ASSOCIATION INTERREGIONALE DE GUIDANCE ET DE SANTE asbl Rue Vert-Vinâve, 60-4041 Vottem 04 / 228.89.89-04 / 227.73.65 - aigs.mg@aigs.be - www.aigs.be La promotion d une économie territoriale coopérante Bruxelles, le 23 novembre 2010 DE LA COHESION SOCIALE EUROPEENNE A LA COHESION SOCIALE LOCALE Marc Garcet, Secrétaire Général Du global au local De l individu, du travailleur au citoyen Je vous remercie de m avoir accueilli à cette tribune à laquelle je participe au nom de l Association Interrégionale de Guidance et de Santé. Cette association agit dans le champ de la santé et de l organisation sociale pour une population de plus ou moins un million d habitants. Créée en 1964, elle compte 35 ans de coopération européenne. Au 31.12.2009, 709 personnes étaient occupées dans toutes ses structures. Elle compte environ 70 services répartis sur la Province de Liège et situés dans une quarantaine de bâtiments. 30 Communes et CPAS de la région liégeoise y sont affiliées. L Europe est une nouvelle instance supra normale. Elle devrait être un Etat souverain point de vue social et culturel, responsable de la qualité de vie de ses citoyens. 1
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Nous desservons cette population à travers une cinquantaine de services allant de la santé mentale à l insertion sociale, à l aide aux personnes handicapées, à la formation professionnelle à l égard des populations stigmatisées, à la formation professionnelle qualifiante destinée à un public sans emploi en mauvaise situation sociale. Nous agissons au niveau local à travers des plans de cohésion sociale dont les Communes sont les promoteurs. Dans ce contexte, l AIGS intervient à titre de partenaire. Nous avons en outre développé des réseaux de coopérations transnationales avec des ONG dans le champ de la formation, de la réinsertion socioprofessionnelle dans le cadre de projets Léonardo, Grundtvig, Hélios, Daphné, après les 27 pays européens. Nous avons, sur cette expérience, publié un ouvrage intitulé «Construire l Europe sociale». Avec des partenaires européens, nous avons créé l Institut Européen de Formation Continue. Notre propos dans cette journée est de témoigner de notre expérience et de faire valoir les liens entre la Déclaration de Lisbonne 2000-2010 et la cohésion sociale définie dans le cadre du Conseil de l Europe 1. Examinons d abord le cadre des intentions du Conseil européen de Lisbonne. Nous examinerons ensuite les recommandations et propositions du Conseil de l Europe autour du concept de cohésion sociale. 1. Intention du Conseil européen de Lisbonne C est le 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne qu une Déclaration de très grande importance est prise en Conseil européen. Cette déclaration est la première depuis la création de l Union européenne avec une dimension plus globale incluant l emploi, la réforme économique et la cohésion sociale. Il s agit pour la première fois d un objectif stratégique fixé avec une perspective de 10 années à venir. Il y a 10 ans, l Union européenne se trouvait face à un formidable bouleversement induit par la mondialisation et par les défis inhérents à une nouvelle économie fondée sur la connaissance. Ces changements touchaient tous les aspects de la vie. En conséquence, l Union se devait de les aborder d une manière conforme aux valeurs propres à l Union et à ses conceptions de la société. L Union devait agir de manière accélérée pour avoir prise sur ces modifications qui se préparaient. La Déclaration de Lisbonne est, à cet égard, très prémonitoire. Elle pressentait déjà les crises possibles liées à la décohésion sociale et économique liée à l absence de règles et de contrôles entre le niveau européen et le niveau national en matière de développement économique, de circulation financière et monétaire. En 2000, les atouts de l Union paraissaient être, dans la perspective macro-économique, les meilleurs qu elle avait connus depuis plusieurs générations. On mettait en évidence la stabilité de la monnaie, l euro, mais aussi une politique de gestion saine, des déficits publics réduits. Ce contexte permettait d augurer pour le futur de possibilités de croissance de l emploi avec les conséquences sur les systèmes de protection sociale. 1 Guide méthodologique édité par les Editions du Conseil de l Europe, Strasbourg, juin 2005, (chapitre 1 les approches conceptuelles de la cohésion sociale). 3
Les atouts cités plus hauts ne pouvaient pas occulter, disait-on, des points faibles : plus de 15 millions d européens étaient toujours sans travail en 2000, le marché de l emploi était caractérisé par un taux d emploi faible et par une participation insuffisante des femmes et des travailleurs âgés. Le chômage structurel de longue durée et les déséquilibres marqués entre les taux de chômage régionaux et les problèmes dont continuent à souffrir, de façon endémique, certaines parties de l Union. La Déclaration se donnait une ligne d action et déclarait que «l Union s est aujourd hui fixé un nouvel objectif stratégique pour une décennie : définir l économie de la connaissance la plus compétitive, la plus dynamique du monde, capable d une croissance économique durable, accompagnée d une amélioration quantitative et qualitative de l emploi et d une grande cohésion sociale. La stratégie globale vise à: 1 préparer la transition vers une société et une économie fondée sur la connaissance, au moyen de politiques répondant au mieux aux besoins de la société de l information ainsi que par l accélération des réformes structurelles et par l achèvement du marché intérieur. 2 moderniser le modèle social européen en investissant les ressources humaines et en luttant contre l exclusion sociale. 3 entretenir les conditions d une évolution saine de l économie et des perspectives de croissance favorables en dosant judicieusement les politiques macro-économiques. Elle devait permettre à l Union de rétablir les conditions propices au plein emploi et à renforcer les cohésions régionales. L objectif était de fixer le taux de croissance économique moyen à 3% pour les années à venir. L absence de maîtrise du marché mondial des capitaux, de la circulation des biens et des services au sein et en dehors de l Union européenne, crée des espaces de turbulences qui échappent à toute forme de gestion sur laquelle l Union européenne peut avoir prise et dont résulte de grands problèmes de cohésion sociale, d exclusion, de confiance et d insécurité dans l Union européenne. La crise survenue dès 2008 a mis en évidence l absence de maîtrise et de contrôle de la circulation monétaire par les Etats : faire des prévisions sans considérer l absence de maîtrise sur les éléments participant à des prévisions constitue une forme de navigation dans le brouillard. Toutefois, il est certain que la Déclaration de Lisbonne a amené plus d identité à l Union européenne. Elle a marqué la voie pour le renforcement de la démocratie européenne. Celle-ci a abouti, dans le cadre du Traité de Lisbonne, à l élargissement des pouvoirs du Parlement européen et à la Charte des Droits fondamentaux dans l Union européenne. Ces avancées sont très importantes pour l avenir de l Europe. La crise de 2008 et l accélération des dispositifs de droits européens ont mis quelque peu de côté la démarche de cohésion sociale sans toutefois négliger l impact apporté par le Traité de Lisbonne de manière durable par rapport à la démocratie européenne. 4
2. Stratégie de cohésion sociale révisée 31 mars 2004 La cohésion sociale au niveau local a été portée par le Conseil de l Europe dès 2004. Le Conseil de l Europe donne corps à la Déclaration de Lisbonne lorsqu il définit la cohésion sociale en approches conceptuelles prescrivant des dimensions plus sociales et d épanouissement individuel. La définition proposée par le guide de la cohésion sociale d une société moderne est sa capacité à assurer de façon durable le bien-être de tous ses membres, incluant l accès équitable aux ressources disponibles, le respect de la dignité dans la diversité, l autonomie personnelle et collective de la participation responsable. Cette définition implique l engagement social des pouvoirs publics et privés (ONG) à réduire les disparités au minimum et éviter toute polarisation. Elle se fonde sur quatre éléments constitutifs du bien-être humain à la base du fonctionnement des sociétés reconnaissant dans les droits de l homme et dans la démocratie les actes fondamentaux de leur organisation : l équité dans l accès, la dignité individuelle et collective, l autonomie de l individu et la participation à la vie collective. On peut mettre en schéma les quatre éléments du bien-être citoyen : Equité Non-discrimination Dignité Reconnaissance Stabilité dans les sociétés modernes Autonomie Développement personnel Participation Engagement Les recommandations du Conseil de l Europe ont cheminé vers l ensemble des Etats membres où la plupart d entre eux ont décidé, pour une période déterminée, de mettre en action des plans de prévention de proximité, appelés plans de cohésion sociale. Ces plans de cohésion sociale se forcent à promouvoir l exercice de l article 6 des droits fondamentaux de compétence régionale : - le droit à un revenu digne, - le droit à la protection de la santé et l aide sociale médicale, - le droit à un logement décent et à environnement sain, - le droit à l information, - le droit à l épanouissement social et culturel. Les plans de cohésion sociale généralement mis en oeuvre au départ des communes dans le cadre des Etats membres doivent répondre aux 2 objectifs suivants : - le développement social des quartiers, - la lutte contre toutes les formes de précarité, de pauvreté et d insécurité. 5
Le PCS doit se coordonner au sein de 4 axes au niveau local, avec la culture du global au local : - l insertion socioprofessionnelle, - l accès au logement décent, - l accès à la santé et le traitement des assuétudes, - le retissage des liens sociaux, interrégionaux et interculturels. Les axes visés et les actions construites avec les acteurs locaux, publics et privés, sont déterminés en fonction des indicateurs et du diagnostic. Le PCS s élabore au départ d un diagnostic local de cohésion sociale construit sur des acteurs locaux en concertation avec les acteurs régionaux. Les objectifs seront opérationnalisés par l équipe sur le territoire en ayant activé les partenaires inclus. 3. L AIGS, acteur de cohésion sociale L AIGS est pleinement engagée dans des plans de cohésion sociale dans plusieurs communes. Notre participation se fait à plusieurs niveaux : 1 Développer des formations destinées aux personnels engagés dans les PCS. 2 Assurer la mise en oeuvre des plans concernant la santé et l intégration socioprofessionnelle (santé mentale, insertion, intégration, enfants, adolescents, adultes) 3 Développement local et reconversion de quartier. Les opérations s opèrent avec la participation des habitants, acteurs généraux et acteurs ressources Nous pouvons témoigner de l efficacité de cette méthode de travail jusque là unique dans sa conceptualisation. Développement local et création d une identité partagée en Eurégio La compréhension sociologique, anthropologique et socio-sanitaire des problèmes sociaux a généré des méthodologies nouvelles alliant l individuel et le collectif dans la transversalité territoriale, qualifiée d écologie sociale. L AIGS avec ses partenaires locaux, partant des ressources écologiques et du patrimoine culturel, ont valorisé des sites touristiques, artistiques, culturels et ornithologiques en zone eurégionale, dans la Vallée du Geer. En 15 ans, ils ont créé des dynamiques de développement : Comité d artistes, festivals, expositions, causeries, pole économique, L Administration communale de Bassenge est inscrite dans le plan de développement rural de la Région wallonne. Dans la Commune d Herstal où certains quartiers on un taux élevé de personnes issues de l immigration et d inactifs, où sévissent des problèmes de consommation, d inactivité et de violence urbaine, les résultats en moins de 2 ans de travail réalisé dans le cadre du PCS sont tout à fait significatifs. On voit l apparition de signes évidents de re-solidarisation, de création de liens sociaux, de convivialité où s affirme de manière nette une conscience de citoyenneté liée au territoire, partagée par tous ses habitants quelle que soit leur origine africaine, asiatique, européenne, 6
4. La stratégie de l Europe pour 2020 Cette fois, les objectifs semblaient être plus modestes et plus réalistes. Dans le contexte actuel de sortie de crise et de réduction des déficits publics, la stratégie vise à maintenir les investissements dans la recherche, l innovation, la formation tout en prônant des réformes structurelles. Le projet 2020 évoque une économie sociale de marché durable qu il faut faire évoluer pour rendre l Europe plus compétitive. La stratégie 2020 identifie 3 axes : - Une croissance fondée sur la connaissance et l innovation (croissance intelligente) (renforcement de la cohésion sociale et des opportunité dans un monde d innovations, accent mis sur l enseignement, politiques encourageant la recherche, l économie numérique et les projets communs), - Une société intégratrice à haut niveau d emploi (croissance inclusive) (augmentation du taux d emploi, acquisition de nouvelles compétences, transition en douceur entre différents emplois, importance particulière du travail indépendant qui doit devenir une véritable option pour les personnes qui ont récemment perdu leur emploi, lutte contre la pauvreté.) - La croissance verte : une économie compétitive et durable (croissance durable) (pour combattre le changement climatique et être plus concurrentielle, l UE devrait accroître sa productivité en consommant moins de ressources et d énergie non renouvelables et de manière plus efficace dans un monde où les prix sont élevés et où la concurrence s intensifie) 5. Situation actuelle et propositions de l AIGS Le taux de chômage, suite à la crise des 2 dernières années, s est affirmé. Il représentait globalement en Europe, un taux de 9,5% UE27-9,9% zone euro (janvier 2010) par rapport à la main d oeuvre disponible. Nous proposons, dans la perspective de 2020, la mise en oeuvre de 3 mesures particulières dans le cadre de l économie sociale : 1. Considérer l économie sociale de service à la communauté comme un instrument de mise à l emploi et d insertion pour les couches de population les plus sédimentarisées dans l inactivité en créant : 1.1. des entreprises sociales de services domestiques et de proximité à la communauté comme tremplin à l insertion, 1.2. des entreprises sociales permanentes de services de proximité en lien avec la politique de cohésion sociale locale et 1.3. des entreprises européenne sociales d intérêt public (ESIP) avec un statut juridique spécifique et des règles économiques particulières, à l image du GEIE. 7
1.4. L ESIP pourrait avoir une vocation eurégionale. 1.5. Le FSE le FEDER pourraient soutenir les investissements des «entreprises sociales» d intérêt public et articuler une nouvelle complémentarité. 1.6. Le FSE peut considérer que les associations de communauté locale et ONG régionales sont des acteurs privilégiés pour la création d emplois en entreprises sociales d intérêt public. 2. Créer un droit social européen en rassemblant les bases dans le cadre d une nouvelle Charte Sociale où droits fondamentaux, travail, citoyenneté, responsabilité sont liés (voir «Construire l Europe sociale»). 3. Proposer un système basé sur plus d efficience et la responsabilité des organisations et des citoyens par la mise au point de critères de rentabilité sociale. Selon chaque service, l analyse s opère avec les critères spécifiques selon 5 indices : l utilité sociale, la pertinence, la qualité de vie apportée en plus, la plus-value sociale induite, la solidarité ou l inscription du résultat dans les finalités européennes ou mondiales (voir «L économie ne peut être que sociale») 4. La «bonne gouvernance» est de nature à conforter la confiance nécessaire à la culture d une Europe performante. Toutefois, La «bonne gouvernance» du secteur de l économie de service d utilité collective, exige des règles que le FSE peut promouvoir. 5. Attaquer les causes du syndrome de «retrait professionnel» en incluant la réadaptation psychosociale vers l emploi pour les demandeurs d emploi de longue durée, avec fragilité mentale dans les publics cibles. 6. Encourager l initiative et la responsabilisation individuelles en stimulant l esprit d entreprendre et la culture du résultat (projet personnel / auto-évaluation). 7. Stimuler la recherche-innovation de nouveaux modèles d inclusion professionnelle en entreprise (coaching, alternance, e-learning pour les connaissances nouvelles et présentielles pour la pratique, formations en entreprise avec emplois à la clé, valorisation des plus bas niveaux dans les nouveaux secteurs économiques et les nouvelles technologies.) 8
PUBLICATIONS La personne handicapée maître de sa réhabilitation Commission européenne DG V - Hélios 1993-1996 1996 Pratiques de la coopération contre la discrimination Commission européenne DG V E-H 2000 *En marche vers un idéal social - Homme, individu, citoyen - L Harmattan - Questions contemporaines 2005 Coécrit avec Serge Dalla Piazza Aux Editions L Harmattan, Paris - Collection «Au Carrefour du social», dirigée par Serge Dalla Piazza et Marc Garcet *L avenir de l homme en question 2009 Coécrit avec Serge Dalla Piazza *Construire l Europe sociale - 2010 *Vivre dans un désert industriel Jeunes, inactifs, immigrés, une question d identité Recherche-action entre 2001 et 2003 dirigée par Serge Dalla Piazza et Marc Garcet et avec le concours de Rose-Marie Dethier, Jean-Marie Donnay, Pascale Laruelle, Chloé Martin, Michel Martin, Marianne Michiels, Isabelle Notelteers, Luc Vandormael ainsi que des animateurs et des stagiaires de l Organisme d'insertion Socio-Professionnelle, du Plan Social Intégré et de l Aide en Milieu Ouvert - 2010 L économie ne peut être que sociale en cours de rédaction *Ces livres peuvent être acquis en ebook sur le site : «http://www.editions-harmattan.fr» 9