Le cas des migrants tunisiens



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Transcription:

Projet MIREM (Migration de retour au Maghreb) Action collective de soutien à la réintégration des migrants de retour dans leur pays d origine Réponses aux questionnements soulevés au cours de la première rencontre consultative 23-24 novembre 2007 Institut Universitaire Européen, Florence, Italie Le cas des migrants tunisiens Abderazak Bel Haj Zekri

Question 1 : Comment différent les différents profils socioprofessionnels de migrants tunisiens de retour en termes de perspectives pré et post-retour? Les études menées sur le retour des émigrés tunisiens se sont intéressées au processus de retour et de réinsertion socioéconomique des migrants, notamment à travers deux dimensions liées à la fois à la préparation et au projet de retour. Elles ont montré que certains déterminants sociaux et professionnels influent sur la nature de ce processus et différencient les comportements des migrants de retour. les caractéristiques éducatives et socioprofessionnelles : niveau d instruction avant le départ, le statut professionnel avant l émigration et dans le pays d immigration, la durée de l expérience migratoire et ses acquis, notamment dans le domaine de la formation. les caractéristiques sociales : le degré d intégration socioculturelle dans le pays d immigration, la nature des liens familiaux, des liens avec la localité d origine (fréquence des visites annuelles en Tunisie), enfin des liens avec le pays d origine(régularité et importance des transferts de revenus effectués et des investissements réalisés). Les données de l enquête menée en Tunisie auprès de 330 migrants de retour, ont montré que 265 migrants avaient décidé de retourner de leur plein gré en Tunisie et 65 migrants furent contraints au retour. Avant leur départ de Tunisie, la plupart des migrants étaient des actifs dans leur pays ; les statistiques indiquent la prédominance des salariés, soit 35,8 % dont 26,1 % dans des emplois permanents et 9,7 % dans des postes à durée déterminée et/ou partielle. La répartition des autres statuts professionnels se résume de la manière suivante: 15,5 % ont été des travailleurs saisonniers, 14,3 % ont occupé des activités libérales et 1,2 % étaient des employeurs/chefs d entreprise. En s installant dans le pays d accueil, les différents statuts professionnels ont connu des changements significatifs. Le taux des salariés est resté prédominant a été multiplié par 1,6, passant de 35,8 % avant de quitter la Tunisie à 56,7 % dans le PPI ; (dont 23,3 % occupent des emplois permanents, et plus de 33 % des postes à durée déterminée et/ou partielle). Les activités libérales ont également connu une forte progression. La taux des employeurs/ chefs d entreprise a été multiplié par six, en passant de 1,2 % à 7 %. Par ailleurs, on note également une légère augmentation de la part des travailleurs autonomes réguliers (passant de 5,2 % avant le départ de Tunisie à 7,3 % dans le PPI). En revanche le statut des travailleurs autonomes irréguliers a subi une diminution de 2,33 fois, il est passé de 9,1 % des travailleurs avant de quitter la Tunisie à 3,9 % dans le PPI. Il est à remarquer que le statut des migrants actifs à l étranger s est amélioré par rapport à celui qu ils avaient dans leur pays d origine. De plus, l émigration a divisé par deux le taux de chômage de l échantillon. Au retour dans le pays d origine, les migrants sont majoritairement des salariés (26,3 %) puis des travailleurs autonomes (13,6 % dont 8,8 % réguliers) et enfin des chômeurs (6,4 % contre 4,5 % au PPI et 9,7 % à la veille du départ). La migration a contribué à la modernisation des secteurs d activités liés aux professions exercées par les migrants de retour en Tunisie. En effet, il convient de noter un attrait majeur pour les secteurs les plus modernes: 37 % des migrants de retour (décidés et imposés) en Tunisie sont actifs dans les branches du commerce (13,6 %), de l hôtellerie (12,1 %) et de l éducation (11,5 %). En revanche, les secteurs d activités traditionnelles tels que l agriculture et la construction qui représentaient 21,5 % des activités à la veille du départ de Tunisie, n atteignent que 7,5% lors du retour. 1

Question 2 : De quelle manière les migrants dont le retour est temporaire se distinguent des migrants dont le retour est permanent? Du fait de l'émergence d'une émigration récente vers de nouvelles destinations européennes, en particulier l'italie (2ème pays d'accueil des émigrés tunisiens le débat sur le retour et son caractère temporaire ou définitif revient à l'ordre du jour. En effet cette émigration récente est confrontée à un contexte socio-économique, voire même politique ne favorisant pas toujours une intégration et une installation durable dans le pays d accueil. Les résultats de l'enquête du projet MIREM apportent des éclairages concernant la distinction entre les migrants de retour temporaire et les migrants de retour permanent. La première constatation montre que plus de la moitié des émigrés enquêtés (58,5 %) n envisagent pas de ré-émigrer, optant ainsi pour un retour définitif. Toutefois, si l on se réfère à la nature du retour, on constate que cette intention ne concerne que 47,7 % des migrants contraints au retour, contre 61,1 % des migrants ayant décidé de retourner en Tunisie. Les migrants dont le retour est déclaré comme étant temporaire se subdivise en deux catégories,: près de 18 % d entre eux planifient une ré-émigration très certaine (26,2 % ont eu un retour forcé et 15,8 % un retour choisi) et 23,6 % envisagent un nouveau départ comme étant probable (26,2 % ont eu un retour forcé et 23 % un retour choisi).ainsi, le retour temporaire peut aussi bien concerner les émigrés dont le retour fut contraint que ceux dont le retour fut décidé. En se réinstallant en Tunisie, 72,1 % de la totalité des interrogés déclarent être satisfaits d être revenus en Tunisie. 81 % des migrants dont le retour fut choisi se disent satisfaits de vivre en Tunisie. 50,3% des migrants déclarent que leur niveau de vie actuel s est amélioré par rapport à celui qu ils avaient à l étranger et qu ils vivent mieux dans leur pays d origine (50,3 %). Cette dernière catégorie constitue la part de ce qu'on pourrait qualifier de migrant dont le retour est définitif. La moitié des enquêtés définissent leur retour comme temporaire. Cette attitude peut s expliquer par les contraintes auxquelles sont confrontés les migrants depuis leur retour que celui-ci soit décidé ou non. En effet les obstacles majeurs résident dans les difficultés administratives, les bas salaires et les problèmes de réadaptation en Tunisie. Comme on peut s y attendre, ces problèmes sont encore plus forts dans le cas des migrants contraints au retour. S'agissant de l'évaluation du contexte lié au retour, 23,9 % des migrants de retour jugent adéquates les mesures prises pour faciliter le retour. La majorité de cette catégorie se compose de migrants ayant décidé leur retour, contre, seulement 4,6 % des migrants contraints au retour. Cette constatation marque une nette démarcation entre les émigrés de retour définitif ou temporaire. L analyse des données empiriques relatives aux migrants de retour en Tunisie, recueillies dans le cadre du l enquête MIREM, apporte de nouvelles réponses quant aux tendances actuelles des flux de retour en Tunisie, Entre autres, trois variables peuvent être soulignés à savoir : * l âge des migrants : Tous les seniors décident, généralement, de retourner au pays de manière volontaire et n ont pas le désir de ré-émigrer, contrairement aux migrants plus jeunes qui ont plus de difficultés à se réintégrer au pays (d où l éventualité d une ré-émigration). * L expérience migratoire acquise à l étranger : Elle peut permettre au migrant tunisien d améliorer son niveau de vie, son capital humain et social et de valoriser ses compétences (Ceux dont c est le cas effectuent des investissements et planifient un retour définitif) * Le contexte du pays du retour : En fonction des conditions rencontrées il peut faciliter le processus de réintégration ou être à l origine d une volonté de ré-émigration. 2

Les migrants dont le retour est temporaire se distinguent par leur jeune âge et la courte durée de leur expérience migratoire, qui n a pas permis d atteindre les objectifs, assignés à leur migration. Cependant, les résultats de l enquête montrent que le caractère temporaire du retour n est pas forcement lié à la situation financière des migrants de retour. Question 3 : Dans quelle mesure le contexte institutionnel, ainsi que le milieu rural ou urbain, influencent les perspectives de réintégration des migrants tunisiens et leur capacité à investir dans le pays d origine? La stabilité politique et sociale, les performances économiques ainsi que l amélioration de l environnement des affaires grâce aux nombreuses réformes accomplies, ont largement contribué à la réalisation d un nombre non négligeable de projets par les migrants tunisiens (de retour définitif ou non) et ont consolidé l investissement, national et international. De multiples mesures ont été prises afin d encourager les tunisiens à l étranger à contribuer à l effort de développement économique de leur pays d origine et à impulser l épargne nationale. Les mesures mises en place en faveur de cette population furent la création d une franchise sur les taxes et les droits de douanes pour l importation de matériel et de biens d équipements servant à la réalisation d un projet économique en Tunisie. D autre part, des colloques et des rencontres furent organisées pour améliorer l information et promouvoir d avantage la participation des migrants à l effort de développement de leur pays d origine. Cependant, et malgré ce contexte institutionnel favorable, les migrants de retour n ont pas manqué lors de leur retour de rencontrer des difficultés, telles que des tracasseries administratives (24,1 %) et un manque d appui à la réinsertion (84,2 %). 30 % d entre eux déclarent avoir vécu depuis leur retour, dans des conditions moins bonnes que dans le PPI si non très mal. 41 % des enquêtés ont déclaré avoir réalisé un ou plusieurs projets dans leur pays d origine dont 43,5 % parmi ceux qui ont décidé le retour et 31 % contraints au retour. Il est à noter à ce niveau, que le milieu d origine n est pas sans importance quant à la propension d investissement de la part des migrants de retour. À cet effet, 74 % des investisseurs sont issus d un milieu urbain et 74 % des projets relèvent du secteur des services, 17 % de celui de l industrie et seulement 9 % appartiennent au secteur agricole. Il existe donc un lien entre le contexte institutionnel et la motivation à investir ainsi qu un lien entre le milieu d origine du migrant de retour investissant en Tunisie et la nature du projet économique créé. Question 4 : Quels facteurs contextuels, aussi bien dans les pays d immigration qu en Tunisie, agissent sur la décision d investir? Comment pérenniser l investissement opéré par le migrant de retour tunisien? L évolution du statut professionnel des enquêtés dans le - PPI - se présente comme une valeur explicative de la décision d investir dans le pays d origine en cas de retour. Cela explique l évolution importante enregistrée au niveau des migrants de retour employeurs et chefs d entreprises passant de 1,2 % avant le départ à 7 % dans le PPI pour atteindre près de 28 % au retour dans le pays d origine. Il est à noter, par ailleurs, que plus de la moitié des migrants (54,5 %) ont effectué des transferts financiers vers leur pays d origine. Ces transferts étaient destinés, entre autres, au financement de projets économiques. Ainsi 92 % des migrants de retour ayant effectué un investissement l ont fait sans avoir recours à un emprunt et l ont autofinancé. 3

Les réformes structurelles initiées par les pouvoirs publics tunisiens visant à la consolidation de la politique d ouverture et à l incitation de l initiative privée ont redéfini le cadre de l investissement en Tunisie. Elles ont participé à l augmentation du nombre de migrants de retour ayant investi dans leur pays d origine. Le partenariat avec les pays d immigration aurait pu favoriser l investissement des migrants de retour. Cependant l intention affichée des pays d accueil de consolider de telles initiatives est restée lettre morte; Les programmes d aide à la réinsertion des migrants de retour se caractérisent par de faibles aides financières et des actions de formation à portée limitée. Les résultats obtenus par les mesures prises par certains pays d immigration, notamment la France confirment cette constatation. Cependant, l engagement des pays d immigration pour la mise en œuvre d instruments financiers et bancaires et de programme de formation destinés aux migrants de retour, pourrait favoriser la capacité des émigrés tunisiens à investir. La concrétisation de cet engagement pourrait s effectuer en favorisant l investissement des migrants vers des projets productifs dans le cadre de programmes de co-développement, et en encourageant les institutions bancaires à présenter des mécanismes financiers d accompagnement des émigrés porteurs de projets. La poursuite d une telle consolidation de la part des pays d'immigration et des différentes institutions (financières, d'aide au développement), conjuguée à un effort d assistance de la part des institutions publiques concernées par l investissement en Tunisie, ne peut qu inciter d avantage de migrants à investir et à développer leurs projets. Question 5 : Sur la base de l enquête MIREM, quel profil de migrant de retour semble le plus enclin à investir? L enquête menée dans le cadre du projet MIREM nous a permis d identifier des outils d analyse et de compréhension quant au profil du migrant de retour enclin à investir. C est ainsi que le retour constitue (selon l enquête MIREM) un processus qui s inscrit dans le temps et dont le degré de préparation est tributaire de facteurs à la fois propres à l expérience migratoire de l individu et extérieurs à celle-ci. Pris ensemble, ces éléments donnent des variables clés permettant de comprendre les modes de réinsertion des migrants et surtout leurs capacités d investissement dans le pays d origine. * l âge : Près de 33 % des migrants investisseurs appartiennent à la tranche d âge 40/49 ans, 28 % sont âgés entre 50 et 59 ans seulement 6 % des retraités ont investi dans leur pays. * Durée de l expérience migratoire : La durée optimale de l expérience à l étranger pour les migrants investisseurs en Tunisie s étend entre 10 et 15 années soit 24,4% et 15 à 20 années soit 16.3%. La tendance connaît un fléchissement avec l allongement de la durée migratoire (seul 8,9% des émigrés ayant une expérience migratoire située entre 20 et 25 ans ont investi en Tunisie). 4

* Acquisition de formation professionnelle dans le dernier PPI : Seul 31 % des migrants de retour créateurs de projets, ont acquis une formation lors de leur séjour à l étranger. Cependant cette formation n a pas manqué de valoriser leurs qualifications. Ceci apparaît largement dans leurs statuts et leurs choix d orientation professionnelle après leur retour. En effet, les activités salariales ont perdu leur première position (26,3%) au profit des activités libérales et ou indépendantes (41,6%). * statut professionnel dans le dernier PPI : Il est à noter que plus de 75% des émigrés ayant occupé un emploi autonome dans le dernier PPI ont effectué un investissement à leur retour contre 34,7% des salariés. * Niveau d instruction : Près de 50 % des investisseurs ont un niveau secondaire, 24,5 % ont un niveau primaire et 11 % supérieur. Il est à remarquer, par ailleurs, que les femmes émigrées jouent un rôle de plus en plus important dans la création de projets économiques du fait de leur haut niveau d instruction. Parmi les 11,5 % des femmes interrogées, 7 % sont à la tête de projets économiques. Question 6 : Puisque le choix du retour constitue une variable explicative des modes de réintégration des migrants, peut-on influencer le choix du retour par des compagnes d information? Plus de la moitié des migrants tunisiens de retour (52,7 %) affirment que la famille constitue la principale source d information dans le processus de retour. 14,6 % ont eu recours aux organisations gouvernementales et aux consulats pour obtenir des informations sur le retour. Plus d un quart sont revenus sans avoir eu recours aux sources d information. Les migrants contraints au retour se distinguent, en formant la catégorie la plus importante de personnes n ayant pas recueilli d information dans la phase pré retour (30,8%). Cela s explique par l interruption soudaine du projet migratoire et par le manque de temps nécessaire à la préparation du retour. Pour les migrants contraints au retour, la famille demeure la principale source d information, mais son rôle s avère toutefois amoindri par rapport aux migrants dont le retour est décidé. Avant le retour dans leur pays d origine, la quasi-totalité des migrants soit 85% ont discuté du retour (47 % en ont parlé souvent, 25,5 % parfois et 12,4% très rarement) contre 15 % des migrants qui ne l ont jamais fait. En analysant l impact de fréquence de discussions à propos du retour, on constate que plus la discussion est fréquente et régulière, plus le retour est décidé par le migrant (78,9 % contre 46,2 %) et s effectue dans des conditions favorables. Le choix du retour est généralement influencé par l entourage proche du migrant et dans une moindre mesure par des sources officielles appelées à orienter le migrant de retour afin de garantir une meilleure réinsertion. Les migrants sont demandeurs d information concernant les possibilités de réussir leur réinsertion. Ainsi des campagnes d information (sur les mesures d encouragement, les possibilités d investissement au niveau régional et sectoriel ainsi que sur les priorités d investissement inscrites dans les plans de développement) ciblées, permettraient de lutter contre l échec du retour et favoriser le développement du pays. 5

Question 7 : Comment et pour quelles raisons, le retour des migrants hautement qualifiés (le dit retour des cerveaux) en Tunisie diffère-t-il de celui des migrants moins qualifiés? Quelles conditions et perspectives de retour les caractérisent le plus? L émigration première de Tunisiens hautement qualifiés (étudiants et universitaires) vers les pays industrialisés, souhaitant continuer leurs études ou ayant accepter un contrat de travail, n a pas regagné la Tunisie. L émigration des migrants hautement qualifiés a continué,, notamment au cours des années 90, touchant les meilleures élites formées par les institutions universitaires tunisiennes qui sont parties en Europe et enamérique du Nord (USA et Canada). Ce drainage de compétences est certes avantageux pour les pays d accueil, mais l est bien moins pour les pays d origine. Conscients de la spécificité de cette catégorie de migrants et de l'importance de la participation des expatriés dans le développement de la Tunisie, les pouvoirs publics ont adopté une stratégie leur étant destinée, associant l ensemble des partenaires publics (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Ministère des affaires sociales et des Tunisiens à l'étranger ) et privés. Cette démarche consiste à faire participer les Tunisiens de l étranger dans la définition des priorités au niveau de la recherche fondamentale ou appliquée et dans la mise en place des structures appropriées. Pour se faire, la Tunisie a noué un nouveau type de relation avec les migrant hautement qualifiés résidents à l étranger, reposant sur une collaboration virtuelle permettant l édification de la Tunisie de demain sur les plans technologiques, financiers et même humain. C est ainsi qu un réseau d élites tunisiennes résidentes à l étranger a été mis en place dans le but de mieux participer au développement de leur pays d origine. S'agissant du retour de cette catégorie, le retour temporaire est privilégié, dans le cadre de programmes de recherche ou d'enseignement. Une attention particulière est portée au secteur de la santé en renforçant les liens avec les émigrés compétents dans ce secteur, afin de consolider le rendement de la santé publique et des entreprises pharmaceutique. Question 8 : Peut-on approfondir l étape relative à l expérience migratoire vécue à l étranger, afin de comprendre l impact de celle-ci sur les modes de réintégration en Tunisie? Par exemple, peut-on dire qu une expérience d intégration réussie à l étranger signifie également une expérience de réintégration réussie en Tunisie, après le retour (temporaire ou permanent)? Au retour dans le pays d origine, les différents statuts professionnels ont connu des changements significatifs, c est ainsi que les activités salariales ont perdu la première position au profit des activités libérales indépendantes. En effet, les activités salariales n occupent plus que 26,3 % des migrants de retour contre 56,7 % dans le PPI quand aux activités libérales, elles ont connu une croissance très importante puisque 41,6 % des migrants de retour se sont mis à leurs propres comptes contre 18,2 % dans le PPI. Ceci montre l importance de la qualification acquise à l étranger par le migrant tant sur le plan économique que sur le plan du capital humain. Il est aussi important de souligner que le statut des migrants actifs au retour s est nettement amélioré par rapport au statut occupé à la veille du départ de la Tunisie. Cette expérience professionnelle migratoire vécue avant le retour au pays a fait diminuer le taux de chômage des personnes interrogées passant de 9,7 % à 6,4 %. Lors de leur retour les migrants 6

choisissent également des emplois plus stables. Avant le départ 15,5 % étaient des travailleurs saisonniers, alors que ce pourcentage n est plus que de 1,8 % au retour. Il est à remarquer que l effectif de femmes aux foyers était de 4,2 % avant le départ, au retour dans le pays d origine ce ratio n est plus que de 2,1 %. L amélioration constatée quant au statut de la femme émigrée engendre des effets bénéfiques sur le noyau familial participant ainsi à la réussite de la réintégration dans le pays d origine. Le migrant ayant accumulé du capital humain et social tout en valorisant ses compétences connaît une meilleure réintégration dans son pays d origine. La réussite de cette intégration reste tributaire, outre l expérience migratoire, de l espace de réintégration et des facteurs et circonstances motivants le retour dans le pays d origine. 7