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La lettre de Square # 3 Octobre 2012 Les réglementations bancaires

Sommaire 1 Présentation par Adrien Aubert, project manager et Aziz Kefi, consultant senior, Vertuo Conseil Pour une approche critique des dispositifs bâlois P 3 2 Les clés d une mise en œuvre réussie avec le Directeur des Risques de la Banque Postale Un entretien avec François Geronde P 5 3 Expertise par Philippe Richard, directeur des Affaires internationales de l Autorité de contrôle prudentiel (ACP) Comment Bâle III et Solvabilité II vont modifier les règles prudentielles dans la banque et l assurance P 7 3/12

1 Présentation par Adrien Aubert, project manager et Aziz Kefi, consultant senior, Vertuo Conseil Pour une approche critique des dispositifs bâlois L affirmation semble incongrue en cette période de crise et de rejet populaire des acteurs bancaires : «la sphère financière n a jamais été autant régulée». Comptabilité, gestion des risques, rémunération, transparence et communication constituent autant de thèmes couverts par des lois spécifiques ou des standards internationaux qui viennent se greffer aux lois régissant déjà le monde du travail. Dans ce cadre, l action du Comité de Bâle, qui définit les grands principes de maîtrise des risques financiers depuis une quinzaine d années, doit permettre de renforcer la solvabilité des établissements bancaires et promouvoir un financement sain et pérenne de l économie. Comment est-il encore possible que de grands déséquilibres financiers parviennent à déstabiliser même les pays les plus puissants de la planète? Tour d horizon d une réglementation imparfaite. Le principe fondateur Le concept bâlois repose sur l idée qu une banque doit à tout moment disposer de réserves minimales en termes de fonds propres afin de pouvoir faire face à tout événement de défaut, de retrait massif de dépôts ou d éventuelles pertes. Deux des principales contraintes règlementaires portent sur l estimation de la quantité requise d une part, sur le respect de critères de qualité relative à la nature de ces fonds propres (Pilier I) d autre part. La première contrainte impose un seuil minimal de 8% entre les fonds propres et les actifs pondérés des risques (APR, ou RWA pour Risk Weighted Assets), qui correspondent à une estimation de l ensemble des expositions potentielles ou avérées (en termes de risque de crédit, de marché et opérationnel), couplées à un coefficient symbolisant le risque associé à chacune de ces expositions (en se fondant par exemple sur les évaluations publiées par certaines agences de notation). La seconde contrainte impose que, parmi ces 8%, au moins 2 points correspondent au capital et aux réserves accumulés (le Core Tier 1 ou noyau dur de la banque), limitant ainsi la part des capitaux dits hybrides (obligations, actions, etc.) dans les fonds propres éligibles, ce qui traduit plus fidèlement la solvabilité réelle de l établissement. Les normes bâloises s attachent également à promouvoir les bonnes pratiques en termes de gestion des risques, notamment le pilotage et le contrôle interne (Pilier II), ainsi qu à harmoniser la structure et la typologie des informations financières diffusées sur les marchés (Pilier III). Au-delà de ces principes théoriques, désormais acquis comme standards de l ingénierie financière, des lacunes existent, notamment au plan du périmètre d application ou au niveau de certains mécanismes de calcul. Une réglementation, oui mais pour qui? Dans un contexte de transactions internationales, les réglementations bancaires devraient s appliquer à l ensemble des établissements intervenant sur les marchés financiers. Dans la réalité, charge aux États membres de l OCDE de montrer l exemple. Mais dans la pratique, tous les pays ne jouent pas le jeu : face aux réticences américaines à contraindre le bilan de leurs banques, seule l Union Européenne, en bon chevalier servant, se dote d un cadre réglementaire s appuyant en particulier sur une série de rapports (COREP/FINREP produits par les différents acteurs) que les régulateurs de chaque État membre ont pour mission de contrôler afin de garantir la résilience de leur système financier, aussi bien en situation «normale» (production trimestrielle) que dégradée (stress tests), pour les structures dites systémiques comme pour celles de taille plus réduite. En clair, les banques européennes appliquent des règles économétriques de quantification des fonds propres réglementaires selon le profil de risque de leur clientèle, là où les établissements américains ou asiatiques pilotent sur la base d indicateurs très peu cadrés d un point de vue prudentiel, type ratio de levier, bien loin des mécaniques complexes d estimations des pertes attendues (EL : Expected Loss) et inattendues (UL : Unexpected Loss). Au regard de l importance des fonds propres dans la tarification clients et la stratégie de rémunération des actionnaires, comment peut-on espérer établir une concurrence loyale dans un contexte de transactions croisées à l échelle internationale, instantanées et dématérialisées? Avant de se complexifier davantage et de se rendre encore moins acceptables du point de vue des banques, les principes de gestion des risques doivent en priorité élargir leur socle d application à l ensemble des économies de marché. Trop vite, trop tard Ces réglementations bancaires, partant d une volonté initialement saine d améliorer la sécurité des banques et par là même le financement général de l ensemble des agents économiques, peuvent être lues aujourd hui au travers d une grille de lecture de l histoire qui met en exergue leur retard, et parfois même leur caractère facilitateur de krachs financiers. Si le standard Bâle I devait répondre à des événements de faillites en chaîne constatés dans les années 70, les normes Bâle II corrigeaient ce premier dispositif en l affinant (d aucuns diraient en le complexifiant) et en l adaptant à la finance moderne et à la multitude de produits de bilan et de hors bilan inventés dans les années 1990-2000. Parmi les principales caractéristiques, les nouveaux mécanismes proposés permettaient une réduction très significative du risque de crédit par l achat de dette souveraine, tandis qu une simple évaluation par les agences de notation des opérations de titrisation de ces fameux CDO (collateralized debt obligations), autrement dit ces obligations à risque adossées à divers actifs incontrôlés et/ou incontrôlables, suffisait à juger les risques. Incitées de la sorte, les banques 4/12

ne tardèrent pas à adapter leur portefeuille en formant un «couple risque/ rentabilité» règlementairement efficient, avec des conséquences encore difficiles à estimer. La diffusion des directives CRD II (transposées en droit français en 2010) puis CRD III ont aménagé dans l urgence des coussins de sécurité supplémentaires en termes de fonds propres (buffers) et de nouvelles exigences de contrôle interne, mais avec tout de même deux ans de retard. Dernier déphasage en date : dans le cadre des discussions autour de la CRD IV (la transposition des Accords de Bâle III), le dernier texte soumis suggère de restreindre l utilisation des notations externes aux portefeuilles faiblement dimensionnés tout en soumettant ces ratings au propre jugement de crédit de l établissement exposé, même en approche standard. On doit rire jaune autour de la Méditerranée. Quelles limites? Le contexte actuel de méfiance généralisée, combiné aux nouvelles exigences relatives à la quantité et à la qualité des fonds propres, engendre un blocage quasi-total des liquidités et pousse les banques à se transformer en coffres forts, en attendant de voir si la traditionnelle monnaie de référence, les obligations d État ou bons du trésor, retrouvent leur cours habituel. Un ajustement des taux directeurs nuirait à un investissement déjà moribond mais semble pourtant inéluctable pour tenter d inciter les établissements à prêter à nouveau. Car il ne faut pas perdre de vue la mission initiale des banques : financer les projets des particuliers et le développement des entreprises. Or, en déployant d importants budgets et effectifs sur l aboutissement des dispositifs bâlois en interne, prioritaires sous peine d amende, et malgré le renfort récurrent d équipes de consultants externes apportant une vision comparative et opérationnelle de textes de lois parfois trop conceptualisés, les banques ont pris du retard sur leur propre développement et le maintien de leur compétitivité sur le plan international, au point d inquiéter au plus haut niveau. En l occurrence, il est probablement dans l intérêt des pouvoirs publics de ne pas froisser, par des effets d annonces spectaculaires, des banques qui achètent leur dette, dont la qualité de crédit n est elle-même plus vraiment synonyme d une gestion sans faille Anticiper une transition progressive Toutefois, depuis quelques mois, un constat semble faire l unanimité parmi les partenaires financiers : le volume d échanges et de séances de travail, témoin de la coopération constructive qui se met en place, n a jamais été aussi important entre le régulateur et les acteurs financiers. Établir un nécessaire partage de l information, et pas seulement de manière unilatérale, permettra à terme d ajuster un dispositif réglementaire acceptable, accepté, intégrant plus efficacement les particularités de notre économie telles que la consolidation comptable des bancassureurs. S il paraît facile de pointer du doigt les lacunes des réglementations au regard des actualités financières, il s avère en revanche nettement plus ardu de mesurer ce qu elles ont permis d éviter. L Histoire nous montre que les réglementations bancaires sont aujourd hui indispensables pour encadrer un accroissement de la prise de risque, poussée par des exigences de rendements insensées. Elles permettent a minima de ne pas reproduire jusqu ici les erreurs commises par le passé et diffusent une compétence risque trop souvent minimisée face à l importance de la rentabilité. De plus, elles incitent également à une mise à niveau des infrastructures techniques combinées à des procédures humaines fiabilisées. La mission des organismes de régulation, fondamentalement apolitique, doit donc se focaliser sur la compréhension des besoins de chaque économie, non pas pour dissuader l investissement mais au contraire pour faciliter la mission des banques, soutenues en cela par les cabinets de conseil, dans la maîtrise, le choix et la priorisation du financement du développement durable. Quand la politique s en mêle La récente campagne présidentielle a illustré la méconnaissance profonde des réalités bancaires par les responsables politiques. L idée, pas tout à faire récente, de contraindre à dissocier, par une filialisation ou le cantonnement juridique, les activités de banque de détail des activités de spéculation, constitue une attaque frontale pour le système français (et allemand d ailleurs, où le même débat a lieu) qui s est pourtant démarqué depuis 2008 par une certaine résilience à la crise des subprimes. Les activités de marchés s avèrent d ailleurs indispensables dans la mise en place d une couverture contre les fluctuations des devises, des taux, des prix : qui oserait sérieusement se lancer dans un financement structuré en Chine sans swaper un yuan depuis trop longtemps sous-évalué contre de l euro ou du dollar américain? Par ailleurs, l interdiction pure et simple de certains produits en France ne serait qu une simple mesure de vitrine, car ces instruments seraient alors mis en place via des filiales à Londres, une place qui reste encline à la spéculation, en particulier sur les CDS (credit default swap). Enfin, parmi les autres pistes envisagées, la hausse de la fiscalité sur les banques ne pourrait-elle pas être vécue comme une nouvelle incitation à 5/12

2 Les clés d une mise en œuvre réussie par le Directeur des Risques de la Banque Postale Un entretien avec François Geronde La crise financière et l évolution des règles prudentielles, notamment la perspective de l entrée en vigueur de Bâle III, font de la gestion des risques une question essentielle dans la vie et l organisation des établissements bancaires comme nous l explique le directeur de cette activité à la Banque Postale. Comment abordez-vous l environnement prudentiel actuel, notamment en matière de gestion des risques? François Geronde : «C est assez complexe, notamment lorsque l on cherche à se projeter et à s inscrire dans la durée. D autant que tout s est accéléré depuis 2007 avec un enchaînement d évolutions réglementaires, puis, plus récemment, avec la perspective de l entrée en vigueur de Bâle III au 1er janvier 2013, mais dont le processus de mise en œuvre devrait se poursuivre jusqu en 2018 ou 2019. C est d autant plus délicat lorsque l on est une banque jeune, en plein développement, à mi chemin entre les grandes banques [les établissements dits «systémiques», NDLR] et les plus petites, puisque la Banque Postale n a démarré ses activités qu au 1er janvier 2006 avec le crédit immobilier. Sont ensuite venus, le crédit à la consommation en 2009, l assurance IARD en 2010, les entreprises en 2011 et enfin les collectivités locales aujourd hui. Ce qui fait désormais de nous une banque de plein exercice et nécessite un important programme de consolidation au niveau des risques». mises en œuvre, même si la pression des agences de notation pourrait conduire à une accélération. Parmi les différentes évolutions instaurées par Bâle3, une des plus problématique pour La Banque Postale est le ratio de levier qui, en définitive, pourrait limiter la capacité des banques à prêter. Ce ratio n a pas de réelle justification pour une pure banque de détail.» Quelles sont vos relations avec l Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et comment abordez-vous l environnement réglementaire au niveau européen? «Nous avons de bonnes relations avec l ACP même si elle a aujourd hui tendance à durcir le ton avec l ensemble des établissements. De toute manière, l essentiel de la réglementation se décide désormais au niveau européen avec une homogénéisation des règles à l ensemble des Etats membres. Cette notion de «single rule book» qui consiste en un transfert de pouvoir du niveau national au niveau européen, complexifie les choses pour La Banque Postale qui, compte tenu de son positionnement exclusivement domestique, n a que de très faibles moyens d actions auprès des différentes autorités européennes.» Comment jugez-vous l environnement réglementaire actuel? «Il y a depuis 2010 une surenchère qui aboutit à trop de réglementation avec un empilement de mesures qui prises unitairement peuvent avoir un sens, mais dont le cumul peut s avérer problématique pour les banques et donc pour le financement de l économie. Cela dit, à événements exceptionnels, mesures exceptionnelles. Ensuite, tout est une question de phasage des Un banquier spécialiste de la gestion des risques François Geronde connait bien son métier. Directeur des Risques et membre du comité exécutif de la Banque Postale depuis décembre 2011, ce polytechnicien a auparavant passé près de dix ans en salle de marché, notamment à la Société Générale, puis à la direction des risques du Crédit Agricole. Entré à Efiposte, l antichambre de la Banque Postale qui assurait alors la gestion des CCP de la Poste, en 2002, il a pleinement participé à la création du nouvel établissement. Un parcours qu il qualifie de «pari» et de «véritable aventure» dans le cadre d un projet de développement de La Banque Postale particulièrement rapide et ambitieux, dont il estime qu il est pleinement respecté. 6/12

Quel a été l impact de la crise sur votre organisation? «Nous sommes en train de procéder à certains ajustements afin d intégrer toutes les évolutions réglementaires survenues depuis 2006, année de création de La Banque Postale. Pour le reste, on a surtout constaté que l on parlait auparavant beaucoup de «contrôle» et assez peu de «risques». Aujourd hui, il y a un travail d analyse et d anticipation beaucoup plus important, ce qui revalorise significativement la fonction risque. On constate ainsi, et c est intéressant, que les établissements qui ont le mieux résisté à la crise sont ceux où la direction des risques était solidement installée dans le paysage. De toute manière, la réglementation n évolue que par les crises. Ce qui se passe aujourd hui, c est que l on est obligé de «consolider» les risques, alors que les divers établissements n en avaient auparavant qu une vision «en silo». Avec l empilement actuel des différents risques (marché, crédit, immobilier, risques opérationnels), on est obligé d avoir une vision nécessairement décloisonnée.» Quel est l apport de Vertuo Conseil dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie de votre direction? «Les consultants de Vertuo interviennent notamment sur la mise en conformité et le pilotage interne des dispositifs de gestion des risques (mise en place d outils de suivi et d alerte) et la mise en conformité à certaines exigences réglementaires (segmentation de la clientèle, gestion des défauts, tableaux de bord). D une manière générale, nous préférons travailler avec de «petits» cabinets qui s approprient véritablement notre problématique plutôt qu avec ceux qui «déroulent» leur méthode toute prête.» 7/12

3 Expertise par Philippe Richard, directeur des Affaires internationales de l Autorité de contrôle prudentiel (ACP) Comment Bâle III et Solvabilité II vont modifier les règles prudentielles dans la banque et l assurance Les grandes lignes de la réforme internationale en cours dans les domaines bancaire et assurantiel s articulent autour de deux grands dispositifs nommés respectivement Bâle III et Solvabilité II. En premier lieu et en ce qui concerne les établissements bancaires, Bâle III est au cœur des réformes en cours avec notamment l introduction de trois nouveaux ratios. Conçu comme une réponse à la crise qui a débuté en 2007, ce dispositif résulte des travaux du Comité de Bâle impulsés par le G 20. Sur le plan quantitatif, Bâle III va se traduire par un relèvement bienvenu des exigences de solvabilité des banques : au dénominateur du ratio de solvabilité, les exigences de fonds propres relatives aux risques de marché et de titrisation sont sensiblement accrues ; au numérateur, les fonds propres sont désormais constitués pour l essentiel de capital et de réserves, complétés par au moins deux coussins de «sécurité» et «contra-cyclique», que les banques pourront mobiliser en cas de crise moyennant des restrictions en termes de distribution de résultats ; en complément, les établissements dits «systémiques» et dont les difficultés seraient susceptibles de provoquer des réactions en chaîne Lehman Brothers en est une illustration devront disposer d une capacité accrue d absorption des chocs, matérialisée par une couche de fonds propres supplémentaires. Trois nouveaux ratios vont par ailleurs être mis en place : un ratio de liquidité à un mois (LCR ou liquidity coverage ratio) ; un ratio de transformation à un an (NSFR ou net stable funding ratio) ; un ratio de levier destiné à limiter le total des engagements des banques au regard des fonds propres. Sur le plan qualitatif, le Comité de Bâle impose par ailleurs des règles de gouvernance renforcées comportant une implication accrue des organes dirigeants des banques, et des exigences de rigueur pour la gestion des risques ainsi que la transparence vis-à-vis des marchés et des superviseurs. Un renforcement bienvenu des ratios qui appelle toutefois certaines réserves La mise en œuvre de standards harmonisés sur la liquidité est une incontestable avancée, la France disposant déjà de sa propre réglementation depuis maintenant plus de vingt ans. Ce liquidity coverage ratio ou LCR présente néanmoins des imperfections. Il privilégie le financement des États au détriment des autres agents économiques en faisant de la dette souveraine l élément principal du «coussin» de liquidité. Les inquiétudes soulevées par l état des finances publiques de certains pays jettent en outre un éclairage particulier sur ce ratio, dont nous souhaitons une révision en défendant notamment l élargissement de la liste des actifs liquides repris à son numérateur. Les discussions devraient très prochainement aboutir (en principe d ici mi-2013 pour le LCR et d ici mi- 2015 pour le NSFR). Nous veillerons à ce que ces nouvelles règles n aient pas d impact indirect négatif sur le financement des entreprises, notamment les PME. En ce qui le concerne, le ratio de levier n a pas démontré sa pertinence et reste trop dépendant des cadres comptables, encore sensiblement différents entre l Europe et les États-Unis. Sa mise en œuvre ne pourrait donc être envisagée qu au titre du Pilier 2, comme un simple élément d analyse globale de l adéquation des fonds propres des banques. 8/12

Solvabilité II, des objectifs différents de ceux de Bâle III En matière d assurance, les objectifs de Solvabilité II sont différents de ceux de Bâle III, la réforme ayant été engagée avant que n éclate la crise financière et les assureurs traditionnels ayant été relativement épargnés. Le nouveau régime vise en effet à harmoniser et à renforcer la réglementation prudentielle du secteur de l assurance en Europe. Cette réforme, élaborée pour améliorer l évaluation et le contrôle des risques, était nécessaire à plusieurs égards. Le cadre prudentiel actuel est en effet peu sensible à la diversité des risques associés à chaque type d activité ; il était également devenu illisible au plan international en raison de la multiplicité des principes comptables, des règles prudentielles et des pratiques de contrôle. La mise en œuvre de réformes d une telle ampleur va inéluctablement modifier le business model des établissements concernés. Ce qui soulève inévitablement la question des ajustements en matière de gestion actifpassif des banques et des organismes d assurance. En l état actuel des négociations, Solvabilité II devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2014 et n imposera pas, contrairement à Bâle III, de renforcement des fonds propres des organismes français. Les résultats d études quantitatives d impact réalisées en 2010 pour évaluer les conséquences de la nouvelle réglementation ont permis de mettre en évidence la solidité du marché français et de souligner sa capacité à respecter les nouvelles exigences sans besoins de capitaux supplémentaires. Au-delà de la refonte des principes d évaluation de leurs provisions techniques, au passif, la nouveauté de Solvabilité II réside dans la mise en œuvre d une hiérarchie des différentes classes d actifs en fonction de leur risque. Détenir des actions ou une obligation à 20 ou 30 ans n expose pas aux mêmes risques que d acheter un billet de trésorerie pour quelques mois. L atteinte de cet objectif suppose néanmoins que les banques mobilisent des ressources qui se chiffrent, pour les seuls établissements européens, à plusieurs centaines de milliards d euros. Au niveau mondial, l International Institute of Finance (IIF) évalue le coût de la mise en œuvre de Bâle III à 1.300 milliards de dollars. Des chiffres qui doivent être mis en regard de ceux relatifs au coût de la crise financière que le Fonds monétaire international (FMI) estimait, en avril 2009, à plus de 4.000 milliards de dollars, auquel il faudrait sans doute ajouter le coût de la tempête qui s est ultérieurement abattue sur les marchés. Quand l histoire s accélère sous la pression des marchés financiers Si le cap reste fixé d un point de vue réglementaire au 1er janvier 2019, les banques européennes sont aujourd hui soumises à de fortes pressions en raison de leur exposition sur la dette souveraine des pays dits «périphériques» de la zone euro et des difficultés qu elles auraient à se refinancer sur les marchés à court terme, notamment en dollars. Dans un effort pour tenter de restaurer la confiance, de grandes banques françaises ont annoncé diverses mesures destinées à renforcer leur solvabilité et à réduire leurs besoins de liquidités en dollars. Elles se sont aussi successivement engagées à respecter le nouveau ratio bâlois au cours de l année 2013, soit six ans avant l échéance fixée par les textes. L exercice d évaluation et de recapitalisation lancé par l European Banking Authority (EBA) en décembre 2011 afin d assurer le respect d un ratio de solvabilité de 9% à fin juin 2012 permettra dans ce contexte difficile d accélérer la préparation des établissements européens à ce nouvel environnement concurrentiel et réglementaire. Bâle III, qui entrera officiellement en vigueur le 1er janvier 2013, soulève des questions d une autre nature et d une ampleur incomparable. Conscient des répercussions potentielles du nouveau cadre prudentiel bancaire sur l économie, le Comité de Bâle a décidé de le mettre en œuvre de manière progressive jusqu en 2019. Une période transitoire avec un impact limité à 0,2% du PNB mondial d ici à 2019 Ce calendrier n a pas été fixé au hasard. Parallèlement à la conduite des négociations sur le calibrage des différents volets de la réforme, le Comité de Bâle a en effet conduit plusieurs analyses d impact. Fixée jusqu en 2019, la période de transition se traduira, aux termes de l analyse, par une contraction cumulée de 0,2 % seulement du PNB mondial pour la période allant de 2013 à 2019. D autres études ont ensuite évalué l impact à long terme de Bâle III. Il en ressort que des crises bancaires se produisent environ tous les 20 à 25 ans, soit une probabilité de survenance de 4 % à 5 % par an et que l accroissement du ratio de solvabilité sur fonds propres «durs» de 7 % à 8 % permet d abaisser la probabilité annuelle de survenance d une nouvelle crise de presque un point de pourcentage. Sur le long terme, cette réduction de la probabilité d une nouvelle crise se traduit à son tour par un effet positif sur le PNB mondial compris entre 0,2 % et 0,6 %. 9/12

Comment fonctionne l Autorité de contrôle prudentiel Autorité administrative indépendante créée en janvier 2010, l Autorité de contrôle prudentiel (ACP) est chargée de superviser l activité des banques et des assurances en France en veillant «à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle». Présidée par le Gouverneur de la banque de France, elle délivre les agréments des entreprises du secteur bancaire et de l assurance tout en étant chargée de surveiller leur situation financière. L ACP contrôle ainsi le respect des exigences de solvabilité de ces mêmes établissements tout en veillant au respect des règles relatives à la liquiditée des banques. Au plan international, l Autorité représente la France dans les diverses instances supranationales de la banque et de l assurance, une mission particulièrement importante pour faire entendre sa voix dans ces enceintes où se préparent des évolutions réglementaires extrêmement structurantes (Bâle III, Solvabilité II). L ACP se compose d un collège de dix-neuf membres, avec possibilité de se réunir en formation restreinte (8 membres), et de deux souscollèges sectoriels, l un dans l univers de la banque, l autre dans l univers des assurances. Une Commission des sanctions présidée par un conseiller d État et diverses commissions consultatives complètent le dispositif. Au total, l ACP compte un peu plus d un millier de collaborateurs. 10/12

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