade et al., 1997), est une protéine de 112 à 115 kda localisée dans le nucléoplasme, le nucléole, ainsi qu'au niveau du CPN. Exprimée de façon ubiquitaire dans tous les tissus de mammifères, exceptés dans le rein, la protéine Crm-1 présente une expression strictement régulée par le cycle cellulaire, avec une traduction tardive au cours du cycle (Kudo et al., 1997). Kudo a ainsi proposé que l accumulation cytoplasmique de Crm- 1 peut être due, soit à une synthèse trop importante de cette protéine par rapport à son import nucléaire, soit à la saturation de la capacité de fixation d une protéine cargo à Crm-1, dans le noyau. Comme toutes les karyophérines, Crm-1 présente une homologie de séquence avec la karyophérine b1 ; elle présente ainsi, en partie N-terminale, un site de liaison avec RanGTP, et, en C-terminal, un site de liaison au cargo, par reconnaissance du NES de ce dernier (Nakielny and Dreyfuss, 1999). Néanmoins, les sites de liaison ne sont pas déterminés aussi finement que pour l importine b (Cingolani et al., 1999; Ossareh-Nazari et al., 1999; Vetter et al., 1999). In vitro, Crm-1 interagit spécifiquement avec le NES de Rev, la nucléoporine nucléaire Nup214/CAN (Fornerod et al., 1997), ainsi que la protéine RanGTP lorsque cette dernière est présente à un taux élevé dans le noyau (Ossareh-Nazari et al., 1997). Crm-1 est spécifiquement inhibée par la leptomycine B (LmB), métabolite de Streptomyces (Wolff et al., 1997). Cette substance anti-tumorale induit l'arrêt du cycle cellulaire en phase G 1 /G 2 chez les cellules eucaryotes et les levures en fission (Yoshida et al., 1990). La LmB présente la particularité de se fixer de manière covalente à Cm-1, empêchant toute interaction avec les NES riches en leucines, bloquant ainsi l'export des protéines NES - dépendantes. Contrairement à l importine b, Crm-1 se fixe au cargo, préférentiellement dans le noyau, en formant un complexe trimérique avec RanGTP (Fornerod et al., 1997; Kutay et al., 1997; Arts et al., 1998; Kutay et al., 1998). Ce complexe trimérique est alors transloqué dans le cytoplasme où il est dissocié, suite à l hydrolyse de RanGTP en RanGDP. Le cargo libre, ainsi que l exportine dissociée de RanGDP, peuvent retourner dans le noyau, se fixer et exporter une nouvelle protéine cargo. Néanmoins, selon sa fonction, le cargo peut aussi rester dans le cytoplasme. C. Transport nucléocytoplasmique des ARNm viraux dépendants de la EPHE Banque de Monographies SVT 16

protéine Rev du VIH Chaque macromolécule transportée de façon active au travers du pore nucléaire peut entrer dans une voie d import ou d export qui lui est propre. Elle peut, de la même façon, faire intervenir un ou plusieurs membres de la famille des karyophérines, l un lui servant de transporteur principal, l autre d adaptateur. Si l on ajoute à cela les protéines et autres constituants apportés lors d uneinfection virale, le virus utilise la machinerie cellulaire et fait intervenir une ou plusieurs de ces protéines qui lui sont propres. C est le cas du virus de l immunodéficience humaine (VIH) qui, pour l export nucléaire de ses ARNm viraux mono et non-épissés, utilise une voie d export cellulaire tout en faisant intervenir la protéine virale Rev. 1. Caractéristiques de la protéine Rev Rev (pour "Regulator of expression of viral proteins") est une phosphoprotéine nucléaire de 13 à 19 kda, exprimée précocement dans le cycle viral ; elle possède au moins deux domaines fonctionnels : - Un domaine N terminal riche en arginine (ARD) situé entre les acides aminés 8 à 68. On peut y distinguer deux domaines spécifiques : un domaine discontinu incluant les aa 8 à 33 et 51 à 68, participant à la dimérisation nécessaire à l'activité de la protéine Rev ; un second allant des aa 34 à 50, comprenant un signal de localisation nucléaire (NLS) ainsi qu'un site de liaison à la séquence RRE ( Rev Responsive Element ). Le RRE est une région spécifique des ARNm viraux située sur le deuxième intron (dans le gène env) et est donc absente des ARNm multi-épissés. Le NLS permet l import de Rev dans le noyau. Il ne semble pas que ce domaine interagisse avec l'importine a, mais seulement avec l'importine b (Henderson et al., 1997) ; - Un domaine C terminal riche en leucine situé entre les acides aminés 75 à 82 ; il comprend un signal d'export nucléaire (ou NES pour "Nuclear Export Signal"). Le NES spécifique de la protéine Rev est une courte séquence peptidique riche en leucines : Leu-X2-3-Y-X2-3-Leu-X-Leu/Ile, où X représente un amino acide quelconque et Y représente Leu/Ile/Phe/Val ou Met (Fischer et al., 1995; Pollard et al., 1998). De plus, Rev est phosphorylée sur au moins deux résidus sérines (sérines 92 et 99) par la MAP kinase C2 (kinase nucléaire). Bien que la perturbation de ces sites majeurs de phosphorylation de Rev ne semble pas affecter sa fonction dans des cellules transfectées, il a été suggéré que leur phosphorylation ou déphosphorylation pourrait gouverner l'activité de la protéine quand les taux de Rev sont faibles et/ou limitants (Cochrane et al., 1989; Malim et al., 1989). 2. Les différents ARNm viraux Comme décrit précédemment, le VIH code 6 gènes de régulation et/ou accessoires que sont tat, rev, nef, vif, vpr et vpu (ou vpx). Durant le cycle de réplication du VIH, la protéine Rev permet l expression des gènes tardifs (Stutz et al., 1998) : - Lors de la phase précoce, seules sont synthétisées les protéines de régulation (Tat, Rev et Nef) issues des ARN messagers multi-épissés de 2kb, tandis que les ARNm mono et non épissés (4 et 9kb), codant les protéines virales de structure et les protéines accessoires non essentielles, s'accumulent dans le noyau. Ces ARNm possèdent la séquence RRE sur leur 2 ème intron ; leur export nécessite EPHE Banque de Monographies SVT 17

l intervention de la protéine virale précoce Rev. Des études menées par Malim et Cullen (Malim et al., 1993) ont montré que l'expression de la protéine Rev permet un accroissement de la demi-vie des ARN viraux mono- et non épissés dans le noyau de cellules lymphoïdes infectées par le VIH, en inhibant le phénomène d'excision-épissage (Chang et al., 1989; Kjems et al., 1991; Hope, 1999). - Lors de la phase tardive, la protéine Rev permet l'export nucléaire des ARN mono et non épissés, et donc la traduction des protéines virales de structure et accessoires (Feinberg et al., 1986; Sodroski et al., 1986). Cela s'effectue aux dépens de l'expression des ARN messagers multi-épissés, Rev régulant ainsi sa propre expression. 3. Le cycle de la protéine Rev Une fois la maturation de la protéine Rev réalisée dans le cytoplasme, le cycle de transport de Rev est initié par l'import nucléaire de cette dernière. L'import nucléaire de Rev dépend de l'importine b et de la concentration cytoplasmique de RanGDP. L importine b se fixe au niveau du NLS de Rev et forme un complexe protéique qui peut interagir directement avec des nucléoporines situées sur les filaments cytoplasmiques du CPN. La translocation à travers le CPN est facilitée par les interactions séquentielles directes entre l'importine b et les nucléoporines (Ohno et al., 1998). Après translocation à travers la membrane nucléaire, RanGTP se fixe à l importine b en N-terminal, menant à la dissociation du complexe Rev/Importine b dans le noyau. Rev se dimérise alors puis se fixe sur le RRE des ARNm viraux mono et non épissés (Najera et al., 1999). Crm-1 (XPO chez la levure) se lie spécifiquement à la séquence NES de Rev formant au sein du noyau un complexe tétramérique avec RanGTP [RanGTP Crm1 Rev ARNm] (Fornerod et al., 1997; Kutay et al., 1997; Arts et al., 1998; Kutay et al., 1998; Hope, 1999). Par son action au niveau de la séquence NES et des nucléoporines Nup214, Nup98 (Fornerod et al., 1997; Boer et al., 1998) et peut-être Nup153, bien que l'intervention de cette dernière dans l'export soit controversée (Nakielny and Dreyfuss, 1999; Zolotukhin et al., 1999), Crm-1 permet l'interaction du CPN avec Rev lors de l export nucléaire (Neville et al., 1997). Le complexe tétramérique est alors exporté vers le cytoplasme, et l'hydrolyse du GTP en GDP permet la dissociation irréversible de la protéine Ran du complexe (Gorlich et al., 1999). Ceci permet le relargage de Rev et des ARNm RRE + ; Rev est alors réimportée dans le noyau par l'intervention de l importine b. Les ARNm RRE + sont, quant à eux, traduits en protéines virales de structure via le réticulum endoplasmique et l appareil de Golgi, qui seront intégrées au sein de nouvelles particules virales. D. MÉcanisMes possibles de restriction de la réplication virale dans les astrocytes Les mécanismes impliqués dans la restriction de la réplication du VIH dans les astrocytes restent sujets à controverse. Lors de la phase de latence, il semble possible d induire la production de protéines virales de structure en exposant les cellules à du TNF-a ou de l'il-1b. Mais cet effet semble régresser au cours du temps. De même, la stimulation d'astrocytes fœtaux par le TNF-a conduit à une augmentation de l'activité promotrice du LTR (Atwood et al., 1994), associée à une fixation accrue de NF-kB sur son site de liaison. Quoi qu'il en soit, cette stimulation mène le plus souvent à une augmentation de la EPHE Banque de Monographies SVT 18

quantité d'arnm multi-épissés. Diverses équipes se sont intéressées au rôle joué par le couple Tat / TAR (Bagasra et al., 1992; Niikura et al., 1996). Tat semble capable d'activer la transcription du VIH-1 dans les astrocytes via deux voies distinctes, l'une TAR-dépendante, l'autre TAR-indépendante (Taylor et al., 1992). Swingler et al. (Swingler et al., 1992) ont montré, in vitro, grâce à des lignées astrogliales, que Tat, comme les cytokines Il-1b, Il-6, IFN-g, et plus particulièrement le TNF-a, sont capables d'activer le LTR du VIH en sollicitant la région réceptrice de NF-kB (Taylor et al., 1992). Ces observations démontrent que le niveau d'activité du LTR ne peut expliquer à lui seul l'expression faible du VIH dans les astrocytes (Conant et al., 1994). L'expression importante et précoce de Nef, et son accumulation dans l'astrocyte, sont très fréquemment retrouvées dans les cultures d'astrocytes transfectées de façon latente par le VIH-1 (Tornatore et al., 1994). Nef est détectée dans le cytoplasme et, parfois, dans le noyau. Ces données suggèrent que cette protéine virale pourrait participer à la latence virale, en intervenant à des niveaux divers. Au niveau de la séquence NRE du LTR viral, elle empêcherait l'expression des gènes du VIH-1 (Brack-Werner et al., 1992) et pourrait également restreindre l'activation du LTR (Ambrosini et al., 1999). Les travaux de Gorry et al. (Gorry et al., 1999) mettent en évidence, dans des lignées astrocytaires et des astrocytes primaires fœtaux transfectés, une faible traduction des ARNm viraux. En effet, ils rapportent une production de protéines Tat et Rev fonctionnelles dans les astrocytes. Concernant les gènes tardifs, ce même laboratoire montre l existence d un taux d ARNm RRE + similaire quel que soit le type cellulaire infecté, avec un export nucléaire Rev-dépendant efficace. Néanmoins, les auteurs suggèrent que la production virale restreinte dans les astrocytes est due une traduction inefficace des ARNm codant les protéines de structure. Pour étudier ce phénomène de restriction, Brack-Werner et al. ont mis au point un modèle basé sur l'obtention d un sous-clone transfecté d'une lignée d'astrocytome, TH4-7-5 (Brack-Werner et al., 1992), et contenant un provirus par génome. Divers travaux menés à l'aide de ce modèle montrent que : - la production virale astrocytaire est très diminuée par rapport à celle obtenue lors de l'infection chronique de lymphocytes T, ou de la transfection de fibroblastes ; - la synthèse des protéines Gag est diminuée d'environ 30 fois ; - la production de Nef est, en revanche, significativement augmentée ; - la co-culture de ce clone cellulaire en présence de cellules de la lignée myélo-monocytaire permet la réactivation de la production virale. L'ensemble de ces résultats suggère que l'environnement intracellulaire des astrocytes réprime fortement la réplication virale. Le mécanisme permettant cette restriction de la production virale dans les astrocytes semble différer fondamentalement des phénomènes concourant à la latence observée dans les cellules hématopoïétiques, car l'exposition du clone TH4-7-5 à des inducteurs reconnus de la réplication virale ne mène qu'à une faible augmentation de la production virale (Kleinschmidt et al., 1994). L'étude, par cette équipe, de l'expression des ARNm viraux au sein du clone TH4-7-5, ainsi que dans des astrocytes fœtaux, montre que les ARNm RRE + codant les protéines virales de structure sont absents, ou quasiment, des cellules (Tornatore et al., 1994; Neumann et al., 1995). En effet, la EPHE Banque de Monographies SVT 19

transfection de cellules fœtales avec différents clones infectieux de VIH-1 entraîne une production virale transitoire dans les jours suivant l'infection, suivie d une diminution progressive de la synthèse de tous les ARNm. Dès lors, seuls peuvent être retrouvés les transcrits multi-épissés. Lors de la phase latente, seule la protéine Nef peut être mise en évidence par immuno-histochimie. L'accumulation préférentielle des protéines Nef et Rev dans les astrocytes infectés est en faveur d'un blocage de la régulation post-transcriptionnelle Rev-dépendante. Dans les études du groupe de Brack-Werner, Rev a tendance à s'accumuler plutôt au niveau du cytoplasme des astrocytes infectés (Neumann et al., 1995). Normalement, Rev est majoritairement nucléolaire/nucléaire. Dans le cas des astrocytes, l'accumulation cytoplasmique de Rev l'empêcherait d'assurer sa fonction d'export, et donc bloquerait le cycle viral soit au stade précoce, soit au stade de l'expression des gènes de régulation. Ce groupe a montré que l'inhibition des fonctions de Rev est essentiellement due à l'environnement intracellulaire et non à la protéine Rev elle-même. En effet, la protéine Rev issue de provirus "astrocytaires" est fonctionnelle au sein de cellules n'appartenant pas à la névroglie (Neumann et al., 1995; Ludwig et al., 1999), en interagissant bien avec la séquence RRE. De plus, la transfection d'un plasmide permettant l'expression forte de Rev ne permet pas de restaurer une voie de régulation Rev-dépendante efficace. Ce mécanisme a été mis en évidence tant chez des lignées astrogliales que des astrocytes fœtaux primaires. L'étude de la réplication du VIH dans divers modèles cellulaires amène ainsi à la description de nombreux mécanismes susceptibles d'intervenir dans la restriction de la production virale au sein de la population astrocytaire. BIBLIOGRAPHIE Albertini, M., Pemberton, L. F., Rosenblum, J. S., & Blobel, G. (1998). A novel nuclear import pathway for the transcription factor TFIIS. J Cell Biol, 143, 1447-55. Ambrosini, E., Slepko, N., Kohleisen, B., Shumay, E., Erfle, V., Aloisi, F., & Levi, G. (1999). HIV-1 Nef alters the expression of betaii and epsilon isoforms of protein kinase C and the activation of the long terminal repeat promoter in human astrocytoma cells. Glia, 27, 143-51. Arts, G. J., Fornerod, M., & Mattaj, I. W. (1998). Identification of a nuclear export receptor for trna. Curr Biol, 8, 305-14. Atwood, W. J., Tornatore, C. S., Traub, R., Conant, K., Drew, P. D., & Major, E. O. (1994). Stimulation of HIV type 1 gene expression and induction of NF-kappa B (p50/p65)-binding activity in tumor necrosis factor alpha-treated human fetal glial cells. AIDS Res Hum Retroviruses, 10, 1207-11. Bagasra, O., Khalili, K., Seshamma, T., Taylor, J. P., & Pomerantz, R. J. (1992). TAR-independent replication of human immunodeficiency virus type 1 in glial cells. J Virol, 66, 7522-8. Barre-Sinoussi, F., Chermann, J.C., Rey, F., Nugeyre, M.T., Chamaret, S., Gruest, J., Dauguet, C., EPHE Banque de Monographies SVT 20